Espoirs Crépusculaires
Par : Droran
Genre : Polar , Horreur
Status : C'est compliqué
Note :
Chapitre 23
Publié le 08/12/15 à 22:41:03 par Droran
—Voiture une, ici Taulth. Où vous en êtes, les gars ? Laissa-t-il résonner à travers l'appareil.
Quelques secondes s'écoulèrent sans qu'aucune réponse ne leur parvienne.
—Je sais que c'est l'apocalypse mais prenez le temps de décrocher, ajouta-t-il en un second essai.
Suite à un court silence, le haut-parleur émit un grésillement.
—Taulth, on te reçoit ! C'est le gros bordel entre les mômes à boucler et les collègues à calmer, sacrée nuit de merde.
—En parlant de gosses, ils en ont buté un dans leur ruelle avant que l'assaut soit lancé. Qu'est-ce qu'on a loupé, de votre côté ? Leur demanda Joris.
—On est au courant, mais aucune idée de ce qu'il s'est passé. L'ambulance arrive, et des hommes restent sur place pour assister l'extraction du corps. De notre côté, une bonne partie du groupe a été chopée. Pas mal d'entre eux se sont barrés, mais on les retrouvera tôt où tard. Au moins, une des têtes de la bande s'est fait avoir. Pas bien malin, le pauvre, mais difficile à appréhender.
» À ce sujet, ou du moins dans le même genre, vous en avez raté une belle. Valmeiser et Audrey se sont fait avoir par un gosse acrobate. Il paraît que le type a carrément esquivé une voiture, pour ensuite les emmener en balade loin de l'avenue des Agapanthes.
Attentif, Joris emmagasina les déclarations de son interlocuteur.
—Entendu, conclut-il. C'est du super bon boulot. De notre côté, on va en emmener deux au commissariat du secteur voisin, histoire qu'ils soient pris en charge.
Enthousiasmé, sans attendre la moindre réponse, il approcha l'objet de ses lèvres étirées par un sourire.
—Et j'espère qu'ils nous ramèneront l'acrobate, je suis dégoûté d'avoir loupé ce spectacle ! Taulth, terminé.
Ceci prononcé, il reposa l'appareil derrière le volant. Ses mains sondèrent les poches de son pantalon à la recherche de la clef du véhicule, qu'il enfonça sur le contact.
—Tu parles d'un bordel... Souffla Daniel, à ses côtés.
—Encore une fois, désolé. C'est moins marrant que promis, avoua son ami, avant de démarrer.
Là était bien l'impression éprouvée. Nul amusement, que du travail. Holden le devinait, la nuit se terminerait bien plus tard qu'on voulait le lui faire espérer. Comme toujours, rien ne se passait comme prévu ; mais la chose avait été prise en compte à l'instant où ses pas avaient quittés son appartement. Cette virée va m'en coûter... Jusqu'au bout, il assumerait, veillerait un peu s'il le fallait. Pour autant, non sans regretter.
Éveillée par un vrombissement, la carrosserie se mit à vibrer. Joris empoigna le levier de vitesse, engagea une marche arrière en vue de quitter l'ouverture de la ruelle. Il porta son regard vers le pare-brise arrière, se fraya un chemin entre les voitures de police balayant la rue des éclats rouges bleus projetés par leurs gyrophares. Le transport métallique recula jusqu'au centre de la route, s'immobilisa parallèlement aux longs trottoirs la bordant. Engageant une vitesse, le conducteur repartit sans attendre, élança l'engin motorisé vers la première intersection se dessinant au loin.
Bien ancré sur le siège passager, l'enquêteur continuait à se perdre dans ses réflexions. Impossible pour lui d'endiguer l'infâme ressentiment lui signifiant que quelque chose ne tournait pas rond. Mettons qu'il s'agissait d'un membre d'un gang rival. Est-ce un règlement de compte, ou espèrent-t-il gagner de l'influence ? Influence régie par de bien plus dangereux groupuscules criminels que ne le sera jamais leur bande de juvéniles attardés. Pour autant, à taper dans le flou, la vérité ne pouvait que lui échapper. De lourdes pierres jetées à l'eau, telles se révélaient être ses préoccupations.
—Tu sembles préoccupé, s'inquiéta Joris, circulant alors dans les rues éclairées des quartiers alentours.
—Je ne sais, lui répondit Daniel. Et si ces petits cons vous réservaient d'autres surprises ?
—Comme ?
—Je l'ignore, ai-je dit... Et en un sens, j'espère ne pas savoir.
—On a eu un de leurs chefs. Il balancera le tueur et moisira en tôle, c’est certain. Du boulot vite fait, bien fait.
Holden fut surpris par les premiers mots prononcés.
—Tu veux dire qu'ils avaient plusieurs têtes pensantes ?
—Exactement, deux frères. Mais le terme est un peu fort, ce ne sont pas des lumières.
—Et si jamais frangin numéro un ne se moquait pas du sort de frangin numéro deux ? Prononça l'enquêteur, en imbibant ses mots d'une corrosive appréhension.
—Il ramasserait ses dents. De toute façon, qu'il vienne de lui-même ou qu'on parte le chopper dans la journée, pour moi c'est la même chose.
