<h1>Noelfic</h1>

Espoirs Crépusculaires


Par : Droran

Genre : Polar , Horreur

Status : C'est compliqué

Note :


Chapitre 6

Publié le 06/10/15 à 02:34:29 par Droran

La porte de la salle se referma derrière eux après que la mystérieuse l’eut passée. La partie inaccessible de l’établissement donnait directement sur une pièce déserte meublée de quelques bureaux inoccupés, au fond de laquelle la reliait à l’étage du dessus un escalier hélicoïdal dont le bois semblait visiblement usé. L’homme avança jusqu’à lui et s’y engagea. Hoel et Tod l’imitèrent : sans aucune précaution, posèrent un pied sur la première lame de bois qui grinça sous leur poids, et le gravirent lentement ; alors que derrière eux l’élégante créature se mouvait avec grâce, laissait glisser l’une de ses mains sur la rampe et plisser la soie de sa robe, tout en s’élevant avec prudence. Aucun de ses gestes n’échappait au regard de Hoel, qui semblait s’inquiéter de l’apparente sublimité qu’elle incarnait. Étrangement, la savoir l’observant l’effrayait sans qu’il puisse savoir pourquoi. Pourtant, il se reprenait, se devait de ne pas focaliser toute son attention sur elle ; car au-dessus d’eux s’élevaient des voix graves, adultes, dont il ne pouvait encore saisir le sens des mots qu’elles prononçaient.


