Espoirs Crépusculaires
Par : Droran
Genre : Polar , Horreur
Status : C'est compliqué
Note :
Chapitre 16
Publié le 04/11/15 à 15:32:57 par Droran
—Fini les rêvasseries, petite. Maintenant va faire ton sac, ordonna-t-il en resserrant progressivement ses doigts sur l'ossature de l'adolescente.
Reflétés par le miroir, les yeux de Cheryl s'arrondirent excessivement. Elle décolla vivement sa joue de la peau du jeune homme, et joua des paumes de ses mains pour le repousser au plus loin. Il recula d'un pas, laissa s'élancer son bras gauche à hauteur de son épaule et, sachant qu'elle comptait cracher ses pensées, stoppa tout mouvement.
—Que je quoi ?! S'indigna-t-elle en espérant qu’il ne se répète pas.
Les lèvres du jeune homme s'étirèrent en un sourire amusé.
—Tu ne t'y attendais plus, pas vrai ?
—Carrément, oui... Pourquoi je devrais faire mon sac ?
Laissant s'estomper son sourire, le jeune homme fit un pas en avant, reposa sa main gauche sur l'épaule de la demoiselle.
—Je vais aussi faire le mien. La police doit déjà être à ma recherche, et risque de trouver l’appartement dans la journée.
—La police, seulement ? Se risqua à demander l'adolescente d'une voix inquiète, en avançant lentement son visage à quelques centimètres de celui de Hoel, afin de laisser reposer son front contre le sien.
—Non, ou du moins au contraire, oui. Il doit aussi y avoir un paquet de truands, mais eux sont trop cons pour nous trouver. (Gênée par ses paroles, elle détourna le regard un instant ; en réponse de quoi Hoel remonta tendrement sa main le long du cou de la demoiselle, la laissa reposer sur sa joue) Tu es si jeune, je ne devrais pas te faire endurer cela. Plonge-toi dans mes yeux, Cheryl, écoute-moi. Tu es si jeune, si douce, si surprise... Je suis profondément désolé pour tout ça, mais fais-moi confiance. On restera ensemble jusqu'au bout, quoi qu'il arrive, et tout reviendra à la normal dès que l'histoire se sera tassée.
Le front de la demoiselle descendit le long du visage de l'adolescent. Elle se laissa tomber au creux de son cou, qu'elle enlaça tendrement.
—Tu n'es qu'un connard, Eusoph...
—Hoel. Tu devras faire avec, princesse, je le crains. Mais il ne nous arrivera rien.
—Un connard qui parle bien, un foutu baratineur, un sale menteur...
Les mains du jeune homme dégagèrent une mèche de cheveux sombre retombant sur le front de la jeune femme, afin que ses lèvres puissent y déposer un baiser.
—Va faire ton sac, maintenant. Tu as vingt minutes.
Elle dégagea son étreinte, reprit une posture normale face à lui.
—Pourquoi vingt ?
En réponse, il l'invita à jeter un œil en direction d'une horloge ronde, faite de bois vernis, plaquée contre l'un des murs de la pièce au-dessus du lit.
—Car il est dix, et que le bus qu'on devrait prendre passe à quarante.
Elle resta dubitative. Ses lèvres formèrent une moue sceptique.
—Comme tu es une femme, je prévois une marge de dix minutes. Maintenant bouge ton cul, ne prends rien de superflu, et mets quelque chose qui attirera moins l'attention qu'une robe tâchée de sang ! Ordonna-t-il sur un ton insistant, en allongeant son bras gauche en direction de la sortie de la pièce.
—Mais va te faire foutre ! Je prends ce que je veux, et je mettrai une heure rien que pour te faire chier ! Vociféra-t-elle en lui lançant un regard noir, avant d'avancer précipitamment vers la porte.
—Dix-neuf minutes, Cheryl ! Ajouta-t-il alors qu'elle se glissa dans le couloir.
Elle ne l'écoutait déjà plus, partait s'enfermer dans sa chambre pour se changer et remplir son sac. Lui, foula du pied l'ancien tapis recouvrant le sol, et s'avança en direction du placard incrusté dans le mur de la chambre. De l’intérieur du monticule d’objets qu’elle renfermait, il extirpa un grand sac de sport qu’il posa sur le dessus du lit ; puis attrapa quelques t-shirt, les rangea soigneusement dans le creux du bagage, en fit de même avec d'autres affaires de toutes sortes : chaussettes, caleçons, pantalons... Il se figea, un jeans à la main, et défit d'une seule main la ceinture et le bouton de celui qui l'habillait. Le faisant tomber sur ses chevilles, il s'assit sur le lit, s'en débarrassa totalement ainsi que de ses chaussures de sports, et enfila le vêtement neuf coloré d'un bleu sombre ; qu'il soutint à l'aide d'une ceinture à la boucle proéminente, sortie tout droit du bazar dont était plein le placard.
S'étant relevé, le jeune homme enfila à nouveau ses chaussures et continua à jeter quelques affaires dans son barda. Il s’attarda sur une chemise à manches longues, d'un bordeaux sombre. L'envie de la mettre lui effleura l'esprit, mais il la plia et la mit dans le sac elle aussi. A la place, il enfila un t-shirt blanc synthétique, presque élastique, arborant sur le devant un logo noir peint à la bombe.