—Tu es sûrement dans le vrai, en termina le passager.
Il détourna son regard vers la vitre encastrée dans la portière. En bordure de route défilaient d'interminables lignes d'habitations pointant effrontément vers le ciel obscurci d'une nuit pourtant illuminée par la lune, astre capricieux brillant pour l'heure de mille feux.
Les roues du transport les menaient aux confins de la zone, s’éloignaient peu à peu en direction du sud. À travers les rues insalubres, droit vers l'extrême nord du secteur huit. Partie de la ville débordant de vie bien que minuit venait de passer, contrairement aux parages du secteur cinq qui peu à peu se laissaient déserter.
Le conducteur leva une main vers le rétroviseur intérieur, le réorienta. Sur la banquette arrière, l'officier Sven gardait d'un œil attentif les deux détenus appréhendant le sort qui restait à leur tomber dessus durant les heures à venir. Des ennuis qu'ils ne sauraient esquiver, pas même en marchandant le peu d'informations qu'ils avaient à lâcher concernant leur gang insignifiant.
Transpirants et muets, intimidés, chacun solitaire et soudainement moins pugnace ; ils ne purent que décompter l'éternité dans laquelle la balade les enfermait. Une bulle de temps figée, filant à travers rue et allées, les renvoyant plus bas que terre, en leurs angoisses et leurs pensées.
Dans un silence de mort, l'automobile circula parmi les lieux abritant bars, soirées de fêtes et de déprimes. Endroits de perdition, de stupres et de luxures, biens différents des établissements croisés par Daniel et son collègue lors de leur traversée du secteur treize.
Décélérant lentement, la voiture s’immisça dans un espace dégagé, à l'écart des quartiers fréquentés. La place des conifères, cour pavée cachée parmi les immeubles habités, jalonnée d'arbres aux feuillages dégarnis plantés comme un mur autour d'un parking interdit d'accès. Entrée restreinte, sauf pour les policiers ; car bâti au-delà, se dévoilait le commissariat du secteur huit, large et pâle édifice aux lignes strictes, carrées, parfaitement dessinées.
À l'intérieur de l'engin en approche, Joris rétrograda, continua à allure lente. Les phrases inondèrent les rameaux nus, effleurèrent les bâtiments environnant leur position. L'automobile roula entre les rangées de véhicules sertis de gyrophares inactifs, disposés en bataille le long de marques blanches délimitant les zones de stationnement.
—Stoppe-toi devant l'entrée, proposa Daniel en pointant de sa main droite une porte vitrée laissant filtrer l'intérieur lumineux et animé du commissariat.
Le conducteur s'y attela. La voiture emprunta un passage circonscrit, décéléra mollement. L'enquêteur, impatient, enroula ses doigts autour de la poignée plastifiée commandant le mécanisme d'ouverture de la portière. En un à-coup, le transport cessa d'avancer.
—Faites ce que vous avez à faire, je vais me prendre un café.
Daniel tira sans attendre sur le dispositif, sortit se confronter à la fraîcheur s’immisçant sous les manches de sa veste trop peu épaisse.
À l'arrière, Sven l'imita.
—Bougez-vous, sortez ! Ordonna-t-il à ses jeunes prisonniers.
—Et sans faire les malins, ajouta Joris en quittant l'habitacle pour lui prêter main forte.
L'enquêteur jugea bon de les laisser se débrouiller, s'éloigna en direction du grand bâtiment, dont les battants de la porte d'entrée s'écartaient déjà. S'extirpaient de l'intérieur du commissariat trois hommes sapés d'uniformes noirs, probablement venus aider les nouveaux arrivants à maîtriser les menottés. Visiblement, la surcharge de travail vous ennuie, déduisit Daniel à la vue de leur mine renfrognée. Il y a des jours comme cela. Sa route croisa la leur, mais il ne s'arrêta pas. Derrière son dos s'élevaient les paroles d'une conversation qu'il ne jugea pas bon d'écouter. Il continua sa marche au-delà des portes à ouvertures automatique, sans plus se retourner.
L'intérieur, inondé d'une lumière émise par de puissants tubes phosphorescents courants le long des plafonds, lui sembla bien calme. Aucune de ses affaires n'ayant jamais eu trait au secteur huit, il foulait du pied le carrelage clair de ce commissariat pour la première fois. Autour de lui, cinq civils demeuraient assis, dos aux murs, sur des chaises rudimentaires. Une poignée de personnes patientant pour des raisons connues d'elles seules, dans ce qui semblait être un accueil administratif certainement animé en journée, mais pour l'heure délaissé. Une entrée décorée de quelques végétaux aux feuilles effilées, où s'étalaient de longs comptoirs inutilisés.
Daniel déambula dans le lieu, ne fit qu'écouter le son de ses pas se mêlant aux timbres de voix filtrant à travers une grand porte à battants. Il y a du monde, là-dedans. Certainement menait-elle à la pièce principale de l'établissement. Il étala ses paumes sur la surface de bois vernis, la repoussa, en dépassa le seuil. Sa silhouette se glissa de l'autre côté, au cœur d'un grand hall n'étant autre que le nerf central du commissariat.
