Note de la fic : :noel: :noel: :noel:

Red Light Story


Par : King_Yugo
Genre : Sayks, Polar
Statut : Terminée



Chapitre 19 : Le Numéro du Maquereau


Publié le 06/07/2011 à 12:42:11 par King_Yugo

L'une des putes du peloton interpelle Gjelb et lui demande un truc sur un ton suppliant. Gjelb lâche un rire gras et faux, Moustache-Farine la descend. Une rafale troue son corps, des points rouges se forment à la surface de sa peau, elle tombe. Mon acolyte est toujours dans les vapes, le visage crispé par la douleur. Normal, après une chute de cinq mètres, il a de la chance d'être encore vivant. Ma nuque me fait souffrir, à force de regarder dans tous les sens. Moustache-Farine applaudit et l'Homme de l'Ombre oblige les autres filles à faire pareil. Gjelb continue de punir Ruxanda et, une fois qu'elle à son compte, il vient me détacher. Mes poignets et chevilles sont libres, mais endolories. Une fois libre, j'adopte la position de la tortue et me laisse rouler par terre en espérant atteindre la sortie. Quelqu'un me freine dans ma course. Il me soulève et me porte comme un sac à patate. L'Homme de l'Ombre. Je ne peux plus marcher, à cause de ma blessure au pied. Je serais obligé de sautiller sur un pied, comme un enfant qui joue à la marelle. Il me dépose par terre comme on dépose un sac poubelle.

- Mec, j'suis là.

La voix de mon acolyte est fébrile. Elle menace de s'éteindre à tout moment, comme un portable déchargé. Il a été roué de coups, ses vêtements sont déchirés, il a une plaie au niveau du flanc, des hématomes sur la gueule mais il est encore un peu vivant. Malgré cela, son sang se repend et il est de plus en plus pâle. Ses lèvres ne vont pas tarder à prendre une teinte violacée et je suis là, impuissant, le corps abîmé. Gjelb désire que Ruxanda prenne ma place et Moustache-Farine vient lui prêter main forte même si l'opposition reste assez modérée. L'os de Ruxanda a littéralement transpercé sa peau. Cette vision me donne un haut-le-coeur. Le moustachu nerveux active la tondeuse, les filles pleurent à chaude larme, implorent sans doute des divinités albanaises. Ruxanda hurle un truc et Gjelb fait signe à Moustache-Farine d'arrêter la machine infernale qui n'a toujours rien découpé pour le moment. Il commence à parler en français, probablement pour que je comprenne.

- C'est à cause de toi que mes filles ne travaillent plus ! Tu as essayé de nous baiser, pute. Tu croyais être plus intelligente ? Tu aurais dû rester à ta place de pute, Ruxanda. Je t'avais prévenu.

Pas de chance, je suis tombé sur sa vitrine. Le destin, à mon avis.

- Faut qu'on joigne quelqu'un, sinon on est cuit. J'ai encore mon Iphone. Je l'avais planqué dans ma raie.
Dans ta raie ? Tu veux joindre qui ?
- Ouais, dans ma raie. Ça coute trop cher, cette connerie. Voler mon Iphone, c'est comme voler ma vie. Pendant que t'étais défoncés j'ai discuté avec un rasta du Lion of Judah -celui avec ses dents en or- et il m'a filé son facebook, j'peux essayer de lui demander de l'aide.

L'événement principal étant le lynchage public de Ruxanda, personne ne fait attention à nous. Même pas l'homme de l'ombre, qui discute avec l'une des putes, peut-être pour lui proposer de boire une bière. Difficilement, mon Mikael extrait son téléphone magique, d'entre ses fesses.

- C'est bon, il y a une connexion. Je contacte le rasta.
- Tu te rends compte mec ?
- Quoi ?
- Tu contactes un rasta. Est-ce que tu t'imaginais contacter un rasta une fois dans ta vie ?

