Espoirs Crépusculaires
Par : Droran
Genre : Polar , Horreur
Status : C'est compliqué
Note :
Chapitre 10
Publié le 19/10/15 à 20:02:07 par Droran
— N’est-ce pas, Hoel ? continua Tod en se retournant, tout en appuyant son avant-bras sur le dossier du fauteuil.
L’homme assis à ses côtés, resté jusque-là silencieux, pivota à son tour. Son attention imita celle des autres en se braquant sur Hoel, qui vit son visage se décomposer. La sonorité métallique s’était fait entendre derrière son dos, et il se retourna, lentement, sans un geste brusque. Visiblement, la femme pointait une arme à feu dans sa direction. Le type de jouet n’épargnant ni la chair ni les os. À sa vue, le menacé grimaça, puis pivota à nouveau. Les hommes de main sondèrent leurs vestes et en sortirent eux aussi des calibres, qu’ils pointèrent vers son torse.
— Vous pourriez me ménager… se plaignit Hoel, qui en signe de soumission leva les mains à hauteur de ses épaules.
Ruffus Le Furieux échappa un rire nerveux, tapota de ses doigts la surface de bois à laquelle il s’accoudait en fixant intensément l’adolescent qui, lui, portait son attention sur le visage installé sur la gauche de Tod.
Un poing s’abattit sur le bureau.
— Sale petit enculé ! Regarde-moi ! brailla le molosse derrière son pupitre.
Hoel déplaça son regard sur lui, l’air méfiant. Il en venait à se demander comment la situation allait évoluer.
L’homme remua sur son siège, se pencha vers l’avant en tentant de se reprendre, puis plaqua l’une de ses larges mains sur son menton, l’en décolla lentement ; donnant ainsi la fausse impression d’avoir eu un instant de réflexion. L’adolescent se contenta d’observer les chaînes qui se balancèrent autour de son cou.
— Tu travailles pour la police ? questionna-t-il le traître.
Hoel dégaina inopinément le sourire dont il s’était délesté, et l’effaça aussitôt pour n’offusquer personne.
— Non, vous n’y êtes pas du tout. Je ne travaille pour personne, expliqua-t-il en gardant un ton neutre masquant mal sa crainte d’être abattu. Et vous ? Puisque vous comptez des flics dans vos rangs, dois-je croire que vous bossez pour la police ?
Ruffus balaya la salle d’un seul regard, espérant partager un rire amusé.
— Tu oses me demander ça, à moi ? T’es défoncé ? Tu viens chez moi, dans mon bar, et tu te permets de distribuer connerie sur connerie en espérant t’en tirer ? (Il reprit un air sérieux, presque menaçant.) Je t’ai posé une simple question, et maintenant je vais t’en poser une autre : si tu ne bosses pas pour eux, comment les flics sont tombés sur le groupe de monsieur Ledgevy ?
Le canon de l’arme à feu tenue dans son dos se colla contre sa colonne vertébrale. La femme s’était avancée alors que les traits du visage de Ruffus Le Furieux se durcissaient peu à peu.
— Serais-tu en train de trembler ? L’exquise sensation du métal froid contre ta peau, tes os s’entrechoquant sous l’extase engendrée par la crainte d’être tué… Rien de cela ne t’est étranger. Aurais-tu oublié ?
Il ne comprit pas totalement, mais se retourna précautionneusement vers la dangereuse beauté.
— Sauf votre respect, et avec toute la délicatesse que je dois à votre joli minois, si vous ne me menaciez pas vous prendriez un soufflet. Vos suites de mots flippantes, si je comprends qu’elles vous tentent, mériteraient d’être ravalées.
Alors même que sa vie ne tenait qu’à un fil, cet échange lui donna l’impression de perdre son temps. Il ferma les yeux un instant, sans baisser les mains, avala sa salive, puis les rouvrit. Ruffus semblait attendre sa réponse avec impatience.
