Incarnation
Par : Sheyne
Genre : Science-Fiction , Fantastique
Status : C'est compliqué
Note :
Chapitre 8
Publié le 27/11/15 à 16:03:06 par Sheyne
Les gardes à l'entrée n'avaient pas fait mine de les arrêter. Pour cause, leurs regards trop occupés à fixer la poitrine de la jeune femme ne virent pas que ses souliers manquaient. Quand bien même cela n'aurait peut-être rien changé. De l'intérieur, la demeure était tout bonnement somptueuse. Une fois la grande porte franchie ils durent s'annoncer auprès du majordome qui les laissa patienter. Ils attendirent dans une superbe salle, toute de velours et de fresques murales, du marbre au sol et du verni aux boiseries. D'interminables minutes s'écoulèrent.
Pour faire passer le temps, l'ours grognait fréquemment en contemplant les peintures et gravures sans rien comprendre aux multiples scènes représentées. La jeune femme, quant à elle, n'y reconnaissait que de mauvaises oeuvres et avait donc trainé un vieux fauteuil près des fenêtres pour s'y asseoir. Une large table ovale remplissait l'espace, mais aucun des deux ne fit attention aux victuailles, pourtant déposées gracieusement par leur hôte. Le rendez-vous était bien trop important pour que la faim se fasse sentir.
Le regard princier se porta à travers les vitres, jusqu'au grand escalier royal. Là bas, des cortèges de soldats gardaient jalousement la sortie et d'immenses murs en béton empêchaient les pecnots de monter sans autorisation spéciale. Cependant, le noble qu'ils étaient venus voir, en raison de sa demeure majestueuse, pouvait la leur fournir. Lui seul pouvait les rapprocher du palais... au moins de deux étages supplémentaires, à en juger par sa richesse. D'ici, si tout se déroulait comme prévu, ils pourraient être redirigés vers une de ses connaissances et continuer à grimper encore.
La jeune femme acquiesça en reportant son regard sur la table. Puis, songeant au vieux plat immonde à l'auberge, et à la longue nuit passée à marcher, elle craqua pour l'une des pommes ornant les paniers. Après tout, à quoi bon les bonnes manières quand tout nous appartient ? C'était la première chose qu'elle mangeait depuis son arrivée dans ce corps et le gout qui aurait dû être commun fut d'un délice sans précédent. Fermant les yeux, elle se laissa porter par une vague de plaisir. Elle en vint donc naturellement à se questionner sur ses papilles gustatives... Il ne faisait aucun doute que les fruits coutaient cher dans les bas étages. La personne qui occupait cette enveloppe avant en avait-elle déjà consommé, ne serait-ce une fois dans sa vie ?
Lorsque sa main plongea une seconde fois pour extirper une grappe de raisin, la porte s'ouvrit sans un bruit. Le majordome entra, claqua des talons et annonça :
« Sa fieferie, Captaine royal du cinquième niveau et serviteur d'Hélios pour le compte du Roi.
— Monseigneur !»
L'ours s'était immédiatement redressé, imitant gauchement un garde-à-vous, le ton empreint d'humilité. Alors, le regard du Capitaine porta sur la jeune femme dans l'autre coin de la salle. Les pieds nus, jambes croisées sur le fauteuil, elle prit le temps d'avaler son fruit. Finalement, sans se lever, elle balança ses doigts dans un salut :
« Bonjour, comment se porte mon royaume, capitaine ?
— Je vois que vous avez pris vos aises... c'est une bonne chose.»
Elle ne s'était jamais inclinée de toute sa vie et n'allait pas commencer aujourd'hui. Leur hôte, visiblement habitué à l'attitude des bas quartiers tiqua, mais ne s'offusqua pas. Au lieu de ça, il mit cela sur le compte d'une blague de mauvais gout. Il traversa la salle pour serrer la main du géant et s'entretenir avec lui, délaissant la malapprise. Cette dernière n'insista pas et en profita pour suivre la scène avec intérêt.
