Purpose
Par : Pronche
Genre : Science-Fiction
Status : C'est compliqué
Note :
Chapitre 9
Publié le 18/01/13 à 22:28:19 par Pronche
Il cligna des yeux à plusieurs reprises, très rapidement. Sa tête se trouvait contre le sol, son regard fixé sur le plafond.
Baissant les yeux, il remarqua que ses pieds pendaient dans les airs, contre son siège. Un soupir s’échappa de sa gorge. Un coup d’œil à sa montre lui fit comprendre qu’il était à peine sept heures. Difficilement, Ethan roula sur le côté et se releva pour finalement se diriger vers la cuisine et y prendre un cachet contre le mal de crâne dû à la cuite de la veille. D’une démarche peu assurée, il retourna dans son salon et se posa sans ménagement sur son fauteuil en cuir, à la teinte beige foncé. La télévision était restée allumée toute la nuit, sur une chaîne d’information avec la voix du présentateur en bruit de fond.
Le jeune homme regarda la bouteille de whisky qui se situait sur sa table basse, en bois d’ébène, et vit qu’elle était complètement vide. Il en était de même pour le verre qui se situait à côté. À nouveau il soupira avant de se frotter les yeux, dont les veines ressortaient particulièrement à ce moment-là, et de passer une main dans ses cheveux gris.
La façon dont s’était terminée la soirée avait été pour le moins…pitoyable, prévisible et clichée. Seul dans son appartement, installé dans son siège, face au téléviseur et avec le ‘sky à portée de main, le tout en ressassant le passé. Cela ne pouvait pas se finir autrement que de se prendre près d’un gramme dans le sang et de s’endormir lamentablement devant l’écran, resté allumé.
Étrangement, le fait d'avoir passé la nuit à boire et de se réveiller le lendemain avec la gueule de bois ne lui donnait aucune sensation de culpabilité, de regret...non, c'est comme si l'acte de boire pour noyer ses soucis et son chagrin étaient des choses "normales". Ethan savait pertinemment que s'il continuait sur cette voie, il pourrait vite finir alcoolique. Et pourtant, cela ne le dérangeait pas vraiment. Sûr, la consommation de boissons alcoolisées tuerait peu à peu son foie, c'était certain. Mais il s’agissait de sa seule solution viable pour le moment. Il lui fallait boire pour oublier, le temps que sa situation personnelle s'arrange.
Ses yeux bleus ciel se levèrent pour croiser la visière rouge de son casque. Il resta pendant de longues secondes à observer l'objet avant de se lever et d'aller planter son poing dans le mur le plus proche en soufflant un juron entre ses dents. La douleur n'apparut que quelques instants après le geste. Ethan vit que l'épiderme extérieur était légèrement éraflé et rougi, ainsi qu’une minuscule goutte de sang qui faisait son apparition.
Il se laissa glisser le long du mur pour finalement se retrouver sur le parquet de son salon. Une à une, les chaudes larmes commencèrent à couler le long de ses joues qui prenaient une teinte rouge. La mort de Yuki, sept ans auparavant, avait déjà été un choc en soi, surtout où qu’il ne s'attendait pas à ce que ce soit elle qui parte en premier. Ensuite, fut le tour de Likhan. Lui aussi, personne ne s'attendait à ce qu'il quitte ce monde aussi brusquement et sans signe avant-coureur. Il avait lui-même failli rejoindre le monde des morts, quelques jours plus tôt. Maintenant, la question qu’il était en droit de se poser était : qui sera le prochain ? James ? Claire ? Anthony ? Ian ? Tout ceci commençait doucement à prendre une tournure tristement morbide. Il avait l’impression que le destin se jouait de lui, de ses sentiments, de son état mental et physique, cherchant juste à le mettre à l’épreuve pour savoir combien de temps tiendrait-il avant d’appuyer sur la gâchette pour mettre un terme à tout ça. Une question Ethan se posait lui-même. Combien de temps avant de voir le bout ? Que lui faudrait-il encore subir pour espérer voir la fin de ce cauchemar qui n’en était qu’à ses balbutiements… il ne le savait point.