Son sac empli du minimum dont il aurait besoin pour quelques jours, Hoel s'avança vers le bureau placé sous la fenêtre de la pièce. Des trois tiroirs du meuble, l'adolescent n'en ouvrit qu'un, duquel il sortit une pochette, que ses doigts ouvrirent fébrilement. A l'intérieur s'entassaient quelques billets de banque, ainsi qu'un téléphone. Attrapant d'une de ses mains un portefeuille posé au fond du tiroir, le jeune homme alluma également l'appareil pour s'assurer que la batterie ne faisait pas défaut. L'objet se lança sans problème, et Hoel le posa un instant sur le dessus du bureau pour déplacer les billets de la sacoche jusqu'à l'intérieur du portefeuille : après quoi il le rangea dans la poche arrière de son jeans, et reprit dans ses mains le portable, sur lequel il lut quelques messages arrivant sur l'instant, tout en retournant vers le lit. C’est qu’elle m’a harcelé, cette peste, se moqua-t-il en soulevant son bagage, qu'il emporta avec lui en dehors de la chambre.
Ses pas suivirent le couloir, s'arrêtèrent devant une porte close fixée après l'angle séparant le corridor et la salle de bain.
Hoel posa son sac sur le sol, souleva l'un de ses bras. Ses phalanges martelèrent sans violence le bois de la cloison.
—C'est bon, Cheryl, on y va.
La poignée tourna sur elle-même, et la porte s'entrouvrit lentement. Cheryl apparut debout derrière celle-ci, un sac à dos sur ses épaules, habillée d'un débardeur blanc et d'une jupe noire retombant en de multiples pièces de tissus sur ses genoux nus. Elle resta immobile un instant face à Hoel, la poignée télescopique d'une valise équipée de roulettes serrée dans l'un de ses poings.
—Comment tu me trouves ?
Hoel laissa glisser son regard sur la jeune personne, de ses longs cheveux ébène retombant en désordre sur ses épaules jusqu'aux chaussures sportives noires et blanches dont elle s'était chaussée.
—Affreuse. On voit que tu ne portes pas de soutien-gorge, lui répondit-il d'un air détaché.
—Moi je pense que tu me trouves jolie, ajouta-t-elle.
Sans répondre à la provocation, il s'écarta du seuil de la pièce, et allongea l'un de ses bras en direction du salon.
—Tu serais déçue. Va maintenant m'attendre devant l'entrée, Cheryl.
Elle ne se mit pas en route tout de suite, et l'adolescent s'avança vers la salle de bain sans prendre son bagage avec lui.
—Que fais-tu ? Demanda l'adolescente en faisant rouler sa valise hors de sa chambre, alors que Hoel entrait dans la salle d'eau.
Il s'appuya contre le cadre de la porte, se retourna vers elle.
—J'ai encore des affaires à prendre. N’oublie pas l'argent que je t’ai donné et file donc m'attendre plus loin, redemanda-t-il en effectuant un second geste en direction de la pièce adjacente.
Il se retourna face au miroir fixé au mur. Cheryl passa derrière son dos, suivie par sa valise, alla s'aventurer dans le salon en récupérant au passage la liasse de billets posée sur un coussin.
Le robinet du lavabo gouttait à un rythme irrégulier, plongeait dans une ambiance sinistre la salle de bain éclairée par une mince lucarne laissant difficilement passer la lueur du soleil. Balayant la salle d'un seul regard, Hoel remarqua les éclaboussures s'étalant jusqu'à la baignoire, sur le bord de laquelle il s'était assis en compagnie de Cheryl un peu plus tôt. Il piétina les gouttelettes d'eau, s'approcha d'un coin de la pièce où reposait en une boule sur le sol son pull souillé de sang. Ses genoux fléchirent, il s'accroupit face au linge qu'il souleva d'un seul mouvement ; le faisant ainsi se dérouler tout en plaçant une main en dessous, de façon à ce qu'un objet caché en son sein tombe dans le creux de sa paume.
Faisant pivoter l'objet entre ses doigts, l'adolescent glissa son index sur la gâchette et se releva lentement. Moins fatigué qu'auparavant, il se stoppa tout de même un instant, contempla l'arme à feu qu'il avait su emporter avec lui jusqu'ici. Elle sera probablement utile, pensa-t-il en avançant hors de la pièce, en direction de son sac posé dans le couloir, qu'il souleva d'une main avant de s'élancer d'un pas assuré à travers le salon.
—Parée ? Demanda-t-il à l'adresse de la jeune fille, en traversant le corridor de l'entrée pour se poster à ses côtés.
Les yeux rivés sur l'arme que tenait Hoel, elle ne répondit tout d'abord rien, se contenta de jeter au jeune homme un regard méfiant.
—Je ne veux pas de ce regard-là, Cheryl. (Il tendit sa main devant lui, la crosse du revolver en avant afin que la demoiselle s'en empare.) C'est un vrai, et il est chargé. Je veux que tu le gardes avec toi, qu'il serve à ta protection.
Elle ne tendit pas la main pour récupérer ce qu'il lui offrait, mais mordilla ses lèvres comme pour retenir ses pensées. Bien entendu : le contraire ayant pu surprendre Hoel, qui s'attendait à devoir la forcer quelque peu après qu'elle se soit énervée.
—D'où il sort, ce flingue ? Le questionna-t-elle soudainement, d'une voix faible, pleine d'incertitudes.
—Je l'ai récupéré cette nuit. Il m'a sauvé la vie, lui répondit-il calmement.
—Il a tué beaucoup de monde ?
—Il a fait couler un peu de sang, avoua le jeune homme.
—Et tu veux que je le garde avec moi ? Lui redemanda Cheryl, comme pour s'assurer qu'il était sérieux.
—Oui, cela me rassurerait. Retourne-toi, je vais le mettre dans ton sac.
Elle ne bougea pas, le dévisagea ; ses lèvres entrouvertes et ses traits figés lui donnant un air ahuri.
—Je t'en prie, insista Hoel.
