Une Vie Mouvementée
Par : Goloump
Genre : Sentimental , Réaliste
Status : Terminée
Note :
Chapitre 27
Nos deixe ir para o Brasil ! (Allons au
Publié le 24/07/14 à 13:36:52 par Goloump
Je suis plus que jamais impatient. Nous sommes à Orly avec papy, Janet et mon père. Cela grouille de monde et un long courrier vient de décoller à l’instant. Janet prendra le prochain vol pour New-York et nous, celui pour Rio de Janeiro. Papy est excité comme jamais et ne tient plus en place. Il est habillé en polo bleu et pantalon beige avec ses indémodables mocassins. Dans deux petites heures, nous serons au dessus de l’océan Atlantique. Le tableau d’affichage défile affichant les vols…
Il règne une sorte de frénésie dans cet aéroport. Les gens sont toujours plus pressés, vont toujours plus vite. Nous sommes un peu déboussolés et nous mettons du temps avant de trouver la bonne file. Pas question de prendre l’avion pour Stockholm…
Nous enregistrons nos bagages et passons le traditionnel portique de sécurité ou deux grands vigiles surveillent avec attention les personnes qui passent. Le portique sonne quand papy passe. Il à oublié de retirer son portable. Depuis quelques temps, les contrôles ont été renforcés. Surtout pour les vols à destination du Brésil ou les trafics en tous genres sont nombreux.
Janet et papa sont restés de l’autre côté du portique, main dans la main et nous font de grands signes de la main. Janet rayonnent, impossible de ne pas apercevoir ses magnifiques dents blanches malgré ses quarante ans. Il reste encore une heure à attendre et nous décidons de nous asseoir à une cafétéria pour patienter. Le vol sera long, dix heures, deux de plus que lorsque nous sommes allés aux USA.
Nous nous mêlons désormais à la file de voyageur qui se dirige vers le tarmac. L’avion est grand, immense. C’est un de ces derniers longs courriers capables de transporter plus d’un millier de personnes.
Une hôtesse nous guide gentiment jusqu’à nos places. En tournant la tête, j’aperçois l’aile à travers le hublot. L’avion commence à rouler sur la piste. Les ailes tremblent et semblent fines comme des feuilles de papier. L’avion prend finalement de la vitesse et décolle. Dans dix heures, nous serons arrivés à destination. Autant dire qu’il y avait du temps à tuer. Je pris un livre que j’avais emmené et somnola quelques heures après alors que la nuit tombait sur l’Atlantique. Papy avait pris des somnifères car ils ne supportaient pas l’avion et préférait dormir.
*
Cher est dans sa chambre. Comme d’habitude… Laura entre dans sa chambre. Depuis qu’elle est ici, Laura et Loïc ont tissé des liens avec Cher et sont devenus très proches d’elle. Elle amène un fauteuil roulant avec elle :
- Bonne nouvelle s’exclama-elle. Le médecin à dit que tu pouvais sortir. Ca te dit une petite balade dans le parc à l’arrière de l’hôpital.
Cher sourit et acquiesça de la tête. Laura lui retira sa perfusion et l’installa dans le fauteuil. Ils empruntèrent l’ascenseur et traversèrent le hall.
Alors j’en suis réduite à ça, me promener en fauteuil roulant. Etre assistée …
Cher ne pouvait se résigner à cette idée mais en même temps, elle était impuissante et ne pouvait de toute façon ni marcher ni effectuer de gestes brusques à cause de son corset.
Fait chier ! pensa-elle.
Malgré tout, elle profita de ce moment. Elle n’était plus sortie depuis un mois. UN MOIS ! Un mois qu’elle n’avait pas respirait le bon air frais et que celui vicié de l’hôpital circulait dans ses poumons. Elle inspira profondément et soupira de bonheur alors que Laura la promenait à travers les allées du parc. Il faisait chaud et elle pensa à J-F. En ce moment, il était en train de voler au dessus de l’Atlantique. Son absence se faisait déjà sentir et elle espérait qu’il reviendrait très vite.
Cela faisait longtemps qu’elle ne s’était pas sentie aussi bien depuis son accident et elle remercia Laura pour cette promenade.
*
Nous bouclons nos ceintures. Dans dix minutes, nous atterrirons sur le sol brésilien. Les roues crissent et touchent le sol.
Je pose un pied à terre. Ca y est, j’y suis…
Papy me suit et nous remontons les couloirs de l’aéroport. Dehors, l’atmosphère est chaude voire même suffocante. Plus de 35°C à l’ombre. L’aéroport est situé en hauteur et au loin, on peut apercevoir la magnifique eau turquoise ou des milliers de Carioque (habitants de Rio) se baignent.
Papy à pris quelque cours de portugais avant de partir et maitrise plutôt bien la langue malgré l’accent particulier des Brésiliens. Nous récupérons nos affaires et sortons de l’aéroport. Des bus, taxis, TGV partent dans divers directions pour amener les voyageurs à leur destination finale :
- As-tu prévu un endroit ou dormir en attendant que l’on retrouve Clara ?
- Ce ne sont pas les hôtels qui doivent manquer ici.
- Oui tu as raison.
Je ne l’ai pas dis à Papy mais lorsque j’avais rencontré Niña dans l’avion, elle m’avait donné leur adresse. Je préférais malgré tout le laisser chercher un peu. Il sera tellement heureux de découvrir la maison par hasard.
Nous hélons un taxi :
- Oi, Nós quereríamos ir para o hotel mais íntimo.
- Certo répondit le chauffeur.
- Que lui as-tu demandé ?
- De nous déposer à l’hôtel le plus proche.
Au loin, nous pouvons apercevoir la mondialement connue du Christ Rédempteur qui ouvre ses bras bienveillants sur la ville. Alors que nous traversons les quartiers de Rio, nous passons des riches maisons occupés par les familles aisées aux favelas ou des jeunes enfants avec des tenues déchirées jouent au football sur un terrain de terre.
Après 20 minutes, nous arrivons devant un petit hôtel qui m’à l’air d’assez bonnes qualités au premier abord. Mon père donne quelques Real Brésilien au chauffeur en le remerciant pour la course et nous sortons avec nos valises :
- Avec la conversion de mes économies, j’ai une petite fortune ici me dit papy en souriant.
- Combien ?
- 261,306 Real Brésiliens !
- Ca fait combien en euro ?
- 86000 environ.
- Ah oui t’es pas pauvre.
Papy rigola et réserva une chambre pour deux pour seulement deux jours :
- Tu comptes rester si peu de temps ?
- Je ne sais pas si Clara vit toujours à Rio, on aura peut-être à s’enfoncer dans les terres ou à remonter vers Brasilia…
- Je pense que tu peux réserver deux semaines. Je suis sur qu’elle n’à pas bouger.
Et j’en avais même la certitude. Niña m’envoyait un instant un message me demandant quand est-ce que nous arriverions…
*
Janet est arrivée à New-York. Sa maison à été vendu pour la coquette somme d’une million de dollar. Elle peut désormais partir s’installer en France. Elle tourne sans doute pour la dernière fois la porte de sa spacieuse maison. Encore quelques cartons à faire et cette maison sera plus vide qu’une cellule de prison.
Janet retire son manteau, se dirige à l’étage et range méthodiquement dans un carton ses livres, dans un autre ses photos de famille, quelques coussins…
Dans une semaine, elle sera de retour en France. Et elle espère bien y rester longtemps…
*
Kelly est accoudée au rebord de la terrasse d’un restaurant en train de fumer une cigarette. Depuis que sa fille était à l’hôpital, elle n’était plus parvenue à décrocher. Son mari arrive et s’installe à une table. Elle arrive quelques minutes plus tard et s’installe en face de lui. En voyant son regard sombre, il devine que quelque chose ne va pas. Il savait que la famille traversait une passe difficile mais … :
- We have to speak David.
*
Cher vient de changer de chambre. Sa nouvelle est plus grande, plus spacieuse avec une TV dans l’angle. Laura et Loïc ont fait pression pour qu’elle est une meilleure chambre comme on droit les patients qui sont présents pour une longue durée.
Son cœur bat à nouveau régulièrement, les derniers examens sont encourageants.
Pour la première fois depuis longtemps, elle s’endort sereinement…
*
Le jour se lève sur Rio. Il est 7h30 mais papy est déjà debout, préparé. Il fait déjà plus de 25°C et la journée sera très chaude. Nous descendons dans le salon prendre notre petit déjeuner. J’ai très peu dormi et suis un peu fatigué mais l’impatience de papy me réjouissait au plus au point. On nous apporta un petit déjeuner avec du café, des fruits du pays et quelques viennoiseries :
- Comment comptes-tu procéder pour les retrouver demandais-je
- Très simple, je demande si les gens du coin connaissent une Clara et Niña Cruz.
- Tu n’es pas dans ton petit village de campagne ou tout le monde connait tout le monde. Rio, c’est une ville de plus de six millions d’habitants.
- Quand on y met du cœur, aucune tâche n’est impossible. Ca me prendra le temps qu’il faudra mais je les retrouverais.
- Commence par trouver un annuaire et regarder s’il y à une Clara Cruz ici.
- Et s’ils sont sur liste rouge ?
- Je ne sais pas si cela existe au Brésil…
Nous terminons notre petit-déjeuner et demandons au réceptionniste s’il n’aurait pas, par le plus grand des hasards un annuaire téléphonique :
- Não répondit-il laconiquement.
- Realmente dit papy
- 50 Real dit le réceptionniste
- Escroc lâcha papy en envoyant l’argent.
Le réceptionniste sourit et mis sur la table un énorme annuaire téléphonique. Nous feuilletons les pages mais aucune Clara Cruz à Rio ou dans les villes environnantes.
Papy soupira longuement et rehaussa ses lunettes sur son nez.
Il descendit machinalement dans la rue et alpagua au hasard quelques enfants qui se promenait et une señorita qui faisait ses courses pour leur demandait s’il connaissait une Clara Cruz. Aucune réponse positive bien évidemment. Franchement, je n’avais pas envie de perdre mon temps en de veines recherches. La rue ou habitait Clara se situait à a peine un kilomètre. C’eut été trop bête de s’éloigner je ne sais ou :
- Viens allons nous promener un peu par là dis-je en désignant la rue en question au bout du boulevard ou circulait les voitures.
Papy me suivit avec amertume. Nous remontions la petite rue brésilienne. Les maisons laissaient supposer que leurs habitants sans êtres riches n’étaient pas pauvres. Puis au numéro 45, Clara était debout, sur la pelouse, en train d’étendre du linge.
Elle regarda papy et sourit…
*
Kelly à la mine renfrognée et est assise sur le siège passager. David conduit, peut-être un peu bourré :
- I’m sorry.
- Fuck ! Fuck and drive !
David ne répondit pas à cette insulte, conscient qu’il était en tort mais il avait fini par tout avouer. Des larmes coulaient le long des joues de Kelly, des larmes de rage et de tristesse. Pour ne rien montrer de son dépit, elle colla sa tête contre la fenêtre et regarda le ciel étoilé.
Pourquoi m’as-tu fait ça pensa-elle.
Ils arrivèrent finalement chez eux. Pendant que David rangea la voiture, Kelly entra dans la maison. Quand il entra à son tour, il remarqua la mine encore plus atterrée de Kelly :
- You leave.
- Why ?
- You leave ! s’exclama Kelly en le menaçant avec un couteau.
Et David partit …
*
Papy s’approchait du petit portique blanc qui permettait d’entrer dans la demeure. Il le franchit, bouleversé, ébahi, ému, heureux tout simplement. Clara le regardait. Elle avait encore de magnifiques cheveux bruns attachées en chignon. Quelques rides trahissaient toutefois son âge. Elle approchait de la cinquantaine sans doute. Elle portait une robe déchirée et des sandales. Ses yeux verts transpercèrent papy du regard. Il resta scotché sur place, à seulement quelques mètres d’elle, sur une dalle en pierre posée au milieu de la pelouse. Clara aussi ne bougeait pas, elle posa son épingle sur le fil à linge, reposa le t-shirt dans sa caisse et le regarda. Puis lentement, elle se rapprocha de lui. Le temps se suspendit un instant, les secondes ressemblant à des heures. Dans la rue, des enfants passent en vélo. Ils klaxonnent et saluent Clara qui renvoie un signe de main et un joli sourire. Un chien déboule courant après des pigeons grignotant la marchandise tombant du chariot du vendeur ambulant.
Puis elle se rapproche encore, elle n’est désormais plus qu’à quelques mètres, puis quelques centimètres seulement. Papy n’esquisse toujours pas le moindre mouvement. Il se contente de savourer ce moment, un sourire béat aux lèvres. Le vent commence à se lever et Clara défait son chignon, ses cheveux pendent le long de sa fine silhouette.
Je vois Niña dans l’encadrement de porte. Elle observe la scène au loin, trépignant d’impatience. Elle à un foulard dans ses cheveux et est extrêmement petite.
Clara est désormais en face de papy qui rapproche ses lèvres des siennes. Alors que tout laisser à penser qu’ils allaient s’embrasser, elle posa son doigt sur les lèvres de papy :
- Minuto ! s’exclama-elle
*
Kelly reposa le couteau et se laissa tomber dans le fauteuil. Elle déboucha une bouteille de bière, puis une autre, une autre et encore une. Elle voulait juste oublier, se saouler jusqu’à ne plus rien se souvenir.
