<h1>Noelfic</h1>

Purpose


Par : Pronche

Genre : Science-Fiction

Status : C'est compliqué

Note :


Chapitre 10

Publié le 23/02/13 à 17:28:23 par Pronche

Ciel bleu clair, presque turquoise. Aucun nuage. Pas la moindre trace de vent. Température quelque peu fraîche malgré la réchauffante présence de l’astre solaire. Certaines feuilles, jaunies par le faible apport de sève, commencèrent à tomber de leurs arbres et à recouvrir le pavement. Pareillement à la veille, Ethan marchait en direction d’un banc qui commençait doucement à lui être familier, toujours avec son café à la main, mais venant d’un fast-food cette fois-ci. Il s’installa posément et jeta un coup d’œil sur sa droite, croisant le regard de la louve. Il retourna ensuite à la contemplation de sa boisson.
— Je n’aurais jamais cru que vous viendriez, dit-il, sur un ton neutre.
Kiara ne put s’empêcher de sourire, même si c’était faiblement.
— Je pourrais dire la même chose de vous.
Cette fois-ci, ce fut au tour du jeune Gray de sourire et même lâcher un petit rire.
— C’est vrai, mais disons que je suis un homme de parole et que je veille toujours à tenir mes promesses.
— Ah bon ? Vraiment intéressant.
— Serait-ce de l’ironie, ou dois-je le prendre sérieusement ?
Elle haussa les épaules.
— Ça ne dépend que de la façon dont vous l’interpréter.
Il secoua négativement la tête et prit un gorgée de sa douce drogue qu’était le café noir, sans sucre évidement, pour ne pas altérer son goût unique et son effet stimulant. Un moment passa, dans un silence religieux, avant que la jeune louve ne décide de se mettre à nouveau à parler.
— J’ai entendue quelques rumeurs à votre sujet….d’après celles-ci, vous auriez travaillé comme mercenaire en coopération avec l’armée, est-ce vrai ?
Ethan inhala profondément et relâcha un lourd soupir, presque comme un aveu.
— Oui. A ce moment, j’avais besoin d’être seul, pour pouvoir changer d’air, faire le point sur ma situation, mes envies, mes besoins. Il me fallait trouver un sens à ma vie, commença t-il, sur un ton lointain, presque comme un murmure mais clairement audible pour son auditrice, avant de continuer. J’en suis arrivé au point où je devais devenir un loup solitaire, inatteignable, seul, quelqu’un qui ne possède aucun point faible que ses ennemis pouvaient exploiter. Il me fallait de l’argent aussi. J’avais un vaisseau à entretenir et aménager comme lieu de vie, ce qui, mine de rien, représente une petite fortune.
— Alors….pourquoi êtes-vous devenu professeur si vous faisiez quelque chose qui vous correspondait mieux, et surtout, qui rapportait beaucoup plus ?
— Il n’y a qu’une seule chose qui m’a fait changer de train de vie….moi-même. Je suis semblable à un simple collégien en 3ème lorsqu’on lui demande de choisir une orientation….je ne sais pas ce que je veux faire. Je me cherche un but, une raison, une utilité pour la communauté ou « a purpose » pour reprendre la langue de Shakespeare. Ce qui se rapprochait le plus de mon idéal était mon temps à l’armée mais là encore, il manquait quelque chose, une petite étincelle qui rendrait cela parfait. Ce même manque fit encore son apparition lorsque je travaillais comme mercenaire.
— Et maintenant ?
— Je…je ne sais pas. Ma situation actuelle est pour le moins….compliquée. Je ne saurais dire.
Au fil de la conversation, discrètement et presque sans un bruit, la jeune Slinger s’était rapprochée du professeur qui n’avait pas le moins du monde remarqué la manœuvre. Les deux jeunes gens continuèrent à discuter pendant un moment avant d’être interrompus par une sonnerie de téléphone. Ethan s’excusa et se leva, s’éloignant ainsi de quelques mètres pour répondre à l’appel. Il installa son oreillette noire dans son emplacement et pressa l’unique bouton qui se trouvait dessus.
— Gray à l’appareil.
— Hey Ethan, c’est Anthony. Comment va vieux ?
Rien qu’en entendant la voix de son meilleur ami, un immense sourire s’étira sur le visage du major. Il but à nouveau une rasade de son concentré de caféine avant de répondre.
— Je me porte plutôt bien. J’ai repris les cours hier et, ça s’est mieux passé que je ne l’espérais.
— Ah, ça fait plaisir à entendre. Vu que tu avais promis de m’appeler dès que tu serais arrivé et que je n’ai pas eu de nouvelles, j’ai été quelque peu obligé de passer un coup de fil. Enfin, Claire ne m’a pas laissé le choix.
