Espoirs Crépusculaires
Par : Droran
Genre : Polar , Horreur
Status : C'est compliqué
Note :
Chapitre 24
Publié le 10/12/15 à 06:43:57 par Droran
—Je vais voir ce qui leur prend, fit-il savoir à l'enquêteur.
Le policier se dirigea au dehors du lieu épargné par l'agitation, fila à travers le lieu de travail en rassurant au passage les collègues estomaqués et intrigués par ce à quoi ils assistaient. Holden, lui, ne bougea pas d'un pouce, le suivit du regard durant sa course le menant à hauteur des deux hommes n'ayant encore cessés de fulminer. Le regard las, l'esprit vide de toute interrogation. En un sens, ce manège ne le regardait pas. Mieux, il n'en avait que faire.
Pourtant, en s'écoutant siroter son café, une possibilité en vînt à l'inquiéter. Mieux vaudrait qu'il rentre chez lui avant qu'on en vienne à lui demander de s'intéresser à ce qui se tramait. Chose risquant fort d'arriver, si jamais sa présence se laissait ressentir ici.
Transi par cette pensée, il continua d'observer ses collègues. Sans un mot. Le visage figé, duquel ne transparaissait qu'une fatigue en vieillissant misérablement les traits. Quelque part, il devinait : les soucis s'amorçaient sous ses yeux. Restait à savoir s'il saurait les esquiver.
Loin au-devant, Sven attendit une pause entre deux excès de rage pour se mêler à l'altercation. Aux côtés de Joris, il barra le passage du tempétueux tortionnaire, et tenta à son tour de le résonner. En vain, parut-il. L'homme avança, chercha à forcer le passage gardé par ses opposants, quand bien même ceux-ci l'empoignèrent pour le stopper. L'enragé se débattit. Sven parvînt à être repoussé, s'étala sur la surface d'un bureau, se cogna la clavicule contre l'écran d'un ordinateur qu'il emporta avec lui en chutant lourdement sur le sol. Toujours debout, Joris n'en démordit pas, abattit son pied sur le genou de l'oppresseur, le faisant ainsi tomber en emportant l'adolescent avec lui.
Daniel abaissa son regard sur le fond de sa tasse, tristement vide. Le café préparé emplissant la cafetière était peut-être encore chaud. Hésitant à remplir sa coupe, il releva son attention vers l'extérieur. Sven s'était relevé, et aidait Joris à asseoir de force l'homme et le jeune menotté sur deux sièges à roulettes qu'ils gardèrent en face d'eux.
Se jouait sous ses yeux ce qu'il apparentait à un spectacle grand-guignolesque, chacun criant au loup lors d'un imbroglio improvisé. Ses collègues semblant dès lors n'être que des acteurs laissés en roue libre, des marionnettes perdues au milieu de regards convergeant vers eux. Saltimbanques désaxés, mystifiés sous l'oeil d'une assemblée d'employés les découvrant paniqués, enragés, bien humains, mais semblables à des poupées articulées ayant été abandonnées par leur marionnettiste. Rien n'excusait qu'ils puissent se mettre dans de tels états. Surtout pas en cette nuit, pour ce qui ne devait être qu'un banal grabuge suscité par un gang de morveux anarchistes.
Peut-être n'était-il pas loin du compte. Ces vétérans, utilisés ? Par qui, et à quelle fin ? Il garderait cette pensée infondée pour lui. Ils se compliquent certainement la vie. Pourvu qu'on ne lui demande rien, il n'aurait pas à y repenser. Ainsi, elle ne s'imprimerait pas dans son esprit.
En affirmation à ses craintes, Joris tourna la tête dans plusieurs directions, à la recherche d'une chose précise. Son regard s'arrêta sur la vitre derrière laquelle se tenait le voyeur. La cible de son attention, qu'il implora d'un regard éloquent. L'officier demandait implicitement l'aide du désintéressé, qui hocha instinctivement la tête de gauche à droite en vue de lui faire part de sa réticence.
Grimaçant, Joris se retourna vers l'homme retenu sur sa chaise, échangea quelques mots lors d'une conversation visuellement animée. Un échange n'ayant probablement rien changé à leur situation. Joris porta une tape sur le bras de Sven, lui fit passer une obscure consigne en pointant un doigt vers l'endroit où demeurait immobile l'enquêteur. Il ose l'envoyer à moi ? Le jeune agent s'en alla d'un pas rapide, trottina en évitant ses collègues interpellés par ce qui se tramait. Il avança en de courtes foulées le menant à revenir s'immiscer dans l'espace vital du lointain spectateur. Ses doigts se refermèrent sur le bord du mur délimitant le lieu de repos, à l’intérieur duquel son visage apparut.
Qu'il m'épargne le problème, se répéta Holden tandis que le regard de l'importun se posait sur lui.
—On a besoin de vous, lui fit justement savoir Sven en prenant un air gêné.
L'enquêteur soupira. Ils vont insister... Se laissa-t-il aller à penser, hésitant à se résigner.
—Qui est cet homme à qui vous semblez donner tant de fil à retordre ? Questionna-t-il son collègue en posant un regard sur la personne assise au loin, surveillée par Joris Taulth.
