<h1>Noelfic</h1>

Espoirs Crépusculaires


Par : Droran

Genre : Polar , Horreur

Status : C'est compliqué

Note :


Chapitre 19

Publié le 30/11/15 à 20:30:54 par Droran

À l'extérieur, par-delà les battants donnant sur la rue, les deux hommes s’offrirent aux innombrables aiguilles du froid glacial englobant toute la ville. Le zéro menaçait de tomber, et les prémices de son arrivée picoraient déjà leur peau laissée nue en certains endroits.
Daniel enfila vite la veste restée sous son bras, enfouit profondément ses mains dans les poches de tissus. Soulagée du sifflement venteux qui soufflait encore quelque minutes auparavant, la rue demeurait silencieuse. S'alignaient le long des trottoirs une myriade de véhicules immobiles ; voitures et deux roues abandonnées à la fraîcheur nocturne.
—Tu préfères que l’on prenne ta voiture ? Questionna l'enquêteur, que le froid secouait violemment. Autrement, la mienne est juste là.
Garée sur le trottoir d'en face, accrochait à son regard la carrosserie métallisée d'un véhicule aux rondes formes sportives, élégante bien que pouvant être jugée ringarde pour l'époque actuelle. Ni plus ni moins qu'un vieux modèle acheté d'occasion il y a quelques années, roulant convenablement et n'étant pas prêt à rendre l'âme.
—Tentant, répondit son collègue, toutefois décidé à ne pas lui laisser le choix.
L'homme tendit une main, au bout des doigts de laquelle pendait un porte-clef. D'un clic sur un dispositif électronique, il commanda l'ouverture d'un véhicule proche. Une simple citadine peinturlurée d'un bleu de minuit, garée à quelques mètres d'eux.
—Mais ton cageot est trop voyant, ajouta-t-il la seconde suivante. Je n'ai pas emprunté un véhicule banalisé au commissariat pour rien. Ce sera parfait pour approcher du lieu de rendez-vous sans nous faire repérer.
—Logique, se contenta de répondre Holden.
Sans se faire prier, l'enquêteur contourna le carrosse métallique, ouvrit la portière côté passager. Flottait dans l'habitacle de douces effluves de cannelle projetées par une plaquette pendue au rétroviseur. Il prit ses aises derrière la boîte à gant, laissa Joris s'installer derrière le volant.
Le conducteur planta une clef dans le tableau de bord, tourna son poignet. Un hurlement retentit, suivi d'un ronflement. Le bruit du moteur perça le calme plat régnant dans le quartier qu'était “les lilas bleutés”, confondu dans le secteur onze. Ainsi, pour Daniel, faire machine arrière devenait impossible. Son collègue s'engagea sur la chaussée. Les pneus du véhicule avalèrent le bitume bordé d'immeubles fleurissant le long des rues, au travers desquelles Joris s’élança en vue de rejoindre le secteur cinq où toute une faction policière les y attendrait.
Sur les trottoirs déambulaient les acteurs nocturnes emmitouflés dans leurs manteaux. Habitués de bars, passants rendus là pour la dernière séance de cinéma ou le spectacle de la soirée : concert, théâtre, peut-être même ballet. Les prostituées ne se montreraient que plus tard, au grand dam des connaisseurs.
Une féerie de couleurs chaudes se voyait être projetée sur les véhicules en circulation, donnant à leurs conducteur l'étrange impression d'avancer au cœur de couloirs luminescents. Le regard braqué sur les édifices défilants, Daniel se laissa bercer par les couleurs flashy des enseignes à néons se reflétant la carrosserie et le pare-brise de la voiture. Une dimension de violet, de jaune, de rose et de rouge le plongeant dans un état de stase, dont il ressortait un brin apaisé.
D'ordinaire, il n'aurait vu que l'envers du décor : trafics en tous genres et règlements de compte. Mais aucun de ces détails n'importait plus. Il filait, laissait cette partie de son passé s'envoler, sans se soucier qu'elle ne pourrait que finir par lui revenir en pleine face plus tard. Car une fois mené à destination, certainement s'y retrouverait-il confronté.
Calmes, irréels, leurs visages se reflétaient partiellement dans l'habitacle. Une retranscription de la réalité qui, bien différente de celle du ciel sur la surface d'un lac, s'effaçait et apparaissait au rythme du défilement des sources lumineuses bordant leur chemin. Faux avant-goût de l'irréel... Ne se retint pas de penser Daniel, qui ne réprima pas une grimace discrète en déportant son attention sur la circulation.
Direction nord. Rallier le secteur cinq en un minimum de temps nécessitait de prendre un tunnel coupant à travers les secteurs treize et huit, qui les en séparaient. Accélérant quelque peu, Joris bifurqua, s'immisça dans la galerie baignée de lueurs bleutées flottant entre ses murs souterrains. Comme plongé dans un songe, il s'abandonna à leur compagnie. Son véhicule gardé à bonne distance des automobilistes circulant droit devant, il se permit de fermer un instant les yeux. Esquissant un sourire, Daniel se prit au jeu, l'imita. Concentrés sur les lents battements de leurs cœur, il savourèrent leur solitude, demeurèrent inertes un instant, puis relevèrent leurs regards sur le bitume défilant sous les pneus. Plus loin, la route remontait à la surface. Le conducteur s'aventura hors du tunnel, au cœur des rues mal éclairées et en partie désertées du secteur cinq, où le rendez-vous était convenu à hauteur d'un croisement.