L'enquêteur vit son attention être sollicitée de toute part. S'offrait à sa vue un défilement de vie s'en allant et venant au quatre coins du lieu. Autour de lui, une trentaine de bureaux disposés en lignes arquées formaient de longues allées espacées, à travers lesquelles circulaient encore nombre de personnes débordées de travail. S’élevaient jusqu'à son ouïe les sonneries de téléphones et paroles de fonctionnaires accrochés aux combinés. Un rassemblement cacophonique à même de lui faire tourner la tête.
Où ? Quelque peu perdu, il alla de l'avant, brava le dédale formé de l'assemblement de bureaux, et laissa son regard fureter aux alentours. Une dizaine de personnes se mouvaient autour de lui, rejoignaient leurs sièges près desquels patientaient des civils nerveux et accoudés aux pupitres, tous présents par espoir de pouvoir s'entretenir avec un fonctionnaire curieux et débonnaire.
L'enquêteur se fraya un passage à travers leurs espaces de travail, continua son chemin en direction d'un coin infréquenté. Apparaissait au loin, à travers une cloison surmontée d'une large vitre, le dessus d'une table ainsi qu'un long plan de travail surmonté de divers appareils et ustensiles. Par là-bas. Un coin de repas aménagé pour les employés afin que ceux-ci puissent décompresser un peu, le temps de boire un café ou grignoter quelques mets.
N'ayant rien de mieux à faire, et à dire vrai, n'étant là que pour cela : Daniel s'immisça dans l'espace de détente. Ses pas contournèrent une table métallique dont la peinture bleue s'écaillait avec l'âge, évitèrent de se prendre dans les pieds d'une des six chaises assorties installées tout autour. Nonchalant, il agrippa la poignée d'une cafetière, qu'il souleva pour humer son contenu. Du café froid ? S'imaginant l'ingurgiter, il grimaça.
Dans son dos résonnèrent les sons d'un poing frappant une surface de bois. L'enquêteur se retourna. Sven se tenait dans l'ouverture du lieu de repos, annonçait sa présence en toquant de sa main sur la cloison.
—Je ne dérange pas, j'espère, prononça-t-il à l'adresse de Daniel.
En guise de réponse, ce dernier tendit vers lui l'objet que tenait son poing serré.
—Un peu de café tiède ?
L'agent en uniforme refusa d'un geste de la main.
—Je le préfère chaud, noir, et sans sucre.
—Moi de même, avoua Daniel. (Il posa la cafetière sur le dessus de la table.) Alors préparez-en. Je ne suis pas officiellement accrédité à y toucher.
L'officier n'y redit rien, contourna le meuble, saisit la hanse du récipient. Il déplaça son bras au-dessus d'un évier encastré à travers le plan de travail, dans le conduit duquel il vida le contenu de l'objet. Durant ce temps, l'enquêteur referma une main sur le dossier d'un des sièges, qui se montra être bancal. De ce fait, il préféra s'adosser à la vitre s'étendant entre la petite pièce et le reste du hall.
Sven plaça la cafetière sur le socle d'une imposante machine de confection, qui se mit à vibrer et crisser dès que le bouton commandant la préparation de la boisson fut enfoncé. S'éleva dès lors un silence relatif, durant lequel les deux hommes se toisèrent du regard sans prononcer un seul mot. Tous deux perdus à écouter le vrombissement de la machine, les berçant et le préservant du reste du monde l'espace de quelques instants.
Pris d'un agréable frisson, Daniel se permit de vider son esprit de toute pensée. Les yeux clos, il inspira longuement, s'abreuva du doux ronflement flottant dans l'air. Entrouvrant ses paupières, il sentit sa tête lui tourner. Son corps affaibli par ces semaines passées à se laisser dépérir supportait mal le trop plein d'oxygène. À l'aube de ses trente-cinq ans, déjà valétudinaire. Un homme trop faible, comme tu le disais si bien, avec ce soupçon dans ta voix qui insufflait la honte... Vînt-il alors à penser sans chercher à savoir d'où surgissaient ces mots, en laissant papillonner ses paupières dans l'essai d'estomper l'effet nocif qui l'insupportait.
Sans avertissement, la machine cessa subitement son boucan ; laissant ainsi retomber sur les deux hommes le poids d'une froide réalité qui les sortit de leur apparente quiétude.
Le café était prêt. Sven empoigna deux tasses posées sur un égouttoir métallique, à côté de l'évier, et les emplit lentement de liquide brûlant.
—Vous n'êtes donc plus en fonction, puisque non accrédité à pousser un bouton ? Questionna l'officier en tendant à Daniel le contenant, que ce dernier saisit en ponctuant son geste d'un remerciement poli.
—J'ai surtout fait preuve de mauvaise volonté.
—Mais cela ne répond pas à ma question, le reprit Sven, en avalant une gorgée de café.
L'enquêteur le défia du regard, arbora un visage figé.
—Oui, je ne suis plus en fonction. Mon apparence négligée aurait dû vendre la mèche plus tôt.
—Oh, elle l'a fait, lui assura l'agent de police.
