Espoirs Crépusculaires
Par : Droran
Genre : Polar , Horreur
Status : C'est compliqué
Note :
Chapitre 27
Publié le 16/12/15 à 02:51:24 par Droran
L'agent de police roula des épaules, se déplaça d'un pas claudiquant en direction de la porte.
—Va pas croire, on en a pas fini toi et moi, lança-t-il à l'adolescent avant de disparaître hors de la pièce.
Les sons extérieurs s'immiscèrent dans l'espace d'interrogatoire par le biais de l'ouverture laissée entrebâillée. Assis l'un en face de l'autre, Holden et Ledgevy se fixèrent en silence, attendant le retour du commissionnaire ; le plus jeune, crédule, plus impatient que le plus âgé. Un gargouillement, issu du ventre de l'adulte, finit tout de même pas rompre le calme ambiant.
—J'aimerais faire coïncider quelques pièces de puzzle. Ruffus Le Furieux, cela te dit quelque chose, ou pas du tout ? Questionna Holden, dans le vent, pleinement conscient de s'adresser à un mur. Est-ce lui qu'irait voir ton frère ? Autrement, je ne cherche qu'à savoir vers quel groupuscule mafieux tes amis pourraient aller quémander des calibres. Hoche la tête à l'entente de la bonne réponse : Secteur cinq ? Huit ? Douze ? Ou quatre ? … Pas le sept, quand même ?
» Mais après ta longue cavale de tout à l'heure, tu dois avoir faim, même être assoiffé. Du moins, c'est mon cas. Veux-tu du gâteau ? Du café, peut-être, ou plutôt du soda ?
Le jeune homme resta muet, se contenta de lever un majeur en direction de l'enquêteur.
—Tant pis, c'est toi qui vois.
Du mouvement attira l'attention de Tony, qui éleva son regard en direction de la porte. Nulle trace de satisfaction n'apparut sur son visage. Plutôt, il blêmit, se décomposa. N'entrait pas un avocat, mais deux hommes en uniforme dont les carrures imposantes et leur air intimidant firent s'emballer son palpitant. Valmeiser, de retour, secondé par Sven : l'agent de police au visage certes jeune, mais carré, aux traits accentuant l'impression de véhémence de son regard.
Placide, Daniel ramena ses mains vers lui, se releva lentement. Prenant la peine de désengourdir ses jambes restées trop longtemps immobiles, il adressa un nouveau coup d'oeil au jeune captif. Sans afficher le moindre sourire. La discussion l'exténuait, il en avait maintenant plus qu'assez.
Les deux arrivants s'approchèrent, imperturbables, tels deux bourreaux mandatés pour châtier sans circonspection. Ils contournèrent la table, l'un comme l'autre, se postèrent respectivement sur la gauche et la droite du jeune effrayé.
—Voilà qui devrait te rassurer... Souris un peu, dis au moins merci : ton avocat est là ! S'exclama Valmeiser en s'installant à gauche du détenu, sur le coin de table se profilant à ses côtés. Bras croisés, s'amusant du stress naissant chez l'aberrant délinquant, qui, figé sur son siège, se mettait à trembler.
Sven l'imita, s'assit sur la table.
—Sur-diplômé, certifié, et tout le bastringue. À la fois avocat de l’accusation, de la défense, et juge d'instruction. Il n'y a pas à s'inquiéter, avec moi vous êtes entre de bonnes mains, monsieur Ledgevy.
—On peut dire que tu en as de la chance.
Persuadé que ses oppresseurs attenteraient à sa vie, Tony renonça à toute forme de lucidité. Sa raison commença à s'étioler : pensée par pensée, la folie s'insinua insidieusement tel un poison dans chaque part de son esprit. Son regard se voilà d'une ombre empreinte d'aliénation, que même Holden ne sut discerner à temps.
Soudainement animé d'un fougueux affolement, il précipita ses épaules vers l'avant, mût ses mains entravées jusqu'à la cuisse de l'homme se tenant à sa droite. Ses doigts remontèrent sur l'étui prolongeant sa ceinture, en triturèrent le cuir, se glissèrent hâtivement dans chaque échancrure en espérant parvenir à desceller l'imposante arme à feu qu'elle renfermait.