Elle se dirigeait vers les toilettes après avoir vidé sa douzième bière. Elle ne se sentait pas bien. Elle titubait, avait un horrible mal de tête, manqua de se prendre par trois fois le mur. Elle emprunta l’escalier. Pourquoi n’était-elle pas allé aux toilettes en bas au lieu d’emprunter cet escalier. Sans doute parce qu’elle n’était plus vraiment maître de ces moyens. Elle grimpa les marches lentement. Elle ripa sur la dernière, dévala les escaliers puis sa tête heurta violemment le plancher. Elle gisait inconsciente, les yeux en direction d’un portrait de famille la montrant, elle, David et Cher, alors âgée de cinq ans…
*
Cher dormait paisiblement quand Laura entra dans sa chambre. Elle gesticulait dans tout les sens et semblait chercher ses mots. Cher ne comprenait pas et lui faisait signe de s’asseoir sur son lit.
La porte était restée ouverte et dans le couloir, une femme allongée sur un brancard passa. Le visage rappelait vaguement quelque chose à Cher mais rien de bien précis :
- T-ta mère à fait un coma éthylique dit finalement Laura.
Cher ne répondit pas abasourdi. Elle se pinça le bras, par réflexe. Après avoir tiré une moue, elle se rendait compte de la réalité de la scène et agrippa Laura par le bras :
- « Ou est-elle »
- Les médecins vont faire le diagnostic. Ne t’inquiètes pas Cher, ça va bien se passer. Je préférais quand même te le dire.
- « Laisse moi, maintenant je vais bien mais je t’en prie, occupes-toi bien de maman ».
- Je te le promets dit Laura en prenant la main de Cher.
Pendant ce temps, David attendait en bas, dans le hall de l’hôpital, se rongeant les ongles, écrasé par le poids de la culpabilité…
*
NDLR : Les discussions brésiliennes se feront essentiellement en anglais pour que tout le monde se comprenne mais j’écrirais les dialogues en français.
Papy semblait interloqué par la réaction de Clara qui était pour le moins déconcertante :
- On ne s’est pas vu pendant vingt ans et tu crois que je vais t’accueillir à bras ouverts ! Tu restes combien de temps ?
- Quelques mois ?
- C’est tout ? Pourquoi pas plus ?
- En fait, je reste jusqu’à la fin de mes jours…
- Toujours aussi blagueur. Plusieurs années donc. Je dors toujours dans un lit double et tu pourras t’y installer. Tu verras il est très confortable même si les ressorts grincent un peu.
Clara se détendait et arborait désormais un franc sourire :
- Clara, j’ai un cancer ?
- Cancer ?
- Oui, phase avancée. Je suis condamné.
- Je vais chercher Niña, elle sera ravie de te revoir.
Clara se força à sourire et se rua dans la cuisine le dos tourné. La révélation de papy avait jeté un froid sur la petite maison et le ciel s’assombrit brusquement :
- Je vais vous laisser, je vais faire un tour quelque part.
- Ne t’éloigne pas trop. Le Brésil est tout de même dangereux comme pays. Ce ne sont pas les trafiquants qui manquent.
- Je te prends quoi si j’achète quelque chose ?
- Du haschich fera l’affaire.
Je savais que papy rigolais et descendais la petite ruelle. Je marchais dans le centre-ville mais tout cela, je connaissais et ce n’était pas ça qui m’intéressais. Au loin se trouvait les favelas, c’est là-bas que j’avais décidé de me rendre. Je remontais les rues de Rio me faisant alpaguer par des vendeurs ambulants qui devaient écouler leur stock de produits en tout genre.
Je commençais à arriver dans les bidonvilles. Je fus choqué par la vétusté de l’endroit…
*
David chassa une larme qui coulait de sa joue. Il était revenu à temps visiblement quand il avait vu Kelly inerte sur le parquet. Il avait immédiatement appelé les secours qui étaient venu aussi rapidement que possible. Il pensait surtout à sa fille, son couple n’était plus, et sa famille s’effritait peu à peu. Il n’avait plus rien. Il connaissait bien Kelly, elle ne lui pardonnerait jamais ce qu’il à fait. Et sa fille non plus d’ailleurs …
Mais si avant de partir, il avait pu sauver sa femme, il en tirerait une maigre consolation. Un médecin se présenta devant David :
- Bonjour monsieur.
- Bonjour. Alors, alors ?
- Coma éthylique, lésions aux crânes, fracture de la cheville. Pas fameux. A-elle eu des problèmes récemment sans vouloir trop m’immiscer dans votre vie privée ?
- Le soir même oui dit David en baissant la tête.
Le médecin tapota l’épaule de David et s’en alla retourner à ses opérations.
A l’étage, Cher ne parvenait pas à retrouver le sommeil. A quelques mètres de là, sa mère était en train de se faire opérer.
Putain maman, pourquoi t’as fait ça !
Laura entra dans la chambre :
- Ils vont l’opérer, dit-elle calmement. Tout devrait bien se passer, je te l’avais dit.
- « I wish it ».
- Ne t’inquiète pas. Ce n’est qu’un mauvais moment à passer. Bientôt, tout redeviendra comme avant.
- « Je crois que l’on à franchi un point de non-retour »
Laura haussa les épaules, remit l’oreiller de Cher bien en place et sortir en éteignant la lumière.
*
Je marchais dans les ruelles en terres des bidonvilles. A droite, une maison en tôle. A gauche, une maison en tôle. Devant, un chien mort. Derrière, les buildings de Rio…
Je continuais d’avancer alors que les jeunes garçons me regardaient avec étonnement. C’était sans doute peu courant qu’un type bien sapé vienne de la ville comme ça.
Une vieille dame s’adressa à moi :
- O que o fazem aqui?
- Sorry, I don’t understand.
- É inglês cria-elle.
Un jeune homme s’approcha de moi :
- Hello, I’m Alfonso. Where do you come from dit il en me tendant la main.
- I come from France.
Il marqua son étonnement d’un froncement de sourcil. Par bonheur, Alfonso parlait français :
- Je suis une des rares personnes da ces favelas qui vont à l’école m’expliqua-il.
- Comment sais-tu le français ?
- En plus da les matières classiques, j’ai choisi d’apprendre la anglais et français qui seront utiles si je voyage plus tard…
- La vie doit être dure ici.
Il m’invita à m’asseoir sur une grosse pierre. D’un large mouvement de bras, il désigna tout l’univers qui nous entourait :
- Regarde et réfléchis.
- J’ai posé le pied dans une merde de chien alors pour l’instant, je ne pense qu’à l’odeur qui traine sous ma basket.
- C’était une déjection humaine ! Tu vois, les gens sont tellement pauvres ici qu’ils sont obligés de chier dans la rue.
- Pourquoi tout ces gens ne partent pas ?
- Pour aller où ? Quand tu nais ici, tu vis ici, tu meurs ici.
- Et toi alors ?
- Moi, c’est différent. Dans le cadre d’un programme promouvant l’éducation, j’ai été choisi par bonheur pour aller à l’école. Dans deux ans, je pars aux USA poursuivre mes études. Si tout va bien, je reviendrais ici dans une dizaine d’année et consacrerais mon argent à développer les bidonvilles.
- Tu as du cœur.
- Tu ne te rends pas compte de la misère que nous subissons au quotidien. Les enfants naissant ici sont condamnés à une vie de merde. Une seule chose leur remonte le moral et rend la vie ici un tant soit peu supportable…
Je regardais au loin. Sur un terrain vague improvisé, de jeunes enfants jouaient balle aux pieds :
- Le football … ?
- Oui le football. C’est une véritable religion ici au Brésil. Mais tu ne m’as pas dis ce que tu faisais ici. Pourquoi es-tu venu à Rio ?
Je regardais au loin vers la statut du Christ Rédempteur. Je distinguais vaguement le quartier ou vivait Clara :
- Pour aider un vieil homme à réaliser son dernier rêve…
- Moi aussi j’ai un rêve…
- Et je peux peut-être t’aider à le réaliser.
*
Papy rejoignait la cuisine. Niña préparait du pain. Elle laissa tomber sa pate sur la table et regarda son père dans les yeux :
- Pai murmura-elle sans trop y croire.
- Niña.
Il se rapprocha d’elle et lui caressa la joue :
- J’ai cru ne plus jamais te revoir dit-elle les yeux brillants
- Je ne pouvais pas partir sans te revoir dit-il en passant la main dans les cheveux de sa fille.
Clara descendit les escaliers l’humeur chancelante :
- Je vais voir Paulõ dit Niña à sa mère.
- Oui, va ma fille. Fais attention.
Elle s’assit à table et continuait de pétrir la pâte sans prononcer un mot. Alors qu’elle se leva pour se laver les mains, elle prononça quelques mots :
- Pourquoi n’es tu pas revenu plus tôt…
- Je ne sais pas…
- Combien de temps ?
- Six mois en étant pessimistes, deux ans tout au plus.
- Putain !
- J’ai tout laissé derrière moi pour passer mes derniers moments … avec toi.
Une larme coula le long de la joue de Clara. Elle se passa un peu d’eau froide sur le visage et s’appuya sur le lavabo, fixant l’horizon à travers la baie vitrée :
- Ne te mets pas dans tous ses états.
- Tu ne disparais pendant plus de vingt ans, tu débarques à l’improviste, tu m’annonces que tu as un cancer et tu crois que je vais sauter au plafond ! s’emporta-t-elle.
- Ce n’est pas ce que je voulais dire…
- J-je vais aller faire les courses au marché.
- Je t’accompagne dit-il en saisissant son bras.
*
J’entrais dans une maison rudimentaire, si l’on peut appeler cela une maison. Résidu de matériaux serait une expression plus exacte. Alfonso me présenta sa mère, Ana et son vieux père, Tito. Le père désigna une table en bois bancale et m’invita à m’y asseoir. La mère épluchait des patates, les glissa dans une coupelle et les cuit. Ils voulaient que je partage leur repas, chose que je refusais.
Une jeune fille entra dans la maison. Les cheveux noirs et frisés, le teint mate, très grande, aux jambes interminables et avec un sourire impeccable :
- Je te présente Sara, ma sœur me dit Alfonso. :)
- Elle parle français ?
- Non, juste portugais…
Je la saluais d’un signe de tête alors qu’elle s’installa à côté de nous. Dehors, des cris retentirent. Un bulldozer venait de détruire une bicoque à la limite du quartier d’affaire :
- Détruisez ! Détruisez tout ! cria un ouvrier dans son mégaphone.
*
Le jour se levait sur Nantes, Cher ouvrit les yeux. Elle s’étira en attendant patiemment son petit déjeuner et que Laura lui donna des nouvelles de sa mère. La voilà justement qui pénètre dans la chambre :
- « Alors alors ?! »
- Elle se repose, elle à été opéré dans la nuit et tout s’est bien passé. Ne t’en fais pas et continue de te reposer.
- « Je me sens bien, quand pourrais-je remarcher ? »
- Il va falloir patienter dit-elle.
- « Et parler ? » se risqua-elle à écrire.
- Peut-être un jour…
- « Jamais hein. Vas-y dis le moi tout de suite. Je ne suis plus à ça près »
- Ne sois pas si pessimiste, tu reparleras un jour. Je te le promets. On trouvera une solution et un traitement.
- « Mais qu’est-ce que j’ai ! »
- On n’en sait rien justement…
Cher soupira et pensa à sa mère…
*
Je m’approchais avec Alfonso du monstre d’acier. Une petite équipe d’une dizaine de personne manipulait sans retenu pelleteuses et bulldozers :
- Les familles du quartier est ont une heure pour déménager. Passez ce délai, nous raserons tout ! Ici se situera l’emplacement du nouveau centre financier de Rio de Janeiro !
Les familles affolées se démenaient et une cohue se forma. La plupart ressortirent avec quelques objets sous les bras qui dans tout les cas n’avaient pas de valeur. Il était inutile de discuter avec le gouvernement et il le savait bien. A ses yeux, tous ces misérables pouilleux étaient réfractaires au progrès et ne servait à rien…
Cette attitude me révoltait au plus au point, moi, l’Occidental français qui n’avait aucune idée de ce que le mot misère voulait dire. Je m’avançais vers les engins qui commençaient leur entreprise de démolition. Une femme pleura en voyant sa bicoque détruite en un coup de pelleteuse :
- Ou iront tout ses gens m’emportais-je dans un anglais plutôt correct.
- On s’en fout petit, on se contente d’obéir aux ordres ! Dégages de là si tu veux pas avoir d’ennui.
Alfonso me fit signe qu’il était inutile de lutter. Sa maison se situait dans le quartier Nord mais il savait que, tôt ou tard, lui aussi devrait déménager car l’expansion de Rio ne s’arrêtait pas. Je m’emparais d’une ridicule pierre qui trainait sous mes pieds et la balançait de toute mes forces sur le bulldozer :
- Fils de pute !
