Espoirs Crépusculaires
Par : Droran
Genre : Polar , Horreur
Status : C'est compliqué
Note :
Chapitre 21
Publié le 02/12/15 à 02:43:35 par Droran
—À tous les snipers, ici voiture une, cracha une voix masculine à travers le haut-parleur de l'objet. L'équipe est au complet. Vous pouvez y aller !
Joris s'extirpa de ses songes, se redressa, frotta ses mains l'une contre l'autre pour mimer l'impatience qui le rongeait. Droit sur son siège, Daniel se tînt prêt, ses sens affûtés. Il ne lâchait plus du regard les insouciants vigiles ignorant encore ce qui les menaçait.
Sans qu'un coup de feu ne résonne, le guetteur affalé sur les marches fut violemment frappé d'un projectile. Son crâne partit en arrière, percuta avec force la surface froide de l'escalier poussiéreux. Le portable que tenaient ses mains échappa à son étreinte, rebondit sur la pierre en laissant échapper un puissant son de choc, qui alerta le second vigile. Effrayé, ce dernier tourna aussitôt la tête, s'apprêta même à quitter l'ombre de sa cachette. Mais un second tir silencieux vrilla dans sa direction. La balle heurta son épaule, instiguant à son corps tout entier un lourd mouvement de recul qu'aucun de ses muscles ne put enrayer ; l'envoyant même percuter la porte de l'immeuble, contre laquelle il s'échoua en se tordant de douleur. Animé de confuses gesticulations, le blessé parvint à poser convenable un coude sur le sol, tenta de se relever. Chose qu'attendait le tireur isolé, décidé à jouer avec sa victime, lui accordant magnanimement quelques secondes de répit. Le jeune homme émit un gémissement étouffé, arqua son dos. Le chasseur engagea un nouveau projectile dans le canon de son arme, pressa doucement la détente. Un ultime tir avala la distance les séparant. La balle frappa le front du guetteur, qui roula en arrière sous l'ombre du porche dépassant de l’imposant logement effrité.
Ses bras en croix, une jambe ballante pendue au dessus de deux marches descendant jusqu'au trottoir, laissèrent croire aux assaillants qu'il ne risquait pas de se relever.
Joris jubila, démarra aussitôt. Assister à la neutralisation des deux adolescents avait été un vrai régal. Au-devant, les quelques véhicules banalisés encore garés s'écartèrent des trottoirs. D'autres, à allure lente, surgirent des rues avoisinantes. Toutes se murent vers la ruelle renfermant le gang de délinquants.
Le conducteur, lancé derrière ses collègues, se déporta sur le côté gauche de la chaussée. Pris d'une soudaine crainte, Daniel se raidit sur son siège. La voiture longea le caniveau en minimisant les bruits de son avancée, finit par se stopper parmi les autres transports mécaniques figés aux abords du lieu de rassemblement.
Impatient, Joris tapotait nerveusement le bout de ses ongles sur le cuir cerclant le volant. À ses côtés, Daniel ne savait trop quoi penser, jetait un regard sur les véhicules immobiles menaçant de chasser l'obscurité. Comme pour répondre à leur attente, le talkie-walkie reposant sur le tableau de bord grésilla une nouvelle fois.
—Que la fête commence !
À travers le pare-brise, l'enquêteur vit rayonner les phares des voitures de police, qui enluminèrent puissamment l'étroit passage grouillant de vie et de conflit.
—Je vais tenter de boucher la sortie, s'emporta Joris, en laissant jaillir ses pleins phares.
Les pneus mordillèrent l'asphalte, écorchèrent leur gomme sur les quelques gravillons éparpillés sur la bordure de route. En approche, le pare-brise du véhicule réfléchit les faisceaux projetés contre l'une des façades épreignant la ruelle. La vitre s’enlumina progressivement, s'occulta d'un épais reflet qui éblouit la vision de Daniel. Chose dont son collègue ne fut pas gêné. Pleinement conscient, le conducteur braqua le volant, stoppa sa voiture en travers de la sortie.
Autour d'eux, les sirènes des véhicules de police se mirent à rugir, couvrirent les claquements accompagnant l'apparition d'une dizaine d'hommes en uniforme, qui eux-mêmes ponctuèrent d'inaudibles injonctions leur charge vers le lieu étroit.
—Je te laisse les clefs ? Proposa rapidement Joris à l'adresse de Daniel, en posant une main sur le trousseau planté à la base du volant.
Ce dernier répondit en un hochement de tête négatif, ne prononça aucun mot. Se découpait dans les lueurs des phares des silhouette enragées. Une armée d'ombres couchées sur des murs incapables de les contenir, agitées par l'irruption d'opposants venus pour les asservir. Ondoyantes sur les surfaces crépites, elles se changeaient sous leurs yeux en escapés effrayés.
Arrachant l'objet planté sur le tableau de bord, Joris accorda toute son attention à ce qui se jouait face à eux. Une main posée sur la poignée de sa portière, il ne lâcha pas du regard la source des projections se contorsionnant en un ballet désarticulé sur la pierre des bâtiments. Au cœur de leur venelle, surpris par les officiers déchaînés, le groupuscule criminel se dispersa sans délai.
Les adolescents se s’épandirent en un troupeau hurlant. Encapuchonnés, tristement habillés de joggings, de sweat-shirt ou de gilets. Chacun fonçant vers une sortie sans même réfléchir à la moindre destination.
Les fugitifs foncèrent droit sur les deux hommes, à l'aveugle, ne pensant qu'à fuir les environs aussi vite qu'ils le pouvaient. Sans réfléchir ni même dévier leur trajectoire. À l’affût, Joris enserra bien fort la poignée de sa portière, attendit un moment... Puis l'ouvrit brusquement. Un délinquant percuta le métal barrant soudainement sa route, fut projeté en arrière. Ses jambes se croisèrent, s'emmêlèrent tandis que l'impact le fit reculer de trois pas. Il faillit à son équilibre et tomba à terre ; ses mains posées à plat pour se réceptionner en position assise.