Tout en parlant, l'ours se confondit en mille courbettes : il se ridiculisait plus qu'autre chose. C'était d'autant plus drôle qu'il ignorait absolument tout du protocole officiel et s'y prenait comme un manche. Cela dit, le capitaine semblait apprécier l'effort et écoutait avec attention.
« Vous êtes passés par des amis à moi pour récupérer un objet qui vous était précieux. (Il baissa la tête en signe de respect) Nous avons pu vous rapporter votre collier jusqu'ici depuis le troisième palier, et ce en toute discrétion. (Son buste se pencha en avant) Personne n'est au courant, conformément à votre demande, puisque nous ne pouvions pas emprunter l'escalier. (Son genou se posa carrément au sol)»
La jeune femme se retenait de rire. Imaginant quelle posture il adopterait à sa prochaine phrase. Son collègue portait ses saluts de plus en plus bas et semblait déterminé à servir de paillasson à la fin de sa tirade. Mais à sa grande déception, il cessa de parler et se contenta de désigner de la main le pendentif qu'elle arborait. Leur hôte ne fut pas surpris, il l'avait remarqué dès son entrée dans la pièce. Imperturbable, il reprit la parole :
« Relevez-vous. Vous allez être récompensés. Avant ça, j'aimerai seulement savoir ce qu'il est advenu du voleur.
— Mort ! Assurément...»
L'autre parut soulagé et son oeil se montra insistant. Le colosse voulait bien étoffer, mais il ne put en dire plus, n'étant pas présent sur la scène à ce moment la. Il se tourna donc vers sa compagne de route et son allure se fit encourageante. Celle-ci n'avait toujours pas bougé. Campée sur la chaise coussinée, une jambe tendue, son pied nu traça des moulinets dans les airs. Elle le reposa finalement et ses doigts caressèrent une longue mèche de cheveux bruns. Enfantine, elle se faisait attendre. Lorsque la réponse finit par sortir, elle fut sèche et trancha totalement avec son attitude :
« J'ai tué ce voleur. Un sale rouquin. Sa gentillesse l'a perdu...
— J'ose espérer qu'il a souffert !
— Oh, ne vous en faites pas pour ça ! - Dans un rictus, elle montra ses canines — Avant d'y rester, il a vu sa chienne de maîtresse mourir dans sa propre couchette. Un véritable bain de sang.
— Sa chienne de maîtresse...»
Le capitaine répéta machinalement puis il marcha quelques pas, perdu dans le vague, semblant méditer. Il s'assit à son tour et l'on sentait à son visage stoïque que ça n'allait pas. Au bout d'un moment, il finit par lever les yeux vers l'assassin. Un triste sourire accompagna son ton désolé :
« Douce demoiselle... Savez-vous au moins pourquoi ce collier m'était précieux ?
Et bien... Ses mains frêles enserrèrent le saphir qui pendait le long de son cou. Il est évident qu'il l'avait volé à votre épouse.
— Sa "chienne de maîtresse" n'était autre que ma propre femme, elle le lui avait donné...»
Le visage de la jeune fille s'illumina d'une terrible compréhension. Ses yeux bleus s'écarquillèrent et son front traça un mauvais pli. Venait-elle vraiment d'annoncer au capitaine de la garde qu'elle avait sauvagement assassiné son épouse ?! Non, ça ne se pouvait quand même pas ! La situation était aussi irréelle que désespérée... Elle ne sut quoi répondre tant son coeur battit la chamade.
Dès lors, son attention porta sur les fuites possibles. Les soldats à l'entrée ne manqueraient pas de l'arrêter, le majordome également (il devait être formé autant que leur hôte aux métiers militaires), et même Max se retournerait contre elle s'il ne recevait pas son paiement. Sortir tranquillement par la porte était débile... Passer par les fenêtres et courir dans le jardin, dans sa robe moulante et pied nus, semblait une idée encore plus stupide. Il ne lui restait qu'une option... Et ses doigts plongèrent dans le sac à main pour y enserrer l'arme à feu.