— Qu’une poignée d’imbéciles se soient fait coffrer n’a aucune importance. (Il baissa l’un de ses bras en direction de Tod.) La personne ici présente est là pour conclure une affaire avec vous, car oui, j’ai prévenu la police afin qu’elle leur tombe dessus cette nuit. C’est regrettable, mais c’est son problème. Je savais vers qui il viendrait pleurer, et c’est pour vous rencontrer que je suis là ce soir.
Les âmes en présence se firent silencieuses. Il n’avait pas menti, et cela se devinait aisément. Pourtant, il bluffait. On l’avait eu en beauté. Dans un plan différent, il aurait espéré ne pas être démasqué et rejoindre leur rang dans l’indifférence totale. Tel que les évènements se déroulaient, il ne pourrait que finir criblé de balles ; mais fort heureusement, la chance lui souriait en la présence d’une personne remarquée lors de son arrivée.
Ruffus Le Furieux se releva précipitamment en renversant son fauteuil confortable, les veines de ses tempes prêtes à exploser.
— Tu te fous de ma gueule, petit merdeux ?!
— Non… Je veux juste discuter, se risqua à répondre craintivement l’adolescent. Ou plutôt, vous proposer un marché. Quelqu’un m’attend et je ne compte pas mourir ce soir.
Le cœur de Hoel s’accélérait davantage. Sa bouche s’asséchait petit à petit, mais il déglutit une nouvelle fois, s’apprêta à continuer ; seulement, une voix résonna derrière son dos pour calmer les ardeurs de l’être colérique.
— Tel qu’à l’accoutumée vous êtes incapables de discerner un cloporte d’un homme sui generis. Je vous avoue en être chagrinée, se plaignit la mystérieuse en portant un regard accusateur sur ses homologues masculins.
Étonné par les mots prononcés, l’homme installé sur le premier fauteuil en vint à mettre son grain de sel dans la conversation. Il leva une main entre lui et son hôte énervé.
— Si le petit l’intéresse, laisse-le parler Ruffus.
Hoel ne mit pas longtemps à se rendre compte que, s’étant contenté de rester spectateur, l’inconnu n’avait pourtant perdu aucune miette de ce qui se jouait autour de lui. L’allure fière, accentuée par son costume à trois cents billets et sa coupe de cheveux impeccablement coiffée en arrière de son crâne, lui donna immédiatement l’impression d’avoir affaire à une personne ne s’abaissant habituellement pas à fréquenter ce genre de lieu.
Ruffus Le Furieux releva son siège et s’y installa de nouveau, confirmant ainsi qu’ils se trouvaient en compagnie d’une grande ponte criminelle dont Hoel n’avait jamais entendu parler.
— Réfléchis bien aux prochains mots que tu prononceras, ce pourraient être les derniers, proféra l’imposant truand en reposant ses coudes sur son bureau.
Hoel abaissa ses bras, rassembla rapidement ses pensées. Il se devait d’abattre ses cartes sur-le-champ ou tout serait fini pour lui. Son regard se releva un instant vers le garde debout sur la gauche du bureau, et déclina en un éclair. S’il en venait à parler, il lui faudrait poser ses conditions et garder son calme ; mais manquait encore à savoir dans quel ordre exprimer ce qu’il savait.
La pression le fit transpirer quelque peu. Il finit par balayer la salle d’un seul regard, puis ouvrit la bouche :
— Voyez-vous, je sais certaines choses, comme le fait qu’on emploie un petit groupe en pleine expansion tel que le vôtre pour enlever d’innocents bambins. À côté, il y a des choses que j’ignore, comme le pourquoi de tout cela et ce que vous faites d’eux.
Ruffus déplaça lentement l’un de ses bras sous son bureau, jusqu’à un tiroir qu’il ouvrit en grand, duquel il sortit un revolver qu’il plaça à plat devant lui.
— Abrège, ou je t’abrège.
Tu fais déjà assez peur, connard, se dit Hoel en revêtant ses lèvres du sourire dont il s’était débarrassé il y a un moment.
