Vendredi 4 Novembre.

En attendant l'arrivée de la prof de Physique-Chimie, Llore profite que tous les élèves de notre classe sont rassemblés pour passer une annonce.
Elle va donc au tableau et demande le silence avant de commencer son discours :
"Très chers camarades de classe. J'ai l'immense plaisir de vous annoncer la création d'un tout nouveau club au sein du lycée, dirigé par moi-même avec l'aide de mon assistante qui va vous donner un petit tract de présentation."

Je me lève et je distribue les papiers en question, pendant que Llore poursuit :

"Tous les détails concernant la première réunion du club Mardi prochain figurent sur le tract, alors ne le perdez pas. J'en vois parmi vous qui se demandent à quoi va servir ce club ; tout ce que je peux vous dire pour l'instant, c'est que mon club garantit au moins deux choses pour chacun de ses membres : premièrement, que vous soyez à l'aise ou en difficulté scolaire à l'heure actuelle, vous aurez votre bac avec mention à la fin de l'année. Et deuxièmement, si vous faites partie du club, vous aurez moins d'heures de cours et moins d'efforts à fournir que les autres élèves de Terminale."

Nos camarades de classe sont pour le moins surpris par les affirmations de Llore, qui reste aussi souriante que sûre d'elle :

"Pour ceux qui doutent que ce que je viens de dire soit possible, sachez je suis très sérieuse, et que je vous réserve d'autre surprises. Si vous rejoignez le club, bien entendu. Allez. Rendez-vous Mardi prochain."



* * *



Le soir, allongée dans la baignoire de la salle de bains de notre "luxueuse" chambre d'hôtel, je baisse le volume de la radio pour me permettre de réfléchir un moment sur le club fondé par Llore.

Et si les élèves ne venaient pas ?
C'est vrai après tout, "avoir le bac avec mention" en "travaillant moins que les autres", comment pourraient-ils croire que c'est possible ?
Personnellement, je sais très bien que ça va marcher, car je connais suffisamment Llore pour savoir qu'elle est parfaitement capable de réaliser un tel projet et qu'elle a déjà tout planifié, comme à son habitude.
Mais eux, ils ne le savent pas forcément...

Soudain, Llore apparait en lévitation au dessus de la baignoire et se laisse tomber sur moi en criant :
"Je suis là tout va bien !!"

Je tente de cacher ma surprise ainsi que ma poitrine puis je lui demande :
- Je peux savoir pourquoi tu sautes dans la baignoire toute habillée pendant que je prends mon bain ?
- Bah comme j'entendais plus le bruit de la radio, j'ai cru qu'il t'était arrivé quelque chose alors je suis venue te sauver !!
- Nan mais t'es sérieuse là ? C'est pas plutôt une excuse pour venir me mater pendant que je me lave par hasard ?
- Absolument pas. Si j'étais venue pour ça, j'aurais enlevé mes vêtements avant de me téléporter. D'ailleurs, maintenant qu'ils sont trempés, je vais devoir les faire sécher.

Elle lève les bras et, par télékinésie, son T-shirt et son soutien-gorge se retirent pour aller se poser sur le radiateur.

Je la vois venir, alors je tente de faire diversion :
"Si tu veux, je peux te laisser la salle de bains..."

Mais c'est inutile. Quand Llore veut quelque chose, elle finit toujours par l'obtenir.

Elle prend ma tête entre ses mains et m'embrasse.

Je suis sur le point de m'abandonner à elle, quand je sens sa main descendre lentement le long de mon corps.
Je l'intercepte pour l'empêcher de descendre plus bas.

Llore parait déçue :
- Rooh allez, ça fait plus de trois mois qu'on se connait, et presque autant qu'on dort ensemble. T'as pas envie qu'on aille un peu plus loin ?

Je reste silencieuse. Je sais que si je lui laisse la moindre opportunité, elle en profitera aussitôt.

Elle se redresse et poursuit :
- On s'entend super bien toi et moi. Dis pas le contraire. Tu aimes ce que je t'apprends, et j'aime te l'apprendre. Tu aimes vivre avec moi, parler avec moi, agir avec moi, et j'aime tout autant être avec toi. Tu sais que je t'aime et je sais que tu m'aimes. Qu'est-ce qu'il te faut de plus ?

