<h1>Noelfic</h1>

Espoirs Crépusculaires


Par : Droran

Genre : Polar , Horreur

Status : C'est compliqué

Note :


Chapitre 8

Publié le 14/10/15 à 01:15:41 par Droran

— À qui ? lui demanda-t-elle de répéter, en craignant sa réponse.
— À ton frère, j’ai dit.
Un éclair détonna dans le regard de la demoiselle avant même qu’il eût pu détourner la tête, et cela ne lui échappa pas. Ses yeux roulèrent vers le bas, observèrent les lèvres roses de son interlocutrice, qu’il prévoyait de voir se tordre et s’ouvrir pour déployer reproches et insanités qui à ses yeux seraient injustifiés.
— Qu’est-ce qui ne va pas chez toi, bordel ?! s’exclama Cheryl en ponctuant ses paroles d’une tape sur le thorax de l’adolescent.
Hoel ne répondit rien, lui offrit l’opportunité de continuer. Ce qu’elle fit. Elle parla à nouveau, mais avec un calme et une inquiétude qu’il ne lui connaissait pas.
— Tu ne joues pas la comédie, c’est ça ?
Il releva l’un de ses sourcils pour montrer un scepticisme non feint.
— Je pense que tu connais la réponse à ta question, lâcha-t-il avec dédain en lui tournant le dos ; prévoyant de quitter la pièce sur-le-champ.
— Je ne plaisante plus ! (Elle se releva d’un bond tel un chat enragé, et l’attrapa par l’avant-bras en éraflant accidentellement de ses — ongles la peau humide du fuyard ; le forçant par la même occasion à se retourner dans sa direction.) J’ai un frère ?! Qu’est-ce que tu racontes là, Eusoph ? Qu’est-ce que tu as depuis quelques jours, à t’en aller le soir et revenir tard le lendemain, lorsque tu ne disparais pas tout simplement sans donner aucune nouvelle ? Je ne comprends pas ! Qu’est-ce qui ne tourne plus rond chez toi ?
— Et qu’est-ce qui te fait sortir de tes gonds ? articula-t-il en se penchant sur le visage de l’adolescente. Je pensais avoir été clair sur le fait que tu n’avais aucunement le droit de me questionner. Et encore moins de m’appeler par ce prénom.
Cheryl déglutit, ne sut que dire l’espace d’une seconde. Ses mains lâchèrent le bras du jeune homme, montèrent se poser délicatement sur ses joues sans qu’il l’en empêche.
— Qu’est-ce qui fait que tu ne sois plus toi, Eusoph ? demanda-t-elle, alors que ses yeux s’humidifièrent. Tu t’entends parler ? Jusqu’ici, je ne disais rien, mais je n’arrive pas à croire que tu te mettes à te comporter comme lui. Tu n’es pas fou, je le sais. Mais tu n’es pas Hoel ! Il est…
— Ne gaspille pas ta salive, laisse-moi finir ta phrase. Il est mort. Mort, oui, il y a des années. Et d’après toi, est-ce par ta faute ou par la mienne ?
Elle resta figée. Il continua.
— Ton ignorance te vaut d’être à côté de la plaque ! éructa-t-il en dégageant son visage d’entre les mains de l’adolescente. L’homme dont tu parles est décédé en tant que Jun Kaylieght, et non en tant que Hoel. Ce sont le désespoir et la folie qui ont causé sa perte, non son héroïsme, et pourtant elle reste lourde de sens. Souviens-toi de lui, respecte qui il a été. Tu n’étais encore qu’une morveuse à l’époque, donc je te pardonne, mais puisque tu souhaites parler de lui, sache que ses derniers mots restent encrés en moi plus profondément encore que s’ils avaient été inscrits sur ma peau au fer rouge. Il ne méritait plus d’être Hoel, et m’a confié ce poids ; non, cet honneur. Cela a pris du temps, mais aujourd’hui je me dois d’endosser ce rôle, du moins tant qu’un danger planera au-dessus de ta tête. Alors ne me fais pas chier, Cheryl !