Pour la troisième fois en moins de dix minutes, il soupira.
Certes, le professeur était en colère contre Purity pour la destruction de sa combinaison mais il n'avait pas le coeur à se mettre en chasse. Même si c'est uniquement pour les mettre derrière des barreaux et ne pas les anéantir jusqu’au dernier. Il ne possédait plus la foi, l’envie, la passion de les combattre comme il l’avait eue quelques années auparavant, lors de la bataille de Seattle et celle sur Mars. Bizarrement, l’ancien soldat se sentait vieux, extrêmement vieux. Comme s’il avait vécu pendant un siècle entier alors que physiquement, il devait avoir trente-deux voir trente-trois ans, tout au plus. Peut-être était-ce dû au fait qu’il venait d’une époque complètement différente, aux mœurs et coutumes oubliées par les gens d’aujourd’hui. Oui….ce sentiment de vieillesse qui le hantait devait certainement trouver sa cause dans le choc temporel, une difficile séparation entre deux temps lointains et par la même occasion, divisant son âme en deux êtres opposés : le garçon, ayant vécu sans aucun problème particulier, et l’autre, l’adulte qui avait appris à vivre de la manière difficile, en expérimentant l’affliction, en frôlant la mort à de nombreuses reprises et l’incapacité à protéger ceux qui étaient dans son entourage proche ou sous son commandement.
Lorsqu’il a fait ses classes et débuté sa carrière de militaire, Ethan était jeune et naïf, avec toujours quelque chose à prouver pour se faire accepter et respecter des autres. Ses états de services faisaient de lui un soldat exemplaire mais il lui en fallait toujours plus. Il ne recherchait pas la notoriété, le jeune homme voulait simplement être accepté, en dépit de ses antécédents. Son passé ainsi que le choc culturel et temporel lui pesaient assez souvent sur les épaules. Heureusement, dans ces cas-là, ses proches étaient toujours là pour le soutenir. Pour cela, l’ancien mercenaire leur était profondément reconnaissant. De nos jours, rares étaient les personnes qui s’occupaient du bien-être des autres.
Souplement, il se releva et marcha en direction de la porte d’entrée. Après plusieurs secondes d’hésitation, il passa la main droite devant une petite lentille transparente, collée au mur et la porte s’ouvrit. Le bruit de ses pas contre le marbre qui composait les marches résonna dans les escaliers et le hall mais pas assez pour réveiller les voisins. Le professeur s’aventura dans les grandes rues de la capitale, déjà peuplées malgré l’heure. Déconnectant son cerveau, il se laissa porter par ses jambes. Un lourd et profond grommellement, venu du fond de ses entrailles, parvint à ses oreilles. Ethan ne prenait jamais de petit-déjeuner, se contentant simplement d’une boisson pour le maintenir éveillé.
Il se dirigea vers une boutique, semblable à un Starbucks Coffee, et entra. Tables en bois, chaises faites à partir de pin, sol stratifié, comptoir composé de phyllade et d’acier. Derrière celui-ci, se tenait un cocker spaniel golden, au pelage beige clair et aux yeux marron liquide. Deux robots de taille humaine, dont certains pistons et câbles électriques étaient visible malgré les plaques d’acier recouvrant le squelette, effectuaient des allez-retours dans la salle, distribuant les commandes qui se trouvaient sur leurs plateaux. Certains clients jetèrent des regards curieux ou haineux vers le nouveau venu qui les ignora et se dirigea vers le comptoir.
— Un café noir, serré et sans sucre, s’il-vous-plaît, demanda-t-il, sur un ton neutre et avec un très léger sourire.
— Sur place ou à emporter ?