Par la force d'un intense regard, le jeune homme la poussa à obéir. La finalité de tout cela la dépassait, mais pourtant, poussées par un profond soupir, ses jambes se murent en de petits pas et elle se retourna lentement jusqu'à offrir son dos à l'adolescent.
—Je sais que cela ne te plaît pas, mais il ira parfaitement avec tes jolis yeux, dit-il tout en agrippant la fermeture éclair du sac à dos de la demoiselle.
—Ce qui veut dire ? Demanda-t-elle d'une voix curieuse.
Le sac ouvert, il glissa l'arme à feu entre une console de jeu portable et un bonnet de laine.
—Comme ce revolver, ils sont froids et aptes à faire couler des larmes chez mes semblables masculins, quand lui ferait couler du sang.
Il referma la fermeture éclair, et la demoiselle se retourna aussitôt vers lui.
—Je n'ai pas compris, du coup je prends ça pour un compliment.
—Je savais bien que tu étais une garce briseuse de coeur, persifla-t-il entre ses dents en affichant un sourire franc.
—Je t'emmerde, se défendit-elle, excédée.
La main du jeune homme se referma sur la poignée de la porte, qu'il tira vers lui en sommant la demoiselle de reculer. Elle s'exécuta. L'extérieur leur apparut en la présence d'un couloir sombre, vide de la moindre personne mais vivant des sons s'échappant des appartements sur lesquels il s'ouvrait.
—Je me charge de ton bagage, proposa Hoel en enfilant la bandoulière de son sac sur son épaule gauche.
Elle le devança, s'avança dans le couloir en écrasant au passage le bouton d'appel de la lumière. Il amoindrit la poignée de la valise et emboîta ses pas en claquant la porte derrière lui, la rattrapa aisément malgré la douleur qui malmenait encore sa jambe. Tous deux s'élancèrent dans la cage d'escalier en un boucan infernal. La demoiselle dévala les marches quatre par quatre en une danse faisant voleter le pan de sa jupe autour de ses cuisses fines. Hoel, gêné dans ses mouvements, garda une allure plus sage, écrasa de ses pas lourds les marches blanches jusqu'à atteindre le hall d'entrée de l'immeuble au travers duquel se mit à sautiller l'adolescente.
Cheryl longea les boîtes aux lettres et lui tînt la porte menant à la rue. Ils quittèrent l'immeuble d'un même élan, se retrouvèrent à l'air libre, immobiles sur l'étroit trottoir cerclé d'immeubles s’étendant devant le lieu d'habitation. Hoel ajusta la bretelle de son sac, entreprit de jeter quelques regards méfiants autour d'eux, mais nulle menace n'eut le temps d'attirer son attention : un bus déboula d'une route alentour, et la demoiselle allongea son bras pour lui signifier qu'il se mettrait à ralentir à l'approche de l'arrêt planté au bout de la rue, bien plus loin.
Leurs esprits s'éveillèrent subitement, commandèrent à leurs corps de s'activer. Comme entrevoyant là une chance pour le paradis, ils se glissèrent entre deux voitures en stationnement et se mirent à sprinter au milieu de la route en espérant rattraper l'arrière du véhicule qui s'éloignait peu à peu. Le jeune homme redoubla d'efforts pour tenir la cadence, foula en de grandes enjambées le macadam en compagnie de la demoiselle qui s'élançait gracieusement devant lui, telle une nymphe à la jupe voletante portée par une brise légère, zigzaguant de droite à gauche en espérant toucher du bout de ses doigts de fée la carrosserie d'un tas de ferraille animé. Ce dont elle fut incapable. Véloces, ils avalèrent une distance suffisante et se déportèrent sur le flanc droit du bus, passèrent en force sur le trottoir longeant la route et continuèrent leur course parmi les lampadaires éteints et les parcmètres abîmés. Hoel resserra son étreinte autour de la valise se balançant au bout de son bras et cria à Cheryl de ralentir. Le véhicule réduisit peu à peu son allure. Les deux jeunes gens se retrouvèrent à courir à ses côtés. L'arrêt n'était plus très loin.
Les pneus de l'imposant poids lourd urbain grincèrent à niveau du trottoir, et la mécanique de la machine se figea pour quelques instants. Deux portes s'ouvrirent lentement. Hoel et Cheryl apparurent au conducteur de l'engin, homme gras au menton proéminent et à la chevelure rasée, qui les découvrit transpirant et essoufflés.
—Alors vous, vous êtes pressés ou je ne m'y connais pas, s'écria-t-il en un rire à l'adresse des deux athlètes.
Tout en cherchant son souffle, Cheryl fut la première à poser le pied sur la marche métallique aidant à monter à l'intérieur du véhicule, qui d'ailleurs se trouvait être quasiment vide. Le jeune homme la suivit de près, fit passer la valise avant lui pour la pousser vers le comptoir encerclant l'homme obèse resté assis derrière son volant.
Il commanda à l'adolescente de ne pas bouger, et sortit de la poche arrière de son jeans le portefeuille qu'il y avait glissé.
—On est jeunes, normal qu'on soit pressés, répondit-il à l'homme tout en sortant un billet de banque. Donnez-moi un seul ticket, je paie sa place. Il n'y a qu'elle qui reste à bord mais gardez la monnaie. J’ai juste une chose à lui dire avant de sortir.
Hoel n'osa pas croiser le regard de Cheryl, dont le visage se décomposa alors que le conducteur imprima un ticket qu'il déposa sur le comptoir métallique. Il y fut toutefois contraint lorsqu'il s'empara du bout de carton pour le tendre à la demoiselle, qui resta figée, refusant d'attraper ce qu'il tentait de lui donner.
—J'ai menti, Cheryl. Je ne viens pas. Mais tu vas quand même prendre ce bus, alors attrape ce billet.