— Très intimidant, ironisa-t-il dangereusement. Je comprends bien la situation. Si je suis là, c’est pour apprendre de vos bouches ce que je ne sais pas. À savoir, qui vous paie pour les enlèvements, et où partent les gosses. (Il releva les bras, mit ses mains bien en évidence.) Mais jamais je n’oserais demander de telles infos gratuitement, alors voici ce que je vous propose : vous me donnez un nom, et je vous dis qui parmi nous dans cette pièce fait partie de la police sans que vous le sachiez. Qu’en pensez-vous ? C’est un bon deal, non ?
Le canon tenu par la femme s’appuya davantage contre sa peau, remonta le long de son dos jusqu’à venir caresser sa nuque. Face à lui, le garde qu’il reconnaissait comme étant inspecteur de police enserra plus fortement son arme à feu. Il ajouta :
— La personne qui m’abattrait par inadvertance avant que je parle ferait certainement un coupable tout désigné. Et on ne lui en voudra pas, puisque si elle ne porte pas de micro et n’a aucun allié proche pour lui venir en aide, je ne donne pas cher de sa peau.
Hoel feintait de reprendre confiance, mais il en était tout autre. Il voyait la suite d’un mauvais œil. La seule réponse qu’il recevrait ne serait probablement qu’une pluie de plombs et une plongée dans un égout, où il reposerait éternellement. En conséquence, ses pensées se tournèrent vers un moyen de sortir de ce bureau sur ses deux jambes et en bonne santé.
Seulement, l’homme silencieux assis dans son fauteuil de cuir ne le laissa pas se perdre dans ses réflexions.
— Tu dis ne pas travailler pour la police mais tu en connaitrais les agents ? demanda-t-il calmement.
— Pour avoir traîné plus d’une fois au commissariat, je sais reconnaître les hommes et les femmes qui y sont employés, surtout s’ils ont la malchance d’attirer mon attention.
Le mafieux adressa un signe de main à Ruffus, qui se releva en affichant un large sourire.
— Étonne-moi, petit ! le pria-t-il en se saisissant de son flingue.
D’un rapide mouvement de tête, Hoel l’invita à jeter un regard sur sa propre droite, vers le premier garde resté muet, qui voyait la situation lui échapper totalement. Ses mains tremblaient légèrement mais parvenaient à garder l’adolescent dans leur ligne de mire.
— C’est vrai ce qu’il dit, Le Génie ? se vit être questionnée la supposée taupe.
L’homme abaissa son arme, se tourna vers son chef.
— Bien sûr que non, tu ne vas quand même pas croire ce gosse ?
— Lâche ton jouet, on va éclaircir cette histoire.
L’obligé ne sembla pas rassuré, mais rangea son arme dans un holster caché sous sa veste.
— Maintenant, fais voir tes mains. Lève-les, lui ordonna son chef.
— Mais, merde, patron…
Sans sommation, Le Furieux abaissa son bras et écrasa la gâchette de son pistolet. Une détonation retentit, et un projectile perça la chair, se figea dans l’os de la jambe du réfractaire, qui en un cri perdit son équilibre et chuta en avant ; sans avoir le temps de toucher le sol. Ruffus attrapa violemment le col de sa chemise et le fit valdinguer sur la surface du bureau, contre laquelle il plaqua son crâne tout en appuyant l’arme à feu contre son front.
— On va bien voir si tu dis vrai ! s’impatienta Ruffus, la bave aux lèvres.
D’un geste, il fit sauter les boutons de la chemise de l’otage, mit à nu sa poitrine alors même qu’il se tordait de douleur. Rien, pas un micro ne courait le long de sa hanche. Pourtant, une légère excroissance ressortait en relief sur son épaule.
Ruffus jubila, sortit un imposant couteau de derrière sa ceinture. Adressant tout d’abord des regards à Tod et son second garde du corps, il leur intima de venir maîtriser la victime. Ceux-ci se jetèrent sur le malmené, l’empêchèrent de se débattre en saisissant ses bras.
— Ne le lâchez pas, les gars.
Le caïd s’institua chirurgien, plongea la pointe de son bistouri improvisé à travers la peau du pauvre homme, incisa la chair d’un lent roulement de poignet. La lame de métal en ressortit un minuscule cylindre d’acier inoxydable. Un traceur, couramment utilisé pour suivre une personne sans jamais perdre sa position.