Elle avala chacune de ses paroles sans totalement en saisir le sens, les prit comme des informations qu’elle pourrait déchiffrer, et réfléchit un instant.
— De quel danger tu parles ? le questionna-t-elle, perdue.
— Sois mignonne. Retourne jouer à la poupée, fillette, cracha-t-il avant de lui tourner le dos.
Il l’abandonna, quitta la pièce. Cheryl resta à la même place, pendant quelques secondes, droite comme un piquet, à le regarder avancer lentement dans le couloir menant à la pièce dans laquelle il s’était changé un peu plus tôt dans la journée. Elle s’éveilla subitement, traversa à son tour le corridor en de grandes enjambées ; et appuya les paumes de ses mains contre le dos dénudé de l’adolescent, le faisant ainsi chuter vers l’avant, l’obligeant à percuter un mur pour se réceptionner alors que son genou droit touchait déjà terre.
— Tu sais ce qui est arrivé à Anna, enfoiré ! l’accusa-t-elle en laissant résonner une hargne résultant de son désir d’en savoir plus.
Hoel amorça un geste pour se relever. Elle élança son pied vers lui, appuya le plat de sa semelle contre son épaule pour le faire rouler dos au sol, où il ne put que lui accorder son attention.
— C’est possible, avoua-t-il en se relevant sans la lâcher du regard.
— Alors c’est ça, ce que tu me caches ? demanda-t-elle, aussi énervée qu’égarée. Je t’avais parlé d’elle, de ses parents qui sont sans nouvelles. Je n’imaginais pas que tu irais jusqu’à la rechercher ! Je voulais que tu m’écoutes, pas que tu en arrives jusque-là.
Le jeune homme afficha un sourire gêné, s’adossa contre un mur.
— Tu n’imaginais pas, tu ne voulais pas… C’est là tout le problème, Cheryl. Tu ne réfléchis pas. Si une chose est arrivée à cette fille, elle peut très bien t’arriver à toi.
— Ce que tu dis n’a aucun sens, je ne comprends rien. Ton état, tout ce sang que tu avais sur toi… Est-ce que tu as fait quelque chose de mal, Eusoph ?
— Mais qu’est-ce que tu peux être chiante… Arrête avec tes questions ! Oui, j’ai fait des choses que le connard moyen apprécierait difficilement. Ne feins pas d’en être choquée, et remercie-moi, plutôt. J’ai risqué ma vie cette nuit, et pas par plaisir, mais pour toi. Parce que je suis le seul à vouloir qu’il ne t’arrive rien.
— Mais qu’il m’arrive quoi ? Qu’est-ce qu’il se passe réellement ? insista la demoiselle en essayant de masquer sa colère.
Elle ne lâchait pas l’affaire. Hoel serra les dents, prêt à céder. Détournant la tête, il se força à répondre :
— Ton amie s’est fait enlever, Cheryl. Elle et quelques autres gosses… Je sais que tu ne lis pas la presse, aussi je t’apprends que depuis quelques mois on déplore des disparus dans les environs.
— Mais on enlève des enfants ? Parce qu’elle n’en est pas une.
— Treize ans… Ce n’est pas être adulte, Cheryl. Si elle a disparu, c’est qu’elle fait probablement partie du lot. Ne pense pas la revoir.
Bien que s’étant faite à cette idée, la demoiselle fut prise d’une émotion rougissant ses yeux, et dut rester courageuse alors que son cœur se mit à battre plus fort.
— Elle est morte ? se risqua-t-elle à demander.
— Ne pose pas ce genre de question, répondit Hoel en la dévisageant. Je suis forcé de te laisser dans le doute. Moi-même, je n’en sais encore rien.
— J’ai… J’ai une autre amie qui s’est volatilisée la semaine dernière. Ses parents ont apposé des affiches dans leur quartier, et son portable reste coupé en permanence. Elle s’appelle Marine… Tu crois qu’elle aussi a été kidnappée ? demanda-t-elle une nouvelle fois tout en baissant la tête.