Joris s'extirpa de l'habitacle. La fraîcheur extérieure s'engouffra aussitôt dans le véhicule, fit tressaillir Daniel qui se pencha par-dessus le volant en espérant ne rien manquer de la scène.
Déjà, le délinquant fit volte-face, amorça une relevée en sprint. Prenant appui sur ses bras, il releva un genou, puis le second.
—Ne te barre pas ! Éructa une voix derrière lui.
Arrivé à ses côtés, le représentant de la loi élança son pied vers l’abdomen du fuyard. Sa semelle rencontra les côtes de l'affligé en un choc d'une brutalité magistrale. Ce dernier émit un cri, qui s'éteint en même temps que son souffle. Il s'écroula violemment sur le ventre, bras tendus devant son visage. Toussotant, régurgitant la douleur en des borborygmes étranglés. Sa salive s'écoula sur ses lèvres grimaçantes, laissa pendre un long fil s'étirant entre elles et le béton.
Daniel, depuis son inconfortable posture, perdit de vue la jeune victime tombée au sol. D'intérêt tout autant. La scène, d'une banalité affligeante dans le paysage actuel, le poussa à projeter son regard vers d'autres collègues commençant à batailler avec les personnes s'étant laissées prendre par leur piège rudimentaire. Courraient en direction de son véhicule, à la suite du délinquant maltraité par Joris, un groupe de trois fuyards. Pourchassés, effrayés, battant des pieds à en perdre haleine. Un noyau d'irréductible qui se dispersa autour de la voiture sans stopper leur avancée.
Le regard de Daniel suivit l'un d'eux durant sa fuite en avant. Moins jeune que les autres, de peu, mais suffisamment pour piquer sa curiosité. Un visage à même de le faire tiquer, une apparence détonnant trop de celles des autres pour que l'enquêteur puisse se laisser tromper.
Leur chef ! S'échappant de toute pensée, il se jeta sur la portière du côté passager, qu'il ouvrit en se précipitant au dehors en l'espace de deux secondes.
—Le chef ! S'époumona-t-il, les yeux plissés, en tendant un bras vers les fuyards derrière lesquels s'élançaient déjà une poignée d'hommes en uniforme.
Un des fugitifs resté en retrait dans la ruelle réussit à échapper à un agent de police, fila en avant sans lâcher du regard son poursuivant. L'attention braquée vers l'arrière, il ne sut esquiver Daniel, alors debout à côté du véhicule. Son épaule percuta l'enquêteur, qui, repoussé, fut projeté contre la portière arrière gauche de la voiture, rebondit sur la carrosserie ; et s'élança instinctivement à sa poursuite.
—Petit enculé, reste là !
De son côté, échauffé, Joris Taulth ne s'en tint pas à garder sa victime au sol. Ses traits s'étirèrent en une grimace menaçante, sa barbe remplissant merveilleusement bien son office ; le laissant paraître aussi véhément qu'un bouledogue enragé. Il se pencha en avant et étendit un bras. Le col du sweat-shirt de l'adolescent se déforma sous la poigne se refermant sur lui.
Étiré vers le haut, le délinquant ne se laissa pas faire, tenta de décamper. En vain. Ses doigts ripèrent sur le trottoir bétonné sans espoir de parvenir à contrer l'étreinte le forçant à se lever. Remis sur pied d'un mouvement sec, il bringuebala en direction d'un mur proche, vers lequel l'officier de police l'invectiva d'avancer en le poussant avec force. Ses paumes s'étalèrent contre la surface rugueuse bétonnée, que grattèrent le bout de ses doigts abîmés. Essoufflé, il demeura debout, penché, tournant le dos au tortionnaire s'avançant lentement vers lui.
—Foutre le bordel vous fait marrer, pas vrai ? S'écria Joris en saisissant son épaule, le plaquant ainsi dos au mur.
—Pas autant que s'occuper de ta mère ! Osa répondre la jeune personne, un sourire forcé étirant brièvement ses lèvres.
Le poing de l'adulte se serra avec vigueur. Il l'enfonça sans retenue dans l'abdomen de l'adolescent, qui hoqueta en penchant la tête vers l'avant ; humidifiant d'un filet de bave la manche de son assaillant. Dégoûté, Joris recula, s'essuya tandis que l'affligé se recroquevilla sur le sol en lâchant de nouvelles plaintes étouffées.
—Connard de... Commença à menacer l'agent de police en levant un pied, prêt à l'abattre sur l’impertinent.
L'enfant saisit cet instant de répit pour se jeter sur lui. Déchirant son propre jeans en prenant appui sur son genou droit, il s'élança en avant. Le visage cramoisi, enlaidi d'une grimace menaçante. Ses bras s'enroulèrent autour de la jambe droite de Joris, à qui il espéra faire perdre l'équilibre.
Le policier raidit les muscles de ses cuisses pour ne pas faillir honteusement. Il saisit immédiatement le dos du pull de l'adolescent, qu'il étira vers le haut. La jeune victime redoubla d'efforts, tenta d'asséner quelques coups aux genoux de son bourreau, mais fut forcé de lâcher prise. Leurs pas se précipitèrent vers la portière arrière droite de la voiture restée inerte à quelques mètres d'eux, contre laquelle le visage du délinquant s'écrasa.
—Assez plaisanté, prévint le policier en décrochant une paire de menottes prise dans la sangle de sa lourde ceinture.
—Je me marre pas, connard ! Va te faire foutre ! Vociféra l'adolescent, son visage empourpré comprimé contre la carrosserie.