—Je n'en veux pas, se plaignit-elle. Tu ne vas quand même pas me laisser ?
—J’en ai bien peur. Je veux que tu te rendes chez ton amie Lisa. Elle pourra te loger quelques temps, et même t'emmener à l'école.
—Non... Refusa-t-elle alors que ses yeux se mirent à rougir.
—Si. Tu ne lui laisseras pas le choix, insista-t-il en s'avançant vers elle.
Ses bras s'ouvrirent en grand, signifiant à la demoiselle qu'il désirait lui offrir une étreinte. Elle ne dit rien, glissa ses bras autour de la taille du jeune homme qui la serra fort contre son coeur.
—Je ne te lâche plus... Le prévint Cheryl en enfouissant son visage dans le t-shirt du garçon.
—Tu vas devoir le faire. Je dois finir ce que j'ai commencé, et c'est trop dangereux pour toi. Je suis désolé, mais je serais incapable de te protéger... Se repentit-il dans le creux de l’oreille de la jeune femme.
—Tu n'as pas le droit de me laisser, insista-t-elle en se mettant à pleurer sur son torse.
—C'est pour ton bien.
—Arrête avec ton discours de menteur, se borna-t-elle à répondre à voix basse. J'ai un flingue... Et si tu quittes ce bus, je l'utilise.
Piqué au vif, Hoel jeta un rapide regard autour de lui, s’assura que ces paroles baignées de larmes n'aient pas été comprises par les quelques personnes présentes autour d'eux. Il se saisit des bras de la demoiselle, qui n'eut d'autre choix de le relâcher.
Son vêtement se retrouvait trempé à l'endroit contre lequel Cheryl s'était appuyée. Elle apparaissait face à lui, telle une petite fille perdue, les cheveux en désordre et son visage poupin dégoulinant de larmes et de morve.
—Sèche tes larmes, princesse. A ton âge on ne pleure plus. Je ne peux décidément pas rester, mais tu pourras me joindre sur mon téléphone. S'il le faut j’accourrai.
Elle passa son bras sous son nez afin de l'essuyer.
—Mais... Où est-ce que tu vas ?
—Dans le sud de la ville. Mais ne pense même pas venir me chercher, je ne te dirai pas où. Tu me verras revenir de moi-même, et avec tes amies.
Elle trembla, le fixa intensément de ses yeux irrités.
—Anna et Marine ? Parvint-elle à demander. Tu penses y arriver ?
—Je suis bien le seul qui en soit capable, répondit-il en espérant la rassurer.
—Est-ce que tu le promets ?
Sans répondre, Hoel afficha un sourire réconfortant, se pencha sur elle. D'une manière gracile, sa main se posa sur le visage de la demoiselle. Il essuya une larme perlant encore sur sa joue.
—Je te le promets, Cheryl.
Quelques secondes défilèrent, pendant lesquelles elle resta immobile à le fixer intensément. Un battement de cil fit pourtant s'animer ses lèvres, qui s'approchèrent du visage de Hoel, poussées par le désir de lui porter un baiser.
Il détourna subitement la tête. Le baiser rencontra un minuscule coin de ses lèvres, et une grande partie de sa joue.
—Prends bien soin de toi, lui souhaita-t-il en reculant prudemment.
Elle ne répondit rien, reprit un air perdu. Hoel se retourna vers le conducteur.
—Désolé pour le mélodrame, monsieur. Merci d'avoir attendu.
Ce dernier remua son bras, que tenait encore le billet que Hoel lui avait donné.
—Entre nous, ça me met en retard, mais pour une fois je ne vais pas râler, le rassura-t-il ou arborant discrètement le billet de cinquante que le lui avait donné l’adolescent.
Le jeune homme lui adressa un geste de la main, descendit lentement les marches métalliques sans lâcher Cheryl du regard. Sitôt fut-il descendu qu'elle réalisa son départ, et s'anima soudainement.
—Souviens-toi, tu as promis !
Il acquiesça d'un signe de tête, enfouit ses mains dans ses poches.
—Ne fais pas trop de bêtises.
Et les portes du bus se refermèrent sans qu'elle ne puisse répondre. Le véhicule démarra sans trop tarder, et l'adolescent, resté immobile sur le trottoir désert, vit la demoiselle se coller contre une vitre pour retarder leur séparation. Ses yeux emplis de larmes lui firent éprouver une honte irrépressible, mais il dû bien vite se ressaisir. Le véhicule disparut une rue plus loin, et Hoel fit volte-face, sortit de sa poche un téléphone portable, dont il retira la batterie, qu'il jeta au plus loin sans se préoccuper du point de chute. Son poing serra l'appareil pour évaluer sa résistance. Il le laissa tomber à ses pieds. Désolé Cheryl, j'aurai menti deux fois, s'excusa-t-il en abattant son pied sur l'objet, qui explosa sous sa semelle après deux tentatives.
Les sirènes de police résonnèrent seulement au loin lorsqu'il se remit à marcher le long des voitures stationnées, pour continuer son chemin à travers les rues labyrinthiques qu’il avait arpenté pour la première fois il y a quelques années.
Reflétés par le miroir, les yeux de Cheryl s'arrondirent excessivement. Elle décolla vivement sa joue de la peau du jeune homme, et joua des paumes de ses mains pour le repousser au plus loin. Il recula d'un pas, laissa s'élancer son bras gauche à hauteur de son épaule et, sachant qu'elle comptait cracher ses pensées, stoppa tout mouvement.
—Que je quoi ?! S'indigna-t-elle en espérant qu’il ne se répète pas.
Les lèvres du jeune homme s'étirèrent en un sourire amusé.