—Eddie Valmeiser, lui répondit-on. Vous le connaissez ?
—Plus ou moins. Il a participé à l'arrestation de Gregory Belhasta, il y a un certain temps.
L'officier eut l'air surpris, afficha ce qui sembla être aux yeux de l'enquêteur une once d'admiration.
—Vous m'avez l'air calé sur le sujet.
—C'est mon travail, se contenta d'ajouter Daniel. L'adolescent qui l'accompagne ne serait pas le chef du gang de ce soir, par hasard ?
Sven garda le silence. L'enquêteur se tourna brièvement vers lui, lu sur son visage un regard interrogateur.
—Je l'ai entraperçu avant qu'il ne prenne la mouche, avança-t-il pour éviter toute question. Ce n’est pas une déduction.
Au loin, Joris assit de force la jeune racaille tentant de se lever. L'enragé, lui, ne se calmait toujours pas, mais demeurait étrangement cloué à sa chaise.
—Rien ne pouvait calmer Valmeiser, tout à l'heure. Pourquoi reste-t-il assis à présent ? Demanda Daniel, quelque peu curieux.
—Taulth est rentré dans son petit jeu et lui a démoli le genou.
—Rien de grave ?
L'officier jeta un œil dans la direction des deux hommes et du jeune chef de gang.
—Il semble hors de lui, pas en souffrance.
Approuvant sa réponse, l'enquêteur n'ajouta rien. Plutôt, il figea ses traits en un air plus sérieux. L’instigateur de la virée de ce soir, venu en étant de transe, entraînant dans son sillage le fomentateur du meurtre de la soirée. Ce fait, qui aurait pu être rassurant si l'attitude de l'inconnu avait été toute autre, ne lui dit rien qui vaille.
—Donc, dîtes-moi. Quel est le problème ? Interrogea-t-il Sven.
—Valmeiser a eut une tuile, et en veut au cas social qu'il traînait par la peau du cou.
—Mais pourquoi ?
—Il est persuadé qu'on s'est servi de lui ce soir. Je n'ai pas bien compris son histoire, en tout cas il compte interroger ce gosse. Le problème, c'est que comme le pense Taulth, il risque de n'arriver à rien, et tout lui retombera dessus s'il hôte l'envie au gosse de coopérer.
Que ferait-il ? Le cogner dans l'enceinte du commissariat ? Joris et Sven pensent vrai, il n'en tirerait que des sanctions. Ce pauvre bougre n'est pas habilité à interroger qui que ce soit. Il porta un regard sur les personnes présentent dans l'enceinte principale, les vit toutes affublées d'uniformes. Et pas l'ombre d'un enquêteur dans ce commissariat. Ce n'est pas le secteur cinq, ici. Certainement comptent-ils sur moi pour faire cracher ce qu'il faut au gamin. Mais que veulent-ils lui faire dire, justement ?
—Je n'y comprends rien. Si vous attendez quelque chose de ma part, faites venir Valmeiser pour qu'il m'explique ce qu'il se passe.
L'officier prit un air gêné.
—Allez à lui, plutôt. Il est blessé.
—Qu'il boite jusqu'à moi. Cela le fera réfléchir, la douleur le calmera. J'ai espoir qu'il se montre coopératif et ne me manque pas de respect après avoir bien souffert, en termina Daniel.
Une émotion étrange voilà le visage de Sven, qui relâcha le bord du mur et s'en écarta. Ses lèvres s'entrouvrirent, comme sous l'envie de lâcher un remarque. Mais l'attitude figée de l'enquêteur, dont l'attention demeurait tournée vers l'extérieur, le poussa à quitter l'espace clôt pour rejoindre Joris et ses deux comparses.
À leurs côtés, il répéta en son propre phrasé les mots de l'enquêteur. Joris en eut l'air surpris. Il aida Valmeiser à quitter sa chaise, lui indiqua en tendant un doigt la position de l'enquêteur debout derrière la vitre. Daniel ne bougea pas, observa le blessé se mettre à boiter au travers de la zone grouillante de vie. À travers les lignes de bureaux, le pauvre animal tordit ses lèvres pour ponctuer son avancée gênée par une jambe traînante, que ses muscles endoloris ne parvenaient à plier complètement. C'est non sans mal qu'il passa le cadre de la porte du lieu de repos, et écarta une chaise sur laquelle il put se laisser tomber.
—Taulth vous dit enquêteur, prononça-t-il de manière vive, avec une once de soulagement non feinte dû à la fin de son calvaire. Holden, c'est bien ça ?
—Daniel Holden. Et c'est bien le cas, même si en cette heure je n'ai aucune plaque à vous montrer. On m'a fait savoir que vous auriez besoin de moi, continua Daniel. Ce n'est pas dit que j'accepte. Que je refuse également. Mettez-moi au parfum, et selon ce dont il s'agira on verra si je peux me refaire un café ou vous suivre sans discuter.
—Ces deux enfoirés ont voulu m'empêcher de faire cracher au gosse tout ce qu'il sait, dit-il en désignant du pouce les deux officiers occupés au loin à surveiller le délinquant.