—Par qui, et où ? Tu m'expliques ? Je parie que tu t'y connais mieux que moi dans ces choses-là ! Vociféra l'adulte en tordant le bras de sa victime, y serrant autour de son os un bracelet métallique.
—De... Demande à ta mère ! Continua l'adolescent, ne sachant quoi faire d'autre qu'énerver son tortionnaire.
—C'est dingue, tu fais une fixation sur ma maman. Elle a pas loin de soixante balais ! Besoin d'un psy, ou manque de vocabulaire ? J'irai plutôt voir la tienne. Je me demande ce qu'elle pense de toutes tes conneries ! Ajouta-t-il en entravant la seconde main de l'obligé.
Les liens refermés sur ses poignets, le délinquant devint dès lors prisonnier. Une semelle claqua derrière son genou gauche, et il s'avachit sur le sol, maîtrisé, ses lèvres se pourvoyant de nombreux grains caillouteux traînant sur le sol goudronné.
Debout, sa jeune prise se contorsionnant à ses pieds, Joris jeta un œil autour de lui. La main posée sur le toit de la voiture, il tenta de projeter son regard au-delà des phares irradiant dans sa direction. Trois silhouettes courraient bien loin, échappant peu à peu à son champ de vision.
—Arrête-toi !
Le fuyard sprintait au milieu de la chaussée, pourchassé par Daniel Holden et le collègue l'ayant par mégarde laissé s'échapper. Son attention braquée vers l'avant, ses jambes foulant le macadam en de grandes et rapides enjambées. Il s'échappait aussi loin que possible, longeant les trottoirs et les quelques voitures stationnées aux abords des immeubles.
Des deux adultes, l'enquêteur avala avec peine la distance le séparant du jeune coureur. Il se déporta sur son côté, réussit à le surprendre. Son regard se posant sur l'adulte l'ayant rattrapé, le jeune homme écarquilla les yeux. Sa bouche s'ouvrit pour exhaler une plainte épeurée, alors que le visage livide de son poursuivant se rapprocha périlleusement.
—Je t'ai demandé de t'arrêter ! Tonna Daniel, avant de tamponner le fugitif.
L'adolescent rebondit contre son épaule, s'emmêla dans ses pas jusqu'à heurter le métal froid d'une automobile immobile. Accompagnées d'un bruit sourd, ses paumes cognèrent la carrosserie. Le choc le répulsa, l'envoya valdinguer, tête en arrière, augurant une inévitable rencontre avec le sol menaçant d'élimer la veste blanche couvrant son dos.
Daniel le retînt : bras gauche se refermant sous son aisselle, bras droit se resserrant autour de son cou.
—Je l'ai ! S'écria-t-il, haletant, à l'adresse du collègue tout aussi essoufflé s’arrêtant à quelques pas de lui. Envoyez-moi des menottes.
Sans émettre la moindre réponse, le traqueur se pencha en avant, mains à plat sur ses genoux, et prit de longues inspirations pour gorger ses poumons d'oxygène. Un sourire euphorique se grava sur son visage. L'une de ses mains remonta sur sa ceinture, s'empara des entraves y étant accrochées.
—Joli prise, félicita-t-il l'enquêteur en lui envoyant l'objet demandé. Mais il faut croire qu'on est plus très en forme, vous et moi.
L'objet convoité décrivit un large cercle dans les airs, vint glisser sur le goudron, s'arrêta à quelques centimètres du pied droit de Daniel.
—Je vous buterai tous ! S'emporta l'adolescent en se débattant entre les bras de l'enquêteur.
L'adulte relâcha l'épaule du jeune homme, porta deux rapides coups de poing sur la face droite de son crâne.
—Tu ne sais pas ce que tu dis, alors ferme-la ! S'énerva-t-il en rejetant sa capture à plat ventre sur le sol.
Relevant sa jambe, Daniel décocha un coup de pied sur le visage de la jeune personne, qui vit la commissure de sa lèvre se teindre de la couleur du sang. Sonnée, elle se mit à gémir, chercha même à ramper sur quelques centimètres ; son jeans et sa veste frottant en un son de tissus rugueux sur l'asphalte salissante. Une initiative à laquelle l'adulte mit fin. Inspirant bruyamment, ce dernier se pencha en avant, se saisit des menottes. Il se laissa tomber, genou en avant, sur l'adolescent.
—Il fallait te rendre quand je te le demandais ! Ajouta-t-il en refermant les bracelets autour des poignets de sa victime, pour couvrir les supplications de douleur et craquements de dos lui étant soutirées.
Avec effort, l'enquêteur se releva, empoigna la veste du jeune homme pour le redresser de force. Face à eux, le collègue ne les lâchait pas du regard. Immobile au centre de la route désertée, les traits de son visage trahissant une expression réprobatrice envers ce à quoi il venait d'assister.
—Je vous le rends, consentit Daniel en poussant l'adolescent dans sa direction. Faîtes-en bon usage.
L'agent en uniforme fit un pas en avant, se saisit du bras du malmené.
—Je vous remercie pour le coup de main. Vous êtes enquêteur, n'est-ce pas ? Questionna le représentant de la loi, en commençant à faire avancer le prisonnier.
—On peut dire cela.
—Peu loquace, maugréa l'homme en poussant l'adolescent tentant de se débattre. Il faut que vous jetiez un œil dans la ruelle. On verra ce qui pourra être dit à ce moment là.
Daniel, marchant alors à ses côtés, haussa un sourcil. Il toisa du regard ce collègue à l'allure de jeune recrue, âgé de peut-être vingt-six ans, dont les traits tirés et fatigués trahissaient une santé douteuse. Pâle, presque tout autant que lui-même. Ses cheveux d'une longueur suffisante pour qu'il puisse les rabattre en arrière de son crâne. Autant d'éléments qui donnèrent à Daniel l'impression de se retrouver face au fils d'un gangster, blessé, déguisé en agent de police fraîchement sorti de l'école.