— Sur place me convient parfaitement.
Le cocker hocha la tête et sans un mot supplémentaire, il se mit à la tâche. Deux petites minutes plus tard, il revînt avec la boisson. Ethan lui tendit un billet et lui fit signe de garder la monnaie. Alors qu’il allait se déplacer pour s’installer à une table, le barman l’interpella.
— Excuse-moi monsieur mais…il serait préférable que vous emportiez votre commande et partiez.
Le jeune homme haussa un sourcil.
— Pour quelle raison ?
— Eh bien…certains de nos clients n’apprécient pas beaucoup la présence d’humains dans notre établissement et….
—….pour des raisons économiques, vous préférez complaire à la majorité, je comprends parfaitement.
Tout en parlant, il sortit sa pièce d’identité de sa poche et la fit glisser sur le comptoir, vers l’animal qui baissa la tête pour lire le nom qui y était inscrit avant d’écarquiller les yeux, comprenant immédiatement à qui il avait affaire.
— Mais c’est bête, parce que vous venez de perdre un client de valeur. Sur ce, bonne journée.
Ethan remit le bout de plastique dans son jean et sortit. Le cocker l’appela, mais en vain. D’un pas léger, le professeur prit la direction d’un petit espace naturel. Une légère bourrasque de vent passa dans son dos, provoquant un frissonnement. Finalement, il s’installa sur un banc à l’assise et au dossier fait de bois neuf, aussi doux que de la soie. Penché en avant, tenant son café entre ses deux mains, il regarda le temps s’écouler sous ses yeux. Toutes ces vies, ces destins, inconscients de l’épée de Damoclès qui pendait au-dessus de leurs têtes, prête à frapper à tout instant. Perdu dans ses pensées, Ethan n’entendit pas le bruit de pas d’une personne qui s’approchait de lui et qui s’installa sur le banc, faisant légèrement grincer les planches. Ce fut sa voix, qui le tira de son esprit.
— Dites moi, avez-vous déjà accepté le fait que la vie est quelque chose qui ne vous donne pas de bonnes choses ?
Le jeune Gray était pour le moins confus et choqué par la question.
— Pourquoi vous me demandez cela ?
— Oh…pour rien.
Le major tourna la tête et resta sans voix. Devant lui se tenait une créature s’apparentant à une louve adulte, légèrement plus petite que lui. Elle avait de longues oreilles, un fin museau ainsi deux yeux de différentes couleurs. Le gauche de couleur ambre et l’autre rubis. Des cheveux rouge sombre, séparés en une raie au milieu de la tête, une fourrure sable commençant sur la partie supérieure de la gueule et au-dessus des yeux, se finissant dans le dos. Toute la partie inférieure de son visage était recouvert d’une teinte blanche. Une écharpe crème entourait son cou. Un simple blouson bleu marine, dénué de toute trace d’usure, couvrait la partie supérieure de son corps tandis qu’un pantalon en soie noir protégeait ses jambes. Pour finir, des baskets, elles-aussi noires, lui servaient de chaussures. Le bout d’un bandage blanc, qui entourait son poignet, dépassait de la manche gauche de sa veste.
— Pourquoi est-ce que vous avez ça ?, questionna Ethan, pointant le bandage d’un doigt accusateur.
Elle soupira.
— Il y a un mois, commença-t-elle, Je me suis cassée le bras quand j’ai tentée de me suicider. Ne me demandez pas pourquoi, je préfère garder cela pour moi.
Il ne répondit pas, se contentant d’hocher faiblement la tête. Les secondes, puis les minutes, s’écoulèrent dans un silence religieux. La louve leva la tête vers le soleil.
— Qu’est-ce qui est si bien dans la vie ? Et, qu’est-ce qu’il y a de si mal à propos de la mort ?
Le professeur regarda à son tour le soleil avant de prendre une gorgée de sa chaude boisson. Ses traits se déformèrent quand le liquide passa dans sa gorge, brûlant sa langue au passage.