Sven élança violemment son poing contre le visage de l'importun. Ses jointures frappèrent à la base de son nez ; instiguant ainsi un mouvement de recul renvoyant Tony s'enfoncer dans sa chaise. Les maillons de la chaîne prolongeant ses entraves clinquèrent. Bras tendus en avant, un brin sonné, le jeune chef de gang se calma aussitôt, attendit plutôt un second coup qui ne vînt pourtant pas. L'auto-proclamé avocat l'observait sans rien dire, comme s'il ne s'était rien passé.
—N'oublie pas, Tony : secteur huit, secteur douze, ou secteur cinq, rappela Holden en se saisissant de sa veste en jeans restée sur le dossier de sa chaise. Pas le sept... Personne ne te croira. Maintenant, j'ai eu mon compte et t'abandonne à la compagnie de ces messieurs. Tente au moins de passer une belle soirée.
Croyant être laissé pour compte par la seule personne compréhensive, l'abandonné se ressaisit sur-le-champ.
—Vous n'allez quand même pas me laisser avec ces deux-là ?
Daniel pouffa.
—Je vais me gêner...
L'hésitation transparaissait sur le visage du détenu. Je n'y croyais pas, et pourtant ce n'est plus qu'une question de secondes. L'envie suinte du plus profond de son gosier, s'écoule le long de sa langue. Une bave imbibée de mots salvateurs dégoulinera bien vite entre ses lèvres... Se surpris à penser l'enquêteur en tournant le dos au jeune inquiet, prêt à faire mine de s'en aller sans plus jeter un regard derrière lui.
—Attendez ! S'écria Tony, alors que l'adulte amorçait une démarche lente en direction de la sortie. Je vous le dis, mais promettez-moi de ne pas laisser ces tordus me tuer.
Magnanime, Holden se retourna.
—Entendu. N'aie plus crainte, aucun mal ne te sera fait.
Le jeune homme chercha à discerner une pointe de mensonge sur le visage de l'enquêteur, sans parvenir à la moindre certitude. À défaut, n'ayant nul autre choix, il ouvrit la bouche et articula :
—Vous avez vu juste en parlant de Ruffus Le Furieux. Dans les environs, de tous les mecs qui gèrent les choses pour leur propre compte, c'est l'un des plus influents. Si Toddy veut plus que de simples flingues, c'est à lui qu'il rendra visite.
—Et bien tu vois, quand tu veux... Le félicita à demi-mot Holden, en affichant un sourire peinant à paraître réconfortant. (Il fit glisser son attention vers ses collègues.) Messieurs, il me semble que vous avez toutes les cartes en main. Qui compte se dévouer pour mettre sous clé notre jeune invité ?
Eddie applaudit sans faire montre d'aucun entrain.
—Je m'en charge. Merci pour le coup de main, je n'oublierai pas.
Ne m'en voulez pas de souhaiter le contraire, se retint à dire Holden. Plutôt que proférer le moindre mot dégoulinant de modestie, il enfila sa veste, et tourna les talons. Dans son dos s'ouvrit la porte menant au sous-sol, tandis que lui quitta la salle d'interrogatoire. D'un geste rapide, il fit part de son intention de partir à Joris, alors toujours confortablement assis derrière la cloison vitrée ; ses jambes tendues, reposant sans gêne sur le panneau de contrôle. Un signe auquel l'officier répondit en un hochement de tête entendu, accompagné d'un sourire flatteur, laissant doucement croire à de bons résultats obtenus durant l'interrogatoire. Une réaction instiguant en Daniel une certaine fierté ; qui s'envola l'instant suivant. Talonné par Joris, il pressa le pas à travers le hall où s'activaient encore une dizaine d'employés, à visage baissé, fila au sein de l'accueil en espérant que son rôle de circonstance demeure ignoré, que personne ici ne retienne rien à son sujet, et, plus que tout, qu'on le laisse maintenant en paix.