« Les arrêts...»
Le capitaine parla à nouveau sur un ton intransigeant, son regard était sévère et personne n'osa bouger :
« En attente d'une exécution en place publique. Alors vous me direz peut être que le Roi seigneur d'Yggdrasil les a interdits hier, dans une série de nouveaux décrets farfelus, mais par chance ils ne prendront officiellement effet qu'à la fin du mois... C'est qui est bien dommage pour vous me réconforte fortement. Ainsi, afin de montrer l'exemple, vous mourrez par écartèlement pour double homicide... dès demain matin.»
Aussi simplement, elle serait fixée sur une roue, ses bras et ses jambes seraient tirés au possible jusqu'à ce que les os craquent, que les tendons lâchent et finalement qu'à travers ses hurlements elle se disloque en cinq morceaux dans un geyser de sang. Juste ça, devant toute une foule en colère. La décision était irrévocable. Le Seigneur sentit un frisson glacial parcourir chacun de ses membres et il assura sa prise sur le pistolet, bien déterminé à dégainer au moindre mouvement, quitte à mourir, ce sort n'aurait pas lieu.
Dans la salle, tous le dévisageaient. Même l'ours semblait à présent rempli d'une haine profonde. Mais contre toute attente, l'autre poursuivit, tourmenté :
« Cela dit, une alternative est possible... C'est horrible comme concept... Vous avez assassiné ma femme, mais de son côté elle me trompait depuis des semaines... ne serait-ce pas là une espèce de justice divine, si les choses ont mal tourné pour elle ?»
L'homme brisé plongea le visage au creux de ses mains. Il souffla longuement comme pour expier ce a quoi il songeait. Mais personne n'osa rompre le silence avant qu'il se reprenne :
« Voyez-vous... J'espérai ce collier pour la démasquer à son retour et qu'elle me parle enfin à coeur ouvert. Elle l'avait donné à son amant pour qu'il ait un souvenir d'elle en dehors de ses escapades. Quelque chose de banal... Bien sûr, elle ne me l'a pas dit directement, ce que je sais, je le sais de mes soldats. Ils étaient contraints de la laisser aller et venir entre les paliers, vu son rang, et comme un lâche j'ai laissé faire... À moi elle me confiait juste l'avoir égaré... Alors j'ai bien deviné. Elle me mentait c'est vrai, mais je l'aimais et je ne savais pas comment faire évoluer la situation... Ce n'est que très récemment que j'ai décidé d'agir, avec les conséquences que vous connaissez.»
Le capitaine sur son fauteuil faisait peine à voir. L'ours ne savait pas où se mettre, observant tour à tour sa traitresse de compagne et le majordome. Pour l'assassin, c'était pire encore, car il devait subir le regard détruit de sa victime. Le monologue fatal n'avait pas de fin et les yeux de leur hôte finirent par s'embuer en même temps que sa voix s'enrouait :
« Je ne voulais qu'un simple vol et pas ça... Pas comme ça... - Puis, il souffla un grand coup et porta la tête haute - non ! Même si elle ne méritait pas ça, au moins maintenant la situation est claire. Une autre chose de certaines est que vous n'êtes pas commune, je l'ai remarqué dès qu'on s'est vu. Je vous trouve vraiment ravissante. C'est une vérité il faut le dire. Vos formes sont gracieuses et vous portez bien mieux ce collier que ma pauvre épouse... De plus, vous tuer serait un gâchis, car malgré votre caractère vous avez des qualités et... Une aura indéniable.»
En stress total, le Roi ne sut pas où se mettre. Si "seulement" le capitaine savait. Alors, il le laissa parler en se tassant le plus possible dans son fauteuil, espérant disparaître... et son corps de jeune femme était (une fois n'est pas coutume) en parfaite symbiose avec son âme : tous deux redoutaient l'horreur qui ne manquerait pas de tomber :
« Vous n'avez pas l'air si futée que ça, mais je pense que vous saurez prendre la bonne décision.»