—Vous l'avez un peu cherché. À part foncer tête baissée retirer toute envie au jeune homme de parler, qu'auriez-vous fait ? Je suis curieux de savoir ce qui vous chagrine. Le problème doit être complexe pour vous faire sortir de vos gonds. Épineux, même. Le tout serait de ne pas vous piquer.
Surpris, et surtout offensé, l'agent de police fixa avec répugnance l'homme resté debout, fit glisser son regard sur le jeans, la chemise froissée et la veste qui l'affublaient.
—Si je le pouvais je vous mettrais mon poing dans la gueule.
—Alors je vais m'asseoir en face de vous. Avec un peu de chance vous parviendrez à m'envoyer de petits coups de pied, le provoqua-t-il en prenant place à l'autre bout de la table, sur l'une des chaises inconfortables. Je sais me montrer compréhensif et, s'il le faut, même garder un secret. N'ayez pas peur de vous exprimer.
L'officier eut l'air de ne savoir quoi dire. En conséquence, Holden décida de lui forcer la main.
—Le coup de ce soir émanait de vous, m'a-t-on dit. Commencez-donc par là, soit par le tout début.
—Vrai. Une jeune source m'a dit qu'un gang se réunirait ce soir près de la roselière, dans le secteur cinq.
—Qui est cette source ?
—Un gosse qui vit à la dure et se débrouille comme il peut pour subsister à ses besoins. Adam Fosteim : la quinzaine, environ un mètre soixante-quinze, cheveux bruns, carrure coriace, mais un air assez inoffensif. Je le rencontre fréquemment dans le secteur douze, qui est la zone où je suis affecté. Il connaît quelques personnes en rapport au petit banditisme local. Ses tuyaux m'ont permis de boucler mes quotas d'arrestations certains mois.
—A-t-il des antécédents judiciaires ? Depuis combien de temps le connaissez-vous ?
—Cela doit bien faire plus d'un an que je suis entré en contact avec lui, maintenant. Il n'a aucun casier. Je peux vous dire à quoi il ressemble, où il habite, ce qu'il fait de ses mâtinées, mais à côté je ne sais pas grand-chose de sa vie.
—D'accord. Et aujourd'hui, qu'a-t-il dit qui puisse intéresser un déploiement d'uniformes comme il y a eu ce soir ? Le questionna Daniel, intrigué. Ce n'était certainement pas pour boucler un quota d'arrestations.
—Croyez-le ou non, il m'a surtout parlé d'une chose, puis d'une autre...
—Partons du principe que je vous crois. Quelle est la première de ces choses ?
—Quelques disparitions. Selon lui, de jeunes personnes se seraient évaporées durant l'année. Lors de notre discussion, Adam les a assimilé à du grand banditisme, citant au passage le nom d'un truand du coin. Un dénommé Ruffus Le Furieux, dont vous avez peut-être déjà entendu parler. J'ai d'abord pensé qu'il fabulait, puis il m'a tuyauté sur le lieu où un jeune gang se réunirait ce soir dans l'optique de causer du grabuge probablement lié à ces disparitions. C'était tout de suite plus plausible. J'ai donc eu l'idée de l'offensive, finit-il par dire sans même faire l'effort de croire à ses propres paroles.
Holden suivit avec intéressement ces explications, mais retint d'en faire part à son interlocuteur. Si un réel problème découlait de tout cela, sa nature même lui échappait. Eddie Valmeiser pouvait autant avoir trouvé un indice au sujet de ces effacements que s'offusquer d'être rentré bredouille. Non, cette histoire doit être bidon. Ils n'étaient pas là pour enlever qui que ce soit, c'était bel et bien un règlement de compte. Toutefois, plus que cela, le nom prononcé par l'officier le fit tiquer.
—Ce truand que vous venez de nommer, je n'en ai jamais entendu parler. Comment dites-vous qu'il s'appelle ? Le fit répéter Daniel, doutant d'avoir bien entendu ce qu'avait prononcé l'agent de police.
—Le Furieux, répéta Valmeiser. Ruffus Le Furieux. Mais c'est un surnom idiot qu'il s'est lui-même donné. Voyez-vous, il est homme à en fixer un autre d'un regard assassin en bramant d'une voix traînante « J'suis un dingue ! ». Je ne le connais que sous ce nom, mais sa véritable identité ne doit pas être secrète.
L'enquêteur échappa un léger rire.
—Certains n'ont honte de rien. Vivement que les surnoms ne soient plus à la mode chez les malfrats, car à ce train-là, on se retrouvera bientôt avec des Ruffus le Frappadingue, Ruffus l'Allumé, ou Ruffus le Déglingos sur les bras.
» Mais pour en revenir aux déclarations de votre jeune indic', je n'ai pas eux vent des disparitions qui sont mentionnées. Qu'elles soient ou non réelles, il a tout l'air de s'être stupidement planté au sujet du regroupement de ce soir. Peut-être pas par hasard ? Allez savoir, possible que cet Adam en sache réellement plus que vous, et que Ruffus le Frappé soit réellement pernicieux.
Valmeiser eut l'air quelque peu embêté.
—C'est justement ce que je pense. En vérité, il devait d'avance savoir que son info était bidon.
—Et qu'est-ce qui vous permet de le penser ?