—Dans ce cas, si vous êtes à ce point observateur, tentez les tests d'aptitude. Soyez assuré d'être moins mauvais que certains ayant eu le poste d'enquêteur.
Sven ricana.
—Je vais plutôt me contenter de patrouiller. Votre poste, c'est trop de responsabilités, trop de pression, il paraît.
—Et un paquet de choses qu'on préférerait ne jamais voir... Se perdit à répondre Daniel, un peu ailleurs.
Le silence reprit ses droits quelques instants, durant lesquels ils se délectèrent du nectar brun échauffant les paumes de leurs mains.
—Allez-vous enfin dire ce qu'il vous est arrivé ? Demanda Holden. L'instant me semble à présent opportun.
L'officier eut l'air d'hésiter. Les traits de son visage trahirent une réticence à cette idée.
—Vous ne m'avez toujours pas énoncé le pourquoi de votre arrêt, avança-t-il pour faire dévier la discussion.
Daniel porta sur l'officier un regard réprobateur.
—Avez-vous seulement entendu la moindre chose à mon sujet ?
—Non, avoua Sven.
—Alors, pour mon bien, on s'en tiendra au café.
Levant sa tasse comme pour signifier son approbation, Sven ravala sa question en l'accompagnant d'une gorgée de boisson.
—Il y a un mois, lors d'une patrouille, un tireur m'a allumé, finit-il par avouer après mûre réflexion. Je m'en remets doucement, mais de bonne manière. Reprendre le boulot est simplement un peu plus éprouvant qu'espéré.
—Triste histoire. Triste de légèreté. Pourquoi ne pas prendre davantage de congé ?
—En réalité, il n'est pas fini. C'est de ma propre initiative que je reprends les patrouilles.
—Et pourquoi cela ? Lui demanda l'enquêteur, un brin curieux.
L'agent de police esquissa un sourire gêné, eut l'air de réfléchir à ce qu'il répondrait.
—Tourner en rond chez soi durant un mois, c'est d'un mortel ennui. Et pendant ce temps, l'argent ne rentre pas.
Est-il si creux qu'il veut le faire croire ? Mensonge, probablement.
—Voilà qui est plutôt banal.
—Vous trouvez ?
—Je trouve, en effet. Bobards plutôt bien construits. Mais ce n'est que mon humble avis.
Sven eut l'air de ne pas apprécier, porta son regard sur la surface du liquide ondoyant dans le creux de sa main. Geste imité par son collègue. Ignorant la gêne occasionnée, Daniel se plongea lui aussi dans la caféine. Sous l'action de légers gestes fébriles, le liquide se mit à tournoyer au sein de sa tasse. Une spirale rognant les bords faits de faïence, ternissant la blancheur de l'objet sous les montées de larges vaguelettes brunes. Une simple secousse, et les choses perdent leur aspect initial, ne put s'empêcher de penser l'enquêteur. Une perte, un accident. Le mode de vie change, et la personne également. Vers quelle moralité ? Le bien. Le mal, peut-être. À quel point ? Peu. beaucoup, peut-être. Qu'importe, en vérité. Cette homme en a plus à cacher que ce qu'il veut faire croire. Mais pourquoi voudrait-il qu'on ne s'épanche pas sur un traumatisme ayant eu lieu il y a un certain temps ? La psychologue assignée à son cas lui a forcément dit qu'il valait mieux extérioriser les choses sous forme de mots. Sans raison apparente, il ricana. C'est ce qu'une l'une d'elles m'a dit, en tout cas.
—Au fait, la personne qui vous a tiré dessus a-t-elle été arrêt...
—Regardez qui va là, le coupa Sven en esquissant un geste.
Le bras de l'officier se souleva, indiqua le hall s'étendant derrière la surface vitrée. Intrigué, Daniel cessa de s'y adosser, se retourna sans trop se presser. Au loin, les battants de la porte menant à l'entrée finissaient d'osciller. Talonné par Joris Taulth, un officier de police luttait pour faire avancer un adolescent parmi les rangées de bureaux. Le visage cramoisi, fulminant de rage, l'homme refermait son poing autour du cou du jeune obligé, alors menotté, mais décidé à se débattre et empêcher son agresseur de l'emmener là il le souhaitait. Hurlant à l'injustice, il raidissait ses jambes, frappait autour de lui. S'envolaient à leur passage feuilles et ornements ayant le malheur de reposer sur certains pupitres.
D'une allure pressée, sous le regard choqué des employés, Joris contourna les deux énergumènes. Tout autant énervé, il tendit un bras vers le visage de son collègue, sembla l'invectiver de stopper sa progression, de cesser promptement toute folie. Son interlocuteur explosa, ouvrit grand sa gueule en levant son poing libre, au creux duquel pendait un vêtement gris. Un pull ? Une veste, peut-être. Qui n'est en rien la sienne. Visiblement, et ce sans aucun doute aux yeux de l'enquêteur, son ami avait suivi cet homme dans le but de s'interposer.
Derrière Daniel, Sven reposa sa tasse sur la table. Leurs cris résonnaient dans le hall, mais les paroles échangées ne parvenaient à être comprises depuis la petite salle de repos.
—Je vais voir ce qui leur prend, fit-il savoir à l'enquêteur.
