Note de la fic : :noel: :noel: :noel: :noel:

Layla Wa Jeïel


Par : Warser
Genre : Action, Fantastique
Statut : C'est compliqué



Chapitre 3


Publié le 23/07/2012 à 13:01:31 par Warser

- Ton serviteur n'a pas perdu la main, commenta Tsvao, la bouche pleine.
- Il y a des choses qui ne changent pas... Dis-moi, pour demain, tu as déjà un plan, n'est-ce pas?
Tsvao sourit. Son ami s'attendait sans doute à une réponse négative. Ils n'avaient jamais vraiment eu besoin de plan.
- Le convoi sera plus vulnérable en mer. Au moins, nous n'aurons pas à nous soucier de l'intervention des nobles et de leurs hommes de main.
- Et nous n'aurons que les barbares pour nous arrêter. compléta Eagal, engouffrant une généreuse bouchée de poisson. Je préparerai un moyen de transport cette nuit, et te réveillerai demain matin, quand le convoi s'approchera des côtes. Erena viendra avec nous, reprit le mage après un instant de réflexion. Une fois que nous nous approcherons du vaisseau, je nous téléporterai dans la cale. Si tu n'y vois pas d'inconvénient, je préfère qu'on reste discrets, et qu'on évite le massacre, cette fois.
Caressant machinalement la garde de son sabre, Tsvao acquiesça. Il n'aimait pas tuer. Si, dans l'ardeur des combats le sang et l'ivresse de la victoire le galvanisaient, il ne pouvait s'empêcher de regretter profondément certains de ses actes. Il n'était pas né pour cette vie, il le savait. Mais son choix était fait. Il était devenu Tsvao Blinnc, brigand, flibustier, opportuniste, homme sans foi ni loi qui vouait une haine viscérale à la haute société d'Akhyat.
Le jeune homme fut arraché à ses souvenirs par l'apparition d'Erena sur le pas de la porte, qui portait un lourd plateau de vrai-argent, couvert de plats de toutes sortes.
Bien que toujours vêtue de sa robe de tissu délicat, d'un rouge éclatant, son visage avait changé. Elle avait opté pour une flamboyante chevelure rousse, qui descendait jusqu'au bas de sa nuque. Sa peau, légèrement rosie, s'était couverte de petites taches de rousseur, et de grands yeux bleus-verts, tels deux pierres précieuses, ornaient son magnifique visage. Alors qu'elle se déplaçait avec grâce dans la pièce, Tsvao la suivit du regard. Le charme qu'elle dégageait était différent. Moins puissant, moins violent. Doux, et naturel, à la manière d'un coucher de soleil sur Oïs. Le jeune homme entendait la voix lointaine et un peu agacée d'Eagal, et le rire franc d'Erena, qui résonnait à ses oreilles. "Vraiment, tu exagères ! J'aurais dû m'en douter!" parvint-il à saisir.
"Pas de ma faute, répondit la voix faussement indignée de la succube. Il est sensible, aujourd'hui, ton ami. Je n'essayais même pas vraiment"
Se laissant bercer par ce timbre doux et un peu provocateur, Tsvao abandonna sa tête sur le confortable fauteuil dans lequel il était assis. Le temps semblait pris de folie. Ralenti, parfois presque arrêté, puis accéléré, coulant à la manière de l'eau d'une cascade. Du reste de la soirée, il ne perçut que des bribes. Eagal lui parlait de choses et d'autres, de leur passé, de souvenirs flous et agréables, de dieux, de démons, de la cuisine d'Oïs, de la qualité du vin cette année. Au milieu de ce flot de paroles, interrompu par les interventions régulières d'Erena venant apporter un nouveau plat ou s'enquérir de la satisfaction des convives, Tsvao se contentait de courtes interventions, l'esprit ailleurs. Il s'était abandonné au plaisir d'un bon fauteuil rembourré et d'une ambiance chaude et conviviale, à laquelle les délicieux plats de Gwaar n'enlevaient rien. Fatigué par de longues nuits de veille, un peu étourdi par l'hydromel du chaman, il fermait les yeux, pour ensuite se forcer à les rouvrir quelques secondes plus tard. Se levant, Eagal lui attrapa l'épaule.
- Je vais te montrer ta chambre. Tu dois être fatigué. Et puis, le réveil de demain matin risque d'être dur... Enfin, j'avais du travail à finir ce soir, de toutes façons, ajouta-t-il en haussant les épaules.
Tsvao acquiesça, reconnaissant. Un vrai lit ne lui ferait que du bien. Alors qu'ils s'enfonçaient à nouveau dans les longs couloirs du donjon, Eagal poursuivait son éternelle conversation. "Tu sais, ce n'est pas que j'aie peur du pouvoir, c'est que j'en ai assez, c'est tout ! Après tout, je suis déjà presque arrivé au sommet de mon art, et puis... Tu m'écoutes?"
- Oui, oui, répondit Tsvao, qui ne suivait qu'à moitié.
Arrivant devant une nouvelle porte de bois, Eagal sortit un trousseau de clés.
- Tu veux que je scelle ta porte? Ce serait mieux que tu aies un peu dormi avant demain matin... Remarque, si Erena veut vraiment entrer, elle entrera malgré les protections précaires que je pourrais mettre en place. Je n'ai ni l'envie ni l'énergie de construire un sortilège complexe. J'espère juste qu'elle saura être raisonnable, cette fois.
Tsvao sourit. A sa dernière visite, il avait dormi presque deux journées entières après sa première nuit, qui avait sans doute été merveilleuse, mais certainement pas reposante.
- Tu sais, même si elle essaie, elle sera déçue, vu mon état.
- Encore une fois, tu négliges les incroyables ressources de l'être humain. Surtout quand elles sont galvanisées par une succube. Pas pour rien qu'on est leur friandise préférée. Bref, "Bonne nuit", si j'ose dire, conclut Eagal avec un clin sourire complice, en refermant la porte.
Alors que le mage murmurait des incantations de sa voix rauque, un oeil stylisé, d'une lueur bleutée, se dessina sur le bois. Malgré lui, Tsvao espérait que la rune serait aussi inefficace que son ami l'avait prédit.
Entrant dans la petite pièce, il s'effondra sur le lit de plumes. Les douces flammes du chandelier d'airain, posé sur la table de nuit, vacillaient, alors que les fresques qui décoraient le plafond se fondaient, tournoyant au dessus de sa tête, dans un étrange flou artistique. Sans même prendre la peine de se déshabiller, il ferma les yeux.