—Tu ne t'y attendais plus, pas vrai ?
—Carrément, oui... Pourquoi je devrais faire mon sac ?
Laissant s'estomper son sourire, le jeune homme fit un pas en avant, reposa sa main gauche sur l'épaule de la demoiselle.
—Je vais aussi faire le mien. La police doit déjà être à ma recherche, et risque de trouver l’appartement dans la journée.
—La police, seulement ? Se risqua à demander l'adolescente d'une voix inquiète, en avançant lentement son visage à quelques centimètres de celui de Hoel, afin de laisser reposer son front contre le sien.
—Non, ou du moins au contraire, oui. Il doit aussi y avoir un paquet de truands, mais eux sont trop cons pour nous trouver. (Gênée par ses paroles, elle détourna le regard un instant ; en réponse de quoi Hoel remonta tendrement sa main le long du cou de la demoiselle, la laissa reposer sur sa joue) Tu es si jeune, je ne devrais pas te faire endurer cela. Plonge-toi dans mes yeux, Cheryl, écoute-moi. Tu es si jeune, si douce, si surprise... Je suis profondément désolé pour tout ça, mais fais-moi confiance. On restera ensemble jusqu'au bout, quoi qu'il arrive, et tout reviendra à la normal dès que l'histoire se sera tassée.
Le front de la demoiselle descendit le long du visage de l'adolescent. Elle se laissa tomber au creux de son cou, qu'elle enlaça tendrement.
—Tu n'es qu'un connard, Eusoph...
—Hoel. Tu devras faire avec, princesse, je le crains. Mais il ne nous arrivera rien.
—Un connard qui parle bien, un foutu baratineur, un sale menteur...
Les mains du jeune homme dégagèrent une mèche de cheveux sombre retombant sur le front de la jeune femme, afin que ses lèvres puissent y déposer un baiser.
—Va faire ton sac, maintenant. Tu as vingt minutes.
Elle dégagea son étreinte, reprit une posture normale face à lui.
—Pourquoi vingt ?
En réponse, il l'invita à jeter un œil en direction d'une horloge ronde, faite de bois vernis, plaquée contre l'un des murs de la pièce au-dessus du lit.
—Car il est dix, et que le bus qu'on devrait prendre passe à quarante.
Elle resta dubitative. Ses lèvres formèrent une moue sceptique.
—Comme tu es une femme, je prévois une marge de dix minutes. Maintenant bouge ton cul, ne prends rien de superflu, et mets quelque chose qui attirera moins l'attention qu'une robe tâchée de sang ! Ordonna-t-il sur un ton insistant, en allongeant son bras gauche en direction de la sortie de la pièce.
—Mais va te faire foutre ! Je prends ce que je veux, et je mettrai une heure rien que pour te faire chier ! Vociféra-t-elle en lui lançant un regard noir, avant d'avancer précipitamment vers la porte.
—Dix-neuf minutes, Cheryl ! Ajouta-t-il alors qu'elle se glissa dans le couloir.
Elle ne l'écoutait déjà plus, partait s'enfermer dans sa chambre pour se changer et remplir son sac. Lui, foula du pied l'ancien tapis recouvrant le sol, et s'avança en direction du placard incrusté dans le mur de la chambre. De l’intérieur du monticule d’objets qu’elle renfermait, il extirpa un grand sac de sport qu’il posa sur le dessus du lit ; puis attrapa quelques t-shirt, les rangea soigneusement dans le creux du bagage, en fit de même avec d'autres affaires de toutes sortes : chaussettes, caleçons, pantalons... Il se figea, un jeans à la main, et défit d'une seule main la ceinture et le bouton de celui qui l'habillait. Le faisant tomber sur ses chevilles, il s'assit sur le lit, s'en débarrassa totalement ainsi que de ses chaussures de sports, et enfila le vêtement neuf coloré d'un bleu sombre ; qu'il soutint à l'aide d'une ceinture à la boucle proéminente, sortie tout droit du bazar dont était plein le placard.
S'étant relevé, le jeune homme enfila à nouveau ses chaussures et continua à jeter quelques affaires dans son barda. Il s’attarda sur une chemise à manches longues, d'un bordeaux sombre. L'envie de la mettre lui effleura l'esprit, mais il la plia et la mit dans le sac elle aussi. A la place, il enfila un t-shirt blanc synthétique, presque élastique, arborant sur le devant un logo noir peint à la bombe.
Son sac empli du minimum dont il aurait besoin pour quelques jours, Hoel s'avança vers le bureau placé sous la fenêtre de la pièce. Des trois tiroirs du meuble, l'adolescent n'en ouvrit qu'un, duquel il sortit une pochette, que ses doigts ouvrirent fébrilement. A l'intérieur s'entassaient quelques billets de banque, ainsi qu'un téléphone. Attrapant d'une de ses mains un portefeuille posé au fond du tiroir, le jeune homme alluma également l'appareil pour s'assurer que la batterie ne faisait pas défaut. L'objet se lança sans problème, et Hoel le posa un instant sur le dessus du bureau pour déplacer les billets de la sacoche jusqu'à l'intérieur du portefeuille : après quoi il le rangea dans la poche arrière de son jeans, et reprit dans ses mains le portable, sur lequel il lut quelques messages arrivant sur l'instant, tout en retournant vers le lit. C’est qu’elle m’a harcelé, cette peste, se moqua-t-il en soulevant son bagage, qu'il emporta avec lui en dehors de la chambre.
Ses pas suivirent le couloir, s'arrêtèrent devant une porte close fixée après l'angle séparant le corridor et la salle de bain.
Hoel posa son sac sur le sol, souleva l'un de ses bras. Ses phalanges martelèrent sans violence le bois de la cloison.
