Note de la fic : :noel: :noel: :noel:

Comment tuer sa mère (en cinq façons) ?


Par : faces-of-truth
Genre : Nawak
Statut : Terminée



Chapitre 2


Publié le 13/05/2010 à 17:58:40 par faces-of-truth

On dit que le fait de mettre au monde un être humain est le plus beau et le plus noble des actes qu'il puisse exister. Ce n'est pas faux, en soit. Mais on ne dit pas qu'ôter la vie est également une prouesse remarquable.
Il faut avouer que l'accouchement est en lui-même un événement particulièrement intéressant. C'est censé être un moment formidable basé sur l’amour, la vie, la tendresse, et ça se passe dans les plaintes et les cris. Le bébé vient au monde en pleurant. Déjà, le ton est donné. La première chose qu'il voit ? La tête d'un médecin avec un masque blanc sur la tête. Accueillant. Après, on le plonge dans de l'eau. On le lave, on le sèche, on le torche, on le fait chier et on le rend (enfin !) à sa mère, qui pleure aussi pour la peine.
Si je devais donner une définition au nom commun « mère », je dirais :
Mère : nom féminin, personne portant sur ses épaules la responsabilité de l'éducation de sa progéniture, existant sous trois formes différentes : la chieuse (répond « non » à tout, refuse d'accepter l'idée d'avoir tort et s'interpose dans chaque entreprise de ses enfants), la faible (soumise au moindre désir, qui paye tout, dit « oui » à tout, est consentante à tout ; une pute, quoi) et la responsable (sait qu'elle ne sera pas une bonne mère, donc préfère abandonner le couffin dans une poubelle).
La mère prouve à son fils qu'elle tient à lui en le giflant et en le punissant. Elle l'envoie dans sa chambre comme on condamne un chien dans sa niche. L'enfant est l'animal du parent.
La maturité acquise, le fils devient plus fort et apprend à refuser cette hiérarchie, la fille cherche à s'extirper de l'image de la mère et dévoile sa personnalité, qui en fait n’est qu’une copie de ce qu’elle a pu voir dans les films ou dans la rue, et donc n’a rien d’unique malgré ce qu’elle croit.
De nombreux conflits éclatent. On appelle ça la crise de l'adolescence. Moi, j'appelle ça la baisse du prestige parental.
Enfin, la mère veut que nous soyons de bonnes personnes. La vérité, c'est qu'elle veut que nous soyons ce qu'elle n'a jamais pu être. Des êtres capables d’agir, de réfléchir en utilisant notre intelligence dans un but noble et de repousser la méchanceté de notre esprit.
Au final, on a tous une affection particulière pour notre chère maman, car elle nous éduque de façon à être un peu meilleurs. Mais ce que ces gourdes ne comprennent finalement pas, c'est que, si elles refusent de nous apprendre la perversité, nous nous en chargerons nous-même...

