Il l'aimait, oh oui bien sûr qu'il l'aimait. Il l'aimait de tout son être et la chérissait plus que tout. Il lui aurait offert son cœur sur un plateau d'argent si nécessaire. Mais depuis cette soirée, tout avait changé.

Ils avaient tous les deux 27 ans. Fiancés, un gosse, tout allait bien. Tout allait pour le mieux. Tout devait être génial et féérique. Elle était mignonne et possédait un sourire à en faire baver plus d'un. Lui était heureux à n'en plus pouvoir. Les deux étaient fait l'un pour l'autre. Quand même, dix ans de couple, c'est pas rien. Ils ne s'étaient pas lâchés d'une semelle depuis le lycée. On leur a parfois reproché de rester trop souvent ensemble mais c'était chose vaine. Ils s'aimaient et tout le monde préférait s'en réjouir.

Un soir, l'enfant gardé par la grand-mère, ils allèrent à une soirée organisée par un vieil ami commun. Un genre de fête comme il n'en avait pas eu depuis longtemps. Une fête d'ado. De l'alcool, de la musique forte, de la danse, des célibataires... Bien sûr, ce dernier point n'intéressait pas notre joyeux couple.

Les rires se confondaient avec la musique et le bruit de la boisson qui coulait. Les gens dansaient sur de la musique électronique à la mode ou se dandinaient amoureusement sur de vieux slows ringards. Il vit d'ailleurs un vieil ami à lui en train de draguer une jolie femme en robe rouge. Quelques heures plus tard ils s'embrassaient amoureusement sur le canapé et ils finirent seuls dans une chambre. Il avait observé cela attentivement. D'ailleurs, tout ce qui s'était passé entre cet ami et cette fille resta gravé dans son esprit.

Il n'écouta même pas sa fiancée qui critiquait une personne de la soirée lorsqu'il rentrait chez eux. Même lorsque dans leur lit, ils firent l'amour, il était ailleurs, et elle n'y fit pas attention. Si elle l'avait rappelé ou lui avait dit un mot affectueux à l'oreille, il s'en serait peut-être sorti et tout aurait été plus simple. Mais elle ne se doutait de rien, et on ne pouvait le lui reprocher.

Cette femme en robe rouge resta gravé dans son esprit. Arrêtez-vous tout de suite, il ne pensa pas une seule seconde à tromper sa femme ! C'est juste que depuis qu'il avait vu son ami l'emmener dans son lit, il ne pouvait s'empêcher de se poser une question. Une simple question qui commençait par "Et si". On s'en est tous sûrement déjà posé dans le genre, mais ça le perturbait particulièrement. Et si ça avait été une autre ?

Il était avec une femme qu'il aimait. Mais si il n'était pas sorti avec elle ? Et si elle était sorti avec la femme en robe rouge par exemple ? Comment aurait été sa vie ? Où est-ce qu'il en serait aujourd'hui ? Il ne pouvait s'empêcher de se torturer l'esprit avec ce genre de question. Il revoyait la femme en robe rouge partout. Et au fur et à mesure du temps, à la place de sa femme.

Elle se rendait bien compte qu'il devenait distant mais comment comprendre ce qui se passait ? Il restait muet comme une tombe. La nuit avant de se coucher, le matin dans le métro ou sous la douche, il recomposait toute sa vie dans son esprit. En remplaçant sa femme par celle en robe rouge. Ils n'avaient pas d'enfants, elle n'en voulait pas. Au lieu d'une villa en banlieue, ils avaient préféré un appartement en pleine ville. Elle aurait été riche, alors ce n'était pas un problème. Ils auraient pu se faire un restaurant tous les soirs et vivre une vie mondaine.