Les battants barrant la sortie s'écartèrent d'eux-mêmes lorsque sa présence pesa sur le tapis de l'entrée. S'extirpant de l'espace empli de vie, le laissant derrière lui, il s'avança et entendit la porte se refermer après que son collègue l'ait lui aussi passée.
La fraîcheur nocturne s'était faite oublier. Sous ses manches, les bras de Daniel s'horripilèrent. Il glissa ses mains à l'intérieur des poches de sa veste et jeta un œil aux alentours : le parking plongé dans l'ombre demeurait vide d'animation. Y demeuraient inertes des dizaines de voitures, face auxquelles il entreprit de prendre racine. La nuit est bien avancée, mais cela ne m'a rien apporté...
L'agent en uniforme se posta à ses côté, respira un grand coup, fit mine d'apprécier l'ai frais demeurant tout de même celui d'un centre-ville, donc chargé d'impuretés. Daniel en fit de même, et jeta un œil aux alentours, sur les véhicules et les arbres parfaitement alignés. Pas un chat dans les environs, pas un miaulement entendu. Au loin résonnait le son du trafic routier.
—C'est une belle nuit, fit remarquer Joris, en levant la tête vers le ciel obscur voilé de fins nuages.
—Un peu fraîche, répondit Holden. Mais ta douce apprécierait peut-être, si elle était là.
—Je te le donne en mille, elle se plaindrait du froid. Mais tu n'as pas tort, je la vois bien penchée à la fenêtre pour profiter d'un peu d'air frais, partagea l'officier. (Il sortit son paquet de cigarettes d'une poche placée au niveau de son pectoral droit.) Tu t'es bien débrouillé avec le jeune Ledgevy, tu ne trouves pas ?
—Plus ou moins. Quelques réponses étaient loin d'être celles espérées et il s'est bien foutu de moi, mais c'est un brave gars. Il aurait pu éviter la prison dans d'autres circonstances, puisqu'on a une vague idée de qui est le tueur ; mais là, pas de pot, il y a bien un de ses potes qui trouvera une magouille quelconque à lui mettre sur le dos.
L'homme se saisit d'un briquet, alluma un clope.
—Plus ou moins ? C'est à dire ? Continua-t-il, en tendant le paquet vers Daniel, qui le refusa d'un simple geste.
—Tu l'as bien entendu, non ? Le gosse recherché se retrouve avec un nouveau prénom. D'adam, le voilà devenu Hoel. Va savoir si aucun des deux n'est le vrai. Et si tu veux mon avis, la même question risque de se poser pour tout ce que Valmeiser pense savoir sur lui.
Le policier inspira une bouffée de fumée, l'expira en fixant l'enquêteur, qui lui s'en tenait à la buée formée de son souffle chaud.
—Merde, c'est plutôt bien joué. De toi à moi, dis, ça pourrait être un fantôme ?
Par fantôme, il entendait là une personne inconnue, pour ne pas dire inexistante, sachant quoi faire pour ne jamais être trouvée. Daniel hésita quant à la réponse à donner, se perdit à observer la cime des arbres secoués par une légère brise. Depuis sa position, tous semblaient chatouiller les sommets des immeubles.
—Non... Finit-il par répondre. Il est déjà inculpable, identifiable par plusieurs témoins. C'est un petit malin qui tente d'improviser, voilà tout. Vous devriez pouvoir le retrouver sans trop vous donner de mal.
—J'espère, en termina Joris, après avoir tiré une énième fois sur sa cigarette. D'autant que l'ahuri nous a dit où aller.
—Il va falloir aller faire un saut chez ce Ruffus Le Furieux, en espérant l'y trouver. Tu devrais en toucher un mot à Valmeiser, et prendre quelques gars pour vous y accompagner.
—Je vais faire ça, lui en parler un peu. (Son mégot finit de se consumer. Il le jeta à ses pieds.) J'espère qu'il te remerciera comme il faut pour ce soir.
L'inspecteur prit un air amusé.
—Le contraire ne me déplairait pas. Certes, ils ont adoré, se sont bien amusés. J'ai l'impression de m'être fait de nouveaux amis. Pour dire les choses bien, l'air humectait de sentiments dulcifiés... Mais pour être franc, je ne suis pas pressé de revoir leurs têtes.
