Red Brenn
Par : Conan
Genre : Polar , Action
Status : C'est compliqué
Note :
Chapitre 31
Publié le 23/03/13 à 02:21:14 par Conan
Huit heures du matin. Je passe les portes du commissariat.
J'ai pas dormi depuis deux jours, et toute la toilette que j'ai faite se résume à me passer un coup de flotte glacée sur ma gueule de déterré pour décuver tout l'alcool que j'ai absorbé durant ces dernières quarante-huit heures.
Hier soir encore, j'aidais Emma à remplir sa voiture de valises, juste avant qu'elle ne quitte Paris en pleurs pour aller se cacher chez de la famille, en Provence. Puis j'ai bu. Encore et encore et encore, jusqu'à oublier que son exil forcé était à cause de moi, et que c'est moi qui ait foutu sa vie en l'air.
Tout est de ma faute, et uniquement de ma faute.
Je traîne ma lourde carcasse dans les couloirs. Ombre sinistre errant sans but, évoluant dans son paysage mental, le cerveau encore imbibé et brouillé. Je tourne au ralenti.
Partout, Greg apparaît. Ombres furtives, éclats de voix. Tout se mélange, se tourne et se retourne derrière mes yeux brouillés.
Mélinda passe devant moi en tenant des dossiers contre elle. Quand elle me voit, elle me considère avec mépris et dédain. Je ne ressemble plus à rien. Je ne suis plus rien.
-Bonjour.
-Ça fait trois jours que l'IGS est après toi. Tu ferais mieux d'aller voir Fabres avant de recevoir une convocation officielle.
-Je... Je suis désolé.
-Désolé de quoi ?
Elle part nonchalamment avant que mon esprit tordu n'ait eu le temps d'assembler une phrase à peu près cohérente.
Alors je sors du poste et m'engouffre dans une station de métro, avec pour but d'aller voir ce que me veulent les bœuf-carottes.
Dans la rame, les gens me dévisagent drôlement. Un mélange de peur et de dégoût. Il y a aussi de la pitié dans certains regards. Les bonnes femmes serrent leurs sacs contre elles tandis que les hommes, au choix, me défient du regard ou à l'inverse baissent les yeux. Tous doivent sûrement s'attendre à ce que je me lève d'un instant à l'autre pour leur faire l’aumône. « Bonjour m'sieurs-dames, j'm'appelle Redig, j'ai quarante-deux ans, j'ai le grand banditisme et la police au cul, mes meilleurs amis sont au choix morts ou infirmes et je suis taré. Si vous voulez bien me dépanner de quelques pièces pour m'aider à me payer ma prochaine biture. A vot' bon cœur. »
Je croise les bras et baisse ma tête vers mes pompes. Je ne tarde pas à m'endormir pour me voir être réveillé par un jeune gars à l'allure de lycéen, sac sur le dos, qui me remue doucement. « Monsieur. Monsieur, c'est le terminus. Faut descendre. »
Je grommelle. Il n'en dit pas plus et sort de la rame. Je ne tarde pas à l'imiter quelques secondes après avoir émergé.
Je sors de la station hagard en essayant de me souvenir de la direction du bâtiment de l'IGS. C'est presque par hasard que je tombe dessus deux rues plus loin.
Je réajuste ma chemise avant de rentrer. Merde c'est vrai, j'ai un pull. Je pousse la porte d'entrée et me présente à l'accueil.
-Bonjour, je dois voire le commissaire Fabres.
-Oui, vous aviez rendez-vous ? Me demande la nénette.
-Nan, c'est une visite de courtoisie. Dites-lui que le brigadier-chef Brennan veut le voir.
Elle décroche son téléphone et appuie sur un raccourci.
-Allô monsieur le commissaire ? Oui, j'ai devant moi le brigadier-chef Brennan qui m'a dit que... Oui ? D'accord, je le fais entrer. Elle raccroche. Allez-y, c'est au fond du couloir.
-Je connais. Merci.
J'avance plus loin dans le hall, jusqu'au couloir. Ce même couloir où j'étais assis avec Greg et Vinny y'a même pas un mois. Tellement de choses ont changé depuis. Tellement de choses se sont effondrées.
Fabres est assis en face de moi. Il fait tourner un stylo entre ses petits doigts fins et osseux. Il sait que sa victoire est à portée de main. Lui, le bureaucrate, va enfin pouvoir mettre à genoux le flic de terrain. C'est son rêve. Son plus grand fantasme. Sa plus belle frustration.
Je ne suis plus rien face à lui. Moi, poisseux, mal rasé, en pleine descente. Lui, impeccable dans son costume, ses petites lunettes nettoyées, qui reflètent la lumière du jour filtrant entre les persiennes de sa fenêtre.