— Qu’est-ce que vous y gagneriez ?
Il s’arrêta quelques instants avant de continuer.
— La vie…est une chose délicate. Elle a deux côtés : un clair et un sombre. La moitié claire est celle où on peut clairement voir ce qui nous entoure ainsi que de se contenter d’avoir juste quelques petits soucis, sans grande conséquence. Et le côté sombre est celui où votre vision des choses est altérée, floue et que vous ne savez pas quoi faire ou comment gérer une situation. Où tout semble sans espoir.
Elle soupira à nouveau.
— Il semblerait que j’ai laissée mon côté sombre prendre le dessus, je suppose, murmura-t-elle, jetant un coup d’œil à son bras.
— Vous vous appelez comment ?
— Kiara, Kiara Slinger.
Il tendit sa main vers elle.
— Ethan, Ethan Gray.
Kiara écarquilla les yeux et sa mâchoire se décocha légèrement, laissant entrevoir de magnifiques canines blanches, parfaitement entretenues. Voyant sa réaction, il ne put s’empêcher de sourire.
— Le…le Ethan Gray !? Je n’aurais jamais crue avoir la chance de vous rencontrer un jour ! J’ai tellement entendue parler de vous et de vos exploits ! Merci pour tout ce que vous avez fait pour notre peuple, on ne vous le revaudra jamais assez.
Tout en parlant, la louve avait saisie sa main et la secouait dans tous les sens, broyant peu à peu les os de son membre et de son bras. Il fallait dire que cette fille possédait une poigne de fer.
— Dire que ce que j’ai fait n’est pas grand-chose serait de la fausse modestie. Mais, on me payait pour cela, ce n’était que mon travail.
— Vous ne travaillez plus dans l’armée ?
— Nope. Cela fait désormais deux ans que j’ai quitté le corps militaire. Je fais professeur d’histoire humaine dans un lycée qui porte mon nom. Plutôt ironique, non ?
Kiara ne put retenir un léger gloussement.
— Il vaudrait peut être mieux que j’y aille. Les cours ne vont pas tarder à débuter et j’ai horreur d’être en retard, dit Ethan en regardant sa montre avant de se lever et de commencer à partir.
— Attendez !
Il tourna la tête vers elle.
— Qu’est-ce qu’il y a ?
— Eh bien, débuta-t-elle, Je sais que nous venons de nous rencontrer mais, voulez-vous ..., elle fit une pause, ...que l’on fasse plus ample connaissance ?
Le jeune homme hésita quelques instants. Sa vie venait de prendre une gifle pour le moins déroutante, ses vieux démons ressortaient de leurs tombes et une guerre se profilait à l’horizon. Il ne voulait pas s’attacher à qui que ce soit, de peur qu’ils soient pris dans cette tourmente avec lui. Il lui fallait limiter les dommages collatéraux. Mais, d’un autre côté, côtoyer des personnes en dehors du cercle professionnel ne pourrait que lui être bénéfique. Et puis, elle semblait plutôt unique en son genre, même s’il n’arrivait pas à savoir pourquoi. Souplement, Ethan sortit un bout de papier de sa poche et le tendit au canidé. Celle-ci prit la feuille et lui donna un post-it en échange, contenant son numéro.
— Génial, on soit bientôt alors ?
— Bien sûr, et…pourquoi pas demain matin, ici même et à la même heure ?
Kiara le regarda avec joie, une petite étincelle dansant dans ses yeux. Un sourire se dessina sur ses babines.
— Ça me convient parfaitement, à demain !
Il se contenta de faire un petit signe de la tête avant de partir à son appartement, pour y récupérer ses cours, même s’il n’en avait pas vraiment besoin vu qu’il possédait d’excellentes connaissances sur les années 2010-2020 mais il préférait quand même les avoir, histoire de ne pas passer pour quelqu’un de lunatique ou prétentieux. Quoi qu’il en soit, cette demoiselle se trouvait être quelqu’un pour le moins intéressante.
