<h1>Noelfic</h1>

Espoirs Crépusculaires


Par : Droran

Genre : Polar , Horreur

Status : C'est compliqué

Note :


Chapitre 30

Publié le 28/11/16 à 02:27:25 par Droran







Taulth le gratifia d’un hochement de tête approbateur, relâcha son étreinte, puis se leva. Daniel emboîta immédiatement ses pas.
Leurs tabourets tanguèrent derrière eux, qui s’en allaient d’une démarche décidée en longeant le comptoir. Les sens de Holden les imitèrent. Resté trop longtemps assis, la reprise de l’effort puisa dans ses quelques forces, perturba son équilibre. Pris d’un éphémère vertige, il apposa sa main droite sur le comptoir, la fit glisser à sa surface en un doux éraflement gracieux et maîtrisé. Tout au contraire de ses pensées, qui elles vrillèrent par intermittences, s’armant d’amertume au grès des voiles masquant puis découvrant sa vue.
Les toilettes évités par Sven, s’aperçut-il en lisant un écriteau accroché à côté du bar, indiquant d’une flèche une porte cachée dans l’angle d’un petit couloir s’éclipsant sur sa droite. Bien sûr, ce n’est pas là qu’il me mène. Il souhaite me voir marcher, appréhender avec curiosité la représentation jouée hors de l’antichambre du crime. Tout cela pour me coller le nez sur un mimèsis mis en image mille fois lors de mes infernales songeries. Si seulement il savait…
Daniel jeta un regard plus en avant, tout au fond du bistrot, vers une porte ouverte barrée de larges banderoles plastifiées. Accès délimitant ostensiblement la zone viciée, caché par deux colonnes de pierre porteuses peintes d’un blanc crème.
Électrisé, il ne tenait plus. Un spasme secoua son buste, redressa sa colonne vertébrale quelque peu affaissée, broyée par des nerfs tendus et rongés par l’acrimonie. Ses doigts abandonnèrent le contact du marbre. Ses pas s’écartèrent également du bar, pesèrent sur le plancher en une démarche calquée sur son pouls. Hâtive, puissante et appuyée ; dont chaque mouvement accompagnait les remous essorant son myocarde, le galvanisant encore et encore, attisant ses pensées sous le coup de sourds boum, boum, boum sonnant tels des coups de marteau portés contre sa poitrine.
Les semelles de ses chaussures frappaient la cadence, se mêlaient aux piétinements des âmes occupant elles aussi le lieu de perdition. Représentants de l’ordre, pochtrons et jeunes gens changés en tambourinaires impatiens, battant des talons en une eurythmie pilotée par leur nervosité. Orphéon policier, aux instruments formés de voix et de battements, au sein duquel progressa Daniel avec empressement. Au milieu de tables et de chaises, ses chevilles se tordant à la perpendiculaire en slalomant au travers du groupement. Chaque centimètre gagné faisant monter la température, l’air lui paraissant de plus en plus brûlant.
Tant d’officiers rameutés, qui ne savent ni quoi faire ni chercher. Des fusils chargés, aux projectiles engagés, mais dénués de porteurs pour leur dire vers quelle cible tirer. Cela me dépasse… A quoi se heurtent-ils, à avoir si peu de pistes qu’ils se résolvent à questionner vainement ces saoulards et délinquants restés plantés là ? Crétins bien trop fiers pour livrer le moindre de leurs secrets en étant ainsi entourés. Faut-il que ce soit à moi d’émietter le mystère, de le semer aux creux des paumes de tous ces assistés ?
Au-devant, en approche de l’arrière du commerce, Joris diminua son allure. Il referma une main autour d’une bande de sécurité barrant la voie, l’étira vers le haut tout en enjambant une autre pour se laisser passer. Observateur, l’enquêteur lui faisant suite se prépara au pire. Expirant bruyamment par les narines, Holden fit tomber son regard sur les lames de plancher. La sueur perlait autour de son cou en une corde gelée menaçant à tout instant de se resserrer pour l’étouffer. Il referma à son tour l’un de ses poings autour d’une banderole étirée à hauteur de figure. Se faisant, son cœur relâcha son marteau et changea d’instrument. Les coups ressentis contre sa poitrine explosèrent. L’impact d’une masse souleva son thorax, menaça par de puissants chocs portés sous sa cage thoracique de fêler l’une après l’autre chacune de ses côtes. Un stimulus empourprant son teint, étirant les traits de son visage en une grimace furieuse, commandant à sa mâchoire de se bloquer. Galvanisé, il abattit un pied sur une bande colorée étendue au niveau de ses mollets. Elle s’étira et se détacha en un claquement élastique. Il quitta sans un mot l’espace dans lequel les regards s’étaient braqués vers lui, dépassa le seuil du lieu inexploré. Suis-je réellement apte à me dresser face à cela ? Si vite, la rage se mêlait déjà à l’appréhension. Son avancée s’alentit. Ses poumons se gonflèrent d’une longue inspiration lénitive. En relevant son regard, il ne voyait plus rouge, il voyait couleur sang.