Quelques secondes s'écoulèrent sans qu'aucune réponse ne leur parvienne.
—Je sais que c'est l'apocalypse mais prenez le temps de décrocher, ajouta-t-il en un second essai.
Suite à un court silence, le haut-parleur émit un grésillement.
—Taulth, on te reçoit ! C'est le gros bordel entre les mômes à boucler et les collègues à calmer, sacrée nuit de merde.
—En parlant de gosses, ils en ont buté un dans leur ruelle avant que l'assaut soit lancé. Qu'est-ce qu'on a loupé, de votre côté ? Leur demanda Joris.
—On est au courant, mais aucune idée de ce qu'il s'est passé. L'ambulance arrive, et des hommes restent sur place pour assister l'extraction du corps. De notre côté, une bonne partie du groupe a été chopée. Pas mal d'entre eux se sont barrés, mais on les retrouvera tôt où tard. Au moins, une des têtes de la bande s'est fait avoir. Pas bien malin, le pauvre, mais difficile à appréhender.
» À ce sujet, ou du moins dans le même genre, vous en avez raté une belle. Valmeiser et Audrey se sont fait avoir par un gosse acrobate. Il paraît que le type a carrément esquivé une voiture, pour ensuite les emmener en balade loin de l'avenue des Agapanthes.
Attentif, Joris emmagasina les déclarations de son interlocuteur.
—Entendu, conclut-il. C'est du super bon boulot. De notre côté, on va en emmener deux au commissariat du secteur voisin, histoire qu'ils soient pris en charge.
Enthousiasmé, sans attendre la moindre réponse, il approcha l'objet de ses lèvres étirées par un sourire.
—Et j'espère qu'ils nous ramèneront l'acrobate, je suis dégoûté d'avoir loupé ce spectacle ! Taulth, terminé.
Ceci prononcé, il reposa l'appareil derrière le volant. Ses mains sondèrent les poches de son pantalon à la recherche de la clef du véhicule, qu'il enfonça sur le contact.
—Tu parles d'un bordel... Souffla Daniel, à ses côtés.
—Encore une fois, désolé. C'est moins marrant que promis, avoua son ami, avant de démarrer.
Là était bien l'impression éprouvée. Nul amusement, que du travail. Holden le devinait, la nuit se terminerait bien plus tard qu'on voulait le lui faire espérer. Comme toujours, rien ne se passait comme prévu ; mais la chose avait été prise en compte à l'instant où ses pas avaient quittés son appartement. Cette virée va m'en coûter... Jusqu'au bout, il assumerait, veillerait un peu s'il le fallait. Pour autant, non sans regretter.
Éveillée par un vrombissement, la carrosserie se mit à vibrer. Joris empoigna le levier de vitesse, engagea une marche arrière en vue de quitter l'ouverture de la ruelle. Il porta son regard vers le pare-brise arrière, se fraya un chemin entre les voitures de police balayant la rue des éclats rouges bleus projetés par leurs gyrophares. Le transport métallique recula jusqu'au centre de la route, s'immobilisa parallèlement aux longs trottoirs la bordant. Engageant une vitesse, le conducteur repartit sans attendre, élança l'engin motorisé vers la première intersection se dessinant au loin.
Bien ancré sur le siège passager, l'enquêteur continuait à se perdre dans ses réflexions. Impossible pour lui d'endiguer l'infâme ressentiment lui signifiant que quelque chose ne tournait pas rond. Mettons qu'il s'agissait d'un membre d'un gang rival. Est-ce un règlement de compte, ou espèrent-t-il gagner de l'influence ? Influence régie par de bien plus dangereux groupuscules criminels que ne le sera jamais leur bande de juvéniles attardés. Pour autant, à taper dans le flou, la vérité ne pouvait que lui échapper. De lourdes pierres jetées à l'eau, telles se révélaient être ses préoccupations.
—Tu sembles préoccupé, s'inquiéta Joris, circulant alors dans les rues éclairées des quartiers alentours.
—Je ne sais, lui répondit Daniel. Et si ces petits cons vous réservaient d'autres surprises ?
—Comme ?
—Je l'ignore, ai-je dit... Et en un sens, j'espère ne pas savoir.
—On a eu un de leurs chefs. Il balancera le tueur et moisira en tôle, c’est certain. Du boulot vite fait, bien fait.
Holden fut surpris par les premiers mots prononcés.
—Tu veux dire qu'ils avaient plusieurs têtes pensantes ?
—Exactement, deux frères. Mais le terme est un peu fort, ce ne sont pas des lumières.
—Et si jamais frangin numéro un ne se moquait pas du sort de frangin numéro deux ? Prononça l'enquêteur, en imbibant ses mots d'une corrosive appréhension.
—Il ramasserait ses dents. De toute façon, qu'il vienne de lui-même ou qu'on parte le chopper dans la journée, pour moi c'est la même chose.
—Tu es sûrement dans le vrai, en termina le passager.
Il détourna son regard vers la vitre encastrée dans la portière. En bordure de route défilaient d'interminables lignes d'habitations pointant effrontément vers le ciel obscurci d'une nuit pourtant illuminée par la lune, astre capricieux brillant pour l'heure de mille feux.