Il préfère m'ignorer et poste un message sur le mur du rasta. Pas de réponse. Ayant conscience de la lenteur des rastas, on s'attend à pouvoir crever trois fois avant que l'un d'eux daigne à bouger le cul de sa chaise. Moustache-Farine détache Ruxanda. Elle tombe par terre, à bout de force. Une fois de plus, Gjelb l'attrape par les cheveux et lui ordonne de se mettre à genou. J'ai mal pour elle mais, pas de tristesse. Cette tarée peut bien crever, moi je ne risque plus rien. Moustache-Farine pointe le canon de son arme sur la nuque de la pauvre blonde qui sanglote par tout ses pores. Il montre qu'il a envie de la pulvériser, ses tiques nerveux contrôlent son image et son mouvement. Il toise ses gagneuses, l'air supérieur. Sa lèvre supérieure est retroussée, laissant apparaître des dents dégueulasses. Il se plaint en Albanais que son pull est tâché et demande surement aux autres putes si elles vont se remettre au boulot rapidement. Elles acquiescent parce qu'elles sont terrorisées, et aussi parce qu'on ne leur propose pas d'autres solutions. C'est un jeu à sens unique qu'elles ne sont plus capable de supporter. Elles sont abattues. Leur seul espoir de salut trouve sa lueur en Ruxanda et son aisance à l'oral, son pouvoir de persuasion, son tempérament fédérateur. Elle risque de mourir très prochainement. Moustache-Farine est en transe, il fulmine et crache quelques postillons de salive blanchâtres. Tout à coup Gjelb dégaine un flingue équipé d'un silencieux et tire trois balles dans le corps de ce mec devenu trop taré pour travailler avec les Albanais. L'Homme de l'Ombre ne bronche pas quand Gjelb lui ordonne de baisser son arme. Avec ardeur, il lui ordonne ensuite de s'en aller puis commence un speech quasi larmoyant en albanais non sous-titré à propos du métier de souteneur, la difficulté de traiter ses putes d'une façon impartiale afin de ne pas tomber dans le registre du sentimental, beaucoup trop compliqué à gérer, surtout en ce qui concerne le milieu professionnel au sein duquel il est important d'établir de strictes barrières entre baiseurs et baisées afin de ne pas mettre en péril la productivité du business, etc, etc... Il se décrit ensuite comme une victime du destin, comme un homme rejeté par la société qui, un beau jour, s'est réveillé dans un cockpit en perdition avec des putes bien fraîches prêtes à tenir le stand de barbaque promotionnelle dans l'hypermarché des maniaques sexuels. Il serre son poing et jure en fronçant les sourcils, comme habité par un improbable personnage de maquereau émotif. Pas très crédible, on rirait si la douleur ne nous en empêchait pas. Son crâne chauve et ses joues couperosées trahissent son état d'ébriété avancé. Cependant les filles semblent croire .en lui, c'est dire l'étendu de son talent. Disons qu'elles n'ont pas vraiment le choix. Pour conclure, il enfonce le canon de son flingue dans la bouche de Ruxanda et l'assassine. Sa dépouille s'étale par terre, vide, un cratère sanglant derrière son crâne.

- Vous, je ne veux plus vous voir. Plus jamais !

C'est à nous qu'il s'adresse et je ne voudrais le contrarier. On se met à ramper vers la sortie. J'essaye de me lever, je trébuche, décide de faire la route à quatre pattes. J'ai vu des gens mourir, je suis détruis, ma vie ne sera plus jamais la même. Le chemin est laborieux, difficile d'être réduit à une capacité de mouvement digne de celle d'un ver de terre sans alerter nos contemporains. Mais personne ne remarque rien, on s'éloigne le plus rapdiement car l'idée d'avoir vu périr Ruxanda des mains de son souteneur psychopathe ne me réjouit pas, et surtout je n'ai pas envie que Gjelb change d'avis au dernier moment. Une fois de retour en France, dans quelques jours, je déclarerai ma carte d'identité comme volée et ma carte bleue comme piratée, en espérant que ça puisse limiter les dégâts. On arrive à l'hôtel beaucoup plus tard, alors que la demi-lune s'évapore dans un ciel laiteux, je n'ai jamais vu le béton d'aussi près. La douleur est insoutenable lorsque nous entreprenons d'escalader ces minuscules escalier verticaux qui menacent à chaque nouvelle marche de nous propulser dans le vide du néant. Nos vêtements sont trempés de terre, nos visages sauvagement entaillés par le stress et la paranoïa. On a même plus forme humaine et les cris de colère de toutes les putes raisonnent encore dans nos esprits. A jamais.