—C'est bon, Cheryl, on y va.
La poignée tourna sur elle-même, et la porte s'entrouvrit lentement. Cheryl apparut debout derrière celle-ci, un sac à dos sur ses épaules, habillée d'un débardeur blanc et d'une jupe noire retombant en de multiples pièces de tissus sur ses genoux nus. Elle resta immobile un instant face à Hoel, la poignée télescopique d'une valise équipée de roulettes serrée dans l'un de ses poings.
—Comment tu me trouves ?
Hoel laissa glisser son regard sur la jeune personne, de ses longs cheveux ébène retombant en désordre sur ses épaules jusqu'aux chaussures sportives noires et blanches dont elle s'était chaussée.
—Affreuse. On voit que tu ne portes pas de soutien-gorge, lui répondit-il d'un air détaché.
—Moi je pense que tu me trouves jolie, ajouta-t-elle.
Sans répondre à la provocation, il s'écarta du seuil de la pièce, et allongea l'un de ses bras en direction du salon.
—Tu serais déçue. Va maintenant m'attendre devant l'entrée, Cheryl.
Elle ne se mit pas en route tout de suite, et l'adolescent s'avança vers la salle de bain sans prendre son bagage avec lui.
—Que fais-tu ? Demanda l'adolescente en faisant rouler sa valise hors de sa chambre, alors que Hoel entrait dans la salle d'eau.
Il s'appuya contre le cadre de la porte, se retourna vers elle.
—J'ai encore des affaires à prendre. N’oublie pas l'argent que je t’ai donné et file donc m'attendre plus loin, redemanda-t-il en effectuant un second geste en direction de la pièce adjacente.
Il se retourna face au miroir fixé au mur. Cheryl passa derrière son dos, suivie par sa valise, alla s'aventurer dans le salon en récupérant au passage la liasse de billets posée sur un coussin.
Le robinet du lavabo gouttait à un rythme irrégulier, plongeait dans une ambiance sinistre la salle de bain éclairée par une mince lucarne laissant difficilement passer la lueur du soleil. Balayant la salle d'un seul regard, Hoel remarqua les éclaboussures s'étalant jusqu'à la baignoire, sur le bord de laquelle il s'était assis en compagnie de Cheryl un peu plus tôt. Il piétina les gouttelettes d'eau, s'approcha d'un coin de la pièce où reposait en une boule sur le sol son pull souillé de sang. Ses genoux fléchirent, il s'accroupit face au linge qu'il souleva d'un seul mouvement ; le faisant ainsi se dérouler tout en plaçant une main en dessous, de façon à ce qu'un objet caché en son sein tombe dans le creux de sa paume.
Faisant pivoter l'objet entre ses doigts, l'adolescent glissa son index sur la gâchette et se releva lentement. Moins fatigué qu'auparavant, il se stoppa tout de même un instant, contempla l'arme à feu qu'il avait su emporter avec lui jusqu'ici. Elle sera probablement utile, pensa-t-il en avançant hors de la pièce, en direction de son sac posé dans le couloir, qu'il souleva d'une main avant de s'élancer d'un pas assuré à travers le salon.
—Parée ? Demanda-t-il à l'adresse de la jeune fille, en traversant le corridor de l'entrée pour se poster à ses côtés.
Les yeux rivés sur l'arme que tenait Hoel, elle ne répondit tout d'abord rien, se contenta de jeter au jeune homme un regard méfiant.
—Je ne veux pas de ce regard-là, Cheryl. (Il tendit sa main devant lui, la crosse du revolver en avant afin que la demoiselle s'en empare.) C'est un vrai, et il est chargé. Je veux que tu le gardes avec toi, qu'il serve à ta protection.
Elle ne tendit pas la main pour récupérer ce qu'il lui offrait, mais mordilla ses lèvres comme pour retenir ses pensées. Bien entendu : le contraire ayant pu surprendre Hoel, qui s'attendait à devoir la forcer quelque peu après qu'elle se soit énervée.
—D'où il sort, ce flingue ? Le questionna-t-elle soudainement, d'une voix faible, pleine d'incertitudes.
—Je l'ai récupéré cette nuit. Il m'a sauvé la vie, lui répondit-il calmement.
—Il a tué beaucoup de monde ?
—Il a fait couler un peu de sang, avoua le jeune homme.
—Et tu veux que je le garde avec moi ? Lui redemanda Cheryl, comme pour s'assurer qu'il était sérieux.
—Oui, cela me rassurerait. Retourne-toi, je vais le mettre dans ton sac.
Elle ne bougea pas, le dévisagea ; ses lèvres entrouvertes et ses traits figés lui donnant un air ahuri.
—Je t'en prie, insista Hoel.
Par la force d'un intense regard, le jeune homme la poussa à obéir. La finalité de tout cela la dépassait, mais pourtant, poussées par un profond soupir, ses jambes se murent en de petits pas et elle se retourna lentement jusqu'à offrir son dos à l'adolescent.
—Je sais que cela ne te plaît pas, mais il ira parfaitement avec tes jolis yeux, dit-il tout en agrippant la fermeture éclair du sac à dos de la demoiselle.
—Ce qui veut dire ? Demanda-t-elle d'une voix curieuse.
Le sac ouvert, il glissa l'arme à feu entre une console de jeu portable et un bonnet de laine.
—Comme ce revolver, ils sont froids et aptes à faire couler des larmes chez mes semblables masculins, quand lui ferait couler du sang.
Il referma la fermeture éclair, et la demoiselle se retourna aussitôt vers lui.
—Je n'ai pas compris, du coup je prends ça pour un compliment.
