<h1>Noelfic</h1>

Espoirs Crépusculaires


Par : Droran

Genre : Polar , Horreur

Status : C'est compliqué

Note :


Chapitre 18

Publié le 30/11/15 à 02:15:25 par Droran

—Bonsoir à toi, l'ami.
L'affaibli resta figé, ne répondit rien. Le temps présent ne lui échappait pas moins qu'auparavant. À moitié ailleurs, son regard s'attarda sur l'officier de police lui rendant visite, dont l'apparence renvoyait à une jeune recrue cherchant à se donner un air intimidant. Ses cheveux rasés laissaient apparaître une calvitie naissante, malgré un âge qui ne se voulait pas si vieux. Trente ans, tout au plus. Et ses traits bénéficiaient de son assez forte carrure pour gagner en angles arrondis, cachés sous une barbe de plusieurs jours non rasée ; laissée poussée non pas pour cause de laisser-aller, mais pour gagner quelques années supplémentaires. Joris Taulth, vous avez changé ces dernières semaines.
Ne sentant venir aucune réponse de la part de son hôte, l'arrivé continua.
—Je te dérange ? Tu es peut-être occupé.
—Je te l'ai déjà dit, se reprit soudainement Daniel. En posant la question de cette manière tu dérangeras toujours ton interlocuteur. Que viens-tu faire ici ?
L'homme leva un sourcil.
—Simple visite de courtoisie.
—En vue de prendre de mes nouvelles ?
—D’une part, lui répondit-on évasivement. Tu ne comptes pas me laisser entrer, n'est-ce pas ?
Déçu par le fait que le visiteur réitère son erreur, Holden soupira. Un brin de conscience l'empêchait de concéder à cette requête voilée.
—Exact, Joris. Rentre chez toi.
Sa main repoussa lentement la cloison en vue de la refermer au nez de l’indésirable, qui fit échouer cette tentative en glissant son pied entre elle et le cadre la cerclant.
—Ne joue pas à ça avec moi, Daniel. Laisse-moi entrer, s’il te plait. On sera bien mieux à discuter plutôt que rester là debout à jouer à “je t’aime/moi non plus” comme deux imbéciles.
La demande fut cette fois lancée avec détermination. Holden jaugea son interlocuteur en croisant son regard, qu'il ne vit pas ciller un seul instant.
—Voilà, ce n’était pas si difficile.
L’hôte ouvrit davantage la porte, s'écarta de son ouverture. Soulagé, son invité s’immisça tranquillement dans l'appartement. Une désagréable odeur de renfermé lui laissa penser que le locataire du lieu n'était pas sorti depuis quelques jours.
—Asseyons-nous, le pria Daniel. Et tu m'excuseras, je n'ai rien à t'offrir.
—Pas même un café ?
—Pour toi ce soir, pas même un peu d’eau.
Tous deux se dirigèrent vers les chaises disposées au centre de la cuisine. Joris s'empara du dossier de l'une d'elle, la tira de sous la table de bois, s'y installa. L'affamé l'imita, s'attabla en face de l'arrivant, que le simple fait de ne plus avoir à se tenir debout semblait apaiser. Certainement avait-il passé une rude journée.
—Je n'ai pas pris de tes nouvelles depuis de nombreux jours, et je le regrette. Tu n'as pas l'air de bien te porter, fit remarquer sans détour l'invité. Comment tu te sens, vieux ?
Daniel posa ses coudes sur la surface de la table, joignit ses mains en croisant leurs doigts.
—Pour être honnête, je ne sais pas trop... Je ne vais pas mal, c'est certain ; ou du moins je ne me sens bien mieux qu'il y a quelques semaines. Mais je crains que ce ne soit pas encore suffisant. Mes journées sont dénuées de sommeil, j'engloutis des flacons de modafinil pour rester conscient le plus longtemps possible.
—Je peux savoir pourquoi ?
—Non, et je ne saurais comment te l’expliquer clairement. C'est à la fois irréaliste et trop réaliste pour être entendu par qui que ce soit.
Son interlocuteur ne saisit pas.
—Tu prends aussi des amphétamines ? Le questionna Joris, un peu inquiet.