—Quand les gamins se sont dispersés, j'ai pris l'un des gosses en chasse avec l'aide d'un collègue. On a dû sprinter le long de la grand route, le suivre à travers d'étroites ruelles à travers lesquelles il a tenté de nous semer. Visiblement, il connaissait parfaitement la zone et savait exactement où il allait. Chose normale pour un membre de gang local.
—Logique, reconnut Daniel.
—Sauf que, ce gosse, j'ai pu le rattraper et lui arracher ce gilet. (Et releva un bras au dessus de la table, étala sur la surface de métal le vêtement que retenait son poing.) Et devinez qui se cachait sous la capuche ?
Facile à deviner. Mais cela n'a aucun sens...
—Votre fameux Adam Fosteim ? Avança l'enquêteur.
Valmeiser acquiesça.
—Droit devant moi, il s'est arrêté, m'a dévisagé sans rien dire. Après quoi il s'est évaporé dans les ruelles alentours.
» Je le pensais loin de tout ça. Ses tuyaux étaient utiles, mais je ne le voyais pas faire partie de ce gang, ni d'aucun autre, d'ailleurs. Ce qui me choque le plus, c'est que d'après la panique générale, lui seul savait qu'on serait de la partie. Il voulait donc bel et bien qu'on leur tombe dessus. Mais étrangement, lui, qui nous a mis au parfum à propos de ce rassemblement, était quand même présent. J'ai beau me creuser la tête, aucune explication ne vient.
Empreint d'incompréhension, Daniel ne sut quoi en penser.
—Faites-moi voir le gilet, ordonna-t-il, s'intéressant de nouveau à l'habit.
L'officier n'y vit pas d'inconvénient, laissa l'enquêteur se saisir du vêtement. Ses doigts pâles s'enroulèrent autour du tissu. Aucune broderie, aucune étiquette, constata-t-il par lui-même.
—Ses actions sont incompréhensibles, pensa Holden à haute voix. Quel genre d'adolescent monterait un coup aussi risqué. À vous entendre il a manqué de se faire attraper.
—Il est peut-être stupide. Ce n'est pas donné à tout le monde d'être malin...
À penser cela, vous le seriez tout autant. C'est peut-être ce qu'il attend de vous, après avoir feinté d'être blanc comme neige. Qui dans l’affaire devait être berné ? Ses camarades ? Nous ? Ou aussi bien les deux camps ? Daniel se racla la gorge.
—Et maintenant, quel est votre plan ? L'adolescent que vous traîniez avec vous, que lui voulez-vous ?
Eddie Valmeiser chercha ses mots. Ou peut-être était-ce simplement le fil des évènements et ses interrogations qui ne facilitèrent pas sa confession.
—C'est bien le chef du gang, non ? Continua Daniel, pour lui forcer de nouveau la main.
—Oui, lui assura l'officier. J'ai l'intention de lui faire cracher le pourquoi de tout cela. Adam était l'un de ses larbins, il doit le connaître encore mieux que moi.
Et si ce portefaix n’était qu’un fieffé menteur ? Sbire un jour, et pourquoi pas tueur ? Nervi le lendemain, et mercenaire toujours ? Êtes-vous si peu malins, pour ne cesser d’en douter ?
—Peut-être, répondit Daniel. Ou peut-être pas. Il pourrait vous aider à éclaircir tout cela, c'est certain; quoique possiblement d'une façon différente de celle que vous imaginez.
—Même s'il ne savait rien sur ses machinations il pourrait me dire où le trouver. Je l'alpaguerais dans la journée, et peut-être même avant le levé du jour si ses déclarations sont précises.
—Et au passage nous dire qui a tué ce soir-là... ajouta l'enquêteur, pour compléter le raisonnement qui ne semblait pas dénué d’intelligence. Cela fait beaucoup d'éléments à soutirer, et sans vouloir vous manquer de respect, je doute que vous en soyez capable.
Valmeiser durcit ses traits, prit un air sérieux.
—Alors apportez-moi votre aide. Venez me seconder.
Daniel ne répondit pas directement, regarda le vêtement gris que tenaient ses doigts pâles.
—Ne rêvez pas. Si j'accepte, c'est vous qui me seconderez. J'ai vu comme vous vous énerviez avant d'avoir à forcer sur votre jambe pour me rejoindre. Votre rudesse ferait tout capoter.
—S'il le faut, j’obtempère. L'affaire doit être réglée au plus vite, tant qu'il n'y a pas de témoins gradés dans ce commissariat. Vous comptez-donc le faire parler ?
—Bien que cette simple idée m'irrite... J'avoue que votre histoire m'intrigue. C'est donc entendu. Je vais tenter d'éclaircir tout cela.
Sa dernière phrase arracha un sourire à l'officier blessé. Ce dernier tourna son visage vers la vitre, projeta son regard bien au-delà. L'un de ses bras se leva, adressa un geste en direction de Joris et Sven restés en retrait à veiller sur le chef de gang. Ces derniers ne manquèrent pas de l’apercevoir, relevèrent leur prisonnier, saisirent ses bras et entamèrent une lente marche en direction du fond du hall, vers une porte restant jusque-là ignorée.
—Ils vont l'emmener en salle d'interrogateur. Allons-y, nous aussi.