-J'ai plusieurs questions à vous poser, brigadier-chef.
-Je vous écoute.
Je n'arrive plus à le distinguer nettement. Greg tourne encore autours de moi. J'entends encore son rire sardonique résonner dans ma tête.
-Il y a deux semaines, vos deux collègues et amis Vinyard et Roland sont abattus dans leur voiture par plusieurs tueurs armés de pistolets-mitrailleurs. Vinyard s'en sort handicapé à vie. Roland... Roland décède sur le coup.
-C'est exact.
-Suite à cet événement dramatique, vous êtes aperçu en compagnie de Thierry Diatti, dit Titi. Reporter de guerre, ex-mercenaire ayant rejoint votre petite... Milice après la mort plusieurs membres de sa famille dans des violences inter-ethniques en Afrique Sahélienne.
-En quoi ces événements sont liés ?
-Hé bien il se trouve que Diatti possède une BMW série 4 couleur noire métallisée. Or, les caméras de vidéo-surveillance montrent ce véhicule un peu partout à Paris et en proche banlieue dans la nuit du 7 au 8. C'est cette même nuit que les pompiers et le SAMU interviennent pour une série d'actes de violences et même de fusillades, avec au final plusieurs blessés liés au grand banditisme. Et certains d'entre-eux parlent, je cite, d'un « grand type chauve, assez baraqué, portant une veste en cuir ».
-Il y a des tas de gros chauves avec des vestes en cuir dans cette ville.
-Des gros chauves armés d'un neuf millimètres qui tabassent tout ce qui bougent et qui ont la gâchette qui les démange ? Mais ce n'est pas tout. Plus récemment, il y a trois jours, Siegfried Meyer et Pablo Curtis, plus connus dans le milieu sous les pseudonymes de Zéro et Pablito, sont aperçus dans votre rue, à deux pas de votre immeuble. Un peu plus tard cette même nuit, une patrouille de police tombe sur Zéro assommé dans sa voiture. Pablito est découvert le lendemain matin dans la forêt de Fontainebleau, vraisemblablement torturé et assassiné d'une balle en pleine tête. Tous ces personnages sont liés, Brennan, et il n'y a qu'un seul dénominateur commun à toutes ces histoires. Et ce dénominateur commun, c'est vous. Toutes ces affaires n'en sont en réalité qu'une seule et même. Et c'est l'affaire Redig Brennan. Ou plutôt l'affaire : je cherche à venger mes amis, quitte à mettre la capitale à feu et à sang, pourvu que je les retrouve tous jusqu'au dernier pour leur faire payer.
Je secoue la tête d'un air dépité.
-Vous êtes pathétique, Fabres. Ça fait des années que vous chercher à nous faire tomber, mon équipe et moi, et pour ça vous utilisez tous les stratagèmes possibles, vous inventez des histoires à dormir debout et des personnages à coucher dehors. La réalité, c'est que vous n'avez rien, strictement rien contre moi. Et c'est normal, parce que je n'ai rien fait.
-Rien fait, rien fait... C'est vite dit. Sur les lieux où Pablito a été découvert, on a aussi retrouvé un petit générateur. Tout le monde ne connaît pas aussi bien l'efficacité de la torture à l’électricité que vous, Brennan.
-Vous allez me faire rougir. Si seulement vous aviez ne serait-ce qu'un soupçon de preuve contre moi, je serai déjà en garde à vue. Vous ne laisseriez pas passer une occasion pareille de me mettre dans une cage, même pour vingt-quatre heures.
-La garde à vue viendra, brigadier-chef, la garde à vue et tout ce qui suit. Les perquisitions, la mise en dépôt, le jugement, la radiation de la police nationale et, je l'espère l'incarcération. Que faisiez-vous il y a trois jours, Brennan ?
-J'étais en congés.
-Ça ne me dit pas à quoi vous les avez passés.
-Je suis resté chez moi et j'ai bu pendant soixante-douze heures. Je ne suis qu'un ivrogne, un alcoolique doublé d'un bon à rien. Comment voulez-vous que je puisse faire quoi que ce soit vu l'état dans lequel je finis tous les soirs.
-Bien, je crois que nous en avons assez dit pour aujourd'hui. Attendez-vous à avoir de mes nouvelles.
Je me lève et sort de l'immeuble le plus rapidement possible.
J'ai l'IGS au cul, mais ça, c'est pas un scoop. En revanche, je n'ai pas tué Pablito. Info ou intox ? Même si j'ai eu une crise ce soir-là, je ne me souviens en aucun cas lui avoir collé une balle en pleine tête. Ça veut dire que quelqu'un est passé après moi pour faire le ménage. Et y'a pas dix mille solutions. Le Hollandais essaye d'effacer les traces, et le prochain sur la liste est certainement Zéro. Il faut que je le retrouve avant Vanderbeke
J'ai pas dormi depuis deux jours, et toute la toilette que j'ai faite se résume à me passer un coup de flotte glacée sur ma gueule de déterré pour décuver tout l'alcool que j'ai absorbé durant ces dernières quarante-huit heures.