Baissant les yeux, il remarqua que ses pieds pendaient dans les airs, contre son siège. Un soupir s’échappa de sa gorge. Un coup d’œil à sa montre lui fit comprendre qu’il était à peine sept heures. Difficilement, Ethan roula sur le côté et se releva pour finalement se diriger vers la cuisine et y prendre un cachet contre le mal de crâne dû à la cuite de la veille. D’une démarche peu assurée, il retourna dans son salon et se posa sans ménagement sur son fauteuil en cuir, à la teinte beige foncé. La télévision était restée allumée toute la nuit, sur une chaîne d’information avec la voix du présentateur en bruit de fond.
Le jeune homme regarda la bouteille de whisky qui se situait sur sa table basse, en bois d’ébène, et vit qu’elle était complètement vide. Il en était de même pour le verre qui se situait à côté. À nouveau il soupira avant de se frotter les yeux, dont les veines ressortaient particulièrement à ce moment-là, et de passer une main dans ses cheveux gris.
La façon dont s’était terminée la soirée avait été pour le moins…pitoyable, prévisible et clichée. Seul dans son appartement, installé dans son siège, face au téléviseur et avec le ‘sky à portée de main, le tout en ressassant le passé. Cela ne pouvait pas se finir autrement que de se prendre près d’un gramme dans le sang et de s’endormir lamentablement devant l’écran, resté allumé.
Étrangement, le fait d'avoir passé la nuit à boire et de se réveiller le lendemain avec la gueule de bois ne lui donnait aucune sensation de culpabilité, de regret...non, c'est comme si l'acte de boire pour noyer ses soucis et son chagrin étaient des choses "normales". Ethan savait pertinemment que s'il continuait sur cette voie, il pourrait vite finir alcoolique. Et pourtant, cela ne le dérangeait pas vraiment. Sûr, la consommation de boissons alcoolisées tuerait peu à peu son foie, c'était certain. Mais il s’agissait de sa seule solution viable pour le moment. Il lui fallait boire pour oublier, le temps que sa situation personnelle s'arrange.
Ses yeux bleus ciel se levèrent pour croiser la visière rouge de son casque. Il resta pendant de longues secondes à observer l'objet avant de se lever et d'aller planter son poing dans le mur le plus proche en soufflant un juron entre ses dents. La douleur n'apparut que quelques instants après le geste. Ethan vit que l'épiderme extérieur était légèrement éraflé et rougi, ainsi qu’une minuscule goutte de sang qui faisait son apparition.
Il se laissa glisser le long du mur pour finalement se retrouver sur le parquet de son salon. Une à une, les chaudes larmes commencèrent à couler le long de ses joues qui prenaient une teinte rouge. La mort de Yuki, sept ans auparavant, avait déjà été un choc en soi, surtout où qu’il ne s'attendait pas à ce que ce soit elle qui parte en premier. Ensuite, fut le tour de Likhan. Lui aussi, personne ne s'attendait à ce qu'il quitte ce monde aussi brusquement et sans signe avant-coureur. Il avait lui-même failli rejoindre le monde des morts, quelques jours plus tôt. Maintenant, la question qu’il était en droit de se poser était : qui sera le prochain ? James ? Claire ? Anthony ? Ian ? Tout ceci commençait doucement à prendre une tournure tristement morbide. Il avait l’impression que le destin se jouait de lui, de ses sentiments, de son état mental et physique, cherchant juste à le mettre à l’épreuve pour savoir combien de temps tiendrait-il avant d’appuyer sur la gâchette pour mettre un terme à tout ça. Une question Ethan se posait lui-même. Combien de temps avant de voir le bout ? Que lui faudrait-il encore subir pour espérer voir la fin de ce cauchemar qui n’en était qu’à ses balbutiements… il ne le savait point.