Au loin, un coup de feu résonna. Subitement, sans permettre à quiconque d'en deviner la provenance. Un son si puissant qu'il parvint à percer le barrage sonore érigé par le vacarme ambiant. Qui a osé tirer ? Se questionna l'enquêteur, persuadé qu'un cinglé avait cru bon de dégainer. À ses côtés, inquiété, leur accompagnateur sembla perdre toute envie de moufeter.
Tous trois continuèrent à marcher au milieu de la rue, leurs pas résonnant sur le goudron froid. Déjà, l'adolescent commençait à se résigner, avançait de lui même sans que l'officier de police n'ait besoin de plus que le tenir fermement.
—Nous ne sommes pas très en forme, prononça alors Daniel, alors que les sirènes ne couvraient pas encore entièrement sa voix. C'est ce que vous aviez dit, n'est-ce pas ?
—Oui, je l'ai dit.
—Pour mon cas, vous ne m'apprenez rien. Mais vous, que vous est-il arrivé ?
L'agent en uniforme esquissa un sourire gêné.
—C'est une longue histoire. Il va falloir laisser tomber.
Un brin pensif, l'enquêteur soupira.
—Elles le sont toutes, à écouter les personnes concernées. D'après moi, ce n'est pas suffisant pour étioler leur intérêt à être contées.
—En l'instant qui lui sied, dans ce cas. Vous ne croyez pas ? Questionna l'agent de police, un brin ironique face au vocabulaire employé par son interlocuteur.
—Sans doute. Comment vous appelez-vous ?
—Sven, se contenta de répondre l'officier, qui n'eut pas l'envie d'en dire plus devant le jeune prisonnier. On s'en tiendra à cela.
Daniel figea son attention sur l'adolescent se retenant de pouffer en écoutant leur discussion, et comprit les pensées de son collègue.
—Va pour Sven, dans ce cas. Vous craignez de vous identifier devant le suspect, mais il vous aura oublié si tôt qu'on l'aura mis derrière les barreaux.
—Il a menacé de nous tuer. On est jamais trop prudent.
—Et tu fais bien, sale connard de...
—Ferme-la et avance ! S'écria Daniel pour couper court à l'entêtement de l'adolescent. Ce n'est personne, un minable qui sert de larbin pour un gang qui ne l'est pas moins.
—Peut-être bien, prit la peine de répondre son collègue. Et vous, comment dois-je vous appeler ?
L'enquêteur cligna des yeux, les lueurs des gyrophares commençant à le frapper de plein fouet.
—Daniel Holden. Ou plutôt, appelez-moi comme vous voulez, du moment que cela reste respectueux. Nom ou prénom, c'est sans importance, du moment que l'on parvient à se reconnaître. C'est avant tout à cela que sert d'être nommé.
—Je vous crois, se contenta de répondre l'officier Sven.
La réplique venait d'être lâchée sans qu'il ne prenne la peine de regarder l'enquêteur. Le propos devait lui paraître étrange, bien que proche d'être une forme de vérité. Holden jugea bon de ne rien ajouter.
Ils avancèrent parmi les voitures de police, à l'intérieur desquels de nombreux représentant de la loi tentaient de faire s'asseoir leurs jeunes prisonniers. Sous les feux et les sons hurlés par les gyrophares colorés, leurs pas pesèrent aux côtés de l'adolescent, dont Sven dû de nouveau forcer chacun de ses mouvements ; la présence de ses camarades ayant de nouveau éveillé son esprit de rébellion.
Joris finissait de jeter sa capture sur la banquette arrière de son véhicule. Portière ouverte, il releva la tête, suivit du regard le retour de Daniel et l'arrivée de sa nouvelle compagnie.
—Jolie prise ! Le félicita-t-il, espérant que sa voix puisse percer au travers du mur de son produit par le brouhaha ambiant.
Cependant l'enquêteur n'entendit rien, contourna le véhicule, se contenta de jeter sur lui un bref coup d'oeil. Il s'enfonça dans la ruelle fraîchement enluminée, à la suite des errements du collègue policier souhaitant lui montrer l'importante chose que renfermait ce lieu cloisonné. L'exact endroit duquel le rassemblement s'était dissipé.
D'autres officiers de police se chargeaient encore d'appréhender des suspects. Plaqués contre les murs, menottes se refermant sur leurs poignées, ces derniers n'en démordaient pourtant pas et continuaient de se rebeller. De nouvelles injustice qui eurent incidence sur le comportement du détenu accompagnant Holden et Sven.
—Avance ! Invectiva une nouvelle fois ce dernier, en frappant de sa semelle la cuisse de l'adolescent.
Circulant parmi tous ces représentant de l'ordre, droit vers le cœur du lieu étreint par deux immenses murs décrépis, Daniel en vint à se demander pourquoi son collègue souhaitait que le jeune homme les accompagne. Il projeta son regard autour de lui, puis plus en avant. Une odeur cuivrée flottait non loin. À quelques pas de là, au centre de l'étroit passage, se tenaient debout deux agents se découpant en des silhouettes sombres dans la lueur projetée derrière eux par de puissant phares. Daniel fit papillonner ses paupières, abaissa son regard. Gisait à leurs pieds une forme immobile, à la vue de laquelle il fut prit d'un imperceptible sursaut.
Non, non, non.
Son cœur échappa à tout contrôle. Lui et Sven s’avancèrent, tandis que les hommes reculèrent de deux pas en voyant la tenue civile de l'un des arrivants.
—Ne manquait plus que cela... Laissèrent échapper les lèvres gercées de l'enquêteur.