Cette dernière déclaration gêna quelque peu Joris, qui le fit transparaître sur ses traits.
—Pourtant il faudra bien, insinua-t-il. Suite à ce qu'a dit Ledgevy, tu ne vas quand même pas t'arrêter en si bon chemin ?
L'enquêteur leva un sourcil.
—Je ne te suis pas. On a convenu que je m'en tiendrais à faire parler le môme, et rien d'autre. (Son regard se fronça d'une colère montante.) N'essaie pas de me doubler. Si jamais tu comptes te rendre sans attendre chez le mec au surnom débile, file-moi tes clefs. Je n'ai pas besoin de toi pour rentrer.
—Je me disais... Faisons comme ça. (Joris plongea une main dans sa poche de pantalon, en sortit un trousseau de clefs, qu'il jeta à l'enquêteur.) Le môme risque de nous filer entre les pattes si on attend trop.
—Tout juste, alors ne perds pas plus de temps.
—Écoute, je suis désolé pour ce soir. Ne te préoccupe plus de rien, et rentre bien, à présent. On te laissera en paix. Je dirai ce que tout ce bordel aura donné autour d'une bonne bière, dans la semaine. D'accord ? Lui proposa-t-il, en tendant une patte amicale à son interlocuteur.
—Tu invites, consentit Daniel, en serrant la main qui lui était tendue. (Il ponctua ce geste d'une brève étreinte.) Fais attention à toi.
—T'inquiète pas, va. L'affaire sera réglée avant le petit matin.
Si seulement, souhaita l'enquêteur en détournant ses pas de ceux de Joris Taulth, qui s'aventura à l'intérieur du commissariat.
—Va pas croire, on en a pas fini toi et moi, lança-t-il à l'adolescent avant de disparaître hors de la pièce.
Les sons extérieurs s'immiscèrent dans l'espace d'interrogatoire par le biais de l'ouverture laissée entrebâillée. Assis l'un en face de l'autre, Holden et Ledgevy se fixèrent en silence, attendant le retour du commissionnaire ; le plus jeune, crédule, plus impatient que le plus âgé. Un gargouillement, issu du ventre de l'adulte, finit tout de même pas rompre le calme ambiant.
—J'aimerais faire coïncider quelques pièces de puzzle. Ruffus Le Furieux, cela te dit quelque chose, ou pas du tout ? Questionna Holden, dans le vent, pleinement conscient de s'adresser à un mur. Est-ce lui qu'irait voir ton frère ? Autrement, je ne cherche qu'à savoir vers quel groupuscule mafieux tes amis pourraient aller quémander des calibres. Hoche la tête à l'entente de la bonne réponse : Secteur cinq ? Huit ? Douze ? Ou quatre ? … Pas le sept, quand même ?
» Mais après ta longue cavale de tout à l'heure, tu dois avoir faim, même être assoiffé. Du moins, c'est mon cas. Veux-tu du gâteau ? Du café, peut-être, ou plutôt du soda ?
Le jeune homme resta muet, se contenta de lever un majeur en direction de l'enquêteur.
—Tant pis, c'est toi qui vois.
Du mouvement attira l'attention de Tony, qui éleva son regard en direction de la porte. Nulle trace de satisfaction n'apparut sur son visage. Plutôt, il blêmit, se décomposa. N'entrait pas un avocat, mais deux hommes en uniforme dont les carrures imposantes et leur air intimidant firent s'emballer son palpitant. Valmeiser, de retour, secondé par Sven : l'agent de police au visage certes jeune, mais carré, aux traits accentuant l'impression de véhémence de son regard.
Placide, Daniel ramena ses mains vers lui, se releva lentement. Prenant la peine de désengourdir ses jambes restées trop longtemps immobiles, il adressa un nouveau coup d'oeil au jeune captif. Sans afficher le moindre sourire. La discussion l'exténuait, il en avait maintenant plus qu'assez.