Les roues du transport les menaient aux confins de la zone, s’éloignaient peu à peu en direction du sud. À travers les rues insalubres, droit vers l'extrême nord du secteur huit. Partie de la ville débordant de vie bien que minuit venait de passer, contrairement aux parages du secteur cinq qui peu à peu se laissaient déserter.
Le conducteur leva une main vers le rétroviseur intérieur, le réorienta. Sur la banquette arrière, l'officier Sven gardait d'un œil attentif les deux détenus appréhendant le sort qui restait à leur tomber dessus durant les heures à venir. Des ennuis qu'ils ne sauraient esquiver, pas même en marchandant le peu d'informations qu'ils avaient à lâcher concernant leur gang insignifiant.
Transpirants et muets, intimidés, chacun solitaire et soudainement moins pugnace ; ils ne purent que décompter l'éternité dans laquelle la balade les enfermait. Une bulle de temps figée, filant à travers rue et allées, les renvoyant plus bas que terre, en leurs angoisses et leurs pensées.
Dans un silence de mort, l'automobile circula parmi les lieux abritant bars, soirées de fêtes et de déprimes. Endroits de perdition, de stupres et de luxures, biens différents des établissements croisés par Daniel et son collègue lors de leur traversée du secteur treize.
Décélérant lentement, la voiture s’immisça dans un espace dégagé, à l'écart des quartiers fréquentés. La place des conifères, cour pavée cachée parmi les immeubles habités, jalonnée d'arbres aux feuillages dégarnis plantés comme un mur autour d'un parking interdit d'accès. Entrée restreinte, sauf pour les policiers ; car bâti au-delà, se dévoilait le commissariat du secteur huit, large et pâle édifice aux lignes strictes, carrées, parfaitement dessinées.
À l'intérieur de l'engin en approche, Joris rétrograda, continua à allure lente. Les phrases inondèrent les rameaux nus, effleurèrent les bâtiments environnant leur position. L'automobile roula entre les rangées de véhicules sertis de gyrophares inactifs, disposés en bataille le long de marques blanches délimitant les zones de stationnement.
—Stoppe-toi devant l'entrée, proposa Daniel en pointant de sa main droite une porte vitrée laissant filtrer l'intérieur lumineux et animé du commissariat.
Le conducteur s'y attela. La voiture emprunta un passage circonscrit, décéléra mollement. L'enquêteur, impatient, enroula ses doigts autour de la poignée plastifiée commandant le mécanisme d'ouverture de la portière. En un à-coup, le transport cessa d'avancer.
—Faites ce que vous avez à faire, je vais me prendre un café.
Daniel tira sans attendre sur le dispositif, sortit se confronter à la fraîcheur s’immisçant sous les manches de sa veste trop peu épaisse.
À l'arrière, Sven l'imita.
—Bougez-vous, sortez ! Ordonna-t-il à ses jeunes prisonniers.
—Et sans faire les malins, ajouta Joris en quittant l'habitacle pour lui prêter main forte.
L'enquêteur jugea bon de les laisser se débrouiller, s'éloigna en direction du grand bâtiment, dont les battants de la porte d'entrée s'écartaient déjà. S'extirpaient de l'intérieur du commissariat trois hommes sapés d'uniformes noirs, probablement venus aider les nouveaux arrivants à maîtriser les menottés. Visiblement, la surcharge de travail vous ennuie, déduisit Daniel à la vue de leur mine renfrognée. Il y a des jours comme cela. Sa route croisa la leur, mais il ne s'arrêta pas. Derrière son dos s'élevaient les paroles d'une conversation qu'il ne jugea pas bon d'écouter. Il continua sa marche au-delà des portes à ouvertures automatique, sans plus se retourner.
L'intérieur, inondé d'une lumière émise par de puissants tubes phosphorescents courants le long des plafonds, lui sembla bien calme. Aucune de ses affaires n'ayant jamais eu trait au secteur huit, il foulait du pied le carrelage clair de ce commissariat pour la première fois. Autour de lui, cinq civils demeuraient assis, dos aux murs, sur des chaises rudimentaires. Une poignée de personnes patientant pour des raisons connues d'elles seules, dans ce qui semblait être un accueil administratif certainement animé en journée, mais pour l'heure délaissé. Une entrée décorée de quelques végétaux aux feuilles effilées, où s'étalaient de longs comptoirs inutilisés.
Daniel déambula dans le lieu, ne fit qu'écouter le son de ses pas se mêlant aux timbres de voix filtrant à travers une grand porte à battants. Il y a du monde, là-dedans. Certainement menait-elle à la pièce principale de l'établissement. Il étala ses paumes sur la surface de bois vernis, la repoussa, en dépassa le seuil. Sa silhouette se glissa de l'autre côté, au cœur d'un grand hall n'étant autre que le nerf central du commissariat.
L'enquêteur vit son attention être sollicitée de toute part. S'offrait à sa vue un défilement de vie s'en allant et venant au quatre coins du lieu. Autour de lui, une trentaine de bureaux disposés en lignes arquées formaient de longues allées espacées, à travers lesquelles circulaient encore nombre de personnes débordées de travail. S’élevaient jusqu'à son ouïe les sonneries de téléphones et paroles de fonctionnaires accrochés aux combinés. Un rassemblement cacophonique à même de lui faire tourner la tête.