Une dernière inspiration pour se donner du courage et l'homme se leva. Lentement, il tendit la main dans sa direction, paume ouverte en signe de miséricorde :
« Belle oiselle... vous pouvez soit être écartelée, soit préférer devenir mienne.»
Pour faire passer le temps, l'ours grognait fréquemment en contemplant les peintures et gravures sans rien comprendre aux multiples scènes représentées. La jeune femme, quant à elle, n'y reconnaissait que de mauvaises oeuvres et avait donc trainé un vieux fauteuil près des fenêtres pour s'y asseoir. Une large table ovale remplissait l'espace, mais aucun des deux ne fit attention aux victuailles, pourtant déposées gracieusement par leur hôte. Le rendez-vous était bien trop important pour que la faim se fasse sentir.
Le regard princier se porta à travers les vitres, jusqu'au grand escalier royal. Là bas, des cortèges de soldats gardaient jalousement la sortie et d'immenses murs en béton empêchaient les pecnots de monter sans autorisation spéciale. Cependant, le noble qu'ils étaient venus voir, en raison de sa demeure majestueuse, pouvait la leur fournir. Lui seul pouvait les rapprocher du palais... au moins de deux étages supplémentaires, à en juger par sa richesse. D'ici, si tout se déroulait comme prévu, ils pourraient être redirigés vers une de ses connaissances et continuer à grimper encore.
La jeune femme acquiesça en reportant son regard sur la table. Puis, songeant au vieux plat immonde à l'auberge, et à la longue nuit passée à marcher, elle craqua pour l'une des pommes ornant les paniers. Après tout, à quoi bon les bonnes manières quand tout nous appartient ? C'était la première chose qu'elle mangeait depuis son arrivée dans ce corps et le gout qui aurait dû être commun fut d'un délice sans précédent. Fermant les yeux, elle se laissa porter par une vague de plaisir. Elle en vint donc naturellement à se questionner sur ses papilles gustatives... Il ne faisait aucun doute que les fruits coutaient cher dans les bas étages. La personne qui occupait cette enveloppe avant en avait-elle déjà consommé, ne serait-ce une fois dans sa vie ?
Lorsque sa main plongea une seconde fois pour extirper une grappe de raisin, la porte s'ouvrit sans un bruit. Le majordome entra, claqua des talons et annonça :
« Sa fieferie, Captaine royal du cinquième niveau et serviteur d'Hélios pour le compte du Roi.
— Monseigneur !»
L'ours s'était immédiatement redressé, imitant gauchement un garde-à-vous, le ton empreint d'humilité. Alors, le regard du Capitaine porta sur la jeune femme dans l'autre coin de la salle. Les pieds nus, jambes croisées sur le fauteuil, elle prit le temps d'avaler son fruit. Finalement, sans se lever, elle balança ses doigts dans un salut :
« Bonjour, comment se porte mon royaume, capitaine ?
— Je vois que vous avez pris vos aises... c'est une bonne chose.»
Elle ne s'était jamais inclinée de toute sa vie et n'allait pas commencer aujourd'hui. Leur hôte, visiblement habitué à l'attitude des bas quartiers tiqua, mais ne s'offusqua pas. Au lieu de ça, il mit cela sur le compte d'une blague de mauvais gout. Il traversa la salle pour serrer la main du géant et s'entretenir avec lui, délaissant la malapprise. Cette dernière n'insista pas et en profita pour suivre la scène avec intérêt.
Tout en parlant, l'ours se confondit en mille courbettes : il se ridiculisait plus qu'autre chose. C'était d'autant plus drôle qu'il ignorait absolument tout du protocole officiel et s'y prenait comme un manche. Cela dit, le capitaine semblait apprécier l'effort et écoutait avec attention.