Ethan crût entendre la doctoresse protester en arrière-plan mais le son était quelque peu étouffé.
— Personnellement, je savais que tu voulais passer quelques jours en paix avant qu’on ne t’assaille d’appels mais, tu la connais.
Il soupira. Saranova ne changerait jamais, toujours surprotectrice avec ses patients et lui en particulier. Alors qu’il s’apprêtait à parler, une légère pression sur son épaule droite l’interrompît. Il se retourna pour faire face à Kiara.
— Il faut que je parte travailler Ethan, on se voit demain.
— Attends, je peux vous déposer si….
— Ethan, qui est-ce ?, demanda Anthony, interrompant la conversation entre les deux personnes.
L’ancien soldat leva un index à Kiara pour lui faire signe d’attendre avant de reprendre avec son ami.
— C’est une gentille demoiselle dont j’ai fait la connaissance hier, si tu veux savoir.
— Ça m’a plutôt l’air d’être une future petite amie.
— Ta gueule Anthony. Sérieusement, ta gueule, répliqua le jeune Gray, sur le ton le plus froid possible.
C’est sûr ces mots qu’il coupa court à la discussion et repris là où il fût interrompu.
— Excusez-moi de vous avoir fait patienter mais mon ami peut parfois très mal interpréter les choses si on ne lui explique pas clairement. Bref, je disais : voudriez-vous que je vous dépose sur votre lieu de travail ?
Un fin sourire prit place sur les babines de la louve aux cheveux de feu.
— Ce serait avec plaisir mais….cela ne risque pas de te mettre en retard ?
Il remarqua le subtil changement de langage, passant du vouvoiement au tutoiement, mais décida de ne pas relever. Au contraire, cela ne le dérangeait pas le moins du monde.
— Absolument pas, je n’ai pas cours aujourd’hui.
La réponse prît Kiara de court. Jamais elle n’aurait crue ou osée penser qu’un inconnu prenne sur son temps libre pour passer du temps avec elle. Surtout que pour le moment, il n’avait pas fait la moindre remarque sur ses deux yeux complètement différents. Pareil pour le tutoiement. Peut-être qu’il ne l’avait pas remarqué ou qu’il s’en moquait complètement. Elle se devait de lui poser la question, juste pour satisfaire sa curiosité naissante.
— Merci, c’est très….aimable de ta part. Mais, n’aurais-tu pas décelé quelque chose d’étrange dans mes yeux ?
— Ils ont juste deux couleurs différentes.
— Et…cela ne te dérange pas ?
— Non.
Le ton sec et clair qu’il avait employé ne laissait aucune place à la protestation. La louve décida de ne pas insister, de peur de mettre l’ex-mercenaire en colère. D’un geste de l’index, il lui fit signe de le suivre. Après quelques instants de marche silencieuse, les deux jeunes gens arrivèrent devant un véhicule bleu nuit, possédant deux portes et plutôt basse au niveau de la garde au sol.
— Première fois que je vois un véhicule comme celui-ci, qu’est-ce que c’est ?
— Un petit bijou qu’il m’a été très difficile d’obtenir. Ceci est une Renault Clio 16S de 1991. Moteur quatre cylindre, 16 soupapes, avec un double arbre à cames, développant 150 ch dans les roues avant. 0 - 100 en 8,1 secondes, boite manuelle 5 vitesses, vitesse max de 207 km/h. Le tout pour une masse totale de 990 kilos.
Elle regarda le jeune homme, avant de porter ses yeux sur le véhicule, puis à nouveau lui.
— M…Mais comment ? Cette voiture aurait plus de….
— ….800 ans ? Je sais, ça paraît impossible. Le truc, c’est que je l’ai fait faire artisanalement, à partir de plans récupérés dans des armoires poussiéreuses. J’aurais bien voulu avoir une Nissan Skyline R34 GT-R de 1999 mais elle est beaucoup trop chère à produire. Bien sûr, le moteur de la Clio a été modifié pour correspondre aux normes d’aujourd’hui, roulant désormais au solaire.
Kiara hocha très légèrement la tête, acceptant difficilement les informations qui étaient transmises vers sa boîte crânienne. Rapidement, Ethan monta dans le véhicule et le fit démarrer. Entre temps, la louve sortit de son état de transe et le rejoignit.
Finalement, le duo quitta le parking sur lequel se trouvait la Clio et s’engagea sur la route. Ils s’arrêtèrent à un feu et le professeur en profita pour poser une question :
— Musique ?
Elle tourna la tête vers lui.
— Pardon ?
— Vous voulez que je mette de la musique ? Histoire de ne pas faire tout le trajet dans le silence.
— V-volontiers.
— Quel genre ? J’ai électro, progressive house, transe, rock, métal, dubstep et variété.
Kiara sembla hésiter pendant quelques instants avant de se décider.