Serrant le tout petit dispositif dans son poing, Ruffus releva un regard inquisiteur vers l’adolescent.
— Tu jures qu’il n’est pas ton complice, minus ?
Hoel ne saisit pas le but de la question. Sa réponse se fit presque attendre. Il sentait une main tremblante au bout de l’arme lui chatouillant la nuque, et son attention se portait sur l’infiltré qui se débattait en respirant fortement, levait par intermittence son visage cramoisi vers lui, tout en tendant son bras vers sa jambe blessée sans que ses doigts parviennent à atteindre la blessure d’où s’écoulait un flot inquiétant de liquide de vie.
— Dites-moi d’abord ce que je veux savoir, articula l’adolescent, qui n’en revenait pas que son plan en arrive jusque-là.
Ruffus relâcha son imposant canif, qui fondit sur le sol et s’y planta à la verticale. Sans un mot, il baissa les yeux vers l’homme qui semblait le commander.
— Les enfants partent pour le sud de la ville, convint l’inconnu. Quant à savoir quand, comment et où, je ne dirai pas un mot de plus à un supposé flic.
— Tu le connais, oui ou merde ? s’impatienta Ruffus.
— Non ! Sur la vie de ma mère, vous pouvez crever ce bâtard !
Les gardes du corps relâchèrent l’infiltré. Le Furieux laissa tomber le traceur à ses pieds, se saisit de la tête du pauvre homme, la fit violemment rebondir sur la surface de bois pour l’étourdir. Il recula d’un pas, tendit son bras devant lui tout en exerçant une pression de son index sur la gâchette métallique de l’engin de mort tenu entre ses doigts ; scellant ainsi le sort de sa victime. La balle fusa se loger dans la tempe gauche de l’infiltré, qui vit son crâne se disloquer et sa cervelle combler le manque de décoration du bureau.
Hoel ferma les yeux un instant, écœuré, et les rouvrit à temps pour voir Ruffus Le Furieux jeter son arme entre les mains d’un Tod couvert de sang. Je risque de ne pas être à l’heure, Cheryl, réalisa-t-il subitement.
L’homme assis à ses côtés, resté jusque-là silencieux, pivota à son tour. Son attention imita celle des autres en se braquant sur Hoel, qui vit son visage se décomposer. La sonorité métallique s’était fait entendre derrière son dos, et il se retourna, lentement, sans un geste brusque. Visiblement, la femme pointait une arme à feu dans sa direction. Le type de jouet n’épargnant ni la chair ni les os. À sa vue, le menacé grimaça, puis pivota à nouveau. Les hommes de main sondèrent leurs vestes et en sortirent eux aussi des calibres, qu’ils pointèrent vers son torse.
— Vous pourriez me ménager… se plaignit Hoel, qui en signe de soumission leva les mains à hauteur de ses épaules.
Ruffus Le Furieux échappa un rire nerveux, tapota de ses doigts la surface de bois à laquelle il s’accoudait en fixant intensément l’adolescent qui, lui, portait son attention sur le visage installé sur la gauche de Tod.
Un poing s’abattit sur le bureau.
— Sale petit enculé ! Regarde-moi ! brailla le molosse derrière son pupitre.
Hoel déplaça son regard sur lui, l’air méfiant. Il en venait à se demander comment la situation allait évoluer.
L’homme remua sur son siège, se pencha vers l’avant en tentant de se reprendre, puis plaqua l’une de ses larges mains sur son menton, l’en décolla lentement ; donnant ainsi la fausse impression d’avoir eu un instant de réflexion. L’adolescent se contenta d’observer les chaînes qui se balancèrent autour de son cou.
— Tu travailles pour la police ? questionna-t-il le traître.
Hoel dégaina inopinément le sourire dont il s’était délesté, et l’effaça aussitôt pour n’offusquer personne.
— Non, vous n’y êtes pas du tout. Je ne travaille pour personne, expliqua-t-il en gardant un ton neutre masquant mal sa crainte d’être abattu. Et vous ? Puisque vous comptez des flics dans vos rangs, dois-je croire que vous bossez pour la police ?