—Je savais bien que tu étais une garce briseuse de coeur, persifla-t-il entre ses dents en affichant un sourire franc.
—Je t'emmerde, se défendit-elle, excédée.
La main du jeune homme se referma sur la poignée de la porte, qu'il tira vers lui en sommant la demoiselle de reculer. Elle s'exécuta. L'extérieur leur apparut en la présence d'un couloir sombre, vide de la moindre personne mais vivant des sons s'échappant des appartements sur lesquels il s'ouvrait.
—Je me charge de ton bagage, proposa Hoel en enfilant la bandoulière de son sac sur son épaule gauche.
Elle le devança, s'avança dans le couloir en écrasant au passage le bouton d'appel de la lumière. Il amoindrit la poignée de la valise et emboîta ses pas en claquant la porte derrière lui, la rattrapa aisément malgré la douleur qui malmenait encore sa jambe. Tous deux s'élancèrent dans la cage d'escalier en un boucan infernal. La demoiselle dévala les marches quatre par quatre en une danse faisant voleter le pan de sa jupe autour de ses cuisses fines. Hoel, gêné dans ses mouvements, garda une allure plus sage, écrasa de ses pas lourds les marches blanches jusqu'à atteindre le hall d'entrée de l'immeuble au travers duquel se mit à sautiller l'adolescente.
Cheryl longea les boîtes aux lettres et lui tînt la porte menant à la rue. Ils quittèrent l'immeuble d'un même élan, se retrouvèrent à l'air libre, immobiles sur l'étroit trottoir cerclé d'immeubles s’étendant devant le lieu d'habitation. Hoel ajusta la bretelle de son sac, entreprit de jeter quelques regards méfiants autour d'eux, mais nulle menace n'eut le temps d'attirer son attention : un bus déboula d'une route alentour, et la demoiselle allongea son bras pour lui signifier qu'il se mettrait à ralentir à l'approche de l'arrêt planté au bout de la rue, bien plus loin.
Leurs esprits s'éveillèrent subitement, commandèrent à leurs corps de s'activer. Comme entrevoyant là une chance pour le paradis, ils se glissèrent entre deux voitures en stationnement et se mirent à sprinter au milieu de la route en espérant rattraper l'arrière du véhicule qui s'éloignait peu à peu. Le jeune homme redoubla d'efforts pour tenir la cadence, foula en de grandes enjambées le macadam en compagnie de la demoiselle qui s'élançait gracieusement devant lui, telle une nymphe à la jupe voletante portée par une brise légère, zigzaguant de droite à gauche en espérant toucher du bout de ses doigts de fée la carrosserie d'un tas de ferraille animé. Ce dont elle fut incapable. Véloces, ils avalèrent une distance suffisante et se déportèrent sur le flanc droit du bus, passèrent en force sur le trottoir longeant la route et continuèrent leur course parmi les lampadaires éteints et les parcmètres abîmés. Hoel resserra son étreinte autour de la valise se balançant au bout de son bras et cria à Cheryl de ralentir. Le véhicule réduisit peu à peu son allure. Les deux jeunes gens se retrouvèrent à courir à ses côtés. L'arrêt n'était plus très loin.
Les pneus de l'imposant poids lourd urbain grincèrent à niveau du trottoir, et la mécanique de la machine se figea pour quelques instants. Deux portes s'ouvrirent lentement. Hoel et Cheryl apparurent au conducteur de l'engin, homme gras au menton proéminent et à la chevelure rasée, qui les découvrit transpirant et essoufflés.
—Alors vous, vous êtes pressés ou je ne m'y connais pas, s'écria-t-il en un rire à l'adresse des deux athlètes.
Tout en cherchant son souffle, Cheryl fut la première à poser le pied sur la marche métallique aidant à monter à l'intérieur du véhicule, qui d'ailleurs se trouvait être quasiment vide. Le jeune homme la suivit de près, fit passer la valise avant lui pour la pousser vers le comptoir encerclant l'homme obèse resté assis derrière son volant.
Il commanda à l'adolescente de ne pas bouger, et sortit de la poche arrière de son jeans le portefeuille qu'il y avait glissé.
—On est jeunes, normal qu'on soit pressés, répondit-il à l'homme tout en sortant un billet de banque. Donnez-moi un seul ticket, je paie sa place. Il n'y a qu'elle qui reste à bord mais gardez la monnaie. J’ai juste une chose à lui dire avant de sortir.
Hoel n'osa pas croiser le regard de Cheryl, dont le visage se décomposa alors que le conducteur imprima un ticket qu'il déposa sur le comptoir métallique. Il y fut toutefois contraint lorsqu'il s'empara du bout de carton pour le tendre à la demoiselle, qui resta figée, refusant d'attraper ce qu'il tentait de lui donner.
—J'ai menti, Cheryl. Je ne viens pas. Mais tu vas quand même prendre ce bus, alors attrape ce billet.
—Je n'en veux pas, se plaignit-elle. Tu ne vas quand même pas me laisser ?
—J’en ai bien peur. Je veux que tu te rendes chez ton amie Lisa. Elle pourra te loger quelques temps, et même t'emmener à l'école.
—Non... Refusa-t-elle alors que ses yeux se mirent à rougir.
—Si. Tu ne lui laisseras pas le choix, insista-t-il en s'avançant vers elle.
Ses bras s'ouvrirent en grand, signifiant à la demoiselle qu'il désirait lui offrir une étreinte. Elle ne dit rien, glissa ses bras autour de la taille du jeune homme qui la serra fort contre son coeur.
—Je ne te lâche plus... Le prévint Cheryl en enfouissant son visage dans le t-shirt du garçon.