Joris s'extirpa de ses songes, se redressa, frotta ses mains l'une contre l'autre pour mimer l'impatience qui le rongeait. Droit sur son siège, Daniel se tînt prêt, ses sens affûtés. Il ne lâchait plus du regard les insouciants vigiles ignorant encore ce qui les menaçait.
Sans qu'un coup de feu ne résonne, le guetteur affalé sur les marches fut violemment frappé d'un projectile. Son crâne partit en arrière, percuta avec force la surface froide de l'escalier poussiéreux. Le portable que tenaient ses mains échappa à son étreinte, rebondit sur la pierre en laissant échapper un puissant son de choc, qui alerta le second vigile. Effrayé, ce dernier tourna aussitôt la tête, s'apprêta même à quitter l'ombre de sa cachette. Mais un second tir silencieux vrilla dans sa direction. La balle heurta son épaule, instiguant à son corps tout entier un lourd mouvement de recul qu'aucun de ses muscles ne put enrayer ; l'envoyant même percuter la porte de l'immeuble, contre laquelle il s'échoua en se tordant de douleur. Animé de confuses gesticulations, le blessé parvint à poser convenable un coude sur le sol, tenta de se relever. Chose qu'attendait le tireur isolé, décidé à jouer avec sa victime, lui accordant magnanimement quelques secondes de répit. Le jeune homme émit un gémissement étouffé, arqua son dos. Le chasseur engagea un nouveau projectile dans le canon de son arme, pressa doucement la détente. Un ultime tir avala la distance les séparant. La balle frappa le front du guetteur, qui roula en arrière sous l'ombre du porche dépassant de l’imposant logement effrité.
Ses bras en croix, une jambe ballante pendue au dessus de deux marches descendant jusqu'au trottoir, laissèrent croire aux assaillants qu'il ne risquait pas de se relever.
Joris jubila, démarra aussitôt. Assister à la neutralisation des deux adolescents avait été un vrai régal. Au-devant, les quelques véhicules banalisés encore garés s'écartèrent des trottoirs. D'autres, à allure lente, surgirent des rues avoisinantes. Toutes se murent vers la ruelle renfermant le gang de délinquants.
Le conducteur, lancé derrière ses collègues, se déporta sur le côté gauche de la chaussée. Pris d'une soudaine crainte, Daniel se raidit sur son siège. La voiture longea le caniveau en minimisant les bruits de son avancée, finit par se stopper parmi les autres transports mécaniques figés aux abords du lieu de rassemblement.
Impatient, Joris tapotait nerveusement le bout de ses ongles sur le cuir cerclant le volant. À ses côtés, Daniel ne savait trop quoi penser, jetait un regard sur les véhicules immobiles menaçant de chasser l'obscurité. Comme pour répondre à leur attente, le talkie-walkie reposant sur le tableau de bord grésilla une nouvelle fois.
—Que la fête commence !
À travers le pare-brise, l'enquêteur vit rayonner les phares des voitures de police, qui enluminèrent puissamment l'étroit passage grouillant de vie et de conflit.
—Je vais tenter de boucher la sortie, s'emporta Joris, en laissant jaillir ses pleins phares.
Les pneus mordillèrent l'asphalte, écorchèrent leur gomme sur les quelques gravillons éparpillés sur la bordure de route. En approche, le pare-brise du véhicule réfléchit les faisceaux projetés contre l'une des façades épreignant la ruelle. La vitre s’enlumina progressivement, s'occulta d'un épais reflet qui éblouit la vision de Daniel. Chose dont son collègue ne fut pas gêné. Pleinement conscient, le conducteur braqua le volant, stoppa sa voiture en travers de la sortie.
Autour d'eux, les sirènes des véhicules de police se mirent à rugir, couvrirent les claquements accompagnant l'apparition d'une dizaine d'hommes en uniforme, qui eux-mêmes ponctuèrent d'inaudibles injonctions leur charge vers le lieu étroit.
—Je te laisse les clefs ? Proposa rapidement Joris à l'adresse de Daniel, en posant une main sur le trousseau planté à la base du volant.
Ce dernier répondit en un hochement de tête négatif, ne prononça aucun mot. Se découpait dans les lueurs des phares des silhouette enragées. Une armée d'ombres couchées sur des murs incapables de les contenir, agitées par l'irruption d'opposants venus pour les asservir. Ondoyantes sur les surfaces crépites, elles se changeaient sous leurs yeux en escapés effrayés.
Arrachant l'objet planté sur le tableau de bord, Joris accorda toute son attention à ce qui se jouait face à eux. Une main posée sur la poignée de sa portière, il ne lâcha pas du regard la source des projections se contorsionnant en un ballet désarticulé sur la pierre des bâtiments. Au cœur de leur venelle, surpris par les officiers déchaînés, le groupuscule criminel se dispersa sans délai.
Les adolescents se s’épandirent en un troupeau hurlant. Encapuchonnés, tristement habillés de joggings, de sweat-shirt ou de gilets. Chacun fonçant vers une sortie sans même réfléchir à la moindre destination.
Les fugitifs foncèrent droit sur les deux hommes, à l'aveugle, ne pensant qu'à fuir les environs aussi vite qu'ils le pouvaient. Sans réfléchir ni même dévier leur trajectoire. À l’affût, Joris enserra bien fort la poignée de sa portière, attendit un moment... Puis l'ouvrit brusquement. Un délinquant percuta le métal barrant soudainement sa route, fut projeté en arrière. Ses jambes se croisèrent, s'emmêlèrent tandis que l'impact le fit reculer de trois pas. Il faillit à son équilibre et tomba à terre ; ses mains posées à plat pour se réceptionner en position assise.
Joris s'extirpa de l'habitacle. La fraîcheur extérieure s'engouffra aussitôt dans le véhicule, fit tressaillir Daniel qui se pencha par-dessus le volant en espérant ne rien manquer de la scène.