Pour la troisième fois en moins de dix minutes, il soupira.
Certes, le professeur était en colère contre Purity pour la destruction de sa combinaison mais il n'avait pas le coeur à se mettre en chasse. Même si c'est uniquement pour les mettre derrière des barreaux et ne pas les anéantir jusqu’au dernier. Il ne possédait plus la foi, l’envie, la passion de les combattre comme il l’avait eue quelques années auparavant, lors de la bataille de Seattle et celle sur Mars. Bizarrement, l’ancien soldat se sentait vieux, extrêmement vieux. Comme s’il avait vécu pendant un siècle entier alors que physiquement, il devait avoir trente-deux voir trente-trois ans, tout au plus. Peut-être était-ce dû au fait qu’il venait d’une époque complètement différente, aux mœurs et coutumes oubliées par les gens d’aujourd’hui. Oui….ce sentiment de vieillesse qui le hantait devait certainement trouver sa cause dans le choc temporel, une difficile séparation entre deux temps lointains et par la même occasion, divisant son âme en deux êtres opposés : le garçon, ayant vécu sans aucun problème particulier, et l’autre, l’adulte qui avait appris à vivre de la manière difficile, en expérimentant l’affliction, en frôlant la mort à de nombreuses reprises et l’incapacité à protéger ceux qui étaient dans son entourage proche ou sous son commandement.
Lorsqu’il a fait ses classes et débuté sa carrière de militaire, Ethan était jeune et naïf, avec toujours quelque chose à prouver pour se faire accepter et respecter des autres. Ses états de services faisaient de lui un soldat exemplaire mais il lui en fallait toujours plus. Il ne recherchait pas la notoriété, le jeune homme voulait simplement être accepté, en dépit de ses antécédents. Son passé ainsi que le choc culturel et temporel lui pesaient assez souvent sur les épaules. Heureusement, dans ces cas-là, ses proches étaient toujours là pour le soutenir. Pour cela, l’ancien mercenaire leur était profondément reconnaissant. De nos jours, rares étaient les personnes qui s’occupaient du bien-être des autres.
Souplement, il se releva et marcha en direction de la porte d’entrée. Après plusieurs secondes d’hésitation, il passa la main droite devant une petite lentille transparente, collée au mur et la porte s’ouvrit. Le bruit de ses pas contre le marbre qui composait les marches résonna dans les escaliers et le hall mais pas assez pour réveiller les voisins. Le professeur s’aventura dans les grandes rues de la capitale, déjà peuplées malgré l’heure. Déconnectant son cerveau, il se laissa porter par ses jambes. Un lourd et profond grommellement, venu du fond de ses entrailles, parvint à ses oreilles. Ethan ne prenait jamais de petit-déjeuner, se contentant simplement d’une boisson pour le maintenir éveillé.
Il se dirigea vers une boutique, semblable à un Starbucks Coffee, et entra. Tables en bois, chaises faites à partir de pin, sol stratifié, comptoir composé de phyllade et d’acier. Derrière celui-ci, se tenait un cocker spaniel golden, au pelage beige clair et aux yeux marron liquide. Deux robots de taille humaine, dont certains pistons et câbles électriques étaient visible malgré les plaques d’acier recouvrant le squelette, effectuaient des allez-retours dans la salle, distribuant les commandes qui se trouvaient sur leurs plateaux. Certains clients jetèrent des regards curieux ou haineux vers le nouveau venu qui les ignora et se dirigea vers le comptoir.
— Un café noir, serré et sans sucre, s’il-vous-plaît, demanda-t-il, sur un ton neutre et avec un très léger sourire.
— Sur place ou à emporter ?
— Sur place me convient parfaitement.