« Vous êtes passés par des amis à moi pour récupérer un objet qui vous était précieux. (Il baissa la tête en signe de respect) Nous avons pu vous rapporter votre collier jusqu'ici depuis le troisième palier, et ce en toute discrétion. (Son buste se pencha en avant) Personne n'est au courant, conformément à votre demande, puisque nous ne pouvions pas emprunter l'escalier. (Son genou se posa carrément au sol)»
La jeune femme se retenait de rire. Imaginant quelle posture il adopterait à sa prochaine phrase. Son collègue portait ses saluts de plus en plus bas et semblait déterminé à servir de paillasson à la fin de sa tirade. Mais à sa grande déception, il cessa de parler et se contenta de désigner de la main le pendentif qu'elle arborait. Leur hôte ne fut pas surpris, il l'avait remarqué dès son entrée dans la pièce. Imperturbable, il reprit la parole :
« Relevez-vous. Vous allez être récompensés. Avant ça, j'aimerai seulement savoir ce qu'il est advenu du voleur.
— Mort ! Assurément...»
L'autre parut soulagé et son oeil se montra insistant. Le colosse voulait bien étoffer, mais il ne put en dire plus, n'étant pas présent sur la scène à ce moment la. Il se tourna donc vers sa compagne de route et son allure se fit encourageante. Celle-ci n'avait toujours pas bougé. Campée sur la chaise coussinée, une jambe tendue, son pied nu traça des moulinets dans les airs. Elle le reposa finalement et ses doigts caressèrent une longue mèche de cheveux bruns. Enfantine, elle se faisait attendre. Lorsque la réponse finit par sortir, elle fut sèche et trancha totalement avec son attitude :
« J'ai tué ce voleur. Un sale rouquin. Sa gentillesse l'a perdu...
— J'ose espérer qu'il a souffert !
— Oh, ne vous en faites pas pour ça ! - Dans un rictus, elle montra ses canines — Avant d'y rester, il a vu sa chienne de maîtresse mourir dans sa propre couchette. Un véritable bain de sang.
— Sa chienne de maîtresse...»
Le capitaine répéta machinalement puis il marcha quelques pas, perdu dans le vague, semblant méditer. Il s'assit à son tour et l'on sentait à son visage stoïque que ça n'allait pas. Au bout d'un moment, il finit par lever les yeux vers l'assassin. Un triste sourire accompagna son ton désolé :
« Douce demoiselle... Savez-vous au moins pourquoi ce collier m'était précieux ?
Et bien... Ses mains frêles enserrèrent le saphir qui pendait le long de son cou. Il est évident qu'il l'avait volé à votre épouse.
— Sa "chienne de maîtresse" n'était autre que ma propre femme, elle le lui avait donné...»
Le visage de la jeune fille s'illumina d'une terrible compréhension. Ses yeux bleus s'écarquillèrent et son front traça un mauvais pli. Venait-elle vraiment d'annoncer au capitaine de la garde qu'elle avait sauvagement assassiné son épouse ?! Non, ça ne se pouvait quand même pas ! La situation était aussi irréelle que désespérée... Elle ne sut quoi répondre tant son coeur battit la chamade.
Dès lors, son attention porta sur les fuites possibles. Les soldats à l'entrée ne manqueraient pas de l'arrêter, le majordome également (il devait être formé autant que leur hôte aux métiers militaires), et même Max se retournerait contre elle s'il ne recevait pas son paiement. Sortir tranquillement par la porte était débile... Passer par les fenêtres et courir dans le jardin, dans sa robe moulante et pied nus, semblait une idée encore plus stupide. Il ne lui restait qu'une option... Et ses doigts plongèrent dans le sac à main pour y enserrer l'arme à feu.
« Les arrêts...»
Le capitaine parla à nouveau sur un ton intransigeant, son regard était sévère et personne n'osa bouger :
« En attente d'une exécution en place publique. Alors vous me direz peut être que le Roi seigneur d'Yggdrasil les a interdits hier, dans une série de nouveaux décrets farfelus, mais par chance ils ne prendront officiellement effet qu'à la fin du mois... C'est qui est bien dommage pour vous me réconforte fortement. Ainsi, afin de montrer l'exemple, vous mourrez par écartèlement pour double homicide... dès demain matin.»