La proximité du lieu avec l'abord de la ville lui ayant été précisée, l'officier de police n'eut aucun mal à se repérer. Sa connaissance de la zone le mena à travers les sombres routes bien moins vivantes que celles du centre-ville, jusqu'à parvenir à La Roselière.
Les pneus de la citadine ralentirent au milieu de débris de verre, se stoppèrent dans l'ombre d'un lampadaire explosé. Inerte en bas d'un immeuble, feintant dorénavant à l'adresse des quelques usagés s'engageant dans la rue d'être stationnée là pour la nuit.
À la place d'un autre, Daniel ne s'y serait pas trompé, y aurait tout de suite vu un véhicule de police banalisé. Mais peut-être n'auraient-ils pas tort à penser que le veilleur d'un groupe d'adolescent puisse se montrer incapable de se méfier. Il était de notoriété que les plus effrontés des jeunes membres d'un gang ne craignaient aucune figure d'autorité, et ignoraient donc la paranoïa. Toutefois, il aurait fallu être complètement idiot pour tomber dans le traquenard.
Une longue et large route, jalonnée de voitures stationnées aux abords des trottoirs, s'étendait devant leur pare-brise. Quelques officiers de police devaient certainement s'y cacher. Daniel en mit sa main à couper, les chercha du regard. Il remarqua au moins deux véhicules occupés.
—Je vois quelques collègues dans les parages, fit-il savoir au conducteur. En revanche, où sont les gosses ?
En réponse, Joris écrasa un bouton installé sur l'accoudoir de sa portière. La vitre s'abaissa en un bruit mécanique, laissa entrer de concert avec l'air hivernal quelques cris parvenant du lointain.
—Ils gueulent tellement fort qu'on ne peut pas les louper, s'amusa-t-il à relever en baissant d'un ton. (Sa main gauche se leva, pointa un doigt vers l'horizon.) Tu vois la petite ruelle, sur la gauche, au loin ?
Frigorifié, Daniel se pencha en avant pour s'en assurer. Entre deux immeubles se dessinait l'accès à une venelle d'où ne semblait s'échapper aucune lumière.
—Oui.
Les soustrayant au froid, Joris referma la fenêtre laissée ouverte.
—C'est de là que vient tout ce bordel. Ils s'y agglutinent, et à les entendre, se battent probablement.
Une jeune personne assise dans l'ombre attira l'attention de l'enquêteur. Le derrière posé sur une marche poussiéreuse, le délinquant semblait se perdre dans le contenu de son téléphone portable.
—Quelqu'un fait le guet juste à côté, fit remarquer Daniel. Sur l'escalier de l'immeuble de gauche.
—Et un autre est planqué sous le porche d'une porte, sur la droite. Rien ne nous échappe. Leur troisième guetteur se trouve de l'autre côté, dans la rue des Rameaux.
—Ton équipe t'a filé ces renseignements avant de venir chez moi ?
—Non, je connais tout de l'intérieur. En vérité je fais partie de leur gang de puceaux et j'infiltre de sales bâtards de flics qui osent réprimer le crime... Ironisa Joris. Ces blaireaux n'ont même pas encore grillé notre présence, alors qu'on ne se cache pas.
—Peu étonnant s'ils jouent tous les deux sur leur portable, fit remarquer Daniel.
—Les jeux vidéo doivent leur bousiller les yeux.
—J'en doute, d'autres les remplaceraient. Mais comment comptez-vous les neutraliser ?
—Une équipe de deux snipers a pu être réquisitionnée. L'un est posté sur un des toits au dessus de nous, et l'autre a vue sur la rue d'à côté. Dès que le signal sera donné ils s'occuperont des sentinelles et l'opération d'arrestation commencera.
L'enquêteur se déplaça sur son siège, jeta tant bien que mal un œil sur les hauteurs des bâtiments sans parvenir à distinguer le moindre tireur.
—Fléchettes anesthésiantes ? Demanda-t-il évasivement au conducteur.
—Et pourquoi pas des fleurs, tant que tu y es ? On est pas au pays des arc-en-ciel, Daniel. Les mômes vont se faire dégommer à coup de prototype non létal de balle en caoutchouc. Cela leur laissera un souvenir plus vivace de cette nuit ; comme une douloureuse signature qui restera quelques jours sur leur front.
—Du moment que c'est silencieux, cela me va. Quand le spectacle va-t-il commencer ?
—Sans doute dans quelques minutes. J'ai mis mon talkie-walkie dans la boîte à gant, pour ne pas être dérangé en montant te voir. Peux-tu l'en sortir ?

Commentaires

Sheyne

01/12/15 à 22:47:10

Mention spéciale à la boite de beignet dans la boite à gants ! :rire:



Ahhh bordel ils ont rien fait d'autre que bouffer des donuts et tu coupe juste avant l'action xD

Sinon j'ai bien aimé la petite histoire du marionnetiste !

Suite ! <3

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