— Electro me convient parfaitement.
Ethan ne répondit pas dans l’immédiat, se contentant de naviguer sur l’écran holographique qui composait son lecteur multimédia. Après quelques instants, les premières notes, correspondant à la lecture d’un vinyle sur un phonographe, suivie d’un synthétiseur, résonnèrent dans l’habitacle. La jeune louve écarquilla les yeux en entendant la musique. C’était la première fois qu’elle entendait un tel morceau et….c’était tout simplement magnifique à écouter, comparé aux chansons d’aujourd’hui, juste faites pour se vendre et dénuées de tout style particulier.
— De quel DJ provient ce morceau ? Je n’ai jamais rien entendue d’aussi bon et innovant de toute ma vie.
L’ancien soldat gloussa légèrement.
— Il s’agit de «The Alphabeat» de David Guetta. Un grand Disc-jockey de son époque et peut être même l’un des meilleurs qui n’ai jamais existé. Mais je doute que les gens d’aujourd‘hui se souviennent d’un détail comme celui-là. Ah, les années 2000, quelle bonne époque tout de même.
Kiara le regarda d’un air éberlué. Plus elle en apprenait dur cet homme, plus une aura de mystère l’entourait. Elle connaissait l’homme en armure, le militaire, celui qui était craint dès qu’il posait le pied sur le terrain et possédait une proportion toute particulière à prioriser la protection des victimes ou des témoins, si'l y en avait. Mais l’humain qui se trouvait sous l’épaisse couche d’acier restait une énigme pour tout le monde. Et finalement, c’était peut être bien mieux ainsi. Quel aurait été l’intérêt de dire ouvertement qu’il était Ethan Gray, le sauveur des Keidrans, si ce n’est que pour obtenir une foule de journalistes dans les pattes, ainsi que des groupes de fans et passer son temps à signer des autographes ou répondre à un tas de questions ? Le jeune homme le savait parfaitement. C’est pourquoi il restait à l’ombre des projecteurs.
— Comment se fait-il que vous connaissiez autant de détails aussi lointains et insignifiants ?
Il bougea légèrement la tête pour croiser le regard de la louve.
— Je préfère ne pas divulguer cette information pour le moment. Il s’agit….d’une part de ma vie qu’il vous serait difficile à assimiler. Je n’insinue pas que vous êtes bête ou ignorante mais…vous n’êtes pas prête pour avoir accès à une telle information, du moins pas dans l’immédiat.
Elle se contenta d’hocher la tête avant de porter ses yeux sur le décor. Les minutes qui suivirent s’écoulèrent dans un silence de plomb, seulement perturbé par la musique. Kiara mourrait d’envie de questionner son chauffeur, il lui était difficile de ne pas céder à la tentation, surtout qu’il avait clairement exprimé sa réticence à discuter du sujet. Ce qui ne faisait qu’augmenter la frustration de la jeune femme. Finalement, la voiture passa devant une grande architecture grisée, composée de pierres. De longues marches séparaient le véhicule de l’accès principal, une immense porte en bois massif aux motifs représentant des fleurs de lys et du lierre.
— Nous y sommes. Voici le tribunal de Kruah, dit-elle simplement avant de retirer sa ceinture et de se tourner vers le conducteur.
Ils restèrent ainsi pendant de longues secondes, à se regarder dans le blanc des yeux, avant qu’elle ne reprenne la parole.
— Je tiens à te remercier de m’avoir déposée. Ça m’a vraiment fait plaisir. J’aurais aimée qu’on puisse discuter plus longtemps mais j’ai rendez-vous avec un client. On se voit demain !
Kiara sortit de la Clio et s’apprêtait à refermer la porte lorsqu’elle suspendit son geste. Après un moment d’hésitation, elle rouvrit la portière en grand et se pencha vers le jeune Gray.
— J’avais oubliée quelque chose, lança-t-elle avant de déposer un rapide baiser sur les lèvres du professeur et de lui faire un clin d’œil. Passe une bonne journée !
C’est sur ces mots qu’elle claqua la porte et s’éloigna rapidement. Le pauvre garçon n’eut pas le temps d’avoir la moindre pensée, d’effectuer quelque geste que ce soit ou même de prononcer une seule syllabe. Il resta là, bouchée bée, tandis que son cerveau tentait en vain de se relancer. Brusquement, il sortit de sa torpeur et secoua la tête avant de faire demi-tour et repartir à son appartement, encore trop choqué pour se permettre de suivre un cheminement de pensée plus développé.

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