Le policier se dirigea au dehors du lieu épargné par l'agitation, fila à travers le lieu de travail en rassurant au passage les collègues estomaqués et intrigués par ce à quoi ils assistaient. Holden, lui, ne bougea pas d'un pouce, le suivit du regard durant sa course le menant à hauteur des deux hommes n'ayant encore cessés de fulminer. Le regard las, l'esprit vide de toute interrogation. En un sens, ce manège ne le regardait pas. Mieux, il n'en avait que faire.
Pourtant, en s'écoutant siroter son café, une possibilité en vînt à l'inquiéter. Mieux vaudrait qu'il rentre chez lui avant qu'on en vienne à lui demander de s'intéresser à ce qui se tramait. Chose risquant fort d'arriver, si jamais sa présence se laissait ressentir ici.
Transi par cette pensée, il continua d'observer ses collègues. Sans un mot. Le visage figé, duquel ne transparaissait qu'une fatigue en vieillissant misérablement les traits. Quelque part, il devinait : les soucis s'amorçaient sous ses yeux. Restait à savoir s'il saurait les esquiver.
Loin au-devant, Sven attendit une pause entre deux excès de rage pour se mêler à l'altercation. Aux côtés de Joris, il barra le passage du tempétueux tortionnaire, et tenta à son tour de le résonner. En vain, parut-il. L'homme avança, chercha à forcer le passage gardé par ses opposants, quand bien même ceux-ci l'empoignèrent pour le stopper. L'enragé se débattit. Sven parvînt à être repoussé, s'étala sur la surface d'un bureau, se cogna la clavicule contre l'écran d'un ordinateur qu'il emporta avec lui en chutant lourdement sur le sol. Toujours debout, Joris n'en démordit pas, abattit son pied sur le genou de l'oppresseur, le faisant ainsi tomber en emportant l'adolescent avec lui.
Daniel abaissa son regard sur le fond de sa tasse, tristement vide. Le café préparé emplissant la cafetière était peut-être encore chaud. Hésitant à remplir sa coupe, il releva son attention vers l'extérieur. Sven s'était relevé, et aidait Joris à asseoir de force l'homme et le jeune menotté sur deux sièges à roulettes qu'ils gardèrent en face d'eux.
Se jouait sous ses yeux ce qu'il apparentait à un spectacle grand-guignolesque, chacun criant au loup lors d'un imbroglio improvisé. Ses collègues semblant dès lors n'être que des acteurs laissés en roue libre, des marionnettes perdues au milieu de regards convergeant vers eux. Saltimbanques désaxés, mystifiés sous l'oeil d'une assemblée d'employés les découvrant paniqués, enragés, bien humains, mais semblables à des poupées articulées ayant été abandonnées par leur marionnettiste. Rien n'excusait qu'ils puissent se mettre dans de tels états. Surtout pas en cette nuit, pour ce qui ne devait être qu'un banal grabuge suscité par un gang de morveux anarchistes.
Peut-être n'était-il pas loin du compte. Ces vétérans, utilisés ? Par qui, et à quelle fin ? Il garderait cette pensée infondée pour lui. Ils se compliquent certainement la vie. Pourvu qu'on ne lui demande rien, il n'aurait pas à y repenser. Ainsi, elle ne s'imprimerait pas dans son esprit.
En affirmation à ses craintes, Joris tourna la tête dans plusieurs directions, à la recherche d'une chose précise. Son regard s'arrêta sur la vitre derrière laquelle se tenait le voyeur. La cible de son attention, qu'il implora d'un regard éloquent. L'officier demandait implicitement l'aide du désintéressé, qui hocha instinctivement la tête de gauche à droite en vue de lui faire part de sa réticence.
Grimaçant, Joris se retourna vers l'homme retenu sur sa chaise, échangea quelques mots lors d'une conversation visuellement animée. Un échange n'ayant probablement rien changé à leur situation. Joris porta une tape sur le bras de Sven, lui fit passer une obscure consigne en pointant un doigt vers l'endroit où demeurait immobile l'enquêteur. Il ose l'envoyer à moi ? Le jeune agent s'en alla d'un pas rapide, trottina en évitant ses collègues interpellés par ce qui se tramait. Il avança en de courtes foulées le menant à revenir s'immiscer dans l'espace vital du lointain spectateur. Ses doigts se refermèrent sur le bord du mur délimitant le lieu de repos, à l’intérieur duquel son visage apparut.
Qu'il m'épargne le problème, se répéta Holden tandis que le regard de l'importun se posait sur lui.
—On a besoin de vous, lui fit justement savoir Sven en prenant un air gêné.
L'enquêteur soupira. Ils vont insister... Se laissa-t-il aller à penser, hésitant à se résigner.
—Qui est cet homme à qui vous semblez donner tant de fil à retordre ? Questionna-t-il son collègue en posant un regard sur la personne assise au loin, surveillée par Joris Taulth.
—Eddie Valmeiser, lui répondit-on. Vous le connaissez ?
—Plus ou moins. Il a participé à l'arrestation de Gregory Belhasta, il y a un certain temps.
L'officier eut l'air surpris, afficha ce qui sembla être aux yeux de l'enquêteur une once d'admiration.
—Vous m'avez l'air calé sur le sujet.