—Non, simplement le modafinil. Rien que du légale. J'ai l'ordonnance d'une psychologue que l'on m'a assigné.
—Je vois... C'est au moins une bonne chose. Comment sont les séances avec elle ?
En réponse à cette question, Daniel émit un léger rire, s'enfonça sur sa chaise.
—Je ne sais pas, je n'y suis allé qu'une seule fois. Mais ne me pose pas d'autres questions à ce propos, s'il te plaît.
Joris garda le silence, eut l'air de chercher un sujet de conversation vers lequel dévier pour ne pas le froisser.
—Dis-moi, tu voudrais peut-être te changer les idées ? Tenta l’officier pour détourner le sujet loin des préoccupations semblant troubler son ami. Tu vas sûrement penser que je ne suis venu que pour ça, mais là, maintenant, j’ai une chose intéressante à te proposer, commença l'agent en uniforme. Je me rends au secteur cinq, et me suis arrêté chez toi prendre de tes nouvelles car c'était sur mon chemin.
—Et alors ? Le questionna Daniel sans montrer aucun signe d'énervement.
—J'aimerais que tu m'y accompagnes. Cela fait des semaines que tu restes enfermé sans donner la moindre signe de vie. On s'inquiète pour toi, au commissariat, et pas mal de personnes se demandent si ta convalescence prendra fin bientôt.
» De toi à moi, je ne dis pas comprendre ce que tu peux ressentir, mais on y passe tous un jour ou l'autre. Même moi, un jour, qui sait...
—Ne t'abaisse surtout pas à dire cela. Si jamais tu espères un jour te faire crever par quelqu’un d’autre, aie plutôt le courage de… Non, je dis n’importe quoi. Ta sollicitude me touche, c'est suffisant, ne dis pas des choses comme celles-là.
—Ne le prends pas mal, surtout. Il faut rester fort et se serrer les coudes. J'ai essayé de t'appeler plusieurs fois avant d'arriver, mais ton portable est sûrement éteint.
La déclaration força l'isolé à ruminer ses agissements. Son téléphone portable, il est vrai, lui était totalement sorti de l'esprit. L'appareil traînait dans un fond de tiroir qu'il n'avait plus ouvert depuis au moins deux semaines.
—Je m'en excuse, se repentit-il. Je ne sais plus où je l'ai mis. Mais dis-moi, qu'est-ce qu'il se passe dans le secteur cinq pour que tu penses pouvoir m'y traîner ?
La question arracha un sourire à l'invité.
—Il s'agit, monsieur l'enquêteur, d'un événement qui risque de se montrer amusant. On a prévu une traque ce soir, avec d'autres gars. Du genre facile : juste un gang de mômes qui doivent se retrouver près du croisement de Prèles et La Roselière, à trois ou quatre rues des quartiers défoncés qui bordent la ville. Je me disais qu'en être, sans même te demander autre chose que rester assis dans la voiture, pourrait te changer les idées.
L'invitation laissa Daniel quelque peu dubitatif.
—Mômes de quel âge ?
—Quatorze, quinze ans ? Rien qui puisse créer des complications.
—C'est presque tentant, mais je pense laisser le travail de côté encore un moment. Je ne suis pas prêt, comprends-tu ?
—Bien sûr, c'était déjà clair avant même que je n'arrive ici. Je le comprends, et même les supérieurs comprennent. Tout ce que je te propose, c'est de venir saluer quelques collègues, t'amuser un peu. Personne ne dira t'avoir vu là-bas.
La mine réjouie de l'agent de police perça quelque peu la carapace de l'enfermé, qui fut pris d'une certaine hésitation.
—Je te repose la question, insista Joris. Comptes-tu en être, ou pas ?
—Tu m'emmènes et me raccompagnes juste après ? Le questionna Daniel.
—L'affaire de deux heures, tout au plus.
—Je me méfie. Les choses ne se passent jamais comme on l'espère.
—Prends ça en compte si tu veux, libre à toi d'être pessimiste. ; mais tu n'en sauras rien si tu ne te laisses pas tenter. Alors, en es-tu ?
Daniel Holden grimaça, pencha la tête par dessus la table, fixa le carrelage blanc recouvrant le sol de la cuisine.