Le conducteur vit la vitre se briser sous le choc et descendit me voir. Sans doute pour échanger autre chose que des amabilités. Alfonso me saisit par le bras et me recommanda de courir, et vite…
*
Papy et Clara revinrent du marché le sac rempli de victuailles. Clara s’été calmé et avait accepté la situation de papy, bien consciente de la chance qu’elle avait de pouvoir le contempler encore une fois. Une fois le petit portique franchis, elle ouvrit la baie vitrée et pénétra dans la maison. Papy la suivait derrière et ne pouvait s’empêcher d’admirer son magnifique fessier :
- Je n’ai pas changé de lit depuis la dernière fois dit-elle en refermant la porte.
- Il tient encore debout ? Nous l’avions sacrément endommagé la dernière fois dit papy
- Allons voir s’il résistera à un dernier voyage dit-elle en l’empoignant par le col.
Elle l’embrassa goulument. Au bout d’un moment, elle desserra son étreinte et, main dans la main, ils montèrent à l’étage.
En rentrant, Niña entendit les vieux ressorts grincer et ressortit sans faire de bruits…
Elle voulait parler à sa mère d’un important problème mais elle ne voulait pas gâcher ce qui se passait en ce moment même dans la petite maison. Elle descendit la petite ruelle et voyait au loin l’immense poussière qui s’élevait du chantier de démolition. Elle eut une pensée pour ses pauvres habitants et décida de se rendre là-bas d’un pas décidé.
*
- Tu as de la visite dit Loïc en entrant dans la chambre.
- « Qui cela peut-bien être ? » écrivit-elle en souriant.
- Ton père !
- « J’avais presque oublié que j’en avais un »
Elle leva les yeux au ciel et fixa la porte. David entra et embrassa sa fille qui ne manifestait aucun signe à son égard :
- Je ne suis pas le bienvenu ?
Aucune réponse de Cher qui ne prit même pas la peine d’écrire. Son père la regarda tendrement et passa sa main dans les cheveux de sa fille :
- Pourquoi ne me parles-tu pas ?
- « J’aimerais bien mais je suis muette ! »
- Mais, ta mère ne m’a rien dit.
- « Tu aurais peut-être du commencer par être plus souvent à la maison ! »
- Justement bébé. Je sais qu’en ce moment tu traverses un moment très difficile mais je dois partir.
- « Pourquoi ? » dit Cher en regardant intensément son père
- Ta mère t’expliquera. Adieu Cher…
Son père franchit la porte sans se retourner :
- Papa !!! hurla Cher en pleurant. Papa !
*
- Je vous en pris, on ne peut pas faire ça à une fille qui à déjà tant subit ! dit Laura exaspéré qui faisait les cent pas dans la chambre de Kelly
- Nous allons devoir la débrancher. Les lésions crâniennes combinées au coma éthylique n’ont laissé aucune chance de survie.
- Ce n’est pas possible dit Laura en se prenant la tête entre les mains.
- La vie est bien triste parfois je le conçois.
- Ce sera à Cher de décider quand l’on débranchera sa mère.
- Je vous laisse le soin d’annoncer la terrible nouvelle.
- J’irais la voir cette après-midi même.
- Merci Laura.
Cette matinée là, à l’hôpital de Nantes, une adulte anglaise venait de décéder d’un accident stupide à causes de blessures que seul la mort pouvait atténuer…
*
- filho da puta !
Cette injure m’était destinée par l’aimable conducteur du bulldozer que j’avais précédemment insulté. Entraîné par Alfonso, je remontais les bidonvilles manquant de heurter un jeune homme cherchant son ballon parmi les débris. Mon genou heurta violemment un bout de bois en travers du chemin :
- Cours, ils plaisantent pas ici, s’ils t’attrapent …
Le conducteur au visage pale, courait vite malgré son ventre enrobé. Comme quoi les apparences sont souvent trompeuses…
Nous passions devant la baraque d’Alfonso. Il siffla deux coups brefs et Sara vint sur le pas de la porte. Alfonso lui adressa un clin d’œil et ralentit l’allure. Sara alpagua le conducteur dans sa course d’un regard ensorcelé :
- Tu sais que t’es mignon toi ?
Le conducteur ne dis pas un mot et resté béat au milieu de l’allé à fixer la superbe poitrine de Sara :
- Elle est en train de le séduire ?
- Juste pour lui extorquer son argent…
- Ce n’est pas illégal ?
- Faut bien vivre…
Admettons, j’étais au Brésil et les mœurs et coutumes étaient bien différentes d’en France mais quand même. Je devais cependant une fière chandelle à Sara qui rentrait dans la maison avec le vieil homme qui se dodelinait en rentrant tout souriant :
- 150 reals en plus dit Alfonso tout content
- Quelle horreur de devoir s’abaisser à ce niveau…
- Quand tu repartiras, tu ne regarderas plus jamais le monde de la même façon.
- C’est déjà le cas dis-je en m’asseyant sur une pierre.
*
Laura remontait les couloirs de l’hôpital. Elle hésita à nouveau et retourna à la cafétéria. Elle se prit une nouvelle tasse de café, fort. Elle tremblait de tout son corps. Elle s’asseyait, ferma les yeux et essayait tant bien que mal de se détendre mais rien n’y fit. Elle devait aller voir Cher, il était déjà 16 heures. Elle regarda les minutes défiler alors que le docteur entra brusquement dans la pièce. Laura laissa échapper un cri et sa tasse se fracassa sur le sol :
- Tu es sur que ça va Laura ?
- Je vais y aller ne vous inquiéter pas…
- Ce sera un plus mauvais moment à passer pour elle que pour vous.
- C’est cela qui me met mal…
Le vieux médecin réajusta ses lunettes et resta longuement à côté de Laura. Ils regardèrent par la fenêtre l’horizon. Le soleil était encore haut dans le ciel et les nuages s’amoncelaient progressivement au dessus de Nantes.
Laura prit une grande inspiration et ferma la porte. Elle croisa Loïc en chemin qui l’encouragea du mieux qu’il put. Elle arriva devant la chambre de Cher. Elle découvrit la jeune femme en pleure, sur son lit, les mouchoirs sur la table de chevet la recouvrant. Elle regarda Laura avec tristesse et dépit. A ce moment, Laura ne savait plus que faire :
- Que c’est-il passé Cher ?
- C-c’est papa articula-elle en sanglotant.
- Tu parles ! s’exclama Laura un grand sourire aux lèvres.
- Mais je souffre…
- Que c’est-il passé avec ton père ?
- Il est revenu et… il est parti dit-elle en fondant à nouveau en larme
Laura regarda longuement Cher et la prit dans ses bras la réconfortant bien consciente que la nouvelle à encaisser serait tout aussi dure :
- Ecoute Cher, j’ai quelque chose de terrible à t’annoncer…
- Putain que c’est-il encore passé dit-elle en essuyant une larme au coin de sa joue.
- C-c’est ta maman articula Laura avec beaucoup d’émotion
- M-maman dit Cher horrifiée.
- Oui, maman…
- Non !! Pas maman, pas elle. Tout mais pas ça ! Maman…
Et elle pleura à nouveau…
*
Je laissais Alfonso seul, lui promettant de revenir très rapidement. Il fit des grands signes avec ses bras en me voyant m’éloigner. Je redescendais dans les petites rues de Rio alors que je croisais Niña, marchant d’un pas pressé :
- Eh ou vas-tu l’interpellais-je ?
- Aider les enfants des favelas comme je le fais souvent.
- Attention, ça chauffe là haut.
- Tu t’es aventuré là bas ! Mais tu es fou. C’est très dangereux.
- Mais il ne m’est rien arrivé, on m’a même très bien accueilli.
- Tu as eu de la chance mais promet moi de ne plus jamais retourner là bas.
- J’y retournerais dès demain que tu le veuilles ou non.
Je ne lui laissais pas le temps de répondre et dévalait la pente croisant un vendeur de barbaque. Je franchis le petit portique blanc et entra dans la maison. Papy et Clara étaient dans le canapé, à regardé une série brésilienne, blottis l’un contre l’autre. Ils étaient heureux, à quelques kilomètres à peine, d’autres l’étaient beaucoup moins.
Alors que je me servis un verre d’eau et m’apprêtais à les rejoindre, je sentis une vive douleur dans la nuque. Tout se brouillait autour de moi. J’avais la tremblote et me laissais tomber par terre, comme si l’on m’avait coupé les jambes. Mon corps, désormais incontrôlable, fut prit de convulsions. Je vis papy et Clara se précipiter vers moi mais je ne ressentais déjà plus rien, je fermais alors les yeux…
*
Cher n’en pouvait plus. Déjà une heure qu’elle pleurait et criait, toute seule dans sa chambre. Si quelqu’un la voyait, il l’aurait pris pour une folle. Après tout, c’est peut-être ce qu’elle était en train de devenir. Après avoir vécu ce qu’elle est en train de vivre, n’importe qui serait complètement déboussolé :
- Maman !!! cria-elle encore une fois.
Impuissante, elle en voulait au monde entier. Elle ne voulait voir personne. Elle voulait juste souffrir, pleurer et crier à loisir. Tout était arrivé si vite, tout allait si bien jusqu’à…, jusqu’à ce coup de feu. A partir de ce moment, c’était comme si une malédiction la poursuivait inlassablement. Puis il y à eu ensuite l’accident de train, l’espace d’un instant, la mort puis, à nouveau, la vie. De nombreuses semaines de souffrance, de combat. Et à nouveau, le malheur, son père qui part et sa mère, qui décède…
- Maman… murmura-elle.
- Ne pleure plus ma fille.
Cher vit sa mère dans l’encadrement du mur, se tenant calmement, droite. Elle s’avança et s’assit sur le lit :
- Je suis en train de devenir folle !!!
Elle tendit la main pour toucher sa mère mais sa main passa … au travers :
- M-maman. Je t’en pris, reste ave moi. Tu es la seule chose qu’il me reste !
- Non tu te trompes Cher, il te reste encore quelque chose…
- Et quoi donc ? dit-elle en versant une larme.
- L’amour. Profite-en. Ta mère n’a jamais connu le vrai amour.
- Mais papa…
- Ta mère n’a jamais connu le vrai amour insista la mère de Cher en la regardant droit dans les yeux.
Cher baissa les yeux et réfléchit :
- Je dois y aller. Adieu Cher. Tu as été la meilleure chose qu’il me soit arrivée dans ma vie.
- Adieu maman…
Kelly disparut aussi furtivement qu’elle était apparue. Bizarrement, cette visite inopinée avait fait plus de mal que de bien à Cher. Pour la bonne et simple raison qu’elle avait put dire au revoir à sa mère.
Adieu maman… murmura-elle une dernière fois.
Cette nuit là, elle fit un rêve, un rêve étrange.
« Je suis avec ma mère, à Birmingham, dans le petit parc ou elle avait l’habitude d’aller pour se promener et oublier tout ses problèmes. Nous marchons main dans la main et elle s’amuse à me porter comme quand j’étais plus petite. Je rigole et souris. Je suis heureuse. Nous marchons sur les petits sentiers tortueux. Partout, des arbres, des bosquets, des bancs. Sur la pelouse, des enfants jouent au volant tandis que d’autres se font des passes avec un ballon. Je ne me suis jamais sentie aussi vivante. Je voudrais que cet instant dure éternellement. Maman me regarde et me sourit. Je l’ai rarement vue sourire aussi franchement. Souvent, cela ne servait qu’à masquer la tristesse qui sévissait au fond de son cœur. Nous nous asseyons sur un banc. L’atmosphère et douce, l’été approche. Nous restons là à contempler ce paysage, ce merveilleux paysage. Un homme arrive. Je ne parviens pas à bien le discerner mais quand il approche, je le reconnais soudain. C’est papa. Il s’assoit sur le banc d’en face et semble nous ignorer. Peut-être ne nous voit-il même pas. Une jeune fille arrive. Elle à les cheveux mi-longs, blonds et n’est pas très grande. Tout d’un coup, le parc s’effondre autour de nous. Il ne reste que du blanc et puis, les deux bancs ou la jeune fille rejoint désormais papa. Une larme coule sur la joue de maman qui reste là, impassible, sans rien dire. La jeune fille embrasse papa. Cette vision m’horripile mais je ne peux rien dire, aucun son ne sort de ma bouche. Je reste là, à regarder. Maman pose une main sur mon épaule qui se veut réconfortante. Elle continue de pleurer. Je la regarde, ne dis rien et continue d’observer la scène en face de moi, comme l’on regarde un film. Le banc laisse désormais place à un lit, le lit de papa et maman. Il y a bien papa dans le lit mais l’autre personne n’est pas maman. Maman me regarde droit dans les yeux :
- Tu comprends maintenant Cher.
- Oui maman murmurais-je alors qu’une larme coulait le long de ma joue.
- Alors je peux partir tranquille.
- Reste encore un peu je t’en prie.
- Je ne peux pas chérie. Adieu.
- Je te rejoindrais.
- Promets moi que ça ne sera pas tout de suite dit-elle en posant sa main sur ma joue.