— Je n’en sais rien, mais à ta place je ne garderais pas espoir qu’elle ait fugué. Ils ont dû l’avoir, elle aussi.
— Mais qui ? osa-t-elle demander sans relever son visage, alors qu’une larme perla sur ses cils.
— On en revient à ce moment où je te disais de ne pas poser certaines questions. Ta déduction a mérité ce que je t’ai dit, mais c’est tout. Tu demanderas à ton frère dès que je lui aurai raconté toute l’histoire.
L’adolescente, troublée, le regarda se retourner et continuer son avancée dans le couloir, puis le suivit jusqu’à son fond, où elle s’arrêta à ses côtés devant une porte close sur laquelle la clef laissée par le jeune homme était toujours présente.
Il frappa du dos de sa main contre le bois, et attendit sans rien dire.
— Tu joues à quoi ? l’interrogea la demoiselle, alors qu’aucune réponse ne se fit entendre. La porte est ouverte, j’ai pendu ta chemise et ta veste hier soir.
— Ferme-la, tu veux bien ? Tu vas finir par te mordre la langue.
Hoel fit peser sa main sur la poignée et ouvrit la porte. Derrière celle-ci, l’intérieur de la pièce n’avait pas changé. Les senteurs exotiques flottèrent instantanément vers eux, alors immobiles sur le pas de la porte.
Proche de la fenêtre, les yeux rivés vers l’extérieur, un adolescent se tenait épaulé contre le mur. Non surpris par l’irruption des nouveaux arrivants, il déporta son attention sur eux dès leur entrée dans la chambre.
— Vous en faites du boucan, se plaignit-il en fixant Hoel droit dans les yeux.
— C’est de sa faute à elle. Pas moyen qu’elle me lâche, répondit ce dernier en avançant au milieu de la pièce.
— C’est qu’elle doit être contente de te revoir vivant. Elle te tient souvent la jambe ?
— Cela lui arrive, avoua Hoel en déportant son regard sur l’armoire et le lit, pour voir si ses vêtements avaient bien été pendus.
Ce fut le cas. En retrait, Cheryl s’immobilisa, hébétée.
— Eusoph, tu me fais quoi, là ? le questionna-t-elle, tout en craignant sa réponse.
Il l’ignora, s’approcha de la penderie. Ses mains firent défiler plusieurs cintres. Il passa en revue différents vêtements, et reconnut ceux dont il s’était délesté la veille.
— Elle joue souvent les bonnes ? demanda-t-il sans se retourner vers son hôte.
— Cela lui arrive, lui avoua-t-on dans son dos.
Ignorée, Cheryl fit trois pas et referma une main autour de l’avant-bras gauche de Hoel. Ainsi, elle espérait capter son attention. Il se retourna vers elle, surpris par son geste.
— Eusoph, si tu pètes les plombs, fais-le-moi savoir. À qui tu parles ?
— À moi, répondit le jeune homme resté stoïque à côté de la fenêtre.
— À ton frère, ajouta Hoel pour enfoncer le clou.
Cheryl ne parut pas comprendre, et ne relâcha pas son étreinte. Elle tira sur le bras de l’adolescent pour le forcer à se retourner.
— Reprends-toi… Tu parles tout seul !
L’air las, Hoel releva son regard tout en tendant un bras devant lui.
— Putain, mais ouvre mieux les yeux, il est…
Il s’immobilisa, garda ses lèvres closes sans finir sa phrase. L’effort de prononcer ses derniers mots se noya dans la stupéfaction. Abaissant lentement son bras, l’air hagard, il fixa l’espace laissé entre la fenêtre et le bureau. La demoiselle le dévisagea, jura voir ses pupilles trembler comme s’il luttait pour ne pas cligner des yeux. Pourtant, il ravala bien vite sa surprise ; ou du moins, la dissimula. Ses lèvres s’animèrent pour énoncer la fin de sa phrase.