Baigné d’une lumière blafarde, il poursuivait son ascension ; un pied à la fois, avec attention, progressait lentement sans prendre la peine de s’appuyer sur la rampe pour soulager son effort. L’escalier de bois avait fait place à des marches de marbre, sur lesquelles résonnaient ses pas. Ainsi il s’entendait marcher, et se donnait la force d’aller se jucher à l’étage supérieur, second niveau de l’immeuble, où les bouts de ses chaussures dépassèrent le palier de la cage d’escalier.
Il se glissait au cœur d’un couloir étroit, sans s’aider du mur, avec pour objectif de rallier l’entrée d’un appartement dont la porte était visible à son extrémité opposée. Des voix résonnaient à l’intérieur de quelques logements, masquaient les sons de son avancée maladroite. Lui-même n’émettait aucun râle, se contentait de respirer fortement. Il se pressait à rejoindre son objectif sans se risquer à prononcer le moindre mot, tout en craignant que la minuterie de l’éclairage ne cesse bientôt son décompte. Avec raison. L’obscurité tomba soudainement sur lui. Il s’arrêta un instant. Seuls filtraient quelques traits lumineux des ouvertures menant aux foyers. Un bouton d’appel de la lumière était lui aussi visible dans le noir, mais loin devant. L’espace d’une seconde, il hésita à avancer, principalement par peur de faire un faux pas ; mais la chance lui sourit sans crier gare. Une serrure cliqueta au fond du couloir, et la porte vers laquelle il marchait s’ouvrit lentement, laissa l’apparente luminosité qu’elle abritait se diffuser dans l’étroit passage.
Hoel remercia sa chance, quand bien même il ne croyait pas en elle, et se hâta. Il pressa le pas. À quelques mètres de lui apparaissait une jeune demoiselle apprêtée à sortir en ville, fantasquement accoutrée d’une robe blanche. Elle quittait le domicile, clef à la main, un sourire scindant son visage. Lui ne chercha pas à la prévenir de sa présence.
Adressant un ultime regard à la télévision afin de s’assurer qu’elle soit bien éteinte, l'adolescente se retourna vers le couloir de l’immeuble et distingua la silhouette boitant hâtivement dans sa direction. Elle sursauta, fit un pas en arrière en laissant échapper un cri, puis identifia la figure déformée du jeune homme.
— Eusoph ?!
Il ne répondit rien, et ne s’arrêta pas. Elle cria de plus belle. Son bras droit enserra la taille de la jouvencelle, qu’il hissa douloureusement sur son épaule en poursuivant sa route à l’intérieur de l’appartement ; jusqu’au salon, face à un sofa, sur lequel jeta-t-il son otage avant de s’en retourner verrouiller la porte d’entrée.
La malmenée, la respiration haletante, baissa les yeux sur ses bras, sa robe, et se découvrit couverte de sang. Un hurlement de panique s’échappa d’entre ses lèvres. Elle s’anima, se blottit au fond du long fauteuil tout en cherchant son ravisseur du regard. Il passa justement devant elle, feignit l’ignorance, et sortit une enveloppe de l’intérieur de sa poche qu’il jeta entre ses mains ; avant d’aller disparaître dans la salle de bains, où il ôta son pull souillé de sang, le rejeta non loin de lui, et se mit en tête de nettoyer ses membres atrocement maculés.
Tentant de se reprendre, la demoiselle posa les semelles de ses bottines sur le sol. Ses doigts glissèrent sur l’enveloppe marquée de quelques empreintes écarlates, et l’ouvrirent soigneusement. Nombre de billets de banque s’alignaient à l’intérieur. Elle haussa un sourcil, les sortit de l’intérieur du papier, feuilleta la liasse pour en faire un rapide calcul ; et se garda de retenir une grimace de dégoût à la vue de l’hémoglobine dont la moitié des billets étaient mouchetés. On lui confiait une petite fortune dont elle ne savait quoi penser.
Plus surprise qu’effrayée, l’adolescente se releva ; avec appréhension, se rendit à l’entrée de la salle de bains, et posa un regard curieux dans la pièce. Le robinet déversait une flopée d’eau. Hoel, accoudé au lavabo, frottait son avant-bras gauche à l’aide d’un gant de toilette et d’un peu de savon. Le voir ainsi lui suffit : elle s’appuya contre un mur extérieur s’élevant directement à gauche de la porte.
— Tu devais revenir avant l’aube, Eusoph... Tu es un menteur, souffla-t-elle en se laissant glisser sur le sol.
— Je ne suis pas gravement blessé, Cheryl. Merci de t’en soucier, répondit-il d’un air détaché, occupé à récurer sa peau.
— Je te pensais carrément mort... lui avoua-t-elle, songeuse.
— Navré de te décevoir, ajouta-t-il en se débarrassant du gant de toilette. Mais j’ai pensé à toi pour me faire pardonner.
Elle baissa les yeux sur la liasse qu’enserrait sa main.
— Les billets sont couverts de sang, et moi aussi, Eusoph.
Hoel rit face au miroir surplombant le lavabo.
— C’est parce que je suis en partie éclopé que tu m’appelles comme ça ?
— Pas du tout, tu perds les pédales... répondit-elle, déroutée.
— Tant mieux, car tu serais une odieuse salope. Je suis désolé d’avoir taché ta belle robe, mais l’argent reste parfaitement utilisable. Garde-le pour toi, je ne t’en avais pas encore donné ce mois-ci. Au moins, tu n’auras pas à faire le trottoir.
— Je ne suis pas une pute ! s’exclama-t-elle, offensée. Mais je te remercie pour ce que tu fais pour moi... Qu’est-ce que tu es allé faire ?
— Ne compte pas sur moi pour te donner une quelconque réponse. Fais travailler ton imagination. Et toi, pourquoi n’es-tu pas en cours ?
La demoiselle tenta d’imaginer des faits. Sans succès.
— J’ai deux heures d’éducation sportive ce matin, et le professeur est un sadique. Dis-moi au moins qui t’a mis dans cet état…
— Mauvaise question, Cheryl. Mieux vaut pour toi que tu ne saches rien de ce qui m’est arrivé. Néanmoins, pour les cours, tu fais bien de ne pas te forcer.
Elle n’osa rien répondre, se releva.
— Apporte la trousse de secours, lui demanda Hoel en coupant l’arrivée d’eau. Le sang peine à partir, c’est exténuant. J’ai besoin de toi comme infirmière.

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