Nouvelle diversion de ma part :
- Il me faut plus de sincérité.
- Comment ça ?
- Je sais pas, j'ai l'impression que malgré tout, tu me caches quelque chose. C'est ça qui me bloque.

Elle sort de la baignoire :
- Si tu fais allusion aux ombres qui entourent l'origine de notre espèce, je t'ai déjà dit que tu en sauras plus très bientôt. Tu n'as pas à t'inquiéter pour ça.

Elle a presque l'air triste.
Alors qu'en réalité, c'est moi qui ne suis pas sincère avec elle.
Je sais parfaitement pourquoi j'ai peur d'aller plus loin dans notre "relation" : si je lui cède mon corps, je lui appartiendrai intégralement et définitivement.
J'ai vaguement entendu parler des souffrances que peut procurer l'amour au terme d'un dévouement aussi extrême, et je ne veux pas risquer de m'y exposer.

D'un autre côté, je ne veux pas non plus risquer de lui faire de la peine.
Alors je sors à mon tour de la baignoire, je la prends doucement par les épaules, et je l'embrasse.

Elle retrouve aussitôt son sourire, laissant paraitre un léger excès de satisfaction...
En y réfléchissant, d'habitude, c'est toujours elle qui m'embrasse, et c'est donc la première fois que ça vient de moi.

"Tu as été parfaite !" me dit-elle en me tendant une serviette.

Je réalise alors que toute cette petite mascarade, son irruption dans la salle de bains, sa tentative de "viol" dans la baignoire, sa déception suite à mon refus, tout ça n'était en fait qu'un moyen pour elle d'arriver à son objectif : que j'ose l'embrasser.

Décidément...
Elle avait tout planifié, comme à son habitude.
Quand elle veut quelque chose, elle finit toujours par l'obtenir.

Ça me rassure, d'une certaine façon : si elle avait voulu me faire souffrir, elle y serait déjà parvenue.

De plus, pour revenir au sujet des élèves qui viendront ou non à la première réunion du club mardi prochain, la question ne se pose même plus : si Llore a estimé que les élèves viendront, alors ils viendront.

J'ai hâte d'être mardi.




* * *




Mardi 8 Novembre.

Le midi, Llore et moi, nous finissons de manger puis nous nous rendons à la salle de l'ancien club "Physique-Chimie Avancée", qui est désormais le local de notre nouveau club.
Plusieurs élèves de notre classe attendent déjà devant la porte.

Llore ouvre la porte et fait rentrer les élèves.

La salle est très spacieuse, de forme circulaire, et quelques fissures dans le plafond assez haut témoignent du passage de nos prédécesseurs.
Des lavabos, des prises électriques et des armoires ponctuent les murs tout autour de la salle. Certaines sont verrouillées, probablement à cause des produits qu'elles contiennent.
Llore a fait installer une quinzaine de tables à deux places pour les membres du club, ainsi qu'un grand bureau double pour la présidente et son assistante derrière lequel se trouve le tableau pour écrire.
Un rétroprojecteur est installé sur une étagère près de l'entrée pour éclairer le mur du fond à travers la pièce.

Après quelques minutes d'attente, les derniers retardataires arrivent, et en comptant les élèves je m'aperçois que notre classe est au complet.
Je ne suis pas vraiment surprise, ça devait juste figurer dans les plans de Llore, et c'était donc inévitable.