— … Juste là. Il était là, dans ce putain de miroir, se força-t-il à ajouter sans pour autant abaisser son regard.
L’adolescente, déconcertée, le regarda se perdre dans le reflet que renvoyait l’objet accroché au mur. Lentement, elle remonta sa main sur l’épaule du jeune homme, et dérangea ses cuisses pour avancer en sa compagnie en direction du miroir fixé au bord de la fenêtre. Tous deux se stoppèrent face à la glace, et la demoiselle, sentant un malaise s’installer, étreignit son bras gauche, laissa s’appuyer sa joue contre l’épaule dénudée de Hoel.
Le garçon laissait courir son regard sur les deux silhouettes que leur renvoyait l’objet, des pieds jusqu’à leur tête, voyait ses pupilles se dilater à mesure qu’il remontait jusqu’aux visages.
— À quoi ressemble mon frère dans tes souvenirs ? lui demanda Cheryl sans se décoller de son bras.
Il ouvrit sa bouche, puis d’abord, la referma. Répondre lui prit un certain temps.
— Toujours cette même chevelure châtaine peu longue qu’il ne se soucie pas de coiffer, ce nez court et ces lèvres qui ne s’effacent pas, au centre de ce visage impassible aux traits angéliques qui n’empêcheraient aucunement de le faire passer pour un délinquant s’il ne s’habillait pas avec classe. Voilà comment je vois ton frère Eusoph, là, à l’instant.
À travers le miroir, ils apparaissaient immobiles, pensifs. La longue chevelure ébène de la demoiselle retombait jusqu’au bas des bretelles de sa robe blanche, cachait en partie son visage poupin, ses grands yeux noisette et ses lèvres fines presque collées à la peau du jeune homme, qui, alors que quelques gouttelettes d’eau perlaient encore sur son torse, se perdait dans la contemplation de leur image. Comme si son âme se voyait être mise à nu par ce qui aurait été en cet instant un réflecteur de ce qu’il cachait en son for intérieur.
— Mais je ne suis pas vraiment ton frère, Cheryl, ajouta-t-il.
— Je sais, mais c’est tout comme, le rassura l’adolescente en dégageant une mèche de cheveux. Tu peux être à la fois toi-même et Hoel, Eusoph. Tu as dû mal comprendre Jun, ce n’est pas une personne mais plutôt un rôle à jouer.
— Un rôle que je joue peut-être trop bien... Te rappelles-tu notre enfance ?
— À ton avis ? On revient de loin, répondit-elle à demi-mot.
— J’aimerais me passer de cette violence, des souvenirs qui me collent à la peau. Mais c’est impossible. Ce que je cherche à faire, c’est m’en détacher autant que possible. Pourtant, le passé revient toujours à la charge. Surtout ces temps-ci.
— Les choses ne sont pas faciles pour moi non plus, lui avoua Cheryl.
— Je sais, répondit-il sans bouger.
— T’appeler Hoel ne me dérange pas tant que tu ne perds pas de vue qui tu es, Eusoph. Simplement, tente de toujours rester toi-même… le supplia-t-elle en tordant ses lèvres de façon à paraître plus inquiète que jamais.
Il se tut quelques secondes, se demandant s’il avait cessé d’être lui-même à un quelconque moment, puis réalisant que cela n’avait aucune importance, se ressaisit et décida de ne pas chercher à comprendre.
— Je t’en fais même la promesse, finit-il par articuler en déposant un baiser sur le haut de la chevelure de la demoiselle.

Commentaires

Sheyne

25/11/15 à 03:09:30

"il s'agit de l'homme se tenant actuellement derrière moi" :rire:

Putain cette phrase est tellement violente. C'est hyper bien amené et écrit. Je m'en rappelais pas, t'as du galérer pour reussir à montrer tout ça avec un double flashback !

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