Aussi simplement, elle serait fixée sur une roue, ses bras et ses jambes seraient tirés au possible jusqu'à ce que les os craquent, que les tendons lâchent et finalement qu'à travers ses hurlements elle se disloque en cinq morceaux dans un geyser de sang. Juste ça, devant toute une foule en colère. La décision était irrévocable. Le Seigneur sentit un frisson glacial parcourir chacun de ses membres et il assura sa prise sur le pistolet, bien déterminé à dégainer au moindre mouvement, quitte à mourir, ce sort n'aurait pas lieu.
Dans la salle, tous le dévisageaient. Même l'ours semblait à présent rempli d'une haine profonde. Mais contre toute attente, l'autre poursuivit, tourmenté :
« Cela dit, une alternative est possible... C'est horrible comme concept... Vous avez assassiné ma femme, mais de son côté elle me trompait depuis des semaines... ne serait-ce pas là une espèce de justice divine, si les choses ont mal tourné pour elle ?»
L'homme brisé plongea le visage au creux de ses mains. Il souffla longuement comme pour expier ce a quoi il songeait. Mais personne n'osa rompre le silence avant qu'il se reprenne :
« Voyez-vous... J'espérai ce collier pour la démasquer à son retour et qu'elle me parle enfin à coeur ouvert. Elle l'avait donné à son amant pour qu'il ait un souvenir d'elle en dehors de ses escapades. Quelque chose de banal... Bien sûr, elle ne me l'a pas dit directement, ce que je sais, je le sais de mes soldats. Ils étaient contraints de la laisser aller et venir entre les paliers, vu son rang, et comme un lâche j'ai laissé faire... À moi elle me confiait juste l'avoir égaré... Alors j'ai bien deviné. Elle me mentait c'est vrai, mais je l'aimais et je ne savais pas comment faire évoluer la situation... Ce n'est que très récemment que j'ai décidé d'agir, avec les conséquences que vous connaissez.»
Le capitaine sur son fauteuil faisait peine à voir. L'ours ne savait pas où se mettre, observant tour à tour sa traitresse de compagne et le majordome. Pour l'assassin, c'était pire encore, car il devait subir le regard détruit de sa victime. Le monologue fatal n'avait pas de fin et les yeux de leur hôte finirent par s'embuer en même temps que sa voix s'enrouait :
« Je ne voulais qu'un simple vol et pas ça... Pas comme ça... - Puis, il souffla un grand coup et porta la tête haute - non ! Même si elle ne méritait pas ça, au moins maintenant la situation est claire. Une autre chose de certaines est que vous n'êtes pas commune, je l'ai remarqué dès qu'on s'est vu. Je vous trouve vraiment ravissante. C'est une vérité il faut le dire. Vos formes sont gracieuses et vous portez bien mieux ce collier que ma pauvre épouse... De plus, vous tuer serait un gâchis, car malgré votre caractère vous avez des qualités et... Une aura indéniable.»
En stress total, le Roi ne sut pas où se mettre. Si "seulement" le capitaine savait. Alors, il le laissa parler en se tassant le plus possible dans son fauteuil, espérant disparaître... et son corps de jeune femme était (une fois n'est pas coutume) en parfaite symbiose avec son âme : tous deux redoutaient l'horreur qui ne manquerait pas de tomber :
« Vous n'avez pas l'air si futée que ça, mais je pense que vous saurez prendre la bonne décision.»
Une dernière inspiration pour se donner du courage et l'homme se leva. Lentement, il tendit la main dans sa direction, paume ouverte en signe de miséricorde :
« Belle oiselle... vous pouvez soit être écartelée, soit préférer devenir mienne.»
27/11/15 à 18:57:00
A force il risque de devenir fou, ce roi. ><
Vous devez être connecté pour poster un commentaire