Une longue traînée d’hémoglobine s’étendait devant lui, serpentait au milieu de bureaux pulvérisés, au travers d’une salle dévastée au sol recouvert d’un tapis de feuilles de papier. Certaines réduites en charpie, tachées d’écarlate, balayées par une brise glacée s’insinuant par des fenêtres aux vitres explosées, sous lesquelles se dispersaient d’innombrables bris effilés.
Qu... L'endroit empeste la mort.
Ses yeux aussi ronds que des balles de golf suivirent le rutilant tracé, le longèrent au travers des rangs formés de meubles sur lesquels avaient déferlé de meurtrières salves de balles, et remarquèrent à mi-chemin une silhouette avachie sur les restes d’une chaise de bois. Officier de police prostré, aux coudes appuyés sur ses cuisses, perdu à balayer de son pied les multiples résidus et éclats détachés du mobilier fracassé.
—Eddie, vous prenez une petite pause ? Prononça l’enquêteur, qui reconnut sans peine l’homme croisé au commissariat.
Quittant ses songeries, Valmeiser releva son visage vers lui. Y transparaissait une expression de surprise, mêlée d’une incommodité de toute évidence dû à la vue de ce qui s’était joué dans la pièce avant leur arrivée. Holden lui-même mimait de savoir contenir toute révulsion, mais ne tarderait pas à ployer sous les coups de gong portés en son système cardio-vasculaire. Pas si tôt… Se répétait-il, comprenant n’avoir encore rien vu.
—Mon genou me relançait, répondit le rêveur. (Il se releva tout en gémissant de douleur, tituba en deux pas, puis reprit une posture sereine) Vous voir débarquer est une sacrée surprise. Qu’est-ce qui vous a fait changer d’avis ?
—J’ai finalement senti – et ce que je vois là semble me donner raison – que vous n’auriez vraiment pas dû vous laisser embobiner. Je suis venu remuer le couteau dans la plaie.
Des paroles prononcées tout en reportant son attention sur la longue trace fuyant à ses pieds. Fraîche, large et bordée d’empreintes de semelles, de toutes pointures et pointant dans toutes directions, pour certaines uniquement imprimées par l’avant d’une chaussure.
—En d’autres mots, tu as salement merdé, ajouta Joris pour enfoncer le clou. Le coup que je t’ai mis n’était pas cher payé.
Amusé par ces paroles, l’enquêteur ne perdit pourtant pas son sérieux, se mit à longer le sanglant parcours en prenant garde à ne détériorer aucune empreinte.
—Merci, j’avais saisis avant même d’avoir posé le pied dans ce trou paumé, maugréa Valmeiser. En revanche, Holden, vous semblez biens sûr de vous au sujet du rapport entre ce qui nous tombe dessus cette nuit et… Ça ! (Il écarta grand les bras pour mimer une grandiloquente démesure.) Quel rapport entre Adam, les Tonythod et ce pu-tain de bor-del ?!
L’interrogé se garda d’émettre la moindre réponse, passa à côté de l’officier et signifia sa commisération en apposant au passage une main sur son épaule. Le sillon de sang s’éclipsait plus en retrait, amorçait un arc de cercle après l’un des bureaux. Intersection derrière laquelle s’éclipsait la voie jusqu’au milieu de la pièce, où, à la base d’un grand escalier hélicoïdal, se formait son imposante source. Impressionnant. Large et abondante flaque de liquide de vie, en partie formée sous les marches s’élevant vers un étage supérieur. Combien étaient-ils à s’écrouler ici ?
—J’appréhende, finit par prononcer Daniel. Simplement. Les gosses ont toutes les raisons d’être venus ici, je partais donc de ce principe. Seulement… Ce que j’ai sous les yeux semble prendre une dimension… Tentaculaire.
À ses pieds, la fraîche expansion sanguine laissait naître trois traînées, s’échappant chacune et se divisant à leur tour vers différentes directions, dans des coins opposés de la pièce. C’est insensé. Espérant y voir plus clair, il s’accroupit face à la partie ravagée occupée par les bureaux, sous l’escalier, les pointes de ses chaussures s’imprégnant involontairement du sang dispersé en l’imposante flaque.
—Vous étiez les premiers arrivés sur les lieux, les gars. Briefez-moi.
Au-devant, Valmeiser se massa l'arrière du crâne.
—Vous n'avez à savoir qu'une seule chose, dit-il en levant une main à hauteur de son visage, index tendu vers le plafond.
Un geste éloquent que compris Daniel. Suspicieux, il leva lentement la tête, contorsionna sa nuque pour contempler l’escalier s’élevant au-dessus de lui. Un liquide perla de la tranche d’une lame de bois, s’en décrocha en une gouttelette qui vint s’épandre sur son front. Ses yeux se fermèrent sous l’effet de surprise, mais il ne broncha pas. L’une de ses mains remonta jusqu’à son visage, englua ses doigts du corps étranger étalé sur sa peau. Un liquide écarlate, à la simple vue duquel l’enquêteur se vida de toute couleur. Pâle, il porta un regard vers ses collègues officiers.
—Je sais. Montrez-moi ce que ces cinglés ont fait.

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