—Tu vas devoir le faire. Je dois finir ce que j'ai commencé, et c'est trop dangereux pour toi. Je suis désolé, mais je serais incapable de te protéger... Se repentit-il dans le creux de l’oreille de la jeune femme.
—Tu n'as pas le droit de me laisser, insista-t-elle en se mettant à pleurer sur son torse.
—C'est pour ton bien.
—Arrête avec ton discours de menteur, se borna-t-elle à répondre à voix basse. J'ai un flingue... Et si tu quittes ce bus, je l'utilise.
Piqué au vif, Hoel jeta un rapide regard autour de lui, s’assura que ces paroles baignées de larmes n'aient pas été comprises par les quelques personnes présentes autour d'eux. Il se saisit des bras de la demoiselle, qui n'eut d'autre choix de le relâcher.
Son vêtement se retrouvait trempé à l'endroit contre lequel Cheryl s'était appuyée. Elle apparaissait face à lui, telle une petite fille perdue, les cheveux en désordre et son visage poupin dégoulinant de larmes et de morve.
—Sèche tes larmes, princesse. A ton âge on ne pleure plus. Je ne peux décidément pas rester, mais tu pourras me joindre sur mon téléphone. S'il le faut j’accourrai.
Elle passa son bras sous son nez afin de l'essuyer.
—Mais... Où est-ce que tu vas ?
—Dans le sud de la ville. Mais ne pense même pas venir me chercher, je ne te dirai pas où. Tu me verras revenir de moi-même, et avec tes amies.
Elle trembla, le fixa intensément de ses yeux irrités.
—Anna et Marine ? Parvint-elle à demander. Tu penses y arriver ?
—Je suis bien le seul qui en soit capable, répondit-il en espérant la rassurer.
—Est-ce que tu le promets ?
Sans répondre, Hoel afficha un sourire réconfortant, se pencha sur elle. D'une manière gracile, sa main se posa sur le visage de la demoiselle. Il essuya une larme perlant encore sur sa joue.
—Je te le promets, Cheryl.
Quelques secondes défilèrent, pendant lesquelles elle resta immobile à le fixer intensément. Un battement de cil fit pourtant s'animer ses lèvres, qui s'approchèrent du visage de Hoel, poussées par le désir de lui porter un baiser.
Il détourna subitement la tête. Le baiser rencontra un minuscule coin de ses lèvres, et une grande partie de sa joue.
—Prends bien soin de toi, lui souhaita-t-il en reculant prudemment.
Elle ne répondit rien, reprit un air perdu. Hoel se retourna vers le conducteur.
—Désolé pour le mélodrame, monsieur. Merci d'avoir attendu.
Ce dernier remua son bras, que tenait encore le billet que Hoel lui avait donné.
—Entre nous, ça me met en retard, mais pour une fois je ne vais pas râler, le rassura-t-il ou arborant discrètement le billet de cinquante que le lui avait donné l’adolescent.
Le jeune homme lui adressa un geste de la main, descendit lentement les marches métalliques sans lâcher Cheryl du regard. Sitôt fut-il descendu qu'elle réalisa son départ, et s'anima soudainement.
—Souviens-toi, tu as promis !
Il acquiesça d'un signe de tête, enfouit ses mains dans ses poches.
—Ne fais pas trop de bêtises.
Et les portes du bus se refermèrent sans qu'elle ne puisse répondre. Le véhicule démarra sans trop tarder, et l'adolescent, resté immobile sur le trottoir désert, vit la demoiselle se coller contre une vitre pour retarder leur séparation. Ses yeux emplis de larmes lui firent éprouver une honte irrépressible, mais il dû bien vite se ressaisir. Le véhicule disparut une rue plus loin, et Hoel fit volte-face, sortit de sa poche un téléphone portable, dont il retira la batterie, qu'il jeta au plus loin sans se préoccuper du point de chute. Son poing serra l'appareil pour évaluer sa résistance. Il le laissa tomber à ses pieds. Désolé Cheryl, j'aurai menti deux fois, s'excusa-t-il en abattant son pied sur l'objet, qui explosa sous sa semelle après deux tentatives.
Les sirènes de police résonnèrent seulement au loin lorsqu'il se remit à marcher le long des voitures stationnées, pour continuer son chemin à travers les rues labyrinthiques qu’il avait arpenté pour la première fois il y a quelques années.
30/11/15 à 00:03:59
Je comprends. Je pourrai pas te dire i je prefère plus ce point de vu que le precedent puisque j'en ai pas un souvenir clair.
Mais en revanche je te dirais si je m'ennui, ou si je m'eclate avec le nouveau point de vu !
29/11/15 à 16:27:37
Pour ce début de seconde partie, à la base personne ne vient sonner chez lui, il se rend seul au point de rendez-vous donné par Joris par téléphone. Là il sera accompagné de son acolyte durant tout le début.
A toi de me dire si ce sera mieux qu'avant ou pas, j'ai choisi ces nouveaux points de vu pour que le lecteur s'ennuie moins. De nouvelles situations, réactions et dialogues.
Cela, puis c'est aussi pour faire apparaitre plus longuement le personnage de Joris, car s'il n'est pas important dans ce roman (d'autres y sont introduits en vu d'une future suite prévue) il le sera dans la préquelle à venir en début d'année
29/11/15 à 15:10:46
Hey, j'ai le souvenir de ça aussi. Après il l'accompagne au poste de police et assiste au bordel qu'Hoel fou dans la rue. Enfin je crois.
Ce passage est vachement embrumé, trop de descriptions, mais en même temps c'est pas mal puisqu'on a l'impression d'avoir la tete dans le cul comme Holden. ça rajoute du realisme !
Hate de relire la suite ! T'as plus d'excuse ! =D
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