—C'est mon travail, se contenta d'ajouter Daniel. L'adolescent qui l'accompagne ne serait pas le chef du gang de ce soir, par hasard ?
Sven garda le silence. L'enquêteur se tourna brièvement vers lui, lu sur son visage un regard interrogateur.
—Je l'ai entraperçu avant qu'il ne prenne la mouche, avança-t-il pour éviter toute question. Ce n’est pas une déduction.
Au loin, Joris assit de force la jeune racaille tentant de se lever. L'enragé, lui, ne se calmait toujours pas, mais demeurait étrangement cloué à sa chaise.
—Rien ne pouvait calmer Valmeiser, tout à l'heure. Pourquoi reste-t-il assis à présent ? Demanda Daniel, quelque peu curieux.
—Taulth est rentré dans son petit jeu et lui a démoli le genou.
—Rien de grave ?
L'officier jeta un œil dans la direction des deux hommes et du jeune chef de gang.
—Il semble hors de lui, pas en souffrance.
Approuvant sa réponse, l'enquêteur n'ajouta rien. Plutôt, il figea ses traits en un air plus sérieux. L’instigateur de la virée de ce soir, venu en étant de transe, entraînant dans son sillage le fomentateur du meurtre de la soirée. Ce fait, qui aurait pu être rassurant si l'attitude de l'inconnu avait été toute autre, ne lui dit rien qui vaille.
—Donc, dîtes-moi. Quel est le problème ? Interrogea-t-il Sven.
—Valmeiser a eut une tuile, et en veut au cas social qu'il traînait par la peau du cou.
—Mais pourquoi ?
—Il est persuadé qu'on s'est servi de lui ce soir. Je n'ai pas bien compris son histoire, en tout cas il compte interroger ce gosse. Le problème, c'est que comme le pense Taulth, il risque de n'arriver à rien, et tout lui retombera dessus s'il hôte l'envie au gosse de coopérer.
Que ferait-il ? Le cogner dans l'enceinte du commissariat ? Joris et Sven pensent vrai, il n'en tirerait que des sanctions. Ce pauvre bougre n'est pas habilité à interroger qui que ce soit. Il porta un regard sur les personnes présentent dans l'enceinte principale, les vit toutes affublées d'uniformes. Et pas l'ombre d'un enquêteur dans ce commissariat. Ce n'est pas le secteur cinq, ici. Certainement comptent-ils sur moi pour faire cracher ce qu'il faut au gamin. Mais que veulent-ils lui faire dire, justement ?
—Je n'y comprends rien. Si vous attendez quelque chose de ma part, faites venir Valmeiser pour qu'il m'explique ce qu'il se passe.
L'officier prit un air gêné.
—Allez à lui, plutôt. Il est blessé.
—Qu'il boite jusqu'à moi. Cela le fera réfléchir, la douleur le calmera. J'ai espoir qu'il se montre coopératif et ne me manque pas de respect après avoir bien souffert, en termina Daniel.
Une émotion étrange voilà le visage de Sven, qui relâcha le bord du mur et s'en écarta. Ses lèvres s'entrouvrirent, comme sous l'envie de lâcher un remarque. Mais l'attitude figée de l'enquêteur, dont l'attention demeurait tournée vers l'extérieur, le poussa à quitter l'espace clôt pour rejoindre Joris et ses deux comparses.
À leurs côtés, il répéta en son propre phrasé les mots de l'enquêteur. Joris en eut l'air surpris. Il aida Valmeiser à quitter sa chaise, lui indiqua en tendant un doigt la position de l'enquêteur debout derrière la vitre. Daniel ne bougea pas, observa le blessé se mettre à boiter au travers de la zone grouillante de vie. À travers les lignes de bureaux, le pauvre animal tordit ses lèvres pour ponctuer son avancée gênée par une jambe traînante, que ses muscles endoloris ne parvenaient à plier complètement. C'est non sans mal qu'il passa le cadre de la porte du lieu de repos, et écarta une chaise sur laquelle il put se laisser tomber.
—Taulth vous dit enquêteur, prononça-t-il de manière vive, avec une once de soulagement non feinte dû à la fin de son calvaire. Holden, c'est bien ça ?
—Daniel Holden. Et c'est bien le cas, même si en cette heure je n'ai aucune plaque à vous montrer. On m'a fait savoir que vous auriez besoin de moi, continua Daniel. Ce n'est pas dit que j'accepte. Que je refuse également. Mettez-moi au parfum, et selon ce dont il s'agira on verra si je peux me refaire un café ou vous suivre sans discuter.
—Ces deux enfoirés ont voulu m'empêcher de faire cracher au gosse tout ce qu'il sait, dit-il en désignant du pouce les deux officiers occupés au loin à surveiller le délinquant.
—Vous l'avez un peu cherché. À part foncer tête baissée retirer toute envie au jeune homme de parler, qu'auriez-vous fait ? Je suis curieux de savoir ce qui vous chagrine. Le problème doit être complexe pour vous faire sortir de vos gonds. Épineux, même. Le tout serait de ne pas vous piquer.
Surpris, et surtout offensé, l'agent de police fixa avec répugnance l'homme resté debout, fit glisser son regard sur le jeans, la chemise froissée et la veste qui l'affublaient.