Un jour en rentrant du travail, il se perdit. Pour la première fois depuis des années. Et pourtant il n'avait jamais vraiment eu l'occasion de bouger de la ville. Il était toujours resté dans le coin, et il le connaissait comme sa poche. Mais ce soir-là, il ne savait plus où aller. Il déambula longtemps dans les rues de la ville, jusqu'à recevoir un appel inquiet de sa femme, qui le ramena à la raison. Depuis ce jour-là c'est la chute libre. Nuits passés à l'extérieur, journée passée à traîner car il ne parvenait même pas à se souvenir de son travail. Elle ne comprenait pas comment il en était arrivé là. Il finit même par confondre son prénom avec celui de la femme en rouge, ou de considérer son propre enfant comme un étranger. Même lors des relations sexuelles il s'imaginait le faire avec celle en rouge, il finit même par y prendre plus de plaisir. Un jour il criait sur sa fiancée lui demandant ce qu'elle fichait chez lui, un jour il pleurait dans ses bras, déclarant qu'il était perdu et qu'il l'aimait. Mais pas qu'il s'imaginait avec une autre fille. C'était son vilain secret et il ne tenait pas vraiment à le partager, ça le gênait profondément.

Puis un jour, assis seul dans un bar, il la vit entrer seul. La femme en rouge. Naturellement il vint la voir et l'embrassa. Surprise elle se laissa faire puis lui demanda qui il était. Bien évidemment, il lui répondit qu'il était son copain. Depuis quelques années déjà. Qu'il aimait bien quand elle lui faisait cette blague. Qu'il pouvait la ramener, qu'il avait sa voiture garée dans un parking à côté.

Stupéfaite elle ne dit rien. Même lorsqu'il lui passa la main derrière sa taille. Elle se laissa même faire lorsqu'il l'embrassa amoureusement. Un fou. C'était un gars complètement fêlé qu'elle avait en face d'elle. Elle finit sa consommation et déguerpit lorsqu'il avait le dos tourné. Lui ne comprit pas, pourquoi sa copine était parti comme ça. Il paya et partit chez lui dans sa voiture. Il entra dans son appartement. Par chance, la porte était ouverte, il avait oublié ses clés. Il vit la femme de sa vie devant lui et s'approcha pour lui faire la surprise de son retour, et lui demander amicalement une gâterie. Elle cria quand il posa sa main devant ses yeux. Lui demanda ce qu'il foutait là, ce qu'il lui voulait à la fin. Qu'il était fou. Il ne comprenait pas. Pourquoi la femme de sa vie l'ignorait comme ça. Il s'énerva. Lui disant que ça commençait à bien faire. Elle courut jusqu'à la porte de chez elle mais il la lui claqua violemment en face de ses yeux.

Terrifiée, elle le regardait impuissante. Elle essaya d'appeler une amie à elle pour qu'elle vienne l'aider mais son portable se trouvait sur un meuble derrière cet homme. Elle préféra alors courir en arrière et se saisir d'un couteau dans la cuisine. Lui éclata de rire. Il lui dit qu'elle avait trop joué, que c'était bon. Qu'il était temps d'aller faire un câlin. Mais elle se jeta sur lui. Par chance, elle n'eut pas le cran de le poignarder. Elle comptait surtout l'effrayer. Mais elle s'y était trop mal pris. Elle tomba sur ses genoux et se mit à pleurer. Il la releva d'une main et il la prit dans ses bras. Elle se laissa faire. Peut-être que c'était elle la folle. Il la mena dans sa chambre et elle alla sécher ses larmes sur son lit. Lui pestait et se demandait où était son armoire avec toutes ses affaires. Mais cela lui importait peu. Des meubles et des vêtements, ça se rachète. Il se glissa à côté d'elle dans leur lit et ils firent l'amour. Elle se demanda comment il connaissait tous ses fantasmes et espiègleries dont elle raffolait au pieu. Lui était aux anges. À chaque fois qu'ils faisaient l'amour, il avait l'impression que son désir devenait plus fort. À 16h 45, sa montre sonna. Il avait complètement oublié heureusement qu'il avait réglé l'alarme. Il devait aller chercher le gosse à l'école.