Le chauve s'endort debout, calé entre la porte, la poubelle et le petit lavabo. Une toile d'araignée s'étend de ma crème hydratante jusqu'à mon gel décoiffant. Dans la glace, je ne trouve plus le Jip d'il y a trois jours, celui qui débarquait à Amsterdam en nourrissant l'espoir secret de tester un maximum d'herbe différente. Non, maintenant je vois un Jip aux traits marqués par une expérience inédite et complétement dingue. Un Jip rôdé, presque survivant de l'enfer des organisations criminelles d'Europe de l'Est. Je pense à vendre mes services à TF1 ou à M6 pour un potentiel sujet de magasine d'immersion. J'imagine Harry Roselmack en immersion dans les vitrines.

« Nous approchons de cette prostituée, probablement vendues par ses parents paysans dès son plus jeune âge. Nous allons lui proposer cinquante euros dans le but d'avoir des rapports sexuels de type tarifé avec elle... Nous vous retrouvons dans une demi-heure. »

Mieux, pourquoi ne pas écrire un bouquin, pour raconter mon histoire ? Ça pourrait même être adapté en film. J'imagine les interprètes de mon blockbuster. Mais étant l'acteur principal de ma vie, difficile d'imaginer une pâle copie de ce que je suis vraiment : Je devrais composer mon propre rôle. L'histoire d'un looser prit en grippe par la mafia albanaise, ça le fait.

Reniflant à plein nez la puanteur du local à balais qui nous sert de chambre, j'entreprends d'ouvrir notre fenêtre afin de respirer l'air pur du matin. Pour ne pas réveiller Mikael, je fouille ses poches et déballe le contenu dans le lavabo. Il y a plusieurs sachets hermétiques d'herbe sèche destinée à la consommation récréative. J'effrite une tête bien pulpeuse à l'ancienne et sens un doux craquement sous mes doigts. Mon roulage est parfait. Je l'allume puis me dirige vers la fenêtre. Une odeur apaisante vient masquer celle de rat crevé qui règne depuis le temps qu'on hiberne dans cette cage. Mon pouls s'accélère, de petits vaisseaux éclatent dans mes yeux et j'oublie tout. Tout autour de moi n'est que crasse et désolation, l'auréole brune sur la moquette me rappelle les deux meurtres commis de sang-froid par mon acolyte. Maintenant il dort, écroulé sur la paroi du lit superposé. Pas debout, mais pas allongé. Ses membres sont las et son front suinte d'une mauvaise graisse emmagasinée à force de bouffer des burgers à l'emporte-pièce. Son tee-shirt blanc est à présent marron, déchiré, troué. Les manches sont si élargies qu'on dirait qu'il a essayé d'y rentrer ses deux jambes en même temps. Son jean, auparavant trop grand, ressemble aujourd'hui à un mini-short tout juste à sa taille, bien au-dessus de ses cuisses cagneuses. Deux meurtres. Un type égorgé. Une pute éliminée, avec une étoile de ninja. Mes cinq orteils sont gonflés et blancs, autant dire mort. Ma jambe pèse quinze kilos et je tiens grâce au rebord de la fenêtre. Le joint se consume rapidement à cause du vent matinal. Je ne sais même pas si Ruxanda a été éliminé. La fenêtre donne vue sur des toits de tuiles rouges, entassés, de hauteur et d'inclinaison inégales, ce qu'on pourrait appeler un sacré bordel architectural.


Commentaires

Aucun commentaire pour ce chapitre.