—Si je le pouvais je vous mettrais mon poing dans la gueule.
—Alors je vais m'asseoir en face de vous. Avec un peu de chance vous parviendrez à m'envoyer de petits coups de pied, le provoqua-t-il en prenant place à l'autre bout de la table, sur l'une des chaises inconfortables. Je sais me montrer compréhensif et, s'il le faut, même garder un secret. N'ayez pas peur de vous exprimer.
L'officier eut l'air de ne savoir quoi dire. En conséquence, Holden décida de lui forcer la main.
—Le coup de ce soir émanait de vous, m'a-t-on dit. Commencez-donc par là, soit par le tout début.
—Vrai. Une jeune source m'a dit qu'un gang se réunirait ce soir près de la roselière, dans le secteur cinq.
—Qui est cette source ?
—Un gosse qui vit à la dure et se débrouille comme il peut pour subsister à ses besoins. Adam Fosteim : la quinzaine, environ un mètre soixante-quinze, cheveux bruns, carrure coriace, mais un air assez inoffensif. Je le rencontre fréquemment dans le secteur douze, qui est la zone où je suis affecté. Il connaît quelques personnes en rapport au petit banditisme local. Ses tuyaux m'ont permis de boucler mes quotas d'arrestations certains mois.
—A-t-il des antécédents judiciaires ? Depuis combien de temps le connaissez-vous ?
—Cela doit bien faire plus d'un an que je suis entré en contact avec lui, maintenant. Il n'a aucun casier. Je peux vous dire à quoi il ressemble, où il habite, ce qu'il fait de ses mâtinées, mais à côté je ne sais pas grand-chose de sa vie.
—D'accord. Et aujourd'hui, qu'a-t-il dit qui puisse intéresser un déploiement d'uniformes comme il y a eu ce soir ? Le questionna Daniel, intrigué. Ce n'était certainement pas pour boucler un quota d'arrestations.
—Croyez-le ou non, il m'a surtout parlé d'une chose, puis d'une autre...
—Partons du principe que je vous crois. Quelle est la première de ces choses ?
—Quelques disparitions. Selon lui, de jeunes personnes se seraient évaporées durant l'année. Lors de notre discussion, Adam les a assimilé à du grand banditisme, citant au passage le nom d'un truand du coin. Un dénommé Ruffus Le Furieux, dont vous avez peut-être déjà entendu parler. J'ai d'abord pensé qu'il fabulait, puis il m'a tuyauté sur le lieu où un jeune gang se réunirait ce soir dans l'optique de causer du grabuge probablement lié à ces disparitions. C'était tout de suite plus plausible. J'ai donc eu l'idée de l'offensive, finit-il par dire sans même faire l'effort de croire à ses propres paroles.
Holden suivit avec intéressement ces explications, mais retint d'en faire part à son interlocuteur. Si un réel problème découlait de tout cela, sa nature même lui échappait. Eddie Valmeiser pouvait autant avoir trouvé un indice au sujet de ces effacements que s'offusquer d'être rentré bredouille. Non, cette histoire doit être bidon. Ils n'étaient pas là pour enlever qui que ce soit, c'était bel et bien un règlement de compte. Toutefois, plus que cela, le nom prononcé par l'officier le fit tiquer.
—Ce truand que vous venez de nommer, je n'en ai jamais entendu parler. Comment dites-vous qu'il s'appelle ? Le fit répéter Daniel, doutant d'avoir bien entendu ce qu'avait prononcé l'agent de police.
—Le Furieux, répéta Valmeiser. Ruffus Le Furieux. Mais c'est un surnom idiot qu'il s'est lui-même donné. Voyez-vous, il est homme à en fixer un autre d'un regard assassin en bramant d'une voix traînante « J'suis un dingue ! ». Je ne le connais que sous ce nom, mais sa véritable identité ne doit pas être secrète.
L'enquêteur échappa un léger rire.
—Certains n'ont honte de rien. Vivement que les surnoms ne soient plus à la mode chez les malfrats, car à ce train-là, on se retrouvera bientôt avec des Ruffus le Frappadingue, Ruffus l'Allumé, ou Ruffus le Déglingos sur les bras.
» Mais pour en revenir aux déclarations de votre jeune indic', je n'ai pas eux vent des disparitions qui sont mentionnées. Qu'elles soient ou non réelles, il a tout l'air de s'être stupidement planté au sujet du regroupement de ce soir. Peut-être pas par hasard ? Allez savoir, possible que cet Adam en sache réellement plus que vous, et que Ruffus le Frappé soit réellement pernicieux.
Valmeiser eut l'air quelque peu embêté.
—C'est justement ce que je pense. En vérité, il devait d'avance savoir que son info était bidon.
—Et qu'est-ce qui vous permet de le penser ?
—Quand les gamins se sont dispersés, j'ai pris l'un des gosses en chasse avec l'aide d'un collègue. On a dû sprinter le long de la grand route, le suivre à travers d'étroites ruelles à travers lesquelles il a tenté de nous semer. Visiblement, il connaissait parfaitement la zone et savait exactement où il allait. Chose normale pour un membre de gang local.
—Logique, reconnut Daniel.