Où ? Quelque peu perdu, il alla de l'avant, brava le dédale formé de l'assemblement de bureaux, et laissa son regard fureter aux alentours. Une dizaine de personnes se mouvaient autour de lui, rejoignaient leurs sièges près desquels patientaient des civils nerveux et accoudés aux pupitres, tous présents par espoir de pouvoir s'entretenir avec un fonctionnaire curieux et débonnaire.
L'enquêteur se fraya un passage à travers leurs espaces de travail, continua son chemin en direction d'un coin infréquenté. Apparaissait au loin, à travers une cloison surmontée d'une large vitre, le dessus d'une table ainsi qu'un long plan de travail surmonté de divers appareils et ustensiles. Par là-bas. Un coin de repas aménagé pour les employés afin que ceux-ci puissent décompresser un peu, le temps de boire un café ou grignoter quelques mets.
N'ayant rien de mieux à faire, et à dire vrai, n'étant là que pour cela : Daniel s'immisça dans l'espace de détente. Ses pas contournèrent une table métallique dont la peinture bleue s'écaillait avec l'âge, évitèrent de se prendre dans les pieds d'une des six chaises assorties installées tout autour. Nonchalant, il agrippa la poignée d'une cafetière, qu'il souleva pour humer son contenu. Du café froid ? S'imaginant l'ingurgiter, il grimaça.
Dans son dos résonnèrent les sons d'un poing frappant une surface de bois. L'enquêteur se retourna. Sven se tenait dans l'ouverture du lieu de repos, annonçait sa présence en toquant de sa main sur la cloison.
—Je ne dérange pas, j'espère, prononça-t-il à l'adresse de Daniel.
En guise de réponse, ce dernier tendit vers lui l'objet que tenait son poing serré.
—Un peu de café tiède ?
L'agent en uniforme refusa d'un geste de la main.
—Je le préfère chaud, noir, et sans sucre.
—Moi de même, avoua Daniel. (Il posa la cafetière sur le dessus de la table.) Alors préparez-en. Je ne suis pas officiellement accrédité à y toucher.
L'officier n'y redit rien, contourna le meuble, saisit la hanse du récipient. Il déplaça son bras au-dessus d'un évier encastré à travers le plan de travail, dans le conduit duquel il vida le contenu de l'objet. Durant ce temps, l'enquêteur referma une main sur le dossier d'un des sièges, qui se montra être bancal. De ce fait, il préféra s'adosser à la vitre s'étendant entre la petite pièce et le reste du hall.
Sven plaça la cafetière sur le socle d'une imposante machine de confection, qui se mit à vibrer et crisser dès que le bouton commandant la préparation de la boisson fut enfoncé. S'éleva dès lors un silence relatif, durant lequel les deux hommes se toisèrent du regard sans prononcer un seul mot. Tous deux perdus à écouter le vrombissement de la machine, les berçant et le préservant du reste du monde l'espace de quelques instants.
Pris d'un agréable frisson, Daniel se permit de vider son esprit de toute pensée. Les yeux clos, il inspira longuement, s'abreuva du doux ronflement flottant dans l'air. Entrouvrant ses paupières, il sentit sa tête lui tourner. Son corps affaibli par ces semaines passées à se laisser dépérir supportait mal le trop plein d'oxygène. À l'aube de ses trente-cinq ans, déjà valétudinaire. Un homme trop faible, comme tu le disais si bien, avec ce soupçon dans ta voix qui insufflait la honte... Vînt-il alors à penser sans chercher à savoir d'où surgissaient ces mots, en laissant papillonner ses paupières dans l'essai d'estomper l'effet nocif qui l'insupportait.
Sans avertissement, la machine cessa subitement son boucan ; laissant ainsi retomber sur les deux hommes le poids d'une froide réalité qui les sortit de leur apparente quiétude.
Le café était prêt. Sven empoigna deux tasses posées sur un égouttoir métallique, à côté de l'évier, et les emplit lentement de liquide brûlant.
—Vous n'êtes donc plus en fonction, puisque non accrédité à pousser un bouton ? Questionna l'officier en tendant à Daniel le contenant, que ce dernier saisit en ponctuant son geste d'un remerciement poli.
—J'ai surtout fait preuve de mauvaise volonté.
—Mais cela ne répond pas à ma question, le reprit Sven, en avalant une gorgée de café.
L'enquêteur le défia du regard, arbora un visage figé.
—Oui, je ne suis plus en fonction. Mon apparence négligée aurait dû vendre la mèche plus tôt.
—Oh, elle l'a fait, lui assura l'agent de police.
—Dans ce cas, si vous êtes à ce point observateur, tentez les tests d'aptitude. Soyez assuré d'être moins mauvais que certains ayant eu le poste d'enquêteur.
Sven ricana.
—Je vais plutôt me contenter de patrouiller. Votre poste, c'est trop de responsabilités, trop de pression, il paraît.
—Et un paquet de choses qu'on préférerait ne jamais voir... Se perdit à répondre Daniel, un peu ailleurs.