- Promis… »
Cher sursauta et alluma sa lampe de chevet. Elle essuya son front qui transpirait avec un mouchoir et tenta de remettre un peu d’ordre dans ses pensées. Ce n’était qu’un rêve. Un rêve, mais trop troublant pour n’être qu’un rêve. D’abord elle voit sa mère et puis ce rêve…
Elle resta évasive, sur son lit, perdue dans ses pensées. Elle ne parvint pas à se rendormir et le jour se levait sur Nantes. Cher avait les yeux rouges et des cernes, après avoir trop pleurée et peu dormie…
Laura entra dans la chambre et annonça solennellement :
- Nous attendons ton accord pour la débrancher dit-elle les mains jointes.
- Je veux la voir une dernière fois murmura Cher.
- Tu es sur que ça va aller ?
- Je veux la voir une dernière fois répéta Cher toujours aussi calmement
Laura acquiesça en silence. Cher ne pouvait toujours pas marcher. Un fauteuil fut amené et elle remonta les travées de l’hôpital. Elle entra dans une salle sombre baignée par une légère lumière rouge.
Un appareil sophistiqué maintenait Kelly en vie, artificiellement :
- Je veux rester avec elle quelques minutes.
Laura sortit en prenant soin de bien refermer la porte. Cher prit la main de sa mère et une longue larme coula le long de sa joue. Jamais de sa vie elle ne s’était sentie aussi triste qu’en cette chaude matinée du moi d’août. Les yeux de sa mère étaient encore ouverts. Cher les ferma précautionneusement. Elle murmura quelques paroles anglaises et pria. Elle était souvent allée à l’Eglise le dimanche mais n’avait jamais été croyante. Pourtant, après tout ces malheurs, après que son dernier soutien soit parti, elle avait besoin d’aide :
- S’il vous plait Seigneur, prenez soin d’elle.
Cher adressa un dernier regard à sa mère, effleura son visage et sortit, émue…
- Notez l’heure du décès 11h26 dit le Dr Mater
- Laura s’exécuta alors qu’elle venait quelques minutes plus tôt de débranché Kelly.
Un long drap blanc recouvrait le corps de la défunte. Cher était retournée dans sa chambre. Loïc entrait au même moment, amenant le plateau repas :
- Ou vais-je vivre maintenant demanda-elle
- Quel âge as-tu ?
- 17 ans.
- Mais tu as toujours un père non ?
- Je n’ai plus rien maintenant dit-elle froidement.
- Eh bien je ne vois pas d’autre situation que d’aller en famille d’accueil jusqu’à ta majorité.
- De toute façon, je vais encore rester un bon moment ici non ?
- Sans doute oui. Je dois y aller, surtout si tu as besoin de quoi que ce soit n’hésite pas.
Loïc sortit précipitamment et Cher dégusta les carottes écrasés et le steak à moitié carbonisé…
Quelle vie pensa-elle.
*
Une semaine à passé. Je m’étire et me retrouve dans un lit d’hôpital. J’ai une grosse bosse à l’arrière de la nuque mais me sens en pleine forme. J’attends une heure, puis deux quand un médecin rentre :
- Senhor acordou dit-il la mine réjouie.
Je ne comprenais pas mais fit « oui » d’un signe de tête. Il m’ausculta, me fit tirer la langue, testa mes réflexes. Rien d’anormal à ce qu’il parait
*
- Plus vite, plus fort !!!
Le téléphone sonna, interrompant la partie de galipette entreprise par Clara et papy. Clara se vêtue d’un drap léger et se précipita au rez-de-chaussée. En décrochant, elle laissa tomber malencontreusement son drap. La fenêtre était ouverte et au dehors, un adolescent siffla d’admiration.
Clara de mauvaise humeur répondit en pointant son majeur en direction du jeune homme qui fit la moue et passa son chemin :
- Allo dit-elle en remettant ses draps autour de sa taille.
- Mme Cruz, il s’est réveillé.
- Dieu merci, comment-va-il ?
- Bien, très bien. Je n’ai détecté aucune anomalie, vous pouvez venir le chercher.
- Nous venons immédiatement.
Clara remonta à l’étage et attrapa un vieux t-shirt et un jean délavé :
- Dépêche toi et habilles-toi.
- Mais, on n’avait pas fini…
- Ton p’tit-fils s’est réveillé. Je te promets que l’on finira ce soir dit-elle en l’embrassant.
Papy s’habilla en toute hâte. Clara sortit la vieille Peugeot. La voiture cala dans la rue, puis redémarra et maintenait une bonne allure jusqu’à l’hôpital de Rio. Les immeubles défilaient et au bout d’une demi-heure, ils arrivèrent devant l’immense hôpital. Clara gara la voiture et les deux amoureux se dépêchèrent d’entrer.
On les mena à la chambre 313, un signe peut-être ?
*
Exceptionnellement, Cher à obtenu l’autorisation de sortir de l’hôpital. En fauteuil et accompagnée de Laura, elle se rend au cimetière pour un dernier adieu…
*
Je me redressais sur mon lit alors que la porte s’ouvrit. Clara entra la première et papy la suivit. Elle échangea quelques mots avec l’infirmier qui partit nous laissant tous les trois seuls. Je me remettais tranquillement de mon repos forcé d’une semaine mais était encore quelque peu fébrile. J’avais malgré tout trouvé la force d’aller aux toilettes tout à l’heure :
- Que c’est-il passé ?
- Le changement de climat. C’est courant ici que des européens fassent des malaises en arrivant attesta Clara.
- Mais, la douleur dans la nuque. Comme si l’on m’avait frappé.
- Il n’y avait personne dans la maison rétorqua Clara. Et comment expliquerais-tu les convulsions dans ce cas ?
- Je n’en sais rien. Mais je me sens bien. Je sors bientôt ?
- Tout de suite dit papy avec un grand sourire. Habille toi mon grand.
Il me tendit un caleçon, un short et un T-shirt. Ils sortirent. Je me préparais en toute hâte et les rejoignit quelques minutes plus tard. Après que Clara ait remplie un formulaire, nous rentrâmes à la maison. Je montais dans ma chambre pendant que papy et Clara restèrent discuter en bas dans le salon. Quand je redescendis, ils avaient une annonce à me faire :
- Ce soir, ta tante t’emmènera visiter la ville.
- Et vous ?
- Nous on reste là répondit Clara en esquissant un sourire.
Je m’exécutais sans répondre bien que cela ne m’enchantait pas particulièrement. Niña passa me prendre à 20h00. On mangea dans un petit restaurant sympa à l’atmosphère convivial. Un grand écran plasma retransmettait le choc du week-end Cruzero-Botafogo. Les cris étaient nombreux à chaque action dangereuse et les premiers ivrognes ne tardaient pas être jetés dehors par le patron. Niña me proposa ensuite d’aller au cinéma ce que j’acceptais sans broncher.
Le film était en portugais et bien entendu, je ne compris absolument rien. Vers 23h00, nous sortions de la salle obscure :
- On rentre ?
- Je ne pense pas non…
- Pourquoi ?
- Ma mère et ton grand-père voulaient passer la soirée seule, tu dormiras chez moi.
- J’imagine que je n’ai pas trop le choix.
Je rentrais dans la petite maison de Niña, située à à peine une rue de celle de sa mère. Elle me désigna une chambre d’ami si l’on peut l’appeler comme tel. Il n’y avait qu’un vieux lit au matelas défoncé. Un ressort dépassé et je compris bien vite que la nuit ne serait pas de tout repos. Ce voyage que je pensais sympa commençait à me saouler plus qu’autres chose.
Vers 1 heure du matin, je quittais sans bruit la petite maison. J’ouvris avec précaution la porte et remonta la rue. A ce genre d’heure, les mauvaises rencontres étaient fréquentes mais j’empruntais les rues ou encore de nombreuses personnes circulaient. J’arrivais devant la maison de Clara et entrait à tâtons. Je montais à l’étage et me glissait bien au chaud dans les couettes et même les hurlements incessants de Clara ne m’empêchèrent pas de m’endormir paisiblement…
*
Quelques personnes se trouvaient à la cérémonie. Cher, Laura, Janet et Philippe, mais pas David. La cérémonie se passa dans la petite église du village. Kelly n’avait pas formulé de souhaits particuliers après sa mort, ni de testament…
L’émotion était à son comble lorsque le vieux prêtre termina de prononcer la prière. Cher s’approcha et regarda une dernière fois le visage de sa mère. Elle était pâle, très pâle et tenait un bouquet de fleur. Cher posa quelques pétales sur le cercueil.
Le lendemain, l’enterrement au cimetière aurait lieu. Ce fut ce coup ci Loïc qui accompagna Cher. Elle assistait, impuissante, à la descente longue du cercueil. Une fois de plus comme si souvent ces derniers temps, elle pleura. Loïc la consola du mieux qu’il put. Il savait malgré tout que pour cette jeune fille, sa vie avait définitivement basculée.
Le soir, Cher saisit fébrilement son portable. Elle ne l’avait toujours pas allumé depuis l’accident. Lui aussi avait survécu et était même en bon état.
Elle l’alluma et envoya un SMS court et concis à quelqu’un :
« Je t’en prie, reviens vite. J’ai besoin de toi. Sinon, je sens que je vais faire une bêtise...
Je t’aime »
*
Alors que je sortais acheter du pain comme me l’avait demandé Clara, mon portable bippa, c’était un message de Cher :
« Je t’en prie, reviens vite. J’ai besoin de toi. Sinon, je sens que je vais faire une bêtise…
Je t’aime »
J’aurais encore eu tellement à faire mais ce message me déboussola complètement. J’étais là dans la rue, mon pain à la main, l’air hébétait, fixant au loin la côte. Je rentrais en vitesse à la maison. Un taxi faillit me renverser mais la chance était avec moi aujourd’hui. Je sentais qu’il n’y avait pas une minute à perdre et qu’il fallait saisir un avion rapidement. Arrivé chez Clara, j’étais en sueur et papy s’étonna de mon état :
- Tu sais, tu pouvais prendre ton temps, on ne mange pas tout de suite me dit Clara.
- Je dois rentrer ! Et tout de suite ! m’exclamais-je.
- Déjà, mais pourquoi me dit papy.
- Je ne peux pas t’expliquer mais c’est important. Il faut que je prenne le premier avion pour la France.
- Je ne sais pas ce qu’il y à mais je te crois me dit Clara. Je t’emmène à l’aéroport tout de suite !
- Je viens aussi dis papy
Je fis ma valise, rassembla mes affaire en vitesse et papy balança le tout dans le coffre de la vieille Peugeot. Elle cala alors que nous arrivions au feu rouge :
- Putain pas maintenant ! s’écria Clara en levant les bras au ciel.
Elle sortit et tendit son pouce, abandonnant ce qu’il restait de la voiture sur le bord du trottoir. Un conducteur consentit à nous emmener à l’aéroport ou il se rendait aussi. Après une demi-heure de cavalcade dans les ruelles étroites de Rio, nous arrivions sur la nationale. L’aéroport s’étalait enfin devant nos yeux et je soupirais de soulagement. Nous descendîmes avec mes bagages et nous dirigions vers le hall de l’aéroport.
Je regardais l’immense tableau indiquant les horaires des vols, il était 11h30 et un vol pour Paris partait à 14 heures :
- Parfait m’exclamais-je. Je prends le vol de 14 heures, je serais arrivé demain dans la matinée.
- Tu veux donc vraiment partir. Mais pourquoi ? me dit Clara soudainement attristée.
- Je ne peux pas, je ne veux pas…
Nous enregistrions mes bagages. Il nous restait deux heures à patienter et nous nous installâmes dans un restaurant qui surplombait l’aéroport. Les longs courriers et les petits avions décollaient et atterrissaient sans interruption.
L’heure du départ arrivait, je regardais papy pour la dernière fois, ému :
- Au revoir mon p’tit J-F, je suis content de t’avoir vu une dernière fois.
- Adieu papy. Profite bien de ces derniers mois. Je penserais souvent à toi.
Je serrais papy dans mes bras et embrassait Clara. Elle, j’étais sure que ce n’était pas la dernière fois que je la verrais …
Je me dirigeais vers le tarmac et me mêlait dans la foule de voyageurs. Je les voyais agiter leurs bras au loin mais déjà, leur visage disparaissait et je me laissais emporter par le flot de voyageur.
14h00, l’avion décolle.
*
11h00, Paris. Les roues de l’avion se posent sur le sol français. Je m’étire mais pas le temps de roupiller, je dois trouver le moyen de rejoindre Nantes le plus vite possible. J’ai échangé les real brésiliens que papy m’a donné et je dispose à présent de 652 €. Suffisant pour me rendre sur la côté en taxi.
Je trouve finalement un taxi qui accepte cette course de traverser la moitié de la France. Les paysages défilent devant moi, nous passons par la Loire, Orléans. Plus loin, j’aperçois le château de Chambord. Nous traversons Blois, puis Tours pour remonter vers Angers ou le chauffeur fait une pause et avale un sandwich en vitesse.
Il est 16h30 quand enfin, un panneau annonce Nantes à moins de cinquante kilomètres. Le chauffeur appuie sur l’accélérateur en échange d’un léger supplément. Finalement, nous arrivons alors que les travailleurs commencent à rentrer. Pris dans les bouchons, le temps défile à la fois vite et lentement.