Alors que je rangeais mes vêtements tout repassés et tout propres, je me rendis compte que mon tee-shirt noir à tête de mort avait été oublié dans le bac à linge. Bon, allez... Il était quelle heure ? Dix heures du matin. Déjà la journée commençait bien. Je savais ma mère réfractaire de cette tenue vestimentaire qu'elle qualifiait de « provocatrice » et « mal avisée », et la soupçonnais de l'avoir volontairement oubliée.
En fourrant mes vêtements dans l'armoire de ma chambre, je découvrais entre deux chaussettes un petit string rouge.
-Non mais là, c'est le summum...
Je pris le vêtement, sortis de ma chambre et pénétrai dans une autre au bout du couloir. Ma sœur était à moitié nue face à son miroir. Elle ne remarqua même pas ma présence, trop occupée à s'admirer. Je lui jetai sa culotte propre en pleine figure et éclatai de rire en entendant le cri strident qu'elle poussa.
-Abruti ! s'offusqua-t-elle.
-C'est pas à moi ça.
-Prends au moins la peine de frapper avant d'entrer, râla-t-elle en se couvrant le haut du corps.
-Pourquoi, tu veux de l'intimité ? me moquai-je.
-Exactement. Tu devrais y penser, j'en peux plus de voir ton corps frêle dans la douche quand tu laisses la porte de la salle de bain ouverte.
-Ça me rire venant de toi. Les voisins aussi n'en peuvent plus de voir tes petits seins quand tu laisses tes volets ouverts.
-T'es vraiment un con, Matthieu, tu le sais ?
Je partais, ne cherchant même pas de réponse. Sylvie était ma sœur aînée. Elle avait dix-sept ans et moi quinze. J'étais assez petit, brun, les yeux marrons et renfermé. Elle était de taille moyenne, blonde, les yeux bleus et très sociale. On ne se ressemblait pas du tout, j'étais plus comme notre père et elle plus comme notre mère. D'ailleurs, quand on s'engueulait, elle me répliquait souvent :
-Mais avec qui Maman a trompé Papa pour accoucher d'un débile comme toi ?
Ce à quoi je répondais :
-Avant de connaître Maman, Papa a dû baiser une pute vraiment débile qui est tombée enceinte et il t’a adoptée, t'as vu la blonde que t'es ?
Mais quels frères et quelles sœurs ne s’engueulent pas ? C’est un effet de conséquence aussi logique que la pluie qui mouille et le feu qui brûle. Les hommes ne sont pas faits pour s’entendre. Ils ne sont pas programmés pour vivre ensemble. Ce n’est tout simplement pas dans leurs gènes, contrairement à ce qu’un certain cloué dont je ne citerai pas le nom mais que tout le monde connaît prétendait. C’est pour ça que les enfants se battent dans leurs chambres. C’est pour ça que les couples se séparent. C’est pour ça que la société est un échec.
Je rentrai dans ma chambre. Mon portable venait de vibrer. Je jetais un œil à l’écran encore allumé. Virginie m’avait envoyé un sms. Je savais déjà de quoi ça parlait. Ce n’est pas que recevoir des messages amoureux du style « tu me manques » ou « je pense à toi » m’irritaient ; c’est juste que ça fleurait l’eau de rose et le déballage de sentiments bon marché et ridicule comme ceux qu’on doit supporter toute la journée lors d’un mariage. Je lus le message. « Jai envi de te voire, je t’aime ». Joli texte. Jolies fautes d’orthographe aussi. Je suis satisfait, elle a fait original, je n’avais encore jamais reçu cette phrase. Et Dieu sait qu’elle m’en a envoyées.
J’avais rencontré Virginie lors d’un match de handball. Elle m’avait aussitôt captivé avec ses yeux noirs aussi brillants que deux scarabées du désert, et ses longs cheveux bruns. Virginie avait des origines arabes. Sans doute le parfum de l’exotisme m’avait poussé à l’aborder. Je l’aimais bien. Elle était sympa, assez drôle et pas conne. La fille assez intelligente pour briser le stéréotype oriental et faire chier ceux qui disent « gare aux musulmanes si tu veux pas te retrouver avec une bombe dans ton sandwich ». Non, j’appréciais ma copine. Mais putain, quel pot de colle !
Je ne répondis pas à son sms. Je le ferai plus tard. L’excuse de la panne de batterie est vieille comme le monde mais est bougrement efficace.
Je regardai par la fenêtre de ma chambre. Croquette, le chat de la maison était occupé à renifler les pneus des voitures. Quel con ce chat quand même. Vous me direz, avec un nom pareil… Quelle idée d’appeler son chat « croquette » ?! Je suis sûr que s’il pouvait, il collerait un procès à ma mère pour lui avoir refilé un nom pareil.
En parlant de ma mère, je vis sa voiture s’engager dans la petite impasse où nous habitions et se garer devant notre entrée. Elle sortit. Assez grande, les cheveux mi-longs bruns, le regard très maquillé, un manteau en cuir. Celle qui m’avait mis au monde.
Je n’étais pas spécialement heureux de la voir. Il est vrai qu’aucun adolescent ne prend de plaisir à voir ses parents revenir du travail un soir. Ils apparaissent plutôt comme les trouble-fête de service car ils sonnent la fin de la solitude et de l’indépendance. Mais ce n’est pas ce sentiment qui me prit à cet instant. C’était le fait de la voir elle. Seule.
Je n’avais jamais supporté la séparation entre elle et mon père. Ils avaient divorcé il y a de cela cinq ans. Le juge avait confié la garde des enfants à ma mère et elle nous avait fait déménager dans une autre ville, à plusieurs centaines de kilomètres de là où habitait mon paternel. On ne pouvait le voir qu’un week-end tous les mois.
Souvent, je posais la question « Maman, pourquoi vous avez rompu avec Papa ? ». «Ça ne marchait plus entre lui et moi ». « Et pourquoi ? ». « Tu comprendras quand tu seras plus mature. ». Plus mature ? Mon cul, oui. Tu devais tellement être chiante, ma pauvre mère, qu’il est allé en voir une autre. Mais je ne le blâmerai pas pour ça.
Mon père me manquait. Cruellement. Je sais qu’il est injuste de dire ce genre de choses. Maman faisait tout pour nous rendre heureux. Elle devait jouer le rôle des deux parents. Mais ça ne suffisait pas. Et même, ça m’agaçait.
J’étais parfaitement conscient qu’elle vivait une rude épreuve. Toujours surmenée, fatiguée, stressée, énervée, en retard… Il aurait fallu quelqu’un pour lui dire qu’elle était une héroïne. Mais en fin de compte, il fallait bien avouer qu’elle n’était pas à la hauteur.
L’autre soir, je l’entendais au téléphone. Elle était allongée sur le canapé, regardait la télévision avec le son coupé et fumait une cigarette. « C’est très difficile, je ne sais pas comment faire. Tu te rends compte ? À mon âge ? Dans cette situation ? »
Et oui, ma mère… Tu vivais difficilement. Mais c’était ta faute tout ça. Tu n’avais qu’à rester avec Papa. Tu n’avais qu’à tenir le rythme. Tu n’étais pas une bonne mère. Nous, tes enfants, n’étions pas ta responsabilité mais tes boulets.
Et je te haïssais pour ça. Et pour le reste…