Le silence reprit ses droits quelques instants, durant lesquels ils se délectèrent du nectar brun échauffant les paumes de leurs mains.
—Allez-vous enfin dire ce qu'il vous est arrivé ? Demanda Holden. L'instant me semble à présent opportun.
L'officier eut l'air d'hésiter. Les traits de son visage trahirent une réticence à cette idée.
—Vous ne m'avez toujours pas énoncé le pourquoi de votre arrêt, avança-t-il pour faire dévier la discussion.
Daniel porta sur l'officier un regard réprobateur.
—Avez-vous seulement entendu la moindre chose à mon sujet ?
—Non, avoua Sven.
—Alors, pour mon bien, on s'en tiendra au café.
Levant sa tasse comme pour signifier son approbation, Sven ravala sa question en l'accompagnant d'une gorgée de boisson.
—Il y a un mois, lors d'une patrouille, un tireur m'a allumé, finit-il par avouer après mûre réflexion. Je m'en remets doucement, mais de bonne manière. Reprendre le boulot est simplement un peu plus éprouvant qu'espéré.
—Triste histoire. Triste de légèreté. Pourquoi ne pas prendre davantage de congé ?
—En réalité, il n'est pas fini. C'est de ma propre initiative que je reprends les patrouilles.
—Et pourquoi cela ? Lui demanda l'enquêteur, un brin curieux.
L'agent de police esquissa un sourire gêné, eut l'air de réfléchir à ce qu'il répondrait.
—Tourner en rond chez soi durant un mois, c'est d'un mortel ennui. Et pendant ce temps, l'argent ne rentre pas.
Est-il si creux qu'il veut le faire croire ? Mensonge, probablement.
—Voilà qui est plutôt banal.
—Vous trouvez ?
—Je trouve, en effet. Bobards plutôt bien construits. Mais ce n'est que mon humble avis.
Sven eut l'air de ne pas apprécier, porta son regard sur la surface du liquide ondoyant dans le creux de sa main. Geste imité par son collègue. Ignorant la gêne occasionnée, Daniel se plongea lui aussi dans la caféine. Sous l'action de légers gestes fébriles, le liquide se mit à tournoyer au sein de sa tasse. Une spirale rognant les bords faits de faïence, ternissant la blancheur de l'objet sous les montées de larges vaguelettes brunes. Une simple secousse, et les choses perdent leur aspect initial, ne put s'empêcher de penser l'enquêteur. Une perte, un accident. Le mode de vie change, et la personne également. Vers quelle moralité ? Le bien. Le mal, peut-être. À quel point ? Peu. beaucoup, peut-être. Qu'importe, en vérité. Cette homme en a plus à cacher que ce qu'il veut faire croire. Mais pourquoi voudrait-il qu'on ne s'épanche pas sur un traumatisme ayant eu lieu il y a un certain temps ? La psychologue assignée à son cas lui a forcément dit qu'il valait mieux extérioriser les choses sous forme de mots. Sans raison apparente, il ricana. C'est ce qu'une l'une d'elles m'a dit, en tout cas.
—Au fait, la personne qui vous a tiré dessus a-t-elle été arrêt...
—Regardez qui va là, le coupa Sven en esquissant un geste.
Le bras de l'officier se souleva, indiqua le hall s'étendant derrière la surface vitrée. Intrigué, Daniel cessa de s'y adosser, se retourna sans trop se presser. Au loin, les battants de la porte menant à l'entrée finissaient d'osciller. Talonné par Joris Taulth, un officier de police luttait pour faire avancer un adolescent parmi les rangées de bureaux. Le visage cramoisi, fulminant de rage, l'homme refermait son poing autour du cou du jeune obligé, alors menotté, mais décidé à se débattre et empêcher son agresseur de l'emmener là il le souhaitait. Hurlant à l'injustice, il raidissait ses jambes, frappait autour de lui. S'envolaient à leur passage feuilles et ornements ayant le malheur de reposer sur certains pupitres.
D'une allure pressée, sous le regard choqué des employés, Joris contourna les deux énergumènes. Tout autant énervé, il tendit un bras vers le visage de son collègue, sembla l'invectiver de stopper sa progression, de cesser promptement toute folie. Son interlocuteur explosa, ouvrit grand sa gueule en levant son poing libre, au creux duquel pendait un vêtement gris. Un pull ? Une veste, peut-être. Qui n'est en rien la sienne. Visiblement, et ce sans aucun doute aux yeux de l'enquêteur, son ami avait suivi cet homme dans le but de s'interposer.
Derrière Daniel, Sven reposa sa tasse sur la table. Leurs cris résonnaient dans le hall, mais les paroles échangées ne parvenaient à être comprises depuis la petite salle de repos.
—Je vais voir ce qui leur prend, fit-il savoir à l'enquêteur.
11/12/15 à 15:55:04
L'interrogatoire !
c'est enorme comme l'inspécteur en a rien a foutre et pense même a se refaire du café pendant qu'ils se battent presque dans le commisariat
Un bon gros chapitre bien mouvementé avec de bons dialogues entre des personnages bien tranchés. J'ai adoré ! Suite =D
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