Mélinda. Ses yeux ne sont plus comme avant quand ils croisent les miens. Je ne connais que trop ce regard que les femmes lancent quand quelque chose s'est brisé en elles.

Le vent pollué balaye ses cheveux devant son visage. Je m'approche d'elle, grande ombre morte enveloppant son dos.

Elle se retourne.
-On en est où, Red ?
Je la fixe. Ça sort pas. J'ai du mal. Je dois me faire violence. Pour elle.
-Nulle part.

Putain de coup de poignard entre les côtes.

-Pourquoi ?

Ses poches lacrymales ont l'air de bosser dur.

-Parce que... Je voyais pas plus loin pour nous.
-Pas plus loin, hein... J'étais juste un coup d'un soir pour toi.
-J'avais envie de toi, c'était réciproque. C'est tout.
-Tu m'a sauvé la vie, Red, tu sais ce que je ressent pour toi ?Je … Je pensais que notre relation... Qu'elle aurait été...

Je me hais. Je me déteste. Je suis qu'un putain de connard de merde. Je suis fou de toi, comme je l'ai pas été depuis longtemps. J'ai qu'une envie, c'est te prendre dans mes bras. J'veux qu'on fasse un bout de chemin ensemble. Qu'on quitte toute cette merde, juste toi et moi. On part, loin. Le plus loin possible. Seuls au monde. Seuls au milieu du chaos.

Au lieu de ça, je lui coupe la parole.
-Quelle relation ? Y'a pas de relation. J'ai rien à t'offrir. Rien à t'apporter. Qu'est-ce que tu ferais avec un débris comme moi, à ton âge ? Crois-moi, vaut mieux en rester là.
-Mais je t'aime putain !

Ça y est. Elle pleure.
-J'voyais les choses autrement. Désolé si tu l'avais pas compris.
-C'est pas vrai... Y'a autre chose...

Putain, faut que j'tienne. J'dois pas craquer. J'me mords la langue, jusqu'au sang.
-Ouais. J'ai revu Emma. On a couché ensemble. J'veux rien construire, j'ai tout foutu en l'air y'a des années déjà. Je pensais que t'étais assez mature pour comprendre ça. Pour comprendre que toi et moi c'était juste de la baise, un soir où on avait bu. Et point barre.

Elle a du mal à se retenir de sangloter. Mon visage reste fermé. Mes yeux la toisent.

Sa main vient claquer contre ma joue. J'ai pas vu la gifle venir. Elle tourne les talons et part, rapidement.

C'est ça. C'est bien. Va-t-en. Hais-moi, déteste-moi. Ne t'approche plus jamais de moi. Ne leur donne pas cette opportunité. Ne me laisse rien à regretter sur cette Terre.



La nuit est tombée maintenant. Une neige pluvieuse glaciale s'abat sur la ville.
Je marche les mains dans les fouilles, avec Greg, dans une petite rue calme.
-J'ai fait le ménage de mon coté. Et toi ?
Il hoche la tête, le nez rentré dans le col de son blouson.
-Y'a plus qu'a attendre du nouveau maintenant. Qu'il me dit.

On reste silencieux un moment. Puis il reprend :
-Et avec Mélinda alors ?
-C'est fini. J'ai mis les choses au clair.
-Elle est au courant ?
-Non. J'veux pas qu'elle sache. Mais j'ai fait le nécessaire pour qu'elle soit pas concernée dans l'histoire.
-T'as les boules.

Je hausse les épaules en sortant mes clopes.
-Plus que pour Victoire?

Putain. Pourquoi il vient remettre ça sur la table.
-Victoire, c'était Victoire. J'ai pas eu de gosse avec Mélinda.

Il se tait. Il sait qu'il en a trop dit, ça le chiffonne. Il voudrait bien s'excuser, mais ça fait longtemps qu'on a plus la manière de.