Hier soir encore, j'aidais Emma à remplir sa voiture de valises, juste avant qu'elle ne quitte Paris en pleurs pour aller se cacher chez de la famille, en Provence. Puis j'ai bu. Encore et encore et encore, jusqu'à oublier que son exil forcé était à cause de moi, et que c'est moi qui ait foutu sa vie en l'air.
Tout est de ma faute, et uniquement de ma faute.
Je traîne ma lourde carcasse dans les couloirs. Ombre sinistre errant sans but, évoluant dans son paysage mental, le cerveau encore imbibé et brouillé. Je tourne au ralenti.
Partout, Greg apparaît. Ombres furtives, éclats de voix. Tout se mélange, se tourne et se retourne derrière mes yeux brouillés.
Mélinda passe devant moi en tenant des dossiers contre elle. Quand elle me voit, elle me considère avec mépris et dédain. Je ne ressemble plus à rien. Je ne suis plus rien.
-Bonjour.
-Ça fait trois jours que l'IGS est après toi. Tu ferais mieux d'aller voir Fabres avant de recevoir une convocation officielle.
-Je... Je suis désolé.
-Désolé de quoi ?
Elle part nonchalamment avant que mon esprit tordu n'ait eu le temps d'assembler une phrase à peu près cohérente.
Alors je sors du poste et m'engouffre dans une station de métro, avec pour but d'aller voir ce que me veulent les bœuf-carottes.
Dans la rame, les gens me dévisagent drôlement. Un mélange de peur et de dégoût. Il y a aussi de la pitié dans certains regards. Les bonnes femmes serrent leurs sacs contre elles tandis que les hommes, au choix, me défient du regard ou à l'inverse baissent les yeux. Tous doivent sûrement s'attendre à ce que je me lève d'un instant à l'autre pour leur faire l’aumône. « Bonjour m'sieurs-dames, j'm'appelle Redig, j'ai quarante-deux ans, j'ai le grand banditisme et la police au cul, mes meilleurs amis sont au choix morts ou infirmes et je suis taré. Si vous voulez bien me dépanner de quelques pièces pour m'aider à me payer ma prochaine biture. A vot' bon cœur. »
Je croise les bras et baisse ma tête vers mes pompes. Je ne tarde pas à m'endormir pour me voir être réveillé par un jeune gars à l'allure de lycéen, sac sur le dos, qui me remue doucement. « Monsieur. Monsieur, c'est le terminus. Faut descendre. »
Je grommelle. Il n'en dit pas plus et sort de la rame. Je ne tarde pas à l'imiter quelques secondes après avoir émergé.
Je sors de la station hagard en essayant de me souvenir de la direction du bâtiment de l'IGS. C'est presque par hasard que je tombe dessus deux rues plus loin.
Je réajuste ma chemise avant de rentrer. Merde c'est vrai, j'ai un pull. Je pousse la porte d'entrée et me présente à l'accueil.
-Bonjour, je dois voire le commissaire Fabres.
-Oui, vous aviez rendez-vous ? Me demande la nénette.
-Nan, c'est une visite de courtoisie. Dites-lui que le brigadier-chef Brennan veut le voir.
Elle décroche son téléphone et appuie sur un raccourci.
-Allô monsieur le commissaire ? Oui, j'ai devant moi le brigadier-chef Brennan qui m'a dit que... Oui ? D'accord, je le fais entrer. Elle raccroche. Allez-y, c'est au fond du couloir.
-Je connais. Merci.
J'avance plus loin dans le hall, jusqu'au couloir. Ce même couloir où j'étais assis avec Greg et Vinny y'a même pas un mois. Tellement de choses ont changé depuis. Tellement de choses se sont effondrées.
Fabres est assis en face de moi. Il fait tourner un stylo entre ses petits doigts fins et osseux. Il sait que sa victoire est à portée de main. Lui, le bureaucrate, va enfin pouvoir mettre à genoux le flic de terrain. C'est son rêve. Son plus grand fantasme. Sa plus belle frustration.
Je ne suis plus rien face à lui. Moi, poisseux, mal rasé, en pleine descente. Lui, impeccable dans son costume, ses petites lunettes nettoyées, qui reflètent la lumière du jour filtrant entre les persiennes de sa fenêtre.
-J'ai plusieurs questions à vous poser, brigadier-chef.
-Je vous écoute.