Nous parvenons finalement devant un hôtel juste en face de l’hôpital, celui ou j’avais passé une nuit avec Kelly, il n’y à pas si longtemps que ça. Je prends la valise, paye le chauffeur et réserve une chambre, la même que la dernière fois.
Une fois ma valise posée, je me précipite en direction de l’hôpital, j’arrive dans le hall et m’approche de l’accueil :
- Je veux voir Cher, chambre 313 !
- La personne en chambre 313 à été évacuée dans la matinée.
- Evacuée !
- Oui, pour cause de …
Il règne une sorte de frénésie dans cet aéroport. Les gens sont toujours plus pressés, vont toujours plus vite. Nous sommes un peu déboussolés et nous mettons du temps avant de trouver la bonne file. Pas question de prendre l’avion pour Stockholm…
Nous enregistrons nos bagages et passons le traditionnel portique de sécurité ou deux grands vigiles surveillent avec attention les personnes qui passent. Le portique sonne quand papy passe. Il à oublié de retirer son portable. Depuis quelques temps, les contrôles ont été renforcés. Surtout pour les vols à destination du Brésil ou les trafics en tous genres sont nombreux.
Janet et papa sont restés de l’autre côté du portique, main dans la main et nous font de grands signes de la main. Janet rayonnent, impossible de ne pas apercevoir ses magnifiques dents blanches malgré ses quarante ans. Il reste encore une heure à attendre et nous décidons de nous asseoir à une cafétéria pour patienter. Le vol sera long, dix heures, deux de plus que lorsque nous sommes allés aux USA.
Nous nous mêlons désormais à la file de voyageur qui se dirige vers le tarmac. L’avion est grand, immense. C’est un de ces derniers longs courriers capables de transporter plus d’un millier de personnes.
Une hôtesse nous guide gentiment jusqu’à nos places. En tournant la tête, j’aperçois l’aile à travers le hublot. L’avion commence à rouler sur la piste. Les ailes tremblent et semblent fines comme des feuilles de papier. L’avion prend finalement de la vitesse et décolle. Dans dix heures, nous serons arrivés à destination. Autant dire qu’il y avait du temps à tuer. Je pris un livre que j’avais emmené et somnola quelques heures après alors que la nuit tombait sur l’Atlantique. Papy avait pris des somnifères car ils ne supportaient pas l’avion et préférait dormir.
Cher est dans sa chambre. Comme d’habitude… Laura entre dans sa chambre. Depuis qu’elle est ici, Laura et Loïc ont tissé des liens avec Cher et sont devenus très proches d’elle. Elle amène un fauteuil roulant avec elle :
- Bonne nouvelle s’exclama-elle. Le médecin à dit que tu pouvais sortir. Ca te dit une petite balade dans le parc à l’arrière de l’hôpital.
Cher sourit et acquiesça de la tête. Laura lui retira sa perfusion et l’installa dans le fauteuil. Ils empruntèrent l’ascenseur et traversèrent le hall.
Alors j’en suis réduite à ça, me promener en fauteuil roulant. Etre assistée …
Cher ne pouvait se résigner à cette idée mais en même temps, elle était impuissante et ne pouvait de toute façon ni marcher ni effectuer de gestes brusques à cause de son corset.
Fait chier ! pensa-elle.
Malgré tout, elle profita de ce moment. Elle n’était plus sortie depuis un mois. UN MOIS ! Un mois qu’elle n’avait pas respirait le bon air frais et que celui vicié de l’hôpital circulait dans ses poumons. Elle inspira profondément et soupira de bonheur alors que Laura la promenait à travers les allées du parc. Il faisait chaud et elle pensa à J-F. En ce moment, il était en train de voler au dessus de l’Atlantique. Son absence se faisait déjà sentir et elle espérait qu’il reviendrait très vite.
Cela faisait longtemps qu’elle ne s’était pas sentie aussi bien depuis son accident et elle remercia Laura pour cette promenade.
Nous bouclons nos ceintures. Dans dix minutes, nous atterrirons sur le sol brésilien. Les roues crissent et touchent le sol.
Je pose un pied à terre. Ca y est, j’y suis…
Papy me suit et nous remontons les couloirs de l’aéroport. Dehors, l’atmosphère est chaude voire même suffocante. Plus de 35°C à l’ombre. L’aéroport est situé en hauteur et au loin, on peut apercevoir la magnifique eau turquoise ou des milliers de Carioque (habitants de Rio) se baignent.
Papy à pris quelque cours de portugais avant de partir et maitrise plutôt bien la langue malgré l’accent particulier des Brésiliens. Nous récupérons nos affaires et sortons de l’aéroport. Des bus, taxis, TGV partent dans divers directions pour amener les voyageurs à leur destination finale :
- As-tu prévu un endroit ou dormir en attendant que l’on retrouve Clara ?
- Ce ne sont pas les hôtels qui doivent manquer ici.
- Oui tu as raison.
Je ne l’ai pas dis à Papy mais lorsque j’avais rencontré Niña dans l’avion, elle m’avait donné leur adresse. Je préférais malgré tout le laisser chercher un peu. Il sera tellement heureux de découvrir la maison par hasard.
Nous hélons un taxi :
- Oi, Nós quereríamos ir para o hotel mais íntimo.
- Certo répondit le chauffeur.
- Que lui as-tu demandé ?
- De nous déposer à l’hôtel le plus proche.
Au loin, nous pouvons apercevoir la mondialement connue du Christ Rédempteur qui ouvre ses bras bienveillants sur la ville. Alors que nous traversons les quartiers de Rio, nous passons des riches maisons occupés par les familles aisées aux favelas ou des jeunes enfants avec des tenues déchirées jouent au football sur un terrain de terre.
Après 20 minutes, nous arrivons devant un petit hôtel qui m’à l’air d’assez bonnes qualités au premier abord. Mon père donne quelques Real Brésilien au chauffeur en le remerciant pour la course et nous sortons avec nos valises :
- Avec la conversion de mes économies, j’ai une petite fortune ici me dit papy en souriant.
- Combien ?
- 261,306 Real Brésiliens !
- Ca fait combien en euro ?
- 86000 environ.
- Ah oui t’es pas pauvre.
Papy rigola et réserva une chambre pour deux pour seulement deux jours :
- Tu comptes rester si peu de temps ?
- Je ne sais pas si Clara vit toujours à Rio, on aura peut-être à s’enfoncer dans les terres ou à remonter vers Brasilia…
- Je pense que tu peux réserver deux semaines. Je suis sur qu’elle n’à pas bouger.
Et j’en avais même la certitude. Niña m’envoyait un instant un message me demandant quand est-ce que nous arriverions…
Janet est arrivée à New-York. Sa maison à été vendu pour la coquette somme d’une million de dollar. Elle peut désormais partir s’installer en France. Elle tourne sans doute pour la dernière fois la porte de sa spacieuse maison. Encore quelques cartons à faire et cette maison sera plus vide qu’une cellule de prison.
Janet retire son manteau, se dirige à l’étage et range méthodiquement dans un carton ses livres, dans un autre ses photos de famille, quelques coussins…
Dans une semaine, elle sera de retour en France. Et elle espère bien y rester longtemps…
Kelly est accoudée au rebord de la terrasse d’un restaurant en train de fumer une cigarette. Depuis que sa fille était à l’hôpital, elle n’était plus parvenue à décrocher. Son mari arrive et s’installe à une table. Elle arrive quelques minutes plus tard et s’installe en face de lui. En voyant son regard sombre, il devine que quelque chose ne va pas. Il savait que la famille traversait une passe difficile mais … :
- We have to speak David.
Cher vient de changer de chambre. Sa nouvelle est plus grande, plus spacieuse avec une TV dans l’angle. Laura et Loïc ont fait pression pour qu’elle est une meilleure chambre comme on droit les patients qui sont présents pour une longue durée.
Son cœur bat à nouveau régulièrement, les derniers examens sont encourageants.
Pour la première fois depuis longtemps, elle s’endort sereinement…
Le jour se lève sur Rio. Il est 7h30 mais papy est déjà debout, préparé. Il fait déjà plus de 25°C et la journée sera très chaude. Nous descendons dans le salon prendre notre petit déjeuner. J’ai très peu dormi et suis un peu fatigué mais l’impatience de papy me réjouissait au plus au point. On nous apporta un petit déjeuner avec du café, des fruits du pays et quelques viennoiseries :
- Comment comptes-tu procéder pour les retrouver demandais-je
- Très simple, je demande si les gens du coin connaissent une Clara et Niña Cruz.
- Tu n’es pas dans ton petit village de campagne ou tout le monde connait tout le monde. Rio, c’est une ville de plus de six millions d’habitants.
- Quand on y met du cœur, aucune tâche n’est impossible. Ca me prendra le temps qu’il faudra mais je les retrouverais.
- Commence par trouver un annuaire et regarder s’il y à une Clara Cruz ici.
- Et s’ils sont sur liste rouge ?
- Je ne sais pas si cela existe au Brésil…
Nous terminons notre petit-déjeuner et demandons au réceptionniste s’il n’aurait pas, par le plus grand des hasards un annuaire téléphonique :
- Não répondit-il laconiquement.
- Realmente dit papy
- 50 Real dit le réceptionniste
- Escroc lâcha papy en envoyant l’argent.
Le réceptionniste sourit et mis sur la table un énorme annuaire téléphonique. Nous feuilletons les pages mais aucune Clara Cruz à Rio ou dans les villes environnantes.
Papy soupira longuement et rehaussa ses lunettes sur son nez.
Il descendit machinalement dans la rue et alpagua au hasard quelques enfants qui se promenait et une señorita qui faisait ses courses pour leur demandait s’il connaissait une Clara Cruz. Aucune réponse positive bien évidemment. Franchement, je n’avais pas envie de perdre mon temps en de veines recherches. La rue ou habitait Clara se situait à a peine un kilomètre. C’eut été trop bête de s’éloigner je ne sais ou :
- Viens allons nous promener un peu par là dis-je en désignant la rue en question au bout du boulevard ou circulait les voitures.
Papy me suivit avec amertume. Nous remontions la petite rue brésilienne. Les maisons laissaient supposer que leurs habitants sans êtres riches n’étaient pas pauvres. Puis au numéro 45, Clara était debout, sur la pelouse, en train d’étendre du linge.
Elle regarda papy et sourit…
Kelly à la mine renfrognée et est assise sur le siège passager. David conduit, peut-être un peu bourré :
- I’m sorry.
- Fuck ! Fuck and drive !
David ne répondit pas à cette insulte, conscient qu’il était en tort mais il avait fini par tout avouer. Des larmes coulaient le long des joues de Kelly, des larmes de rage et de tristesse. Pour ne rien montrer de son dépit, elle colla sa tête contre la fenêtre et regarda le ciel étoilé.
Pourquoi m’as-tu fait ça pensa-elle.
Ils arrivèrent finalement chez eux. Pendant que David rangea la voiture, Kelly entra dans la maison. Quand il entra à son tour, il remarqua la mine encore plus atterrée de Kelly :
- You leave.
- Why ?
- You leave ! s’exclama Kelly en le menaçant avec un couteau.
Et David partit …
Papy s’approchait du petit portique blanc qui permettait d’entrer dans la demeure. Il le franchit, bouleversé, ébahi, ému, heureux tout simplement. Clara le regardait. Elle avait encore de magnifiques cheveux bruns attachées en chignon. Quelques rides trahissaient toutefois son âge. Elle approchait de la cinquantaine sans doute. Elle portait une robe déchirée et des sandales. Ses yeux verts transpercèrent papy du regard. Il resta scotché sur place, à seulement quelques mètres d’elle, sur une dalle en pierre posée au milieu de la pelouse. Clara aussi ne bougeait pas, elle posa son épingle sur le fil à linge, reposa le t-shirt dans sa caisse et le regarda. Puis lentement, elle se rapprocha de lui. Le temps se suspendit un instant, les secondes ressemblant à des heures. Dans la rue, des enfants passent en vélo. Ils klaxonnent et saluent Clara qui renvoie un signe de main et un joli sourire. Un chien déboule courant après des pigeons grignotant la marchandise tombant du chariot du vendeur ambulant.
Puis elle se rapproche encore, elle n’est désormais plus qu’à quelques mètres, puis quelques centimètres seulement. Papy n’esquisse toujours pas le moindre mouvement. Il se contente de savourer ce moment, un sourire béat aux lèvres. Le vent commence à se lever et Clara défait son chignon, ses cheveux pendent le long de sa fine silhouette.
Je vois Niña dans l’encadrement de porte. Elle observe la scène au loin, trépignant d’impatience. Elle à un foulard dans ses cheveux et est extrêmement petite.
Clara est désormais en face de papy qui rapproche ses lèvres des siennes. Alors que tout laisser à penser qu’ils allaient s’embrasser, elle posa son doigt sur les lèvres de papy :
- Minuto ! s’exclama-elle
Kelly reposa le couteau et se laissa tomber dans le fauteuil. Elle déboucha une bouteille de bière, puis une autre, une autre et encore une. Elle voulait juste oublier, se saouler jusqu’à ne plus rien se souvenir.
