Pour l'énième fois dans la nuit, Aunareth se réveilla. Il cherchait par tous les moyens de s'endormir mais à chaque fois le cauchemar refaisait surface. Au début, Aunareth pensait avoir fait un mauvais rêve. Mais à chaque fois qu'il se rendormait, le même cauchemar tournait en boucle. Il montrait une ville entière de dragon, assiégés par des créatures volantes. Ces créatures étaient petites, avaient un poitrail musclé et puissant et des ailes dont la forme rappelaient celle des wyverns de l'est, une région inhospitalière où personne ne vivait... à part ces choses. Elles étaient nombreuses et chacun des dragons de cette cité combattait au moins une dizaines de ces créatures. Malgré cela, les dragons avaient un avantage. Chacun d'eux utilisait la magie. Aunareth avait déjà vu des dragons-magiciens capables de faire bouger les flammes des flambeaux d'une pièce ou d'élever une roche à la hauteur d'un dragon, sans même bouger un cil, mais les dragons-magiciens qu'ils voyaient là se comptaient par centaines.

Il essaya d'oublier cette scène et se leva. Glasaema était couchée à côté de lui. Elle, au moins, ne s'était pas réveillée. Il se rapprocha du sommet de la montagne, et laissa ses poumons absorber l'air frais. Bientôt le soleil se lèverait, et l'aube pointerait.

Ils étaient partis à pleine allure du royaume de Varìannor et n'avaient soufflé qu'après avoir passé les frontières du royaume. Aunareth s'était douté qu'il fallait aller très vite pour ne pas se faire repérer par les patrouilles mais jamais il n'aurait pensé parcourir autant de chemins en volant sans s'arrêter. Encore maintenant, ses muscles lui faisaient mal et Glasaema avait finalement décidé qu'il se reposerait là. Aunareth n'aurait pas pensé que la dragonne pouvait être aussi endurante. En la voyant aller à un rythme lent, il s'était mis dans la tête qu'il pouvait aller à un rythme plus rapide, sans aucun problème. Mais les heures passèrent et tandis qu'il fatiguait, Glasaema suivait la même cadence, ses ailes battant avec une régularité presque soporifique pour Aunareth qui avait du mal à ce moment-là à la suivre.

Puis ils étaient arrivés sur la chaîne de montagne, la frontière du royaume et ainsi posé sur le sommet de l'une d'entre elles, il était heureux qu'ils soient aller aussi vite. Il pouvait maintenant profiter de la vue magnifique qu'il avait. Au-delà des montagnes, s'étendaient des plaines à perte de vue et juste sur ces plaines, se trouvait Girzat. C'était un petit village de dragon qui avait décidé de rester en marge du royaume. Ils ne souhaitaient pas la compagnie d'un peuple de plusieurs centaines de leurs semblables et vivaient donc à la manière des dragons sauvages, sans négliger les rapports sociaux avec les autres membres.


Quand Glasaema se réveilla, elle l'appela.
- Aunareth, je vais aller chasser pour nous rapporter quelque chose.
- Je peux très bien faire cela moi-même. Je n'ai pas besoin que quelqu'un vienne m'apporter ma pitance. Répliqua Aunareth.
- Eh bien dans ce cas, je ne t'empêcherai pas de la chercher.
Aunareth partit, furieux. Sans en vouloir véritablement à la dragonne, il trouvait qu'elle agissait comme si elle avait affaire à un dragonnet. Et il n'aimait pas cela. Ce n'est pas parce qu'il n'avait pas l'âge de Glasaema, qu'il était forcément moins capable qu'elle.

A la chasse, il trouva sur les plaines, un troupeau de vache où il put en cueillir une et la tuer sans trop de difficulté. Elle s'était bêtement éloignée des autres, ne pensant pas que la menace pourrait venir du ciel.

Il dévora tranquillement sa proie, déchiquetant la chair avec satisfaction.
Il avait encore un peu de temps devant lui, même si le soleil était haut dans le ciel, désormais. Il passa donc toute la fin de matinée à voler sur un vaste champ, prenant plaisir à absorber les différentes sensations que lui procuraient le vol.

