<h1>Noelfic</h1>

Espoirs Crépusculaires


Par : Droran

Genre : Polar , Horreur

Status : C'est compliqué

Note :


Chapitre 9

Publié le 17/10/15 à 01:34:58 par Droran

Comme suite à cela, il s’enferma dans un mutisme duquel Cheryl n’osa le tirer. Elle le devinait perdu dans ses pensées, espérait qu’il se prononce à nouveau. La protection de la jeune fille restait toujours une priorité, et en ce sens, qu’importe qu’il soit ou non lui-même, rien ne changeait.
Hoel fixa son propre regard dans la glace, y vit la prunelle de ses yeux. Ses pupilles étaient claires, plus grises que bleues ; d’une pureté telle qu’elle lui seyait mal, à lui qui ne voulait que faire le bien, mais dont les faits et actions laissaient entendre le contraire. Les évènements de la nuit passée lui firent éprouver une honte irrépressible, et il déglutit. La demoiselle, muette, le sentit sombrer lentement dans ses réflexions, frissonna en déportant son attention sur la peau froide du jeune homme contre laquelle sa joue restait appuyée. Lui, peu à peu, s’en allait ailleurs, quittait l’appartement à mesure que ses souvenirs ressurgissaient.
Sans mal, il posait le pied sur la dernière lame d’escalier, à la suite de Tod, et usait d’efforts pour ne pas paraître suspect.
La pièce dans laquelle il pénétrait avait pour murs de vieilles bibliothèques vides, encerclant un bureau placé devant deux fauteuils de cuir. Trois âmes abritaient l’espace clos. Un homme chiquement habillé se détendait dans l’un des sièges, face au meuble derrière lequel restait assis celui qui semblait être le chef, dont le garde du corps sapé de noir demeurait immobile à ses côtés.
Hoel se sentit encore plus mal, se figea un instant, laissa fuir son regard à travers l’escalier en direction de l’étage du bas. S’il désirait s’échapper, la porte était à oublier ; aussi il balaya la salle jusqu’à ses murs, ignorant également les meubles vides de toute vie. Malheureusement pour lui, les vitres des fenêtres reflétaient l’éclairage de plafond, l’empêchant ainsi de discerner une quelconque voie de secours. L’antre semblait sans issue.
La Belle arrivait à son niveau, un sourire étirant ses lèvres purpurines. Il se remit en marche avant qu’elle ne pose la paume de sa main contre son dos pour le faire avancer, alla rejoindre Tod et leur accompagnateur devant l’imposant bureau en dévisageant chaque occupant de la pièce.
Étrangement, il ressentit comme une impression de déjà-vu lorsque son regard croisa celui du garde du corps posté sur la gauche du bureau. Il tiqua, et tenta de remettre la main sur un quelconque souvenir. L’homme avait déjà croisé sa route, la chose était certaine. Mais où ? Tentant de répondre à son interrogation, il s’évada un court instant, se plongea dans ses réflexions.
Une centaine de visages s’affairaient autour de lui. Vêtu d’une veste chaude, d’un béret beige et de mitaines confortables, il zigzaguait entre les bureaux, tendant l’oreille dans l’espoir de percevoir des bribes de conversations intéressantes. Divorcés par-ci, meurtriers par-là. Si vous ignoriez que l’officier Silva avait des problèmes avec une prostituée qu’il avait mise enceinte, sachez que Hoel le savait. Peu de choses lui échappaient, et pourtant rien de ce qu’il désirait entendre ne circulait dans l’office de travail. À intervalles réguliers, son regard s’arrêtait sur une porte close, derrière laquelle le commissaire de police s’entretenait de manière confidentielle avec des inspecteurs souvent de passage le temps d’un rapport. Des entrevues secrètes demeurant inaccessibles pour quiconque, au cours desquelles les conversations échangées devaient être d’une importance capitale.
Il continua d’avancer en tentant d’imaginer ce qui pouvait bien s’y jouer. Un brin songeur, il passa entre deux bureaux à travers une allée, et coupa le passage d’une secrétaire pressée. Surprise, elle ne put l’esquiver. Tous deux se percutèrent. Repoussé, l’adolescent referma une main autour du bras de la femme, puis chavira, s’étala sur le bord d’un bureau au-dessus duquel il relâcha ses journaux sans pour autant parvenir à se réceptionner. L’employée le suivit dans sa chute en lâchant une plainte effrayée.