Ruffus balaya la salle d’un seul regard, espérant partager un rire amusé.
— Tu oses me demander ça, à moi ? T’es défoncé ? Tu viens chez moi, dans mon bar, et tu te permets de distribuer connerie sur connerie en espérant t’en tirer ? (Il reprit un air sérieux, presque menaçant.) Je t’ai posé une simple question, et maintenant je vais t’en poser une autre : si tu ne bosses pas pour eux, comment les flics sont tombés sur le groupe de monsieur Ledgevy ?
Le canon de l’arme à feu tenue dans son dos se colla contre sa colonne vertébrale. La femme s’était avancée alors que les traits du visage de Ruffus Le Furieux se durcissaient peu à peu.
— Serais-tu en train de trembler ? L’exquise sensation du métal froid contre ta peau, tes os s’entrechoquant sous l’extase engendrée par la crainte d’être tué… Rien de cela ne t’est étranger. Aurais-tu oublié ?
Il ne comprit pas totalement, mais se retourna précautionneusement vers la dangereuse beauté.
— Sauf votre respect, et avec toute la délicatesse que je dois à votre joli minois, si vous ne me menaciez pas vous prendriez un soufflet. Vos suites de mots flippantes, si je comprends qu’elles vous tentent, mériteraient d’être ravalées.
Alors même que sa vie ne tenait qu’à un fil, cet échange lui donna l’impression de perdre son temps. Il ferma les yeux un instant, sans baisser les mains, avala sa salive, puis les rouvrit. Ruffus semblait attendre sa réponse avec impatience.
— Qu’une poignée d’imbéciles se soient fait coffrer n’a aucune importance. (Il baissa l’un de ses bras en direction de Tod.) La personne ici présente est là pour conclure une affaire avec vous, car oui, j’ai prévenu la police afin qu’elle leur tombe dessus cette nuit. C’est regrettable, mais c’est son problème. Je savais vers qui il viendrait pleurer, et c’est pour vous rencontrer que je suis là ce soir.
Les âmes en présence se firent silencieuses. Il n’avait pas menti, et cela se devinait aisément. Pourtant, il bluffait. On l’avait eu en beauté. Dans un plan différent, il aurait espéré ne pas être démasqué et rejoindre leur rang dans l’indifférence totale. Tel que les évènements se déroulaient, il ne pourrait que finir criblé de balles ; mais fort heureusement, la chance lui souriait en la présence d’une personne remarquée lors de son arrivée.
Ruffus Le Furieux se releva précipitamment en renversant son fauteuil confortable, les veines de ses tempes prêtes à exploser.
— Tu te fous de ma gueule, petit merdeux ?!
— Non… Je veux juste discuter, se risqua à répondre craintivement l’adolescent. Ou plutôt, vous proposer un marché. Quelqu’un m’attend et je ne compte pas mourir ce soir.
Le cœur de Hoel s’accélérait davantage. Sa bouche s’asséchait petit à petit, mais il déglutit une nouvelle fois, s’apprêta à continuer ; seulement, une voix résonna derrière son dos pour calmer les ardeurs de l’être colérique.
— Tel qu’à l’accoutumée vous êtes incapables de discerner un cloporte d’un homme sui generis. Je vous avoue en être chagrinée, se plaignit la mystérieuse en portant un regard accusateur sur ses homologues masculins.
Étonné par les mots prononcés, l’homme installé sur le premier fauteuil en vint à mettre son grain de sel dans la conversation. Il leva une main entre lui et son hôte énervé.
— Si le petit l’intéresse, laisse-le parler Ruffus.
Hoel ne mit pas longtemps à se rendre compte que, s’étant contenté de rester spectateur, l’inconnu n’avait pourtant perdu aucune miette de ce qui se jouait autour de lui. L’allure fière, accentuée par son costume à trois cents billets et sa coupe de cheveux impeccablement coiffée en arrière de son crâne, lui donna immédiatement l’impression d’avoir affaire à une personne ne s’abaissant habituellement pas à fréquenter ce genre de lieu.