À huit heures, je descendis les escaliers avec ma sœur pour le dîner. Maman nous avait préparé une soupe. Soit dit en passant la troisième de la semaine. Et pas question de protester en soulignant son manque d’originalité sous peine de fustigations immédiates du genre « J’ai pas le temps ; j’ai autre chose à faire ». Le tout en postillonnant.
C’est très facile de trouver les points négatifs chez une personne. On relève toujours au premier abord les imperfections physiques, les fautes de langage, la façon de manger, de se tenir ou de marcher. Il est nettement plus ardu de trouver des qualités. On en trouve chez tout le monde, je ne dis pas le contraire. Chacun a son mérite. Mais la quantité n’est jamais de taille face à son opposée. Léonard de Vinci était un génie incomparable, mais c’était un pédé.
-Alors, Matthieu, t’as eu ta note de maths ? demanda ma mère.
C’était dans ces situations que je me demandais si ma mère espérait vraiment qu’on passe une bonne soirée.
-Non. Pas de nouvelles.
Ma sœur gloussa discrètement, mais s’arrangea pour que je la remarque.
-Quoi ?
-De toute façon, tu sais que tu t’es raté, lança-t-elle.
-Il faut toujours que tu l’ouvres pour faire ton intéressante, toi ?
Ma frangine prit un air narquois. Elle adorait me rabaisser. Et moi j’adorais ce jeu.
-Et c’est quand que tu l’ouvres pour que ton copain puisse y fourrer sa…
-Matthieu !
Mais ma mère n’aimait pas.
-Non mais enfin ! Ça va pas ?
Les joues de Sylvie avaient viré au rouge.
-Pardon d’avoir été aussi direct, dis-je avec un air faussement désolé, je voulais juste savoir où ça en était avec ton jules ?
-Il s’appelle Julien.
-C’est une expression « jules », me moquai-je.
-Je le sais bien, abruti.
-Alors ?
-Alors quoi ?
-Vous en êtes où ?
-En quoi ça te regarde ?
-Bah, t’es ma sœur.
-Genre ça t’intéresse…
-Totalement.
-Et qu’est-ce qui te fait croire que je m’intéresse à lui ?
-Oh, à part le fait que tu mouilles sur ton portable toute la journée depuis qu’il t’a demandé ton num…
-MATTHIEU ! ÇA SUFFIT !!
-Quoi ?
-Non mais tu te crois où ?
-J’en ai marre de toi, s’énerva Sylvie.
Elle se leva et quitta la cuisine. Laissant son plat chaud et à peine entamé. La garce. Elle n’avait même pas besoin de dire que c’était dégueulasse pour sortir de table.
-Tu es content ? m’accusa ma mère, furieuse.
J’avais envie de répondre que « oui », mais je m’abstins.
-J’en ai par dessus la tête de toi et de tes conneries !
Et moi donc…
-Tu te lèves et tu vas t’excuser auprès de ta sœur !
-Alors là, jamais de la vie.
-Obéis.
-Non.
-Obéis !
-C’est pour ça que t’as tant fait chier le juge pour avoir notre garde ? Pour qu’on t’obéisse et ainsi avoir encore deux personnes que tu puisses dominer ?
C’était la phrase de trop. La main de ma mère fut si rapide que je ne la vis même pas se lever et la gifle fut si soudaine que je ne sentis la douleur qu’après coup. La peau commença à me picoter. Je me levai de rage et quittai à mon tour la cuisine. Le seul point positif fut que je n’avais pas à finir cette soupe immonde.
Je filai dans ma chambre et la refermai en la claquant. J’étais énervé. Je donnais des coups de poings et de pieds dans les coussins. Se prendre une vérité en pleine face ne lui plaisait pas. Tout ce que je tenais dans ma main, je le serrai le plus fort possible, comme pour soulager ma frénésie.
Il me fallut dix minutes pour me calmer. J’inspirai et expirai profondément. J’en avais marre de ma mère. Je ne la supportais plus. Elle était à la fois nulle dans son rôle parental, et bidon sur le plan social. J’avais quinze ans. Il me faudrait me la coltiner encore quelques années. Rien que cette idée m’irritait au plus haut point.
Il n’en était pas question. C’était décidé.
J’allais assassiner ma mère.


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