—J'en suis, oui. Mais j'espère ne pas regretter.
—Ce sera amusant, pas d’inquiétude. On va les embusquer, leur mettre sur le nez, les embarquer... Rien n'est plus gratifiant.
Estimant que la discussion se devait de prendre fin sur ce manque de bon sens, l'enquêteur recula sa chaise, se leva. Un léger vertige manqua de le faire chavirer, mais il se reprit, s'avança calmement vers une porte visible à côté du frigo.
—Attends-moi, je vais m'habiller, lança-t-il à l'adresse de son ami tout en quittant la cuisine.
Une salle de bain constituait la troisième et dernière pièce de l'appartement. Un espace réduit dans lequel parvenaient pourtant à se regrouper toutes les commodités primordiales : cuvette, évier, douche, en sus de quelques rangements. Moins de dix mètres carrés carrelé dans lequel le domicilié n'eut à faire que quelques pas. Il s'empara d'une chemise noire exposée sur un petit radiateur, en défit les boutons restés accrochés, porta le tissu à ses épaules pour que ses bras se glissent dans les manches de l'habit. Face à son regard se tenait un miroir fixé au-dessus du lavabo. Une surface mouchetée de rouille, peinant à réfléchir son visage épuisé, pâle, doté d'une barbe cerclant des lèvres sèches et cachant mal des joues creusées par les jours subits sous une mauvaise hygiène de vie.
À dire vrai, il se reconnaissait à peine. Certainement Joris avait-il eut un choc en le découvrant ainsi. Sa chevelure s'était elle aussi développée. Retombant à peine plus bas que son front il y a quelques semaines, les mèches châtaines fondant à l'avant de son visage atteignaient maintenant le bas de ses yeux aux iris imprégnées d'un vert discret. Telle quelle, désordonnée et aplatie, sa coiffure ne lui plut pas. Il se saisit d'un peigne, l'imprégna d'eau en le plongeant sous le robinet, et se recoiffa de sorte que ses mèches retombent davantage sur ses tempes, dégageant ainsi son champ de vision.
Suite à quoi il termina de boutonner sa chemise, fit volte-face, retourna dans la cuisine où ses pas se stoppèrent devant la table ronde, à côté de laquelle Joris attendait patiemment.
—C'est bon ? Questionna l'agent en uniforme.
—Je crois bien, ne tardons plus.
Se déplaçant vers l'entrée, Daniel se chaussa de chaussures civiles en cuir, et décrocha une veste en jeans pendue à un porte manteau.
—Tu as tes clefs, ton portefeuille ? S'inquiéta tout de même Joris, après avoir ouvert la porte de l'appartement.
Il était vrai que non. Le domicilié tourna sur lui-même, déporta son attention sur un buffet où s'entassait un tas de paperasse. Son trousseau de clef y demeurait perdu sous un magazine traitant de faits paranormaux, et son portefeuille ne put être récupéré qu'en déplaçant le meuble pour le saisir à même le sol.
Fin prêt, Daniel rallia la sortie de l'appartement, fit claquer la porte derrière son dos. La décision lui en coûterait certainement, mais ayant accepté, il ne pouvait plus qu'assumer. Lui et son collègue se lancèrent dans l'escalier, descendirent à pied les trois étages s'élevant entre eux et le rez-de-chaussée de l'immeuble ; qu'il ne tardèrent pas à traverser.

Commentaires

Droran

30/11/15 à 22:26:19

Effectivement, les gosses vont prendre cher. :noel:

Sheyne

30/11/15 à 22:22:48

"Et pourquoi pas des arcs en ciel ?!" :rire:

J'ai adoré imaginer les gosse se prendre de grosses mandales de balles en caoutchouc avant de s'éxploser la tete par terre !

Suite !

J'aime beaucoup et je suis certain ne jamais avoir lu ce passage avant. Savoir comment ils opèrent est juste génial !
J'ai hate de voir comment il réagiront en voyant hoel escalader !

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