9h30 

Plus le temps passait, et plus Jean Théopolde trouvait sa situation ridicule, il allait mourir dans quelques heures, et il était là, assis, en cours, en écoutant une prof déblatérer des trucs qui ne lui seraient guère utile là où il irait... Il ne stressait pas vraiment, en fait, il était juste morne et dépité, exactement comme les autres jours. Finalement, mourir , c'était peut être pas si grave vu comment sa vie semblait vide de sens. Il arrêta de penser alors, ne souhaitant pas être interrompu une fois de plus, et se contenta de regarder avec un oeil vide le tableau. 

A ses côtés, un petit gros ? donc forcément exclu ? dénommé Paul Henri, surnommé Jabba The Hutt par le reste de la classe, faisait évidemment parti des « amis » à Jean Théopolde... D'ailleurs , ce groupe d'amis atypique avait également repris le surnom officiel de Paul Henri, mais l'avais transformé en Huta, jugé plus affectueux, sorte de mixe entre jabba et the hutt... Huta avait passé tout le début de l'heure à se foutre de l'ownage magistrale dont JT avait été la victime en début de matinée. Ceci dit, devant l'inaction de son camarade, et devant son silence prolongé il avait finit par arrêter, puis, visiblement inquiet, lui demanda si tout allait bien. Il était 9h43, c'était la première fois depuis que JT s'était levé que quelqu'un s'inquiétait de son état. Pourtant aujourd'hui, comme les autres jours, JT répondit : « ça va bien et toi ? » phrase que l'on sort à une personne quand on a rien à lui dire, en se moquant bien de savoir si oui ou non il va bien

Huta ayant compris la manoeuvre répondit par l'affirmatif et se renferma dans son mutisme, lui aussi avait ses propres problème à régler. Tout comme JT il avait redoublé, mais lui, c'était par pur fainéantise. C'est également à cause de cette fainéantise qu'il se retrouvait en sur-poids, incapable de se bouger pour faire du sport... Mais ça commençait à se compliquer pour lui, à un âge où l'apparence joue énormément , celle d'Huta ne jouait pas des masses en sa faveur... voir pas du tout. La seule chose que Huta effectuait avec beaucoup de passion et de volonté, c'était de tâter la console, le pc, et même la DS de sa petite soeur qu'il squattait en cachette. Toutefois, le virtuel ne lui suffisait plus à combler son manque de reconnaissance IRL. Il profita justement de l'attitude de son camarade pour aborder le sujet : 

« _Hey JT, t'aimerais pas que les choses changent, je veux dire, pour nous ? 
_Ouais, sûrement... 
_Je veux dire, regarde l'autre la, il a réussi à se caser avec la meuf là, depuis tout roule pour lui, mais il était comme nous avant ! » 

Huta venait de rappeler , comme si cela ( cisla ) était utile, la brillante carrière d'un de ses ex-amis, autrefois nolife comme lui... Aaaah si seulement elle pouvait l'aimer ! Rien qu'une journée, la dernière, se serait si bien, il pourrait partir heureux... et au lieu de ça, il partageait ses derniers instant en compagnie d'autres loosers comme lui

_Ouais , ouais ouais, lui il a réussi c'est vrai, mais je crois c'est l'exception qui confirme la règle 
_Rooh dis pas ça, je suis sur c'est possible, j'ai juste à perdre un peu de poids...
_Hey bah vas y alors ! Depuis qu'on se connaît tu passes ton temps à te lamenter sur ton sort, à te trouver trop gros, trop gras, et t'as fais quoi pour changer ça ? T'as reroll sur Archimonde ? 

Ce fut la prof qui vint mettre un terme à ce douloureux débat entre les deux « amis », JT était énervé, et il répondit à la prof que le sort de la démocratie athénienne lui importait peu, cette soudaine rébellion surpris tout le monde dans la classe. Il faut dire que Jean Théopolde Suuslas était du genre calme, voire invisible en temps normal, et le voir répondre comme ça était plutôt inhabituel, Son carnet étant déjà entre les mains du terrible CPE, il fut donc exclu des cours... Que faire ? Il se sentait abattu, il aurait tellement aimé avoir quelqu'un avec qui partager sa peine, une personne qui pleurerait pour lui... Il se rendit sur un banc, dans la cour, la neige et la faible température avait chassé tout les autres élèves, et il se retrouvait seul, bien qu'en réalité, il était seul depuis déjà très longtemps... 

Il jeta un oeil à son portable, et celui-ci était désespérément vierge de tout nouveau message. Il hésita à jeter son portable au loin, mais à quoi cela l'avancerait-il ? Il le remit dans sa poche et fixait du regard les flocons qui tombaient doucement , avant de se fondre dans la masse de neige qui recouvrait le sol... est-ce que le poison le tuerait instantanément ? Ou bien allait-il le faire souffrir de plus en plus jusqu'à une agonie lente et douloureuse ? 

Il n'arrivait plus à penser positivement, sa vie était merdique, et pourtant il ne voulait pas qu'elle se termine... Et pourquoi restait il là à perdre son temps ? Au fond il le savait bien, il se décida à aller voir la fille à la pose pour lui parler, puis il quitterait le lycée pour aller... Il n'en savait rien encore, donner tout son fric à un clodo ? Comme ça quelqu'un regretterait peut être sa disparition ?