Je n'arrive plus à le distinguer nettement. Greg tourne encore autours de moi. J'entends encore son rire sardonique résonner dans ma tête.
-Il y a deux semaines, vos deux collègues et amis Vinyard et Roland sont abattus dans leur voiture par plusieurs tueurs armés de pistolets-mitrailleurs. Vinyard s'en sort handicapé à vie. Roland... Roland décède sur le coup.
-C'est exact.
-Suite à cet événement dramatique, vous êtes aperçu en compagnie de Thierry Diatti, dit Titi. Reporter de guerre, ex-mercenaire ayant rejoint votre petite... Milice après la mort plusieurs membres de sa famille dans des violences inter-ethniques en Afrique Sahélienne.
-En quoi ces événements sont liés ?
-Hé bien il se trouve que Diatti possède une BMW série 4 couleur noire métallisée. Or, les caméras de vidéo-surveillance montrent ce véhicule un peu partout à Paris et en proche banlieue dans la nuit du 7 au 8. C'est cette même nuit que les pompiers et le SAMU interviennent pour une série d'actes de violences et même de fusillades, avec au final plusieurs blessés liés au grand banditisme. Et certains d'entre-eux parlent, je cite, d'un « grand type chauve, assez baraqué, portant une veste en cuir ».
-Il y a des tas de gros chauves avec des vestes en cuir dans cette ville.
-Des gros chauves armés d'un neuf millimètres qui tabassent tout ce qui bougent et qui ont la gâchette qui les démange ? Mais ce n'est pas tout. Plus récemment, il y a trois jours, Siegfried Meyer et Pablo Curtis, plus connus dans le milieu sous les pseudonymes de Zéro et Pablito, sont aperçus dans votre rue, à deux pas de votre immeuble. Un peu plus tard cette même nuit, une patrouille de police tombe sur Zéro assommé dans sa voiture. Pablito est découvert le lendemain matin dans la forêt de Fontainebleau, vraisemblablement torturé et assassiné d'une balle en pleine tête. Tous ces personnages sont liés, Brennan, et il n'y a qu'un seul dénominateur commun à toutes ces histoires. Et ce dénominateur commun, c'est vous. Toutes ces affaires n'en sont en réalité qu'une seule et même. Et c'est l'affaire Redig Brennan. Ou plutôt l'affaire : je cherche à venger mes amis, quitte à mettre la capitale à feu et à sang, pourvu que je les retrouve tous jusqu'au dernier pour leur faire payer.
Je secoue la tête d'un air dépité.
-Vous êtes pathétique, Fabres. Ça fait des années que vous chercher à nous faire tomber, mon équipe et moi, et pour ça vous utilisez tous les stratagèmes possibles, vous inventez des histoires à dormir debout et des personnages à coucher dehors. La réalité, c'est que vous n'avez rien, strictement rien contre moi. Et c'est normal, parce que je n'ai rien fait.
-Rien fait, rien fait... C'est vite dit. Sur les lieux où Pablito a été découvert, on a aussi retrouvé un petit générateur. Tout le monde ne connaît pas aussi bien l'efficacité de la torture à l’électricité que vous, Brennan.
-Vous allez me faire rougir. Si seulement vous aviez ne serait-ce qu'un soupçon de preuve contre moi, je serai déjà en garde à vue. Vous ne laisseriez pas passer une occasion pareille de me mettre dans une cage, même pour vingt-quatre heures.
-La garde à vue viendra, brigadier-chef, la garde à vue et tout ce qui suit. Les perquisitions, la mise en dépôt, le jugement, la radiation de la police nationale et, je l'espère l'incarcération. Que faisiez-vous il y a trois jours, Brennan ?
-J'étais en congés.
-Ça ne me dit pas à quoi vous les avez passés.
-Je suis resté chez moi et j'ai bu pendant soixante-douze heures. Je ne suis qu'un ivrogne, un alcoolique doublé d'un bon à rien. Comment voulez-vous que je puisse faire quoi que ce soit vu l'état dans lequel je finis tous les soirs.
-Bien, je crois que nous en avons assez dit pour aujourd'hui. Attendez-vous à avoir de mes nouvelles.
Je me lève et sort de l'immeuble le plus rapidement possible.
J'ai l'IGS au cul, mais ça, c'est pas un scoop. En revanche, je n'ai pas tué Pablito. Info ou intox ? Même si j'ai eu une crise ce soir-là, je ne me souviens en aucun cas lui avoir collé une balle en pleine tête. Ça veut dire que quelqu'un est passé après moi pour faire le ménage. Et y'a pas dix mille solutions. Le Hollandais essaye d'effacer les traces, et le prochain sur la liste est certainement Zéro. Il faut que je le retrouve avant Vanderbeke
24/03/13 à 01:40:03
Là c'est interessant !
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