Ruffus Le Furieux releva son siège et s’y installa de nouveau, confirmant ainsi qu’ils se trouvaient en compagnie d’une grande ponte criminelle dont Hoel n’avait jamais entendu parler.
— Réfléchis bien aux prochains mots que tu prononceras, ce pourraient être les derniers, proféra l’imposant truand en reposant ses coudes sur son bureau.
Hoel abaissa ses bras, rassembla rapidement ses pensées. Il se devait d’abattre ses cartes sur-le-champ ou tout serait fini pour lui. Son regard se releva un instant vers le garde debout sur la gauche du bureau, et déclina en un éclair. S’il en venait à parler, il lui faudrait poser ses conditions et garder son calme ; mais manquait encore à savoir dans quel ordre exprimer ce qu’il savait.
La pression le fit transpirer quelque peu. Il finit par balayer la salle d’un seul regard, puis ouvrit la bouche :
— Voyez-vous, je sais certaines choses, comme le fait qu’on emploie un petit groupe en pleine expansion tel que le vôtre pour enlever d’innocents bambins. À côté, il y a des choses que j’ignore, comme le pourquoi de tout cela et ce que vous faites d’eux.
Ruffus déplaça lentement l’un de ses bras sous son bureau, jusqu’à un tiroir qu’il ouvrit en grand, duquel il sortit un revolver qu’il plaça à plat devant lui.
— Abrège, ou je t’abrège.
Tu fais déjà assez peur, connard, se dit Hoel en revêtant ses lèvres du sourire dont il s’était débarrassé il y a un moment.
— Très intimidant, ironisa-t-il dangereusement. Je comprends bien la situation. Si je suis là, c’est pour apprendre de vos bouches ce que je ne sais pas. À savoir, qui vous paie pour les enlèvements, et où partent les gosses. (Il releva les bras, mit ses mains bien en évidence.) Mais jamais je n’oserais demander de telles infos gratuitement, alors voici ce que je vous propose : vous me donnez un nom, et je vous dis qui parmi nous dans cette pièce fait partie de la police sans que vous le sachiez. Qu’en pensez-vous ? C’est un bon deal, non ?
Le canon tenu par la femme s’appuya davantage contre sa peau, remonta le long de son dos jusqu’à venir caresser sa nuque. Face à lui, le garde qu’il reconnaissait comme étant inspecteur de police enserra plus fortement son arme à feu. Il ajouta :
— La personne qui m’abattrait par inadvertance avant que je parle ferait certainement un coupable tout désigné. Et on ne lui en voudra pas, puisque si elle ne porte pas de micro et n’a aucun allié proche pour lui venir en aide, je ne donne pas cher de sa peau.
Hoel feintait de reprendre confiance, mais il en était tout autre. Il voyait la suite d’un mauvais œil. La seule réponse qu’il recevrait ne serait probablement qu’une pluie de plombs et une plongée dans un égout, où il reposerait éternellement. En conséquence, ses pensées se tournèrent vers un moyen de sortir de ce bureau sur ses deux jambes et en bonne santé.
Seulement, l’homme silencieux assis dans son fauteuil de cuir ne le laissa pas se perdre dans ses réflexions.
— Tu dis ne pas travailler pour la police mais tu en connaitrais les agents ? demanda-t-il calmement.
— Pour avoir traîné plus d’une fois au commissariat, je sais reconnaître les hommes et les femmes qui y sont employés, surtout s’ils ont la malchance d’attirer mon attention.
Le mafieux adressa un signe de main à Ruffus, qui se releva en affichant un large sourire.
— Étonne-moi, petit ! le pria-t-il en se saisissant de son flingue.
D’un rapide mouvement de tête, Hoel l’invita à jeter un regard sur sa propre droite, vers le premier garde resté muet, qui voyait la situation lui échapper totalement. Ses mains tremblaient légèrement mais parvenaient à garder l’adolescent dans leur ligne de mire.
— C’est vrai ce qu’il dit, Le Génie ? se vit être questionnée la supposée taupe.
L’homme abaissa son arme, se tourna vers son chef.