Malgré que le voyage l'ait fatigué, ses ailes avaient gagné en endurance, et elle devrait encore servir pendant longtemps pour le voyage qui les attendait. Aunareth essaya ainsi de s'entraîner à voler le plus longtemps possible, tirant sur ses muscles, lorsque la fatigue se faisait sentir.

Lorsque l'après-midi arriva, Aunareth fit une petite sieste avant de se remettre en route. Sa route serait longue pour rejoindre Galsaema, et il se refusait à revenir, exténué et étant incapable de faire le moindre geste.


Lorsqu'il arriva à leur lieu de rendez-vous, il était déjà tard. Il vit Glasaema manger une carcasse de loup.
- Alors, on a pas été capable de se prendre soi-même sa nourriture ? Railla-elle avec un ton cinglant. Tu n'as quand même pas passer toute la journée à chercher un morceau de viande, si ?
- Hé bien si, mais la vache que j'ai prise était trop lourde, alors j'ai mangé là-bas. Je t'en aurai bien apporté mais je n'avais pas pensé que la chasse serait aussi infructueuse pour toi! Répondit-il sur le même ton.
- Cela ne me servira à rien de manger plus que ce que je devrais. Dans une heure à peine, la vache que tu auras englouti te rendra malade et tu seras ralentis lorsque nous partirons.
- Je préfère me savoir avec un bon repas dans l'estomac que rien du tout sous prétexte que je ne devrais pas pour ne pas être malade.
- Ta mère ne t'a donc rien appris ? Lança Glasaema.

Aunareth sentit la rage monter en lui.
- Méfiez-vous quand vous parlerez d'elle à l'avenir. L'avertit-il.
-C'est vrai, je suis désolé, mais sache que tu ne nous serviras à rien si tu as un poids en trop dans le ventre.
- Je retiendrais ce conseil.
- Tu n'aimes pas parler de ta mère. Tu l'as connu pourtant, ce n'est pas comme si je te parlais d'une inconnue.
- Taisez-vous! Je n'ai pas envie de vous parler. Je ne vous connais même pas alors que ça fait des jours que nous voyageons ensemble.
- Effectivement, alors apprenons-nous à nous connaître. Quel caractère as-tu? Quel âge as-tu? et j'en passe...

Aunareth soupira.
- Vous me faites perdre mon temps. Maugréa-t-il. On devrait se remettre en route. Peut être que si on se dépêchait, on pourrait rattraper ce Sovrak et vengez notre famille.
- Mais est-ce vraiment ce que tu souhaites?
- Que voulez-vous dire?
- Tu as plutôt l'air de vouloir la tête de Sovrak pour récupérer ton trône. Mais sache que ton destin est scellé. Tu ne seras plus jamais un prince, autant que tu t'y face.
- Si jamais je revenais en ayant tué cet assassin, on ne me considèrerait plus comme un criminel mais comme un héros. Et peut être que je pourrais ramener, ma famille à son ancienne gloire.
- La gloire !! C'est donc tout ce qui te fait vivre ! LA GLOIRE !!
- Et pourquoi pas ?! Peut être que je n'ai pas envie qu'on me considère à tout jamais comme un lâche ou un banni de plus.
- Et cela te suffirait d'avoir la gloire ?
- En tout cas, c'est toujours mieux que d'être rejeté par ses semblables !
- Et pour les autres ? Ta sœur, tes amis, et ton peuple ?!
- Comment ça ?
Glasaema resta silencieuse pendant un long moment puis se coucha à côté de lui.
- La gloire est une bêtise, Aunareth. Si tu rentres glorieux d'un combat contre tes ennemis, mais que tu te rends compte qu'il t'a coûté ta famille et ta vie, à quoi te servira la gloire à ce moment-là ? J'en ai connu des dragons qui rêvait de gloire. Mais maintenant, ils sont tous morts. Si tu ne peux pas protéger ce que tu as de plus chères au monde, alors le monde te happera, gloire ou non, car il est sans pitié. Et ce jour-là tu seras seul, sans personne sur qui compter.

Elle posa sa tête et s'endormit pour une nouvelle nuit, laissant Aunareth, songeur.