Au sol, Hoel s’empressa de s’excuser, lui demanda si tout allait bien. Elle lui répondit positivement tout en remettant en ordre ses cheveux coupés en carré long, dont les pointes étaient froissées. Son béret lui avait échappé, aussi il le ramassa avec soin avant d’entreprendre un geste pour relever l’importune.
Au-dessus d’eux, trois personnes restaient plantées sur place en les reluquant, dans l’attente qu’ils libèrent le passage. On ne pensa pas à les aider, jugeant probablement qu’ils s’en sortiraient très bien.
Dans l’agitation alentour, parmi les travailleurs, un homme s’avança alors que Hoel se redressait. Vêtu d’un costume gris porté sur une chemise blanche arborant une cravate noire descendant le long de ses boutons, il tendit une main en direction de la dame pour la soulever.
— Rien de cassé, Delphine ? s’inquiéta-t-il sans changer sa position.
— Non. Merci beaucoup, lui répondit-elle d’une voix d’ange en saisissant son avant-bras et d’un même temps son poignet.
Prenant appui sur ses jambes, bras tendu vers l’homme, elle se releva lentement. Son chemisier blanc étant froissé, elle fit descendre la paume de sa main de son épaule jusqu’à son ventre pour qu’il redevienne présentable.
Allumeuse, commenta pour lui-même Hoel, en se recoiffant de son vêtement.
— Merci, je vais bien également, se permit-il de leur faire savoir en prenant un air désintéressé.
Cependant, l’homme n’apprécia pas son impolitesse.
— Fais plus attention la prochaine fois, petit con ! lui ordonna-t-il en le repoussant. Qui tu es, d’abord ?
Hoel ne se laissa pas dépasser, et ne s’énerva pas. Il fixa dans les yeux cet homme aux cheveux bruns propre sur lui, dont l’expression faciale rendait un air de fils à papa tentant de paraître méchant. Cela ne prenait pas avec lui.
— Adam Field. Je distribue le journal, m’sieur l’agent… récita l’adolescent d’une voix faussement timide, en se saisissant des quelques exemplaires posés sur le bureau n’ayant pas su retenir sa chute.
— Inspecteur, le corrigea l’adulte. J’ignore quel est l’incapable qui t’a laissé entrer, mais barre-toi vite d’ici.
— Je peux au moins faire un dernier tour pour distribuer ce qui me reste ?
— Casse-toi de là ! Ou tu préfères que je demande à ce qu’on te mette en garde à vue ?
Et toi, tu ne préfères pas juste crever ?
— Non, bien sûr, m’sieur. Je m’en vais tout de suite. (Il se retourna vers la prénommée Delphine.) Ne m’en voulez pas pour la bousculade. Vraiment, je suis bête.
Le regard baissé, il déposa sur le bureau les quelques journaux restants, et faussa compagnie aux deux adultes. De toute manière, il comptait repasser dans la semaine. Mieux valait profiter des derniers jours d’automne avant que l’hiver ne s’installe.
Encore et toujours des souvenirs, desquels il s’extirpa subitement. C’était donc là qu’il l’avait vu. Si la situation ne s’en montrait pas plus rassurante, elle prenait au moins une nouvelle tournure. Il se souvenait s’être méfié au matin, lors de l’échange qu’il avait eu avec un représentant de l’ordre devant la gare. Soudainement, il réalisait avoir vu juste.
De tous les flics infiltrés, il a fallu que j’aie la chance de tomber sur toi, pensa-t-il sans le quitter du regard.
Heureux de cette découverte, il se retourna alors discrètement vers l’indésirable marchant à sa suite, qui vit son sourire disparaître aussitôt que leurs regards se croisèrent ; Hoel le lui ayant ravi.
À leur droite, l’homme qui les accompagnait prit les devants, s’adressa à son chef resté stoïque derrière son pupitre.
— Les gosses venus pour affaire, annonça-t-il tout en présentant de son bras les deux jeunes invités.
S’il avait voulu les décrédibiliser, il ne s’y serait pas mieux pris. Ce qu’avait dit Tod avant d’entrer dans le lieu avait été dans le vrai, on ne les prenait pas au sérieux. Néanmoins, l’homme installé derrière son imposant bureau s’agita, décrispa ses traits. Il étala ses bras forts sur le meuble, plaça ses paumes à plat devant lui. Drôle d’habitude, nota Hoel, qui reluquait les traits épais du crâne rasé de ce truand accoutré d’une chemise bordeaux ouverte sur des chaînes dorées pendant sur ses pectoraux grassouillets.