— Bien sûr que non, tu ne vas quand même pas croire ce gosse ?
— Lâche ton jouet, on va éclaircir cette histoire.
L’obligé ne sembla pas rassuré, mais rangea son arme dans un holster caché sous sa veste.
— Maintenant, fais voir tes mains. Lève-les, lui ordonna son chef.
— Mais, merde, patron…
Sans sommation, Le Furieux abaissa son bras et écrasa la gâchette de son pistolet. Une détonation retentit, et un projectile perça la chair, se figea dans l’os de la jambe du réfractaire, qui en un cri perdit son équilibre et chuta en avant ; sans avoir le temps de toucher le sol. Ruffus attrapa violemment le col de sa chemise et le fit valdinguer sur la surface du bureau, contre laquelle il plaqua son crâne tout en appuyant l’arme à feu contre son front.
— On va bien voir si tu dis vrai ! s’impatienta Ruffus, la bave aux lèvres.
D’un geste, il fit sauter les boutons de la chemise de l’otage, mit à nu sa poitrine alors même qu’il se tordait de douleur. Rien, pas un micro ne courait le long de sa hanche. Pourtant, une légère excroissance ressortait en relief sur son épaule.
Ruffus jubila, sortit un imposant couteau de derrière sa ceinture. Adressant tout d’abord des regards à Tod et son second garde du corps, il leur intima de venir maîtriser la victime. Ceux-ci se jetèrent sur le malmené, l’empêchèrent de se débattre en saisissant ses bras.
— Ne le lâchez pas, les gars.
Le caïd s’institua chirurgien, plongea la pointe de son bistouri improvisé à travers la peau du pauvre homme, incisa la chair d’un lent roulement de poignet. La lame de métal en ressortit un minuscule cylindre d’acier inoxydable. Un traceur, couramment utilisé pour suivre une personne sans jamais perdre sa position.
Serrant le tout petit dispositif dans son poing, Ruffus releva un regard inquisiteur vers l’adolescent.
— Tu jures qu’il n’est pas ton complice, minus ?
Hoel ne saisit pas le but de la question. Sa réponse se fit presque attendre. Il sentait une main tremblante au bout de l’arme lui chatouillant la nuque, et son attention se portait sur l’infiltré qui se débattait en respirant fortement, levait par intermittence son visage cramoisi vers lui, tout en tendant son bras vers sa jambe blessée sans que ses doigts parviennent à atteindre la blessure d’où s’écoulait un flot inquiétant de liquide de vie.
— Dites-moi d’abord ce que je veux savoir, articula l’adolescent, qui n’en revenait pas que son plan en arrive jusque-là.
Ruffus relâcha son imposant canif, qui fondit sur le sol et s’y planta à la verticale. Sans un mot, il baissa les yeux vers l’homme qui semblait le commander.
— Les enfants partent pour le sud de la ville, convint l’inconnu. Quant à savoir quand, comment et où, je ne dirai pas un mot de plus à un supposé flic.
— Tu le connais, oui ou merde ? s’impatienta Ruffus.
— Non ! Sur la vie de ma mère, vous pouvez crever ce bâtard !
Les gardes du corps relâchèrent l’infiltré. Le Furieux laissa tomber le traceur à ses pieds, se saisit de la tête du pauvre homme, la fit violemment rebondir sur la surface de bois pour l’étourdir. Il recula d’un pas, tendit son bras devant lui tout en exerçant une pression de son index sur la gâchette métallique de l’engin de mort tenu entre ses doigts ; scellant ainsi le sort de sa victime. La balle fusa se loger dans la tempe gauche de l’infiltré, qui vit son crâne se disloquer et sa cervelle combler le manque de décoration du bureau.
Hoel ferma les yeux un instant, écœuré, et les rouvrit à temps pour voir Ruffus Le Furieux jeter son arme entre les mains d’un Tod couvert de sang. Je risque de ne pas être à l’heure, Cheryl, réalisa-t-il subitement.
29/11/15 à 04:16:30
C'est vrai que le début est un peu confus et que hoel fait l'effet d'un james bond invulnérable. Mais l'action soutenue est fantastique
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