Elle se dirigeait vers les toilettes après avoir vidé sa douzième bière. Elle ne se sentait pas bien. Elle titubait, avait un horrible mal de tête, manqua de se prendre par trois fois le mur. Elle emprunta l’escalier. Pourquoi n’était-elle pas allé aux toilettes en bas au lieu d’emprunter cet escalier. Sans doute parce qu’elle n’était plus vraiment maître de ces moyens. Elle grimpa les marches lentement. Elle ripa sur la dernière, dévala les escaliers puis sa tête heurta violemment le plancher. Elle gisait inconsciente, les yeux en direction d’un portrait de famille la montrant, elle, David et Cher, alors âgée de cinq ans…
Cher dormait paisiblement quand Laura entra dans sa chambre. Elle gesticulait dans tout les sens et semblait chercher ses mots. Cher ne comprenait pas et lui faisait signe de s’asseoir sur son lit.
La porte était restée ouverte et dans le couloir, une femme allongée sur un brancard passa. Le visage rappelait vaguement quelque chose à Cher mais rien de bien précis :
- T-ta mère à fait un coma éthylique dit finalement Laura.
Cher ne répondit pas abasourdi. Elle se pinça le bras, par réflexe. Après avoir tiré une moue, elle se rendait compte de la réalité de la scène et agrippa Laura par le bras :
- « Ou est-elle »
- Les médecins vont faire le diagnostic. Ne t’inquiètes pas Cher, ça va bien se passer. Je préférais quand même te le dire.
- « Laisse moi, maintenant je vais bien mais je t’en prie, occupes-toi bien de maman ».
- Je te le promets dit Laura en prenant la main de Cher.
Pendant ce temps, David attendait en bas, dans le hall de l’hôpital, se rongeant les ongles, écrasé par le poids de la culpabilité…
NDLR : Les discussions brésiliennes se feront essentiellement en anglais pour que tout le monde se comprenne mais j’écrirais les dialogues en français.
Papy semblait interloqué par la réaction de Clara qui était pour le moins déconcertante :
- On ne s’est pas vu pendant vingt ans et tu crois que je vais t’accueillir à bras ouverts ! Tu restes combien de temps ?
- Quelques mois ?
- C’est tout ? Pourquoi pas plus ?
- En fait, je reste jusqu’à la fin de mes jours…
- Toujours aussi blagueur. Plusieurs années donc. Je dors toujours dans un lit double et tu pourras t’y installer. Tu verras il est très confortable même si les ressorts grincent un peu.
Clara se détendait et arborait désormais un franc sourire :
- Clara, j’ai un cancer ?
- Cancer ?
- Oui, phase avancée. Je suis condamné.
- Je vais chercher Niña, elle sera ravie de te revoir.
Clara se força à sourire et se rua dans la cuisine le dos tourné. La révélation de papy avait jeté un froid sur la petite maison et le ciel s’assombrit brusquement :
- Je vais vous laisser, je vais faire un tour quelque part.
- Ne t’éloigne pas trop. Le Brésil est tout de même dangereux comme pays. Ce ne sont pas les trafiquants qui manquent.
- Je te prends quoi si j’achète quelque chose ?
- Du haschich fera l’affaire.
Je savais que papy rigolais et descendais la petite ruelle. Je marchais dans le centre-ville mais tout cela, je connaissais et ce n’était pas ça qui m’intéressais. Au loin se trouvait les favelas, c’est là-bas que j’avais décidé de me rendre. Je remontais les rues de Rio me faisant alpaguer par des vendeurs ambulants qui devaient écouler leur stock de produits en tout genre.
Je commençais à arriver dans les bidonvilles. Je fus choqué par la vétusté de l’endroit…
David chassa une larme qui coulait de sa joue. Il était revenu à temps visiblement quand il avait vu Kelly inerte sur le parquet. Il avait immédiatement appelé les secours qui étaient venu aussi rapidement que possible. Il pensait surtout à sa fille, son couple n’était plus, et sa famille s’effritait peu à peu. Il n’avait plus rien. Il connaissait bien Kelly, elle ne lui pardonnerait jamais ce qu’il à fait. Et sa fille non plus d’ailleurs …
Mais si avant de partir, il avait pu sauver sa femme, il en tirerait une maigre consolation. Un médecin se présenta devant David :
- Bonjour monsieur.
- Bonjour. Alors, alors ?
- Coma éthylique, lésions aux crânes, fracture de la cheville. Pas fameux. A-elle eu des problèmes récemment sans vouloir trop m’immiscer dans votre vie privée ?
- Le soir même oui dit David en baissant la tête.
Le médecin tapota l’épaule de David et s’en alla retourner à ses opérations.
A l’étage, Cher ne parvenait pas à retrouver le sommeil. A quelques mètres de là, sa mère était en train de se faire opérer.
Putain maman, pourquoi t’as fait ça !
Laura entra dans la chambre :
- Ils vont l’opérer, dit-elle calmement. Tout devrait bien se passer, je te l’avais dit.
- « I wish it ».
- Ne t’inquiète pas. Ce n’est qu’un mauvais moment à passer. Bientôt, tout redeviendra comme avant.
- « Je crois que l’on à franchi un point de non-retour »
Laura haussa les épaules, remit l’oreiller de Cher bien en place et sortir en éteignant la lumière.
*
Je marchais dans les ruelles en terres des bidonvilles. A droite, une maison en tôle. A gauche, une maison en tôle. Devant, un chien mort. Derrière, les buildings de Rio…
Je continuais d’avancer alors que les jeunes garçons me regardaient avec étonnement. C’était sans doute peu courant qu’un type bien sapé vienne de la ville comme ça.
Une vieille dame s’adressa à moi :
- O que o fazem aqui?
- Sorry, I don’t understand.
- É inglês cria-elle.
Un jeune homme s’approcha de moi :
- Hello, I’m Alfonso. Where do you come from dit il en me tendant la main.
- I come from France.
Il marqua son étonnement d’un froncement de sourcil. Par bonheur, Alfonso parlait français :
- Je suis une des rares personnes da ces favelas qui vont à l’école m’expliqua-il.
- Comment sais-tu le français ?
- En plus da les matières classiques, j’ai choisi d’apprendre la anglais et français qui seront utiles si je voyage plus tard…
- La vie doit être dure ici.
Il m’invita à m’asseoir sur une grosse pierre. D’un large mouvement de bras, il désigna tout l’univers qui nous entourait :
- Regarde et réfléchis.
- J’ai posé le pied dans une merde de chien alors pour l’instant, je ne pense qu’à l’odeur qui traine sous ma basket.
- C’était une déjection humaine ! Tu vois, les gens sont tellement pauvres ici qu’ils sont obligés de chier dans la rue.
- Pourquoi tout ces gens ne partent pas ?
- Pour aller où ? Quand tu nais ici, tu vis ici, tu meurs ici.
- Et toi alors ?
- Moi, c’est différent. Dans le cadre d’un programme promouvant l’éducation, j’ai été choisi par bonheur pour aller à l’école. Dans deux ans, je pars aux USA poursuivre mes études. Si tout va bien, je reviendrais ici dans une dizaine d’année et consacrerais mon argent à développer les bidonvilles.
- Tu as du cœur.
- Tu ne te rends pas compte de la misère que nous subissons au quotidien. Les enfants naissant ici sont condamnés à une vie de merde. Une seule chose leur remonte le moral et rend la vie ici un tant soit peu supportable…
Je regardais au loin. Sur un terrain vague improvisé, de jeunes enfants jouaient balle aux pieds :
- Le football … ?
- Oui le football. C’est une véritable religion ici au Brésil. Mais tu ne m’as pas dis ce que tu faisais ici. Pourquoi es-tu venu à Rio ?
Je regardais au loin vers la statut du Christ Rédempteur. Je distinguais vaguement le quartier ou vivait Clara :
- Pour aider un vieil homme à réaliser son dernier rêve…
- Moi aussi j’ai un rêve…
- Et je peux peut-être t’aider à le réaliser.
Papy rejoignait la cuisine. Niña préparait du pain. Elle laissa tomber sa pate sur la table et regarda son père dans les yeux :
- Pai murmura-elle sans trop y croire.
- Niña.
Il se rapprocha d’elle et lui caressa la joue :
- J’ai cru ne plus jamais te revoir dit-elle les yeux brillants
- Je ne pouvais pas partir sans te revoir dit-il en passant la main dans les cheveux de sa fille.
Clara descendit les escaliers l’humeur chancelante :
- Je vais voir Paulõ dit Niña à sa mère.
- Oui, va ma fille. Fais attention.
Elle s’assit à table et continuait de pétrir la pâte sans prononcer un mot. Alors qu’elle se leva pour se laver les mains, elle prononça quelques mots :
- Pourquoi n’es tu pas revenu plus tôt…
- Je ne sais pas…
- Combien de temps ?
- Six mois en étant pessimistes, deux ans tout au plus.
- Putain !
- J’ai tout laissé derrière moi pour passer mes derniers moments … avec toi.
Une larme coula le long de la joue de Clara. Elle se passa un peu d’eau froide sur le visage et s’appuya sur le lavabo, fixant l’horizon à travers la baie vitrée :
- Ne te mets pas dans tous ses états.
- Tu ne disparais pendant plus de vingt ans, tu débarques à l’improviste, tu m’annonces que tu as un cancer et tu crois que je vais sauter au plafond ! s’emporta-t-elle.
- Ce n’est pas ce que je voulais dire…
- J-je vais aller faire les courses au marché.
- Je t’accompagne dit-il en saisissant son bras.
J’entrais dans une maison rudimentaire, si l’on peut appeler cela une maison. Résidu de matériaux serait une expression plus exacte. Alfonso me présenta sa mère, Ana et son vieux père, Tito. Le père désigna une table en bois bancale et m’invita à m’y asseoir. La mère épluchait des patates, les glissa dans une coupelle et les cuit. Ils voulaient que je partage leur repas, chose que je refusais.
Une jeune fille entra dans la maison. Les cheveux noirs et frisés, le teint mate, très grande, aux jambes interminables et avec un sourire impeccable :
- Je te présente Sara, ma sœur me dit Alfonso. :)
- Elle parle français ?
- Non, juste portugais…
Je la saluais d’un signe de tête alors qu’elle s’installa à côté de nous. Dehors, des cris retentirent. Un bulldozer venait de détruire une bicoque à la limite du quartier d’affaire :
- Détruisez ! Détruisez tout ! cria un ouvrier dans son mégaphone.
Le jour se levait sur Nantes, Cher ouvrit les yeux. Elle s’étira en attendant patiemment son petit déjeuner et que Laura lui donna des nouvelles de sa mère. La voilà justement qui pénètre dans la chambre :
- « Alors alors ?! »
- Elle se repose, elle à été opéré dans la nuit et tout s’est bien passé. Ne t’en fais pas et continue de te reposer.
- « Je me sens bien, quand pourrais-je remarcher ? »
- Il va falloir patienter dit-elle.
- « Et parler ? » se risqua-elle à écrire.
- Peut-être un jour…
- « Jamais hein. Vas-y dis le moi tout de suite. Je ne suis plus à ça près »
- Ne sois pas si pessimiste, tu reparleras un jour. Je te le promets. On trouvera une solution et un traitement.
- « Mais qu’est-ce que j’ai ! »
- On n’en sait rien justement…
Cher soupira et pensa à sa mère…
Je m’approchais avec Alfonso du monstre d’acier. Une petite équipe d’une dizaine de personne manipulait sans retenu pelleteuses et bulldozers :
- Les familles du quartier est ont une heure pour déménager. Passez ce délai, nous raserons tout ! Ici se situera l’emplacement du nouveau centre financier de Rio de Janeiro !
Les familles affolées se démenaient et une cohue se forma. La plupart ressortirent avec quelques objets sous les bras qui dans tout les cas n’avaient pas de valeur. Il était inutile de discuter avec le gouvernement et il le savait bien. A ses yeux, tous ces misérables pouilleux étaient réfractaires au progrès et ne servait à rien…
Cette attitude me révoltait au plus au point, moi, l’Occidental français qui n’avait aucune idée de ce que le mot misère voulait dire. Je m’avançais vers les engins qui commençaient leur entreprise de démolition. Une femme pleura en voyant sa bicoque détruite en un coup de pelleteuse :
- Ou iront tout ses gens m’emportais-je dans un anglais plutôt correct.
- On s’en fout petit, on se contente d’obéir aux ordres ! Dégages de là si tu veux pas avoir d’ennui.
Alfonso me fit signe qu’il était inutile de lutter. Sa maison se situait dans le quartier Nord mais il savait que, tôt ou tard, lui aussi devrait déménager car l’expansion de Rio ne s’arrêtait pas. Je m’emparais d’une ridicule pierre qui trainait sous mes pieds et la balançait de toute mes forces sur le bulldozer :
- Fils de pute !
Le conducteur vit la vitre se briser sous le choc et descendit me voir. Sans doute pour échanger autre chose que des amabilités. Alfonso me saisit par le bras et me recommanda de courir, et vite…
Papy et Clara revinrent du marché le sac rempli de victuailles. Clara s’été calmé et avait accepté la situation de papy, bien consciente de la chance qu’elle avait de pouvoir le contempler encore une fois. Une fois le petit portique franchis, elle ouvrit la baie vitrée et pénétra dans la maison. Papy la suivait derrière et ne pouvait s’empêcher d’admirer son magnifique fessier :
- Je n’ai pas changé de lit depuis la dernière fois dit-elle en refermant la porte.
