Au final, j'avais pas eu le choix. Dave avait intégré Cherub Rock, Starla et Tank en était tellement excité qu'ils ne l'ont pas lâché d'une semelle pour tout savoir de lui.

Il était né avec une guitare dans les mains et pratiquait depuis sans relâche. Plutôt qu'être honteux de sa couleur de cheveux roux, il en faisait une fierté et c'est pour ça qu'ils les avait laissé pousser. Personnellement je le trouvais arrogant et vantard. Et j'avais le sentiment qu'il ne m'aimait pas.
Mais aux yeux des deux autres, il était génial et intelligent, calme et patient. Bref, le membre manquant de l'équipage.
Et en plus il amenait avec lui des compos. C'était carrément un sauveur !
Toutes ses chansons (qu'ils appelaient d'un chiffre et dans l'ordre dans lesquelles ils les avaient composés) étaient dans un style violent et malsain. Du thrash metal à ses débuts quoi. Mais le pire c'est qu'on m'avait désigné pour écrire des paroles là-dessus. Pour enrichir la musique de quelqu'un que je détestais. Bien sûr j'avais accepté avec un sourire pour ne pas décevoir Starla, ce même sourire que chacun revêt pour se protéger lorsque la situation est tendue. Et puis à y réfléchir, il vaut mieux sourire que gonfler les muscles.
Seulement, autant j'écrivais souvent seul (même Starla n'en savait rien), autant là il m'était impossible de sortir un mot. Ce n'était pas comme lorsque j'avais écrit Looking for Starla... Ce n'était pas ma musique. Alors j'écrivais des paroles absolument bidons et vide de sens, et les autres s'en réjouissaient. Ils criaient au génie. Alors que j'avais juste foutu des mots sur une mélodie...

En fait je me mettais à résonner. De la musique comme Dave en faisait, je n'aimais pas ça. Pas parce que c'était du metal, que j'appréciais relativement, mais il composait pour faire de la musique. Ca n'avait aucun sens, il n'y avait rien derrière...
Mais pour bon nombre de personne c'était abstrait. J'étais même déçu que Starla ne se soit pas rendu compte de cela, mais elle était encore aveuglé par le sauveur.
À la fin des répétitions, je partais alors que le reste du groupe restait ensemble, allait boire quelque part ou faire je ne sais quoi. Je ratais sûrement quelque chose et mon image chutait auprès de mes deux acolytes au contraire de celle du roux qui devait probablement atteindre des sommets. Mais peu importe, je ne voulais pas rester plus avec lui.

Seulement, comme Tank et du fait de son expérience, Dave avait beaucoup de contact dans le domaine de la musique. Et il nous a ouvert d'autres portes. On a ainsi joué dans des caves remplies de gothiques ou de headbangers. C'était amusant, c'était une expérience absolument différente que celles de nos "fans" habituels. Et mieux encore, il parvint à nous obtenir un créneau à un festival, le Rock à Brack, un festival qui réunissait chaque année près de 100 000 personnes dans le Nord de la France. En plus des français, des belges, des luxembourgeois, des danois et même des anglais venaient assister au spectacle ce qui était un énorme tremplin !

Bon, on allait pas se produire sur la plus grosse scène, elle n'était même pas bien grande mais qui sait ce qui pouvait se produire ! Nous répétions donc dans une optique, faire une grande impression. Et par conséquent sur les compos de Dave.

Mais à part cette perspective, j'étais las. Je veux dire, je faisais de la musique, et alors ? J'étais malheureux. J'avais la copine la plus formidable du monde, un groupe de rock avec un certain succès (certains auraient tué pour ça) mais rien à faire. C'était peut-être juste un mal-être adolescent...