Le cocker hocha la tête et sans un mot supplémentaire, il se mit à la tâche. Deux petites minutes plus tard, il revînt avec la boisson. Ethan lui tendit un billet et lui fit signe de garder la monnaie. Alors qu’il allait se déplacer pour s’installer à une table, le barman l’interpella.
— Excuse-moi monsieur mais…il serait préférable que vous emportiez votre commande et partiez.
Le jeune homme haussa un sourcil.
— Pour quelle raison ?
— Eh bien…certains de nos clients n’apprécient pas beaucoup la présence d’humains dans notre établissement et….
—….pour des raisons économiques, vous préférez complaire à la majorité, je comprends parfaitement.
Tout en parlant, il sortit sa pièce d’identité de sa poche et la fit glisser sur le comptoir, vers l’animal qui baissa la tête pour lire le nom qui y était inscrit avant d’écarquiller les yeux, comprenant immédiatement à qui il avait affaire.
— Mais c’est bête, parce que vous venez de perdre un client de valeur. Sur ce, bonne journée.
Ethan remit le bout de plastique dans son jean et sortit. Le cocker l’appela, mais en vain. D’un pas léger, le professeur prit la direction d’un petit espace naturel. Une légère bourrasque de vent passa dans son dos, provoquant un frissonnement. Finalement, il s’installa sur un banc à l’assise et au dossier fait de bois neuf, aussi doux que de la soie. Penché en avant, tenant son café entre ses deux mains, il regarda le temps s’écouler sous ses yeux. Toutes ces vies, ces destins, inconscients de l’épée de Damoclès qui pendait au-dessus de leurs têtes, prête à frapper à tout instant. Perdu dans ses pensées, Ethan n’entendit pas le bruit de pas d’une personne qui s’approchait de lui et qui s’installa sur le banc, faisant légèrement grincer les planches. Ce fut sa voix, qui le tira de son esprit.
— Dites moi, avez-vous déjà accepté le fait que la vie est quelque chose qui ne vous donne pas de bonnes choses ?
Le jeune Gray était pour le moins confus et choqué par la question.
— Pourquoi vous me demandez cela ?
— Oh…pour rien.
Le major tourna la tête et resta sans voix. Devant lui se tenait une créature s’apparentant à une louve adulte, légèrement plus petite que lui. Elle avait de longues oreilles, un fin museau ainsi deux yeux de différentes couleurs. Le gauche de couleur ambre et l’autre rubis. Des cheveux rouge sombre, séparés en une raie au milieu de la tête, une fourrure sable commençant sur la partie supérieure de la gueule et au-dessus des yeux, se finissant dans le dos. Toute la partie inférieure de son visage était recouvert d’une teinte blanche. Une écharpe crème entourait son cou. Un simple blouson bleu marine, dénué de toute trace d’usure, couvrait la partie supérieure de son corps tandis qu’un pantalon en soie noir protégeait ses jambes. Pour finir, des baskets, elles-aussi noires, lui servaient de chaussures. Le bout d’un bandage blanc, qui entourait son poignet, dépassait de la manche gauche de sa veste.
— Pourquoi est-ce que vous avez ça ?, questionna Ethan, pointant le bandage d’un doigt accusateur.
Elle soupira.
— Il y a un mois, commença-t-elle, Je me suis cassée le bras quand j’ai tentée de me suicider. Ne me demandez pas pourquoi, je préfère garder cela pour moi.
Il ne répondit pas, se contentant d’hocher faiblement la tête. Les secondes, puis les minutes, s’écoulèrent dans un silence religieux. La louve leva la tête vers le soleil.
— Qu’est-ce qui est si bien dans la vie ? Et, qu’est-ce qu’il y a de si mal à propos de la mort ?
Le professeur regarda à son tour le soleil avant de prendre une gorgée de sa chaude boisson. Ses traits se déformèrent quand le liquide passa dans sa gorge, brûlant sa langue au passage.
— Qu’est-ce que vous y gagneriez ?
Il s’arrêta quelques instants avant de continuer.