—Sauf que, ce gosse, j'ai pu le rattraper et lui arracher ce gilet. (Et releva un bras au dessus de la table, étala sur la surface de métal le vêtement que retenait son poing.) Et devinez qui se cachait sous la capuche ?
Facile à deviner. Mais cela n'a aucun sens...
—Votre fameux Adam Fosteim ? Avança l'enquêteur.
Valmeiser acquiesça.
—Droit devant moi, il s'est arrêté, m'a dévisagé sans rien dire. Après quoi il s'est évaporé dans les ruelles alentours.
» Je le pensais loin de tout ça. Ses tuyaux étaient utiles, mais je ne le voyais pas faire partie de ce gang, ni d'aucun autre, d'ailleurs. Ce qui me choque le plus, c'est que d'après la panique générale, lui seul savait qu'on serait de la partie. Il voulait donc bel et bien qu'on leur tombe dessus. Mais étrangement, lui, qui nous a mis au parfum à propos de ce rassemblement, était quand même présent. J'ai beau me creuser la tête, aucune explication ne vient.
Empreint d'incompréhension, Daniel ne sut quoi en penser.
—Faites-moi voir le gilet, ordonna-t-il, s'intéressant de nouveau à l'habit.
L'officier n'y vit pas d'inconvénient, laissa l'enquêteur se saisir du vêtement. Ses doigts pâles s'enroulèrent autour du tissu. Aucune broderie, aucune étiquette, constata-t-il par lui-même.
—Ses actions sont incompréhensibles, pensa Holden à haute voix. Quel genre d'adolescent monterait un coup aussi risqué. À vous entendre il a manqué de se faire attraper.
—Il est peut-être stupide. Ce n'est pas donné à tout le monde d'être malin...
À penser cela, vous le seriez tout autant. C'est peut-être ce qu'il attend de vous, après avoir feinté d'être blanc comme neige. Qui dans l’affaire devait être berné ? Ses camarades ? Nous ? Ou aussi bien les deux camps ? Daniel se racla la gorge.
—Et maintenant, quel est votre plan ? L'adolescent que vous traîniez avec vous, que lui voulez-vous ?
Eddie Valmeiser chercha ses mots. Ou peut-être était-ce simplement le fil des évènements et ses interrogations qui ne facilitèrent pas sa confession.
—C'est bien le chef du gang, non ? Continua Daniel, pour lui forcer de nouveau la main.
—Oui, lui assura l'officier. J'ai l'intention de lui faire cracher le pourquoi de tout cela. Adam était l'un de ses larbins, il doit le connaître encore mieux que moi.
Et si ce portefaix n’était qu’un fieffé menteur ? Sbire un jour, et pourquoi pas tueur ? Nervi le lendemain, et mercenaire toujours ? Êtes-vous si peu malins, pour ne cesser d’en douter ?
—Peut-être, répondit Daniel. Ou peut-être pas. Il pourrait vous aider à éclaircir tout cela, c'est certain; quoique possiblement d'une façon différente de celle que vous imaginez.
—Même s'il ne savait rien sur ses machinations il pourrait me dire où le trouver. Je l'alpaguerais dans la journée, et peut-être même avant le levé du jour si ses déclarations sont précises.
—Et au passage nous dire qui a tué ce soir-là... ajouta l'enquêteur, pour compléter le raisonnement qui ne semblait pas dénué d’intelligence. Cela fait beaucoup d'éléments à soutirer, et sans vouloir vous manquer de respect, je doute que vous en soyez capable.
Valmeiser durcit ses traits, prit un air sérieux.
—Alors apportez-moi votre aide. Venez me seconder.
Daniel ne répondit pas directement, regarda le vêtement gris que tenaient ses doigts pâles.
—Ne rêvez pas. Si j'accepte, c'est vous qui me seconderez. J'ai vu comme vous vous énerviez avant d'avoir à forcer sur votre jambe pour me rejoindre. Votre rudesse ferait tout capoter.
—S'il le faut, j’obtempère. L'affaire doit être réglée au plus vite, tant qu'il n'y a pas de témoins gradés dans ce commissariat. Vous comptez-donc le faire parler ?
—Bien que cette simple idée m'irrite... J'avoue que votre histoire m'intrigue. C'est donc entendu. Je vais tenter d'éclaircir tout cela.
Sa dernière phrase arracha un sourire à l'officier blessé. Ce dernier tourna son visage vers la vitre, projeta son regard bien au-delà. L'un de ses bras se leva, adressa un geste en direction de Joris et Sven restés en retrait à veiller sur le chef de gang. Ces derniers ne manquèrent pas de l’apercevoir, relevèrent leur prisonnier, saisirent ses bras et entamèrent une lente marche en direction du fond du hall, vers une porte restant jusque-là ignorée.
—Ils vont l'emmener en salle d'interrogateur. Allons-y, nous aussi.
29/01/16 à 13:17:57
http://image.noelshack.com/fichiers/2016/04/1454069668-img-1608.jpg
14/12/15 à 02:18:12
Putain
T'as le don pour couper tes chapitres où il faut ! Je veux voir ce foutu interrogatoire !
Sinon Holden a vraiment une putain de classe. A la fois 'je m'en fou' et 'c'est vraiment trop simple pour moi' couplé d'une terrible assurance.
Suite !
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