— Monsieur Ledgevy, j’éprouve un sincère plaisir à vous recevoir ! s’exclama-t-il à l’adresse de Tod sans pour autant paraître réellement enthousiaste. Pouvoir vous compter parmi nous ce soir ne peut qu’augurer une longue et chaleureuse entente.
— Chose que j’espère, monsieur Ruffus Le Furieux… répondit le jeune adulte, visiblement intimité.
Leur hôte s’amusa de cette réaction, souleva l’un de ses bras en arborant un large sourire.
— Appelez-moi Ruffus.
D’un mouvement, il invita le jeune homme à s’asseoir sur le second fauteuil resté libre. Ce dernier s’exécuta dans le silence le plus total.
Hoel, étranger à leur conversation, allait demeurer sur ses deux jambes, non loin de son chef. Posture qui ne le dérangeait aucunement, bien au contraire. Il craignait de ne pas ressortir du lieu vivant, mais luttait contre ses peurs pour s’armer de courage. L’énigmatique beauté restait muette derrière lui, déployait de temps à autre une langue rose, du bout de laquelle elle caressait sa lèvre inférieure en laissant entrevoir de superbes incisives nacrées. Délicieuse volupté, fallacieuse maniérée ; l’ensorceleuse aguichait par quelques minauderies. Son regard appelait à ses supposés collègues, qui gardèrent un œil discret sur l’adolescent.
Par deux fois, il s’en rendit compte. Sans savoir exactement comment, à chaque seconde distillée l’étau se refermant sur lui se faisait plus ressentir. Son instinct s’expérimentait en cette nuit.
En avant, le truand s’accouda à son bureau, prit un air plus sérieux.
— J’aimerais mieux comprendre votre mésaventure de cette nuit, monsieur Ledgevy. M’est parvenu que la police avait mis la main sur plusieurs membres de votre groupe, dont votre cher frère Tony. Qu’en pensez-vous ? Vous aurait-on vendu à la police ? Est-ce une possibilité à envisager ?
— C’est ce que je crois, acquiesça Tod. Et j’ai besoin de votre soutien pour arranger cette fâcheuse situation.
— Et qu’avez-vous à me proposer ? demanda Ruffus, le visage impassible.
Le jeune adulte sembla hésiter, mais continua : —70 % de nos revenus, avec vous seul pour fournisseur. Nous rejoignons vos rangs, travaillons en votre nom. Vous gagnez une branche dans nos quartiers et quelques soldats de plus.
— Ainsi, vous touchez un plus large secteur d’activité et n’êtes perdant de rien, répondit le mafieux. Très malin de votre part. Vous souhaitez entrer dans la cour des grands...
Il marqua un temps de pause, balaya la salle d’un regard froid.
— Seulement, cela a un prix. Savez-vous au moins qui vous a trahi, monsieur Ledgevy ?
— Au risque de vous surprendre, continua Tod, le nom du fautif ne m’est pas étranger. Je suis prêt à vous le livrer de suite, et même à l’abattre moi-même, si c’est ce que vous attendez de ma part.
Le cœur de Hoel battit plus fort. Son sourire disparut. Où il veut en venir ? Se questionna-t-il en repensant aux heures passées. Il se rappelait la conversation dans l’ancien hôtel, et enserra le bord des manches de son pull tout en réfléchissant.
— Qui ? interrogea avec insistance Ruffus Le Furieux, en étalant de nouveau ses mains devant lui.
Un sourire se dessina sur le visage du jeune chef de gang.
— Il s’agit de l’homme se tenant actuellement derrière moi, répondit-il vicieusement.
Le cours du temps sembla s’arrêter. Un cliquetis métallique résonna. Le cœur de Hoel fit un bond dans sa poitrine, se figea, et s’emballa de plus belle.

Commentaires

Sheyne

25/11/15 à 03:19:50

Ouais... Vraiment hyper complet avec un vocabulaire de dingue. Et cette execution... ce serait presque plus glauque que mes descriptions.

Toujours aussi fan ! Me rappel que la scène de la fusillade qui vient après était un peu embrouillé dans le premier jet, j'ai hate de la relire :D

Sheyne

25/11/15 à 03:10:14

"N'est-ce pas, Hoel ?" :rire:
Même la suite directe est génialissime.

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