Déjà, le délinquant fit volte-face, amorça une relevée en sprint. Prenant appui sur ses bras, il releva un genou, puis le second.
—Ne te barre pas ! Éructa une voix derrière lui.
Arrivé à ses côtés, le représentant de la loi élança son pied vers l’abdomen du fuyard. Sa semelle rencontra les côtes de l'affligé en un choc d'une brutalité magistrale. Ce dernier émit un cri, qui s'éteint en même temps que son souffle. Il s'écroula violemment sur le ventre, bras tendus devant son visage. Toussotant, régurgitant la douleur en des borborygmes étranglés. Sa salive s'écoula sur ses lèvres grimaçantes, laissa pendre un long fil s'étirant entre elles et le béton.
Daniel, depuis son inconfortable posture, perdit de vue la jeune victime tombée au sol. D'intérêt tout autant. La scène, d'une banalité affligeante dans le paysage actuel, le poussa à projeter son regard vers d'autres collègues commençant à batailler avec les personnes s'étant laissées prendre par leur piège rudimentaire. Courraient en direction de son véhicule, à la suite du délinquant maltraité par Joris, un groupe de trois fuyards. Pourchassés, effrayés, battant des pieds à en perdre haleine. Un noyau d'irréductible qui se dispersa autour de la voiture sans stopper leur avancée.
Le regard de Daniel suivit l'un d'eux durant sa fuite en avant. Moins jeune que les autres, de peu, mais suffisamment pour piquer sa curiosité. Un visage à même de le faire tiquer, une apparence détonnant trop de celles des autres pour que l'enquêteur puisse se laisser tromper.
Leur chef ! S'échappant de toute pensée, il se jeta sur la portière du côté passager, qu'il ouvrit en se précipitant au dehors en l'espace de deux secondes.
—Le chef ! S'époumona-t-il, les yeux plissés, en tendant un bras vers les fuyards derrière lesquels s'élançaient déjà une poignée d'hommes en uniforme.
Un des fugitifs resté en retrait dans la ruelle réussit à échapper à un agent de police, fila en avant sans lâcher du regard son poursuivant. L'attention braquée vers l'arrière, il ne sut esquiver Daniel, alors debout à côté du véhicule. Son épaule percuta l'enquêteur, qui, repoussé, fut projeté contre la portière arrière gauche de la voiture, rebondit sur la carrosserie ; et s'élança instinctivement à sa poursuite.
—Petit enculé, reste là !
De son côté, échauffé, Joris Taulth ne s'en tint pas à garder sa victime au sol. Ses traits s'étirèrent en une grimace menaçante, sa barbe remplissant merveilleusement bien son office ; le laissant paraître aussi véhément qu'un bouledogue enragé. Il se pencha en avant et étendit un bras. Le col du sweat-shirt de l'adolescent se déforma sous la poigne se refermant sur lui.
Étiré vers le haut, le délinquant ne se laissa pas faire, tenta de décamper. En vain. Ses doigts ripèrent sur le trottoir bétonné sans espoir de parvenir à contrer l'étreinte le forçant à se lever. Remis sur pied d'un mouvement sec, il bringuebala en direction d'un mur proche, vers lequel l'officier de police l'invectiva d'avancer en le poussant avec force. Ses paumes s'étalèrent contre la surface rugueuse bétonnée, que grattèrent le bout de ses doigts abîmés. Essoufflé, il demeura debout, penché, tournant le dos au tortionnaire s'avançant lentement vers lui.
—Foutre le bordel vous fait marrer, pas vrai ? S'écria Joris en saisissant son épaule, le plaquant ainsi dos au mur.
—Pas autant que s'occuper de ta mère ! Osa répondre la jeune personne, un sourire forcé étirant brièvement ses lèvres.
Le poing de l'adulte se serra avec vigueur. Il l'enfonça sans retenue dans l'abdomen de l'adolescent, qui hoqueta en penchant la tête vers l'avant ; humidifiant d'un filet de bave la manche de son assaillant. Dégoûté, Joris recula, s'essuya tandis que l'affligé se recroquevilla sur le sol en lâchant de nouvelles plaintes étouffées.
—Connard de... Commença à menacer l'agent de police en levant un pied, prêt à l'abattre sur l’impertinent.
L'enfant saisit cet instant de répit pour se jeter sur lui. Déchirant son propre jeans en prenant appui sur son genou droit, il s'élança en avant. Le visage cramoisi, enlaidi d'une grimace menaçante. Ses bras s'enroulèrent autour de la jambe droite de Joris, à qui il espéra faire perdre l'équilibre.
Le policier raidit les muscles de ses cuisses pour ne pas faillir honteusement. Il saisit immédiatement le dos du pull de l'adolescent, qu'il étira vers le haut. La jeune victime redoubla d'efforts, tenta d'asséner quelques coups aux genoux de son bourreau, mais fut forcé de lâcher prise. Leurs pas se précipitèrent vers la portière arrière droite de la voiture restée inerte à quelques mètres d'eux, contre laquelle le visage du délinquant s'écrasa.
—Assez plaisanté, prévint le policier en décrochant une paire de menottes prise dans la sangle de sa lourde ceinture.
—Je me marre pas, connard ! Va te faire foutre ! Vociféra l'adolescent, son visage empourpré comprimé contre la carrosserie.
—Par qui, et où ? Tu m'expliques ? Je parie que tu t'y connais mieux que moi dans ces choses-là ! Vociféra l'adulte en tordant le bras de sa victime, y serrant autour de son os un bracelet métallique.
—De... Demande à ta mère ! Continua l'adolescent, ne sachant quoi faire d'autre qu'énerver son tortionnaire.