— La vie…est une chose délicate. Elle a deux côtés : un clair et un sombre. La moitié claire est celle où on peut clairement voir ce qui nous entoure ainsi que de se contenter d’avoir juste quelques petits soucis, sans grande conséquence. Et le côté sombre est celui où votre vision des choses est altérée, floue et que vous ne savez pas quoi faire ou comment gérer une situation. Où tout semble sans espoir.
Elle soupira à nouveau.
— Il semblerait que j’ai laissée mon côté sombre prendre le dessus, je suppose, murmura-t-elle, jetant un coup d’œil à son bras.
— Vous vous appelez comment ?
— Kiara, Kiara Slinger.
Il tendit sa main vers elle.
— Ethan, Ethan Gray.
Kiara écarquilla les yeux et sa mâchoire se décocha légèrement, laissant entrevoir de magnifiques canines blanches, parfaitement entretenues. Voyant sa réaction, il ne put s’empêcher de sourire.
— Le…le Ethan Gray !? Je n’aurais jamais crue avoir la chance de vous rencontrer un jour ! J’ai tellement entendue parler de vous et de vos exploits ! Merci pour tout ce que vous avez fait pour notre peuple, on ne vous le revaudra jamais assez.
Tout en parlant, la louve avait saisie sa main et la secouait dans tous les sens, broyant peu à peu les os de son membre et de son bras. Il fallait dire que cette fille possédait une poigne de fer.
— Dire que ce que j’ai fait n’est pas grand-chose serait de la fausse modestie. Mais, on me payait pour cela, ce n’était que mon travail.
— Vous ne travaillez plus dans l’armée ?
— Nope. Cela fait désormais deux ans que j’ai quitté le corps militaire. Je fais professeur d’histoire humaine dans un lycée qui porte mon nom. Plutôt ironique, non ?
Kiara ne put retenir un léger gloussement.
— Il vaudrait peut être mieux que j’y aille. Les cours ne vont pas tarder à débuter et j’ai horreur d’être en retard, dit Ethan en regardant sa montre avant de se lever et de commencer à partir.
— Attendez !
Il tourna la tête vers elle.
— Qu’est-ce qu’il y a ?
— Eh bien, débuta-t-elle, Je sais que nous venons de nous rencontrer mais, voulez-vous ..., elle fit une pause, ...que l’on fasse plus ample connaissance ?
Le jeune homme hésita quelques instants. Sa vie venait de prendre une gifle pour le moins déroutante, ses vieux démons ressortaient de leurs tombes et une guerre se profilait à l’horizon. Il ne voulait pas s’attacher à qui que ce soit, de peur qu’ils soient pris dans cette tourmente avec lui. Il lui fallait limiter les dommages collatéraux. Mais, d’un autre côté, côtoyer des personnes en dehors du cercle professionnel ne pourrait que lui être bénéfique. Et puis, elle semblait plutôt unique en son genre, même s’il n’arrivait pas à savoir pourquoi. Souplement, Ethan sortit un bout de papier de sa poche et le tendit au canidé. Celle-ci prit la feuille et lui donna un post-it en échange, contenant son numéro.
— Génial, on soit bientôt alors ?
— Bien sûr, et…pourquoi pas demain matin, ici même et à la même heure ?
Kiara le regarda avec joie, une petite étincelle dansant dans ses yeux. Un sourire se dessina sur ses babines.
— Ça me convient parfaitement, à demain !
Il se contenta de faire un petit signe de la tête avant de partir à son appartement, pour y récupérer ses cours, même s’il n’en avait pas vraiment besoin vu qu’il possédait d’excellentes connaissances sur les années 2010-2020 mais il préférait quand même les avoir, histoire de ne pas passer pour quelqu’un de lunatique ou prétentieux. Quoi qu’il en soit, cette demoiselle se trouvait être quelqu’un pour le moins intéressante.
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