Les deux arrivants s'approchèrent, imperturbables, tels deux bourreaux mandatés pour châtier sans circonspection. Ils contournèrent la table, l'un comme l'autre, se postèrent respectivement sur la gauche et la droite du jeune effrayé.
—Voilà qui devrait te rassurer... Souris un peu, dis au moins merci : ton avocat est là ! S'exclama Valmeiser en s'installant à gauche du détenu, sur le coin de table se profilant à ses côtés. Bras croisés, s'amusant du stress naissant chez l'aberrant délinquant, qui, figé sur son siège, se mettait à trembler.
Sven l'imita, s'assit sur la table.
—Sur-diplômé, certifié, et tout le bastringue. À la fois avocat de l’accusation, de la défense, et juge d'instruction. Il n'y a pas à s'inquiéter, avec moi vous êtes entre de bonnes mains, monsieur Ledgevy.
—On peut dire que tu en as de la chance.
Persuadé que ses oppresseurs attenteraient à sa vie, Tony renonça à toute forme de lucidité. Sa raison commença à s'étioler : pensée par pensée, la folie s'insinua insidieusement tel un poison dans chaque part de son esprit. Son regard se voilà d'une ombre empreinte d'aliénation, que même Holden ne sut discerner à temps.
Soudainement animé d'un fougueux affolement, il précipita ses épaules vers l'avant, mût ses mains entravées jusqu'à la cuisse de l'homme se tenant à sa droite. Ses doigts remontèrent sur l'étui prolongeant sa ceinture, en triturèrent le cuir, se glissèrent hâtivement dans chaque échancrure en espérant parvenir à desceller l'imposante arme à feu qu'elle renfermait.
Sven élança violemment son poing contre le visage de l'importun. Ses jointures frappèrent à la base de son nez ; instiguant ainsi un mouvement de recul renvoyant Tony s'enfoncer dans sa chaise. Les maillons de la chaîne prolongeant ses entraves clinquèrent. Bras tendus en avant, un brin sonné, le jeune chef de gang se calma aussitôt, attendit plutôt un second coup qui ne vînt pourtant pas. L'auto-proclamé avocat l'observait sans rien dire, comme s'il ne s'était rien passé.
—N'oublie pas, Tony : secteur huit, secteur douze, ou secteur cinq, rappela Holden en se saisissant de sa veste en jeans restée sur le dossier de sa chaise. Pas le sept... Personne ne te croira. Maintenant, j'ai eu mon compte et t'abandonne à la compagnie de ces messieurs. Tente au moins de passer une belle soirée.
Croyant être laissé pour compte par la seule personne compréhensive, l'abandonné se ressaisit sur-le-champ.
—Vous n'allez quand même pas me laisser avec ces deux-là ?
Daniel pouffa.
—Je vais me gêner...
L'hésitation transparaissait sur le visage du détenu. Je n'y croyais pas, et pourtant ce n'est plus qu'une question de secondes. L'envie suinte du plus profond de son gosier, s'écoule le long de sa langue. Une bave imbibée de mots salvateurs dégoulinera bien vite entre ses lèvres... Se surpris à penser l'enquêteur en tournant le dos au jeune inquiet, prêt à faire mine de s'en aller sans plus jeter un regard derrière lui.
—Attendez ! S'écria Tony, alors que l'adulte amorçait une démarche lente en direction de la sortie. Je vous le dis, mais promettez-moi de ne pas laisser ces tordus me tuer.
Magnanime, Holden se retourna.
—Entendu. N'aie plus crainte, aucun mal ne te sera fait.
Le jeune homme chercha à discerner une pointe de mensonge sur le visage de l'enquêteur, sans parvenir à la moindre certitude. À défaut, n'ayant nul autre choix, il ouvrit la bouche et articula :
—Vous avez vu juste en parlant de Ruffus Le Furieux. Dans les environs, de tous les mecs qui gèrent les choses pour leur propre compte, c'est l'un des plus influents. Si Toddy veut plus que de simples flingues, c'est à lui qu'il rendra visite.