—C'est dingue, tu fais une fixation sur ma maman. Elle a pas loin de soixante balais ! Besoin d'un psy, ou manque de vocabulaire ? J'irai plutôt voir la tienne. Je me demande ce qu'elle pense de toutes tes conneries ! Ajouta-t-il en entravant la seconde main de l'obligé.
Les liens refermés sur ses poignets, le délinquant devint dès lors prisonnier. Une semelle claqua derrière son genou gauche, et il s'avachit sur le sol, maîtrisé, ses lèvres se pourvoyant de nombreux grains caillouteux traînant sur le sol goudronné.
Debout, sa jeune prise se contorsionnant à ses pieds, Joris jeta un œil autour de lui. La main posée sur le toit de la voiture, il tenta de projeter son regard au-delà des phares irradiant dans sa direction. Trois silhouettes courraient bien loin, échappant peu à peu à son champ de vision.
—Arrête-toi !
Le fuyard sprintait au milieu de la chaussée, pourchassé par Daniel Holden et le collègue l'ayant par mégarde laissé s'échapper. Son attention braquée vers l'avant, ses jambes foulant le macadam en de grandes et rapides enjambées. Il s'échappait aussi loin que possible, longeant les trottoirs et les quelques voitures stationnées aux abords des immeubles.
Des deux adultes, l'enquêteur avala avec peine la distance le séparant du jeune coureur. Il se déporta sur son côté, réussit à le surprendre. Son regard se posant sur l'adulte l'ayant rattrapé, le jeune homme écarquilla les yeux. Sa bouche s'ouvrit pour exhaler une plainte épeurée, alors que le visage livide de son poursuivant se rapprocha périlleusement.
—Je t'ai demandé de t'arrêter ! Tonna Daniel, avant de tamponner le fugitif.
L'adolescent rebondit contre son épaule, s'emmêla dans ses pas jusqu'à heurter le métal froid d'une automobile immobile. Accompagnées d'un bruit sourd, ses paumes cognèrent la carrosserie. Le choc le répulsa, l'envoya valdinguer, tête en arrière, augurant une inévitable rencontre avec le sol menaçant d'élimer la veste blanche couvrant son dos.
Daniel le retînt : bras gauche se refermant sous son aisselle, bras droit se resserrant autour de son cou.
—Je l'ai ! S'écria-t-il, haletant, à l'adresse du collègue tout aussi essoufflé s’arrêtant à quelques pas de lui. Envoyez-moi des menottes.
Sans émettre la moindre réponse, le traqueur se pencha en avant, mains à plat sur ses genoux, et prit de longues inspirations pour gorger ses poumons d'oxygène. Un sourire euphorique se grava sur son visage. L'une de ses mains remonta sur sa ceinture, s'empara des entraves y étant accrochées.
—Joli prise, félicita-t-il l'enquêteur en lui envoyant l'objet demandé. Mais il faut croire qu'on est plus très en forme, vous et moi.
L'objet convoité décrivit un large cercle dans les airs, vint glisser sur le goudron, s'arrêta à quelques centimètres du pied droit de Daniel.
—Je vous buterai tous ! S'emporta l'adolescent en se débattant entre les bras de l'enquêteur.
L'adulte relâcha l'épaule du jeune homme, porta deux rapides coups de poing sur la face droite de son crâne.
—Tu ne sais pas ce que tu dis, alors ferme-la ! S'énerva-t-il en rejetant sa capture à plat ventre sur le sol.
Relevant sa jambe, Daniel décocha un coup de pied sur le visage de la jeune personne, qui vit la commissure de sa lèvre se teindre de la couleur du sang. Sonnée, elle se mit à gémir, chercha même à ramper sur quelques centimètres ; son jeans et sa veste frottant en un son de tissus rugueux sur l'asphalte salissante. Une initiative à laquelle l'adulte mit fin. Inspirant bruyamment, ce dernier se pencha en avant, se saisit des menottes. Il se laissa tomber, genou en avant, sur l'adolescent.
—Il fallait te rendre quand je te le demandais ! Ajouta-t-il en refermant les bracelets autour des poignets de sa victime, pour couvrir les supplications de douleur et craquements de dos lui étant soutirées.
Avec effort, l'enquêteur se releva, empoigna la veste du jeune homme pour le redresser de force. Face à eux, le collègue ne les lâchait pas du regard. Immobile au centre de la route désertée, les traits de son visage trahissant une expression réprobatrice envers ce à quoi il venait d'assister.
—Je vous le rends, consentit Daniel en poussant l'adolescent dans sa direction. Faîtes-en bon usage.
L'agent en uniforme fit un pas en avant, se saisit du bras du malmené.
—Je vous remercie pour le coup de main. Vous êtes enquêteur, n'est-ce pas ? Questionna le représentant de la loi, en commençant à faire avancer le prisonnier.
—On peut dire cela.
—Peu loquace, maugréa l'homme en poussant l'adolescent tentant de se débattre. Il faut que vous jetiez un œil dans la ruelle. On verra ce qui pourra être dit à ce moment là.
Daniel, marchant alors à ses côtés, haussa un sourcil. Il toisa du regard ce collègue à l'allure de jeune recrue, âgé de peut-être vingt-six ans, dont les traits tirés et fatigués trahissaient une santé douteuse. Pâle, presque tout autant que lui-même. Ses cheveux d'une longueur suffisante pour qu'il puisse les rabattre en arrière de son crâne. Autant d'éléments qui donnèrent à Daniel l'impression de se retrouver face au fils d'un gangster, blessé, déguisé en agent de police fraîchement sorti de l'école.
Au loin, un coup de feu résonna. Subitement, sans permettre à quiconque d'en deviner la provenance. Un son si puissant qu'il parvint à percer le barrage sonore érigé par le vacarme ambiant. Qui a osé tirer ? Se questionna l'enquêteur, persuadé qu'un cinglé avait cru bon de dégainer. À ses côtés, inquiété, leur accompagnateur sembla perdre toute envie de moufeter.