- Il tient encore debout ? Nous l’avions sacrément endommagé la dernière fois dit papy
- Allons voir s’il résistera à un dernier voyage dit-elle en l’empoignant par le col.
Elle l’embrassa goulument. Au bout d’un moment, elle desserra son étreinte et, main dans la main, ils montèrent à l’étage.
En rentrant, Niña entendit les vieux ressorts grincer et ressortit sans faire de bruits…
Elle voulait parler à sa mère d’un important problème mais elle ne voulait pas gâcher ce qui se passait en ce moment même dans la petite maison. Elle descendit la petite ruelle et voyait au loin l’immense poussière qui s’élevait du chantier de démolition. Elle eut une pensée pour ses pauvres habitants et décida de se rendre là-bas d’un pas décidé.
- Tu as de la visite dit Loïc en entrant dans la chambre.
- « Qui cela peut-bien être ? » écrivit-elle en souriant.
- Ton père !
- « J’avais presque oublié que j’en avais un »
Elle leva les yeux au ciel et fixa la porte. David entra et embrassa sa fille qui ne manifestait aucun signe à son égard :
- Je ne suis pas le bienvenu ?
Aucune réponse de Cher qui ne prit même pas la peine d’écrire. Son père la regarda tendrement et passa sa main dans les cheveux de sa fille :
- Pourquoi ne me parles-tu pas ?
- « J’aimerais bien mais je suis muette ! »
- Mais, ta mère ne m’a rien dit.
- « Tu aurais peut-être du commencer par être plus souvent à la maison ! »
- Justement bébé. Je sais qu’en ce moment tu traverses un moment très difficile mais je dois partir.
- « Pourquoi ? » dit Cher en regardant intensément son père
- Ta mère t’expliquera. Adieu Cher…
Son père franchit la porte sans se retourner :
- Papa !!! hurla Cher en pleurant. Papa !
- Je vous en pris, on ne peut pas faire ça à une fille qui à déjà tant subit ! dit Laura exaspéré qui faisait les cent pas dans la chambre de Kelly
- Nous allons devoir la débrancher. Les lésions crâniennes combinées au coma éthylique n’ont laissé aucune chance de survie.
- Ce n’est pas possible dit Laura en se prenant la tête entre les mains.
- La vie est bien triste parfois je le conçois.
- Ce sera à Cher de décider quand l’on débranchera sa mère.
- Je vous laisse le soin d’annoncer la terrible nouvelle.
- J’irais la voir cette après-midi même.
- Merci Laura.
Cette matinée là, à l’hôpital de Nantes, une adulte anglaise venait de décéder d’un accident stupide à causes de blessures que seul la mort pouvait atténuer…
- filho da puta !
Cette injure m’était destinée par l’aimable conducteur du bulldozer que j’avais précédemment insulté. Entraîné par Alfonso, je remontais les bidonvilles manquant de heurter un jeune homme cherchant son ballon parmi les débris. Mon genou heurta violemment un bout de bois en travers du chemin :
- Cours, ils plaisantent pas ici, s’ils t’attrapent …
Le conducteur au visage pale, courait vite malgré son ventre enrobé. Comme quoi les apparences sont souvent trompeuses…
Nous passions devant la baraque d’Alfonso. Il siffla deux coups brefs et Sara vint sur le pas de la porte. Alfonso lui adressa un clin d’œil et ralentit l’allure. Sara alpagua le conducteur dans sa course d’un regard ensorcelé :
- Tu sais que t’es mignon toi ?
Le conducteur ne dis pas un mot et resté béat au milieu de l’allé à fixer la superbe poitrine de Sara :
- Elle est en train de le séduire ?
- Juste pour lui extorquer son argent…
- Ce n’est pas illégal ?
- Faut bien vivre…
Admettons, j’étais au Brésil et les mœurs et coutumes étaient bien différentes d’en France mais quand même. Je devais cependant une fière chandelle à Sara qui rentrait dans la maison avec le vieil homme qui se dodelinait en rentrant tout souriant :
- 150 reals en plus dit Alfonso tout content
- Quelle horreur de devoir s’abaisser à ce niveau…
- Quand tu repartiras, tu ne regarderas plus jamais le monde de la même façon.
- C’est déjà le cas dis-je en m’asseyant sur une pierre.
Laura remontait les couloirs de l’hôpital. Elle hésita à nouveau et retourna à la cafétéria. Elle se prit une nouvelle tasse de café, fort. Elle tremblait de tout son corps. Elle s’asseyait, ferma les yeux et essayait tant bien que mal de se détendre mais rien n’y fit. Elle devait aller voir Cher, il était déjà 16 heures. Elle regarda les minutes défiler alors que le docteur entra brusquement dans la pièce. Laura laissa échapper un cri et sa tasse se fracassa sur le sol :
- Tu es sur que ça va Laura ?
- Je vais y aller ne vous inquiéter pas…
- Ce sera un plus mauvais moment à passer pour elle que pour vous.
- C’est cela qui me met mal…
Le vieux médecin réajusta ses lunettes et resta longuement à côté de Laura. Ils regardèrent par la fenêtre l’horizon. Le soleil était encore haut dans le ciel et les nuages s’amoncelaient progressivement au dessus de Nantes.
Laura prit une grande inspiration et ferma la porte. Elle croisa Loïc en chemin qui l’encouragea du mieux qu’il put. Elle arriva devant la chambre de Cher. Elle découvrit la jeune femme en pleure, sur son lit, les mouchoirs sur la table de chevet la recouvrant. Elle regarda Laura avec tristesse et dépit. A ce moment, Laura ne savait plus que faire :
- Que c’est-il passé Cher ?
- C-c’est papa articula-elle en sanglotant.
- Tu parles ! s’exclama Laura un grand sourire aux lèvres.
- Mais je souffre…
- Que c’est-il passé avec ton père ?
- Il est revenu et… il est parti dit-elle en fondant à nouveau en larme
Laura regarda longuement Cher et la prit dans ses bras la réconfortant bien consciente que la nouvelle à encaisser serait tout aussi dure :
- Ecoute Cher, j’ai quelque chose de terrible à t’annoncer…
- Putain que c’est-il encore passé dit-elle en essuyant une larme au coin de sa joue.
- C-c’est ta maman articula Laura avec beaucoup d’émotion
- M-maman dit Cher horrifiée.
- Oui, maman…
- Non !! Pas maman, pas elle. Tout mais pas ça ! Maman…
Et elle pleura à nouveau…
Je laissais Alfonso seul, lui promettant de revenir très rapidement. Il fit des grands signes avec ses bras en me voyant m’éloigner. Je redescendais dans les petites rues de Rio alors que je croisais Niña, marchant d’un pas pressé :
- Eh ou vas-tu l’interpellais-je ?
- Aider les enfants des favelas comme je le fais souvent.
- Attention, ça chauffe là haut.
- Tu t’es aventuré là bas ! Mais tu es fou. C’est très dangereux.
- Mais il ne m’est rien arrivé, on m’a même très bien accueilli.
- Tu as eu de la chance mais promet moi de ne plus jamais retourner là bas.
- J’y retournerais dès demain que tu le veuilles ou non.
Je ne lui laissais pas le temps de répondre et dévalait la pente croisant un vendeur de barbaque. Je franchis le petit portique blanc et entra dans la maison. Papy et Clara étaient dans le canapé, à regardé une série brésilienne, blottis l’un contre l’autre. Ils étaient heureux, à quelques kilomètres à peine, d’autres l’étaient beaucoup moins.
Alors que je me servis un verre d’eau et m’apprêtais à les rejoindre, je sentis une vive douleur dans la nuque. Tout se brouillait autour de moi. J’avais la tremblote et me laissais tomber par terre, comme si l’on m’avait coupé les jambes. Mon corps, désormais incontrôlable, fut prit de convulsions. Je vis papy et Clara se précipiter vers moi mais je ne ressentais déjà plus rien, je fermais alors les yeux…
Cher n’en pouvait plus. Déjà une heure qu’elle pleurait et criait, toute seule dans sa chambre. Si quelqu’un la voyait, il l’aurait pris pour une folle. Après tout, c’est peut-être ce qu’elle était en train de devenir. Après avoir vécu ce qu’elle est en train de vivre, n’importe qui serait complètement déboussolé :
- Maman !!! cria-elle encore une fois.
Impuissante, elle en voulait au monde entier. Elle ne voulait voir personne. Elle voulait juste souffrir, pleurer et crier à loisir. Tout était arrivé si vite, tout allait si bien jusqu’à…, jusqu’à ce coup de feu. A partir de ce moment, c’était comme si une malédiction la poursuivait inlassablement. Puis il y à eu ensuite l’accident de train, l’espace d’un instant, la mort puis, à nouveau, la vie. De nombreuses semaines de souffrance, de combat. Et à nouveau, le malheur, son père qui part et sa mère, qui décède…
- Maman… murmura-elle.
- Ne pleure plus ma fille.
Cher vit sa mère dans l’encadrement du mur, se tenant calmement, droite. Elle s’avança et s’assit sur le lit :
- Je suis en train de devenir folle !!!
Elle tendit la main pour toucher sa mère mais sa main passa … au travers :
- M-maman. Je t’en pris, reste ave moi. Tu es la seule chose qu’il me reste !
- Non tu te trompes Cher, il te reste encore quelque chose…
- Et quoi donc ? dit-elle en versant une larme.
- L’amour. Profite-en. Ta mère n’a jamais connu le vrai amour.
- Mais papa…
- Ta mère n’a jamais connu le vrai amour insista la mère de Cher en la regardant droit dans les yeux.
Cher baissa les yeux et réfléchit :
- Je dois y aller. Adieu Cher. Tu as été la meilleure chose qu’il me soit arrivée dans ma vie.
- Adieu maman…
Kelly disparut aussi furtivement qu’elle était apparue. Bizarrement, cette visite inopinée avait fait plus de mal que de bien à Cher. Pour la bonne et simple raison qu’elle avait put dire au revoir à sa mère.
Adieu maman… murmura-elle une dernière fois.
Cette nuit là, elle fit un rêve, un rêve étrange.
« Je suis avec ma mère, à Birmingham, dans le petit parc ou elle avait l’habitude d’aller pour se promener et oublier tout ses problèmes. Nous marchons main dans la main et elle s’amuse à me porter comme quand j’étais plus petite. Je rigole et souris. Je suis heureuse. Nous marchons sur les petits sentiers tortueux. Partout, des arbres, des bosquets, des bancs. Sur la pelouse, des enfants jouent au volant tandis que d’autres se font des passes avec un ballon. Je ne me suis jamais sentie aussi vivante. Je voudrais que cet instant dure éternellement. Maman me regarde et me sourit. Je l’ai rarement vue sourire aussi franchement. Souvent, cela ne servait qu’à masquer la tristesse qui sévissait au fond de son cœur. Nous nous asseyons sur un banc. L’atmosphère et douce, l’été approche. Nous restons là à contempler ce paysage, ce merveilleux paysage. Un homme arrive. Je ne parviens pas à bien le discerner mais quand il approche, je le reconnais soudain. C’est papa. Il s’assoit sur le banc d’en face et semble nous ignorer. Peut-être ne nous voit-il même pas. Une jeune fille arrive. Elle à les cheveux mi-longs, blonds et n’est pas très grande. Tout d’un coup, le parc s’effondre autour de nous. Il ne reste que du blanc et puis, les deux bancs ou la jeune fille rejoint désormais papa. Une larme coule sur la joue de maman qui reste là, impassible, sans rien dire. La jeune fille embrasse papa. Cette vision m’horripile mais je ne peux rien dire, aucun son ne sort de ma bouche. Je reste là, à regarder. Maman pose une main sur mon épaule qui se veut réconfortante. Elle continue de pleurer. Je la regarde, ne dis rien et continue d’observer la scène en face de moi, comme l’on regarde un film. Le banc laisse désormais place à un lit, le lit de papa et maman. Il y a bien papa dans le lit mais l’autre personne n’est pas maman. Maman me regarde droit dans les yeux :
- Tu comprends maintenant Cher.
- Oui maman murmurais-je alors qu’une larme coulait le long de ma joue.
- Alors je peux partir tranquille.
- Reste encore un peu je t’en prie.
- Je ne peux pas chérie. Adieu.
- Je te rejoindrais.
- Promets moi que ça ne sera pas tout de suite dit-elle en posant sa main sur ma joue.
- Promis… »
Cher sursauta et alluma sa lampe de chevet. Elle essuya son front qui transpirait avec un mouchoir et tenta de remettre un peu d’ordre dans ses pensées. Ce n’était qu’un rêve. Un rêve, mais trop troublant pour n’être qu’un rêve. D’abord elle voit sa mère et puis ce rêve…
Elle resta évasive, sur son lit, perdue dans ses pensées. Elle ne parvint pas à se rendormir et le jour se levait sur Nantes. Cher avait les yeux rouges et des cernes, après avoir trop pleurée et peu dormie…
Laura entra dans la chambre et annonça solennellement :
- Nous attendons ton accord pour la débrancher dit-elle les mains jointes.