—Et bien tu vois, quand tu veux... Le félicita à demi-mot Holden, en affichant un sourire peinant à paraître réconfortant. (Il fit glisser son attention vers ses collègues.) Messieurs, il me semble que vous avez toutes les cartes en main. Qui compte se dévouer pour mettre sous clé notre jeune invité ?
Eddie applaudit sans faire montre d'aucun entrain.
—Je m'en charge. Merci pour le coup de main, je n'oublierai pas.
Ne m'en voulez pas de souhaiter le contraire, se retint à dire Holden. Plutôt que proférer le moindre mot dégoulinant de modestie, il enfila sa veste, et tourna les talons. Dans son dos s'ouvrit la porte menant au sous-sol, tandis que lui quitta la salle d'interrogatoire. D'un geste rapide, il fit part de son intention de partir à Joris, alors toujours confortablement assis derrière la cloison vitrée ; ses jambes tendues, reposant sans gêne sur le panneau de contrôle. Un signe auquel l'officier répondit en un hochement de tête entendu, accompagné d'un sourire flatteur, laissant doucement croire à de bons résultats obtenus durant l'interrogatoire. Une réaction instiguant en Daniel une certaine fierté ; qui s'envola l'instant suivant. Talonné par Joris, il pressa le pas à travers le hall où s'activaient encore une dizaine d'employés, à visage baissé, fila au sein de l'accueil en espérant que son rôle de circonstance demeure ignoré, que personne ici ne retienne rien à son sujet, et, plus que tout, qu'on le laisse maintenant en paix.
Les battants barrant la sortie s'écartèrent d'eux-mêmes lorsque sa présence pesa sur le tapis de l'entrée. S'extirpant de l'espace empli de vie, le laissant derrière lui, il s'avança et entendit la porte se refermer après que son collègue l'ait lui aussi passée.
La fraîcheur nocturne s'était faite oublier. Sous ses manches, les bras de Daniel s'horripilèrent. Il glissa ses mains à l'intérieur des poches de sa veste et jeta un œil aux alentours : le parking plongé dans l'ombre demeurait vide d'animation. Y demeuraient inertes des dizaines de voitures, face auxquelles il entreprit de prendre racine. La nuit est bien avancée, mais cela ne m'a rien apporté...
L'agent en uniforme se posta à ses côté, respira un grand coup, fit mine d'apprécier l'ai frais demeurant tout de même celui d'un centre-ville, donc chargé d'impuretés. Daniel en fit de même, et jeta un œil aux alentours, sur les véhicules et les arbres parfaitement alignés. Pas un chat dans les environs, pas un miaulement entendu. Au loin résonnait le son du trafic routier.
—C'est une belle nuit, fit remarquer Joris, en levant la tête vers le ciel obscur voilé de fins nuages.
—Un peu fraîche, répondit Holden. Mais ta douce apprécierait peut-être, si elle était là.
—Je te le donne en mille, elle se plaindrait du froid. Mais tu n'as pas tort, je la vois bien penchée à la fenêtre pour profiter d'un peu d'air frais, partagea l'officier. (Il sortit son paquet de cigarettes d'une poche placée au niveau de son pectoral droit.) Tu t'es bien débrouillé avec le jeune Ledgevy, tu ne trouves pas ?
—Plus ou moins. Quelques réponses étaient loin d'être celles espérées et il s'est bien foutu de moi, mais c'est un brave gars. Il aurait pu éviter la prison dans d'autres circonstances, puisqu'on a une vague idée de qui est le tueur ; mais là, pas de pot, il y a bien un de ses potes qui trouvera une magouille quelconque à lui mettre sur le dos.
L'homme se saisit d'un briquet, alluma un clope.
—Plus ou moins ? C'est à dire ? Continua-t-il, en tendant le paquet vers Daniel, qui le refusa d'un simple geste.
—Tu l'as bien entendu, non ? Le gosse recherché se retrouve avec un nouveau prénom. D'adam, le voilà devenu Hoel. Va savoir si aucun des deux n'est le vrai. Et si tu veux mon avis, la même question risque de se poser pour tout ce que Valmeiser pense savoir sur lui.