Je ferme la porte et je rejoins Llore qui prend la parole :

"D'abord merci à tous d'être venus si nombreux. Pour commencer, j'aimerais rapidement vous expliquer les motivations qui m'ont poussée à créer ce club. Généralement, les cours commencent à 8 heures le matin, ce qui oblige les élèves à se lever vers 7 heures, voire plus tôt pour certains. Je trouve ça inacceptable. Pour se lever vers 7 heures sans être fatigué, il faut 9 ou 10 heures de sommeil, ce qui revient à se coucher la veille vers 21h30. Je trouve ça inacceptable. En semaine, sachant qu'une journée de cours se termine en moyenne vers 16h30, ça ne laisse que 5 heures à l'élève pour rentrer chez lui, manger, se laver, revoir ses cours de la journée, faire ses devoirs pour le lendemain, et se divertir s'il lui reste du temps. Je trouve ça inacceptable. Le pire dans tout ça, c'est que sur les 4 à 8 heures de cours auxquelles l'élève assiste en une journée, à peine la moitié sont traitées avec suffisamment d'efficacité de la part du professeur. Je veux dire par là que certains professeurs ne font que survoler le programme et ne donnent pas tous les outils nécessaires pour s'en sortir, tandis que d'autres professeurs donnent au contraire trop de contenu à retenir ce qui constitue une surcharge inutile pour l'élève. Très peu de professeurs offrent réellement un enseignement adéquat. Et encore une fois, je trouve ça inacceptable. Surtout quand on sait qu'on est obligé d'assister à tous ces cours, qu'ils soient utiles ou non. C'est donc pour protester contre ce système bancal que j'ai décidé de créer ce nouveau club dont l'un des objectifs est de vous faire obtenir votre bac avec mention en travaillant moins que les autres. Et j'imagine que c'est pour ça que vous êtes là."

Assis au dernier rang, Nicolas, Maurice, Samy et Lucas applaudissent bruyamment, ce qui pousse les autres élèves à rire et à faire de même.

Llore reprend :
"Pour vous prouver que j'ai les moyens de réaliser ce que j'avance, je vais vous permettre à tous d'obtenir une bonne note au devoir surveillé de Maths de samedi prochain. Cette semaine servira donc d'exemple pour vous montrer le fonctionnement de la méthode du club à l'échelle d'une seule matière, et par la suite, j'élargirai le programme à plusieurs matières afin de vous garantir l'obtention du bac à la fin de l'année. Pour commencer, mon assistante va vous distribuer des polycopiés."

Je me lève et je fais passer les deux piles de feuilles à tous les élèves pendant que Llore continue son discours :
"Le premier polycopié est un rappel ultra-condensé de ce que vous avez dû apprendre en mathématiques au cours des années de collège, de seconde et de première. Je ne vais pas m'attarder là-dessus, mais c'est toujours sympa de l'avoir en cas de trou de mémoire sur une partie du programme des années précédentes (et c'est d'ailleurs scandaleux que tous les professeurs n'en distribuent pas). Le deuxième polycopié regroupe les chapitres sur lesquels nous seront interrogés lors du devoir surveillé de Samedi prochain. Je vais vous expliquer plus en détail comment ce polycopié s'organise..."

J'allume le rétroprojecteur, la première page du polycopié apparait sur l'écran, puis Llore commence ses explications :
"Mes cours de mathématiques se divisent en 3 grandes parties : la première partie appelée "Leçon" est en fait un cours magistral qui introduit le chapitre en expliquant et en démontrant les théorèmes et les propriétés. Cette partie n'est pas à apprendre par coeur, mais il faut la lire attentativement au moins une fois pour comprendre le chapitre. Par contre, les formules encadrées en rouge sont à apprendre par coeur, et vous les retrouvez aussi dans la deuxième partie du polycopié intitulée "Récapitulatif". Cette partie est très pratique pour être sûr d'avoir appris les formules indispensables. Enfin, la troisième partie appelée "Exercices corrigés" porte bien son nom puisqu'elle contient des exercices regroupés par thèmes et par difficulté, abordant toutes les questions que l'on peut vous poser lors d'un devoir. Les corrections de ces exercices se trouvent tout à la fin du polycopié. Si vous savez répondre correctement à tous les exercices proposés dans le polycopié, alors vous êtes à peu près sûrs de pouvoir en faire autant lors du devoir surveillé. Je vous laisse quelques minutes pour feuilleter le polycopié, n'hésitez pas à me poser des questions si vous en avez."

En tournant les pages, les élèves se mettent à discuter et semblent émerveillés par la clarté de la présentation et du contenu des explications.