- Je veux la voir une dernière fois murmura Cher.
- Tu es sur que ça va aller ?
- Je veux la voir une dernière fois répéta Cher toujours aussi calmement
Laura acquiesça en silence. Cher ne pouvait toujours pas marcher. Un fauteuil fut amené et elle remonta les travées de l’hôpital. Elle entra dans une salle sombre baignée par une légère lumière rouge.
Un appareil sophistiqué maintenait Kelly en vie, artificiellement :
- Je veux rester avec elle quelques minutes.
Laura sortit en prenant soin de bien refermer la porte. Cher prit la main de sa mère et une longue larme coula le long de sa joue. Jamais de sa vie elle ne s’était sentie aussi triste qu’en cette chaude matinée du moi d’août. Les yeux de sa mère étaient encore ouverts. Cher les ferma précautionneusement. Elle murmura quelques paroles anglaises et pria. Elle était souvent allée à l’Eglise le dimanche mais n’avait jamais été croyante. Pourtant, après tout ces malheurs, après que son dernier soutien soit parti, elle avait besoin d’aide :
- S’il vous plait Seigneur, prenez soin d’elle.
Cher adressa un dernier regard à sa mère, effleura son visage et sortit, émue…
- Notez l’heure du décès 11h26 dit le Dr Mater
- Laura s’exécuta alors qu’elle venait quelques minutes plus tôt de débranché Kelly.
Un long drap blanc recouvrait le corps de la défunte. Cher était retournée dans sa chambre. Loïc entrait au même moment, amenant le plateau repas :
- Ou vais-je vivre maintenant demanda-elle
- Quel âge as-tu ?
- 17 ans.
- Mais tu as toujours un père non ?
- Je n’ai plus rien maintenant dit-elle froidement.
- Eh bien je ne vois pas d’autre situation que d’aller en famille d’accueil jusqu’à ta majorité.
- De toute façon, je vais encore rester un bon moment ici non ?
- Sans doute oui. Je dois y aller, surtout si tu as besoin de quoi que ce soit n’hésite pas.
Loïc sortit précipitamment et Cher dégusta les carottes écrasés et le steak à moitié carbonisé…
Quelle vie pensa-elle.
Une semaine à passé. Je m’étire et me retrouve dans un lit d’hôpital. J’ai une grosse bosse à l’arrière de la nuque mais me sens en pleine forme. J’attends une heure, puis deux quand un médecin rentre :
- Senhor acordou dit-il la mine réjouie.
Je ne comprenais pas mais fit « oui » d’un signe de tête. Il m’ausculta, me fit tirer la langue, testa mes réflexes. Rien d’anormal à ce qu’il parait
- Plus vite, plus fort !!!
Le téléphone sonna, interrompant la partie de galipette entreprise par Clara et papy. Clara se vêtue d’un drap léger et se précipita au rez-de-chaussée. En décrochant, elle laissa tomber malencontreusement son drap. La fenêtre était ouverte et au dehors, un adolescent siffla d’admiration.
Clara de mauvaise humeur répondit en pointant son majeur en direction du jeune homme qui fit la moue et passa son chemin :
- Allo dit-elle en remettant ses draps autour de sa taille.
- Mme Cruz, il s’est réveillé.
- Dieu merci, comment-va-il ?
- Bien, très bien. Je n’ai détecté aucune anomalie, vous pouvez venir le chercher.
- Nous venons immédiatement.
Clara remonta à l’étage et attrapa un vieux t-shirt et un jean délavé :
- Dépêche toi et habilles-toi.
- Mais, on n’avait pas fini…
- Ton p’tit-fils s’est réveillé. Je te promets que l’on finira ce soir dit-elle en l’embrassant.
Papy s’habilla en toute hâte. Clara sortit la vieille Peugeot. La voiture cala dans la rue, puis redémarra et maintenait une bonne allure jusqu’à l’hôpital de Rio. Les immeubles défilaient et au bout d’une demi-heure, ils arrivèrent devant l’immense hôpital. Clara gara la voiture et les deux amoureux se dépêchèrent d’entrer.
On les mena à la chambre 313, un signe peut-être ?
Exceptionnellement, Cher à obtenu l’autorisation de sortir de l’hôpital. En fauteuil et accompagnée de Laura, elle se rend au cimetière pour un dernier adieu…
Je me redressais sur mon lit alors que la porte s’ouvrit. Clara entra la première et papy la suivit. Elle échangea quelques mots avec l’infirmier qui partit nous laissant tous les trois seuls. Je me remettais tranquillement de mon repos forcé d’une semaine mais était encore quelque peu fébrile. J’avais malgré tout trouvé la force d’aller aux toilettes tout à l’heure :
- Que c’est-il passé ?
- Le changement de climat. C’est courant ici que des européens fassent des malaises en arrivant attesta Clara.
- Mais, la douleur dans la nuque. Comme si l’on m’avait frappé.
- Il n’y avait personne dans la maison rétorqua Clara. Et comment expliquerais-tu les convulsions dans ce cas ?
- Je n’en sais rien. Mais je me sens bien. Je sors bientôt ?
- Tout de suite dit papy avec un grand sourire. Habille toi mon grand.
Il me tendit un caleçon, un short et un T-shirt. Ils sortirent. Je me préparais en toute hâte et les rejoignit quelques minutes plus tard. Après que Clara ait remplie un formulaire, nous rentrâmes à la maison. Je montais dans ma chambre pendant que papy et Clara restèrent discuter en bas dans le salon. Quand je redescendis, ils avaient une annonce à me faire :
- Ce soir, ta tante t’emmènera visiter la ville.
- Et vous ?
- Nous on reste là répondit Clara en esquissant un sourire.
Je m’exécutais sans répondre bien que cela ne m’enchantait pas particulièrement. Niña passa me prendre à 20h00. On mangea dans un petit restaurant sympa à l’atmosphère convivial. Un grand écran plasma retransmettait le choc du week-end Cruzero-Botafogo. Les cris étaient nombreux à chaque action dangereuse et les premiers ivrognes ne tardaient pas être jetés dehors par le patron. Niña me proposa ensuite d’aller au cinéma ce que j’acceptais sans broncher.
Le film était en portugais et bien entendu, je ne compris absolument rien. Vers 23h00, nous sortions de la salle obscure :
- On rentre ?
- Je ne pense pas non…
- Pourquoi ?
- Ma mère et ton grand-père voulaient passer la soirée seule, tu dormiras chez moi.
- J’imagine que je n’ai pas trop le choix.
Je rentrais dans la petite maison de Niña, située à à peine une rue de celle de sa mère. Elle me désigna une chambre d’ami si l’on peut l’appeler comme tel. Il n’y avait qu’un vieux lit au matelas défoncé. Un ressort dépassé et je compris bien vite que la nuit ne serait pas de tout repos. Ce voyage que je pensais sympa commençait à me saouler plus qu’autres chose.
Vers 1 heure du matin, je quittais sans bruit la petite maison. J’ouvris avec précaution la porte et remonta la rue. A ce genre d’heure, les mauvaises rencontres étaient fréquentes mais j’empruntais les rues ou encore de nombreuses personnes circulaient. J’arrivais devant la maison de Clara et entrait à tâtons. Je montais à l’étage et me glissait bien au chaud dans les couettes et même les hurlements incessants de Clara ne m’empêchèrent pas de m’endormir paisiblement…
Quelques personnes se trouvaient à la cérémonie. Cher, Laura, Janet et Philippe, mais pas David. La cérémonie se passa dans la petite église du village. Kelly n’avait pas formulé de souhaits particuliers après sa mort, ni de testament…
L’émotion était à son comble lorsque le vieux prêtre termina de prononcer la prière. Cher s’approcha et regarda une dernière fois le visage de sa mère. Elle était pâle, très pâle et tenait un bouquet de fleur. Cher posa quelques pétales sur le cercueil.
Le lendemain, l’enterrement au cimetière aurait lieu. Ce fut ce coup ci Loïc qui accompagna Cher. Elle assistait, impuissante, à la descente longue du cercueil. Une fois de plus comme si souvent ces derniers temps, elle pleura. Loïc la consola du mieux qu’il put. Il savait malgré tout que pour cette jeune fille, sa vie avait définitivement basculée.
Le soir, Cher saisit fébrilement son portable. Elle ne l’avait toujours pas allumé depuis l’accident. Lui aussi avait survécu et était même en bon état.
Elle l’alluma et envoya un SMS court et concis à quelqu’un :
« Je t’en prie, reviens vite. J’ai besoin de toi. Sinon, je sens que je vais faire une bêtise...
Je t’aime »
Alors que je sortais acheter du pain comme me l’avait demandé Clara, mon portable bippa, c’était un message de Cher :
« Je t’en prie, reviens vite. J’ai besoin de toi. Sinon, je sens que je vais faire une bêtise…
Je t’aime »
J’aurais encore eu tellement à faire mais ce message me déboussola complètement. J’étais là dans la rue, mon pain à la main, l’air hébétait, fixant au loin la côte. Je rentrais en vitesse à la maison. Un taxi faillit me renverser mais la chance était avec moi aujourd’hui. Je sentais qu’il n’y avait pas une minute à perdre et qu’il fallait saisir un avion rapidement. Arrivé chez Clara, j’étais en sueur et papy s’étonna de mon état :
- Tu sais, tu pouvais prendre ton temps, on ne mange pas tout de suite me dit Clara.
- Je dois rentrer ! Et tout de suite ! m’exclamais-je.
- Déjà, mais pourquoi me dit papy.
- Je ne peux pas t’expliquer mais c’est important. Il faut que je prenne le premier avion pour la France.
- Je ne sais pas ce qu’il y à mais je te crois me dit Clara. Je t’emmène à l’aéroport tout de suite !
- Je viens aussi dis papy
Je fis ma valise, rassembla mes affaire en vitesse et papy balança le tout dans le coffre de la vieille Peugeot. Elle cala alors que nous arrivions au feu rouge :
- Putain pas maintenant ! s’écria Clara en levant les bras au ciel.
Elle sortit et tendit son pouce, abandonnant ce qu’il restait de la voiture sur le bord du trottoir. Un conducteur consentit à nous emmener à l’aéroport ou il se rendait aussi. Après une demi-heure de cavalcade dans les ruelles étroites de Rio, nous arrivions sur la nationale. L’aéroport s’étalait enfin devant nos yeux et je soupirais de soulagement. Nous descendîmes avec mes bagages et nous dirigions vers le hall de l’aéroport.
Je regardais l’immense tableau indiquant les horaires des vols, il était 11h30 et un vol pour Paris partait à 14 heures :
- Parfait m’exclamais-je. Je prends le vol de 14 heures, je serais arrivé demain dans la matinée.
- Tu veux donc vraiment partir. Mais pourquoi ? me dit Clara soudainement attristée.
- Je ne peux pas, je ne veux pas…
Nous enregistrions mes bagages. Il nous restait deux heures à patienter et nous nous installâmes dans un restaurant qui surplombait l’aéroport. Les longs courriers et les petits avions décollaient et atterrissaient sans interruption.
L’heure du départ arrivait, je regardais papy pour la dernière fois, ému :
- Au revoir mon p’tit J-F, je suis content de t’avoir vu une dernière fois.
- Adieu papy. Profite bien de ces derniers mois. Je penserais souvent à toi.
Je serrais papy dans mes bras et embrassait Clara. Elle, j’étais sure que ce n’était pas la dernière fois que je la verrais …
Je me dirigeais vers le tarmac et me mêlait dans la foule de voyageurs. Je les voyais agiter leurs bras au loin mais déjà, leur visage disparaissait et je me laissais emporter par le flot de voyageur.
14h00, l’avion décolle.
11h00, Paris. Les roues de l’avion se posent sur le sol français. Je m’étire mais pas le temps de roupiller, je dois trouver le moyen de rejoindre Nantes le plus vite possible. J’ai échangé les real brésiliens que papy m’a donné et je dispose à présent de 652 €. Suffisant pour me rendre sur la côté en taxi.
Je trouve finalement un taxi qui accepte cette course de traverser la moitié de la France. Les paysages défilent devant moi, nous passons par la Loire, Orléans. Plus loin, j’aperçois le château de Chambord. Nous traversons Blois, puis Tours pour remonter vers Angers ou le chauffeur fait une pause et avale un sandwich en vitesse.
Il est 16h30 quand enfin, un panneau annonce Nantes à moins de cinquante kilomètres. Le chauffeur appuie sur l’accélérateur en échange d’un léger supplément. Finalement, nous arrivons alors que les travailleurs commencent à rentrer. Pris dans les bouchons, le temps défile à la fois vite et lentement.
Nous parvenons finalement devant un hôtel juste en face de l’hôpital, celui ou j’avais passé une nuit avec Kelly, il n’y à pas si longtemps que ça. Je prends la valise, paye le chauffeur et réserve une chambre, la même que la dernière fois.
Une fois ma valise posée, je me précipite en direction de l’hôpital, j’arrive dans le hall et m’approche de l’accueil :
- Je veux voir Cher, chambre 313 !
- La personne en chambre 313 à été évacuée dans la matinée.
- Evacuée !
- Oui, pour cause de …
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