Tous trois continuèrent à marcher au milieu de la rue, leurs pas résonnant sur le goudron froid. Déjà, l'adolescent commençait à se résigner, avançait de lui même sans que l'officier de police n'ait besoin de plus que le tenir fermement.
—Nous ne sommes pas très en forme, prononça alors Daniel, alors que les sirènes ne couvraient pas encore entièrement sa voix. C'est ce que vous aviez dit, n'est-ce pas ?
—Oui, je l'ai dit.
—Pour mon cas, vous ne m'apprenez rien. Mais vous, que vous est-il arrivé ?
L'agent en uniforme esquissa un sourire gêné.
—C'est une longue histoire. Il va falloir laisser tomber.
Un brin pensif, l'enquêteur soupira.
—Elles le sont toutes, à écouter les personnes concernées. D'après moi, ce n'est pas suffisant pour étioler leur intérêt à être contées.
—En l'instant qui lui sied, dans ce cas. Vous ne croyez pas ? Questionna l'agent de police, un brin ironique face au vocabulaire employé par son interlocuteur.
—Sans doute. Comment vous appelez-vous ?
—Sven, se contenta de répondre l'officier, qui n'eut pas l'envie d'en dire plus devant le jeune prisonnier. On s'en tiendra à cela.
Daniel figea son attention sur l'adolescent se retenant de pouffer en écoutant leur discussion, et comprit les pensées de son collègue.
—Va pour Sven, dans ce cas. Vous craignez de vous identifier devant le suspect, mais il vous aura oublié si tôt qu'on l'aura mis derrière les barreaux.
—Il a menacé de nous tuer. On est jamais trop prudent.
—Et tu fais bien, sale connard de...
—Ferme-la et avance ! S'écria Daniel pour couper court à l'entêtement de l'adolescent. Ce n'est personne, un minable qui sert de larbin pour un gang qui ne l'est pas moins.
—Peut-être bien, prit la peine de répondre son collègue. Et vous, comment dois-je vous appeler ?
L'enquêteur cligna des yeux, les lueurs des gyrophares commençant à le frapper de plein fouet.
—Daniel Holden. Ou plutôt, appelez-moi comme vous voulez, du moment que cela reste respectueux. Nom ou prénom, c'est sans importance, du moment que l'on parvient à se reconnaître. C'est avant tout à cela que sert d'être nommé.
—Je vous crois, se contenta de répondre l'officier Sven.
La réplique venait d'être lâchée sans qu'il ne prenne la peine de regarder l'enquêteur. Le propos devait lui paraître étrange, bien que proche d'être une forme de vérité. Holden jugea bon de ne rien ajouter.
Ils avancèrent parmi les voitures de police, à l'intérieur desquels de nombreux représentant de la loi tentaient de faire s'asseoir leurs jeunes prisonniers. Sous les feux et les sons hurlés par les gyrophares colorés, leurs pas pesèrent aux côtés de l'adolescent, dont Sven dû de nouveau forcer chacun de ses mouvements ; la présence de ses camarades ayant de nouveau éveillé son esprit de rébellion.
Joris finissait de jeter sa capture sur la banquette arrière de son véhicule. Portière ouverte, il releva la tête, suivit du regard le retour de Daniel et l'arrivée de sa nouvelle compagnie.
—Jolie prise ! Le félicita-t-il, espérant que sa voix puisse percer au travers du mur de son produit par le brouhaha ambiant.
Cependant l'enquêteur n'entendit rien, contourna le véhicule, se contenta de jeter sur lui un bref coup d'oeil. Il s'enfonça dans la ruelle fraîchement enluminée, à la suite des errements du collègue policier souhaitant lui montrer l'importante chose que renfermait ce lieu cloisonné. L'exact endroit duquel le rassemblement s'était dissipé.
D'autres officiers de police se chargeaient encore d'appréhender des suspects. Plaqués contre les murs, menottes se refermant sur leurs poignées, ces derniers n'en démordaient pourtant pas et continuaient de se rebeller. De nouvelles injustice qui eurent incidence sur le comportement du détenu accompagnant Holden et Sven.
—Avance ! Invectiva une nouvelle fois ce dernier, en frappant de sa semelle la cuisse de l'adolescent.
Circulant parmi tous ces représentant de l'ordre, droit vers le cœur du lieu étreint par deux immenses murs décrépis, Daniel en vint à se demander pourquoi son collègue souhaitait que le jeune homme les accompagne. Il projeta son regard autour de lui, puis plus en avant. Une odeur cuivrée flottait non loin. À quelques pas de là, au centre de l'étroit passage, se tenaient debout deux agents se découpant en des silhouettes sombres dans la lueur projetée derrière eux par de puissant phares. Daniel fit papillonner ses paupières, abaissa son regard. Gisait à leurs pieds une forme immobile, à la vue de laquelle il fut prit d'un imperceptible sursaut.
Non, non, non.
Son cœur échappa à tout contrôle. Lui et Sven s’avancèrent, tandis que les hommes reculèrent de deux pas en voyant la tenue civile de l'un des arrivants.
—Ne manquait plus que cela... Laissèrent échapper les lèvres gercées de l'enquêteur.
03/12/15 à 03:59:23
Punaise les ado sont des vrais gamins insuportables xD
Le coup du "Même pas mal connard" m'a tué !
La description du corps et tout ce qui se passe autours c'est vraiment au top. Glauque à souhait et les réactions sont hyper bien décrites.
Sinon deux trois erreurs d'inatentions et un poil de lourdeur dans certaines déscriptions, mais ça passe niquel par ce que c'est bien imagé !
Merci pour ce chap
Sweet !
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