Le policier inspira une bouffée de fumée, l'expira en fixant l'enquêteur, qui lui s'en tenait à la buée formée de son souffle chaud.
—Merde, c'est plutôt bien joué. De toi à moi, dis, ça pourrait être un fantôme ?
Par fantôme, il entendait là une personne inconnue, pour ne pas dire inexistante, sachant quoi faire pour ne jamais être trouvée. Daniel hésita quant à la réponse à donner, se perdit à observer la cime des arbres secoués par une légère brise. Depuis sa position, tous semblaient chatouiller les sommets des immeubles.
—Non... Finit-il par répondre. Il est déjà inculpable, identifiable par plusieurs témoins. C'est un petit malin qui tente d'improviser, voilà tout. Vous devriez pouvoir le retrouver sans trop vous donner de mal.
—J'espère, en termina Joris, après avoir tiré une énième fois sur sa cigarette. D'autant que l'ahuri nous a dit où aller.
—Il va falloir aller faire un saut chez ce Ruffus Le Furieux, en espérant l'y trouver. Tu devrais en toucher un mot à Valmeiser, et prendre quelques gars pour vous y accompagner.
—Je vais faire ça, lui en parler un peu. (Son mégot finit de se consumer. Il le jeta à ses pieds.) J'espère qu'il te remerciera comme il faut pour ce soir.
L'inspecteur prit un air amusé.
—Le contraire ne me déplairait pas. Certes, ils ont adoré, se sont bien amusés. J'ai l'impression de m'être fait de nouveaux amis. Pour dire les choses bien, l'air humectait de sentiments dulcifiés... Mais pour être franc, je ne suis pas pressé de revoir leurs têtes.
Cette dernière déclaration gêna quelque peu Joris, qui le fit transparaître sur ses traits.
—Pourtant il faudra bien, insinua-t-il. Suite à ce qu'a dit Ledgevy, tu ne vas quand même pas t'arrêter en si bon chemin ?
L'enquêteur leva un sourcil.
—Je ne te suis pas. On a convenu que je m'en tiendrais à faire parler le môme, et rien d'autre. (Son regard se fronça d'une colère montante.) N'essaie pas de me doubler. Si jamais tu comptes te rendre sans attendre chez le mec au surnom débile, file-moi tes clefs. Je n'ai pas besoin de toi pour rentrer.
—Je me disais... Faisons comme ça. (Joris plongea une main dans sa poche de pantalon, en sortit un trousseau de clefs, qu'il jeta à l'enquêteur.) Le môme risque de nous filer entre les pattes si on attend trop.
—Tout juste, alors ne perds pas plus de temps.
—Écoute, je suis désolé pour ce soir. Ne te préoccupe plus de rien, et rentre bien, à présent. On te laissera en paix. Je dirai ce que tout ce bordel aura donné autour d'une bonne bière, dans la semaine. D'accord ? Lui proposa-t-il, en tendant une patte amicale à son interlocuteur.
—Tu invites, consentit Daniel, en serrant la main qui lui était tendue. (Il ponctua ce geste d'une brève étreinte.) Fais attention à toi.
—T'inquiète pas, va. L'affaire sera réglée avant le petit matin.
Si seulement, souhaita l'enquêteur en détournant ses pas de ceux de Joris Taulth, qui s'aventura à l'intérieur du commissariat.
19/12/15 à 03:48:59
J'aime enormément les transitions entre la narration et les pensées de Daniel. Sans l'italique s'aurait été chaud par contre, mais avec ça tiens du génis de passer aussi bien de l'un à l'autre sans rupture.
Par contre c'est un vrai poete refoulé, dans ses choix de mots et ses métaphores. Perso j'adore, mais partir en tirade dans sa tête, il doit être un peu taré
Un autre truc sympa c'est de décrire l'activité de la ville pendant qu'il la parcours en voiture, ça arrive à pique et ça rajoute du réalisme.
Sinon les déscriptions de la voiture de police qui lui coupe la priorité
Sinon... Il passe de la flemme surpuissante à la curiosité en suivant les flics pour aller voir chez rufus le prétorien... Il va s'en mordre les doigts
:sweet:
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