Llore reprend la parole :
"Bien. Demain après-midi, vous apprendrez ce polycopié et Jeudi nous prendrons une heure pour remplir un QCM (Questionnaire à Choix Multiple) suivi de sa correction."

Des voix de protestation s'élèvent parmi les élèves :
- Une heure de plus Jeudi ??
- Oh naaan...
- C'est un peu abusé...
- Demain après-midi je peux pas réviser j'ai piscine !
- Et moi j'ai un tournoi de cartes pokémon à Toys'R'Us !

Llore ramène le calme :
"Rassurez-vous, Jeudi, il ne s'agira pas d'une heure supplémentaire : je compte vous dispenser d'une heure de cours (la première heure de philo, probablement)."

Les élèves sont rassurés :
- Ah génial !
- Yes !
- Une heure de philo en moins ? Fais pas les choses à moitié : supprime les deux !
- Genre Llore t'es sérieuse ? T'as le droit de nous dispenser d'une heure de cours ??

Llore passe sa main dans ses cheveux :
"Bien sûr que j'en ai le droit. Je suis la présidente de ce club, je peux donner des dispenses de cours à tous mes membres, tant que ça reste dans le cadre des activités du club et que ça ne nuit pas aux résultats scolaires des élèves. Par contre, je devrai rendre des comptes auprès de l'administration pour certifier que vous étiez avec moi pendant cette heure, donc vous ne pourrez pas en profiter pour sécher les cours."

J'éteins le rétroprojecteur et Llore reprend :
"Bref, pour vous prouver que ma méthode fonctionne, je vous propose pour cette semaine de diviser la classe en deux parties : ceux qui apprendront le polycopié et ceux qui ne l'apprendront pas (mais qui se serviront du cours de Madame Brafy, notre chère prof de maths). Ainsi, Jeudi prochain, nous verrons bien qui fait le meilleur score au QCM entre ceux qui passent par ma méthode et ceux qui passent par les cours normaux. Bien sûr, une fois le QCM passé, ceux qui ne s'étaient pas servi du polycopié auront droit de le faire afin d'être prêts pour le devoir de Samedi. Alors comme je vois que vous êtes deux par table, je vous propose de vous mettre d'accord avec votre voisin pour dire lequel de vous deux aura le droit d'utiliser le polycopié pour Jeudi. En cas de conflit au sein du binôme, le gagnant d'un Pierre-Feuille-Ciseau en 3 points aura la décision. Olivier, tu n'as pas de voisin mais tu as de la chance car du coup tu peux faire comme tu veux."

Les élèves se mettent d'accord, puis la réunion arrive à son terme.

Llore regarde sa montre :
"Bien, prochaine réunion Jeudi après-midi pour le QCM. En quittant la salle, pensez à écrire votre nom et votre prénom sur cette feuille pour vous inscrire au club, et cochez l'une des deux cases "avec polycopié" ou "sans polycopié" selon ce que vous avez convenu avec votre voisin."

Elle me tend la feuille et je fais passer celle-ci de table en table, puis les élèves sortent pour retourner en cours.

En fermant la salle, Llore me félicite :
- Tu t'en es très bien tirée dans le rôle de l'assistante !
- Tu étais pas mal non plus en présidente. Dis, c'est peut-être un peu tôt, mais je réclame le rôle de vice-présidente.
- Je vois que tu as de l'ambition ! Mais pour devenir ma vice-présidente, tu devras passer sous le bureau ! Hahaha !
- Dis pas de bêtise : si ça venait à se savoir qu'il faut passer par là pour monter en grade dans le club, il y aurait une file d'attente sous le bureau.
- Bon d'accord, je te nomme vice-présidente. Voila. T'es contente ?

Je regarde aux alentours pour vérifier que je suis seule avec Llore dans le couloir, puis je l'embrasse.

Elle me sourit :
- Je vois que tu as parfaitement assimilé les responsabilités de ton rang de vice-présidente.
- J'espère être à la hauteur des attentes de ma présidente.
- Pour aujourd'hui, ta première mission sera de m'accompagner à l'administration après les cours pour racketter des dispenses chez le proviseur.