II) Un plan sans failles

Le sol était froid. Froid, et mouillé. Tsvao était allongé. Il sentait l'odeur âcre de la terre lui emplir les narines. Une forêt. D'immenses arbres qu'il n'avait jamais vus. Il pleuvait. Se relevant, Tsvao mit un genou à terre. Il était blessé. Ses jambes. Elles lui faisaient mal. Devant lui, Une jeune fille, vêtue de blanc. Un liquide rouge, poisseux. Ses cheveux roux éparpillés sur le sol. Les yeux fermés. Tsvao tenta de s'approcher. Arrêté, par cette indescriptible douleur. Elle ouvrit les yeux. De fines pupilles noires, dans des globes d'un jaune verdâtre. Un serpent sur le sol, prêt à l'attaquer. Les yeux changeaient. Ils devenaient noisette. Un regard. De la peur, un profond désespoir. Suppliant. Une voix, embuée par les larmes et le sang. "Aide moi". Dans un ultime effort pour s'approcher de la jeune fille, Tsvao rugit de douleur.
- Monsieur... Monsieur ! Je vous en prie, monsieur, réveillez vous !
Tsvao sursauta dans son lit. C'était Gwaar, qui secouait ses épaules. Le vieil intendant semblait avoir perdu son flegme habituel, et lui tendait son sabre.
Monsieur Eagal vous attend sur la crique ! C'est urgent, Monsieur !
S'emparant machinalement du pommeau de son arme, Tsvao se leva en protestant faiblement.
- Mais enfin Gwaar, c'est le milieu de la nuit...
A moitié éveillé, Tsvao se demanda s'il s'agissait là d'un autre cauchemar. Il suivit pourtant l'intendant, qui marchait d'un pas empressé dans les couloirs de la demeure. Tout en marchant, Tsvao rassembla ses esprits. Qu'est ce qui avait bien pu arriver, pendant la nuit? Les nobles n'avaient pas pu le retrouver, dans le donjon d'Eagal... C'était impossible... Les démons des eaux protégeaient farouchement la crique contre les intrus...
L'intendant s'arrêta enfin devant une porte de pierre. D'un geste fébrile, il déverrouilla le cadenas, et l'ouvrit. Toujours un peu étourdi, Tsvao suivit Gwaar à l'intérieur de la pièce. Au sol, un immense cercle orné de motifs compliqués, qui brillait d'une lueur rouge feu.
Après vous, monsieur, dit l'intendant, qui avait repris une partie de sa contenance.
Un cercle d'évocation. De téléportation, à en juger par la taille et la forme, pensa Tsvao. Prenant une longue inspiration, Tsvao entra dans le cercle. Fermant les yeux, il attendit que viennent les premiers effets. D'abord, une brûlure. Ensuite, une puissante douleur, des tiraillements dans tous ses membres. Tsvao sentait son esprit se détacher de son corps, alors que les runes du cercle brillaient avec de plus en plus d'intensité. Restant debout, Il laissa la puissante flamme rouge qui venait de jaillir au centre du cercle l'envelopper. Il se sentit comme aspiré. La pièce s'effaça. Il était sur la crique, derrière un assemblage de rochers un peu plus hauts que les autres. Toujours debout, dans un cercle similaire, qu'il n'avait jamais remarqué auparavant. Le vent lui fouettait le visage alors qu'il prenait une longue bouffée de cet air frais et marin si caractéristiques des côtes du sud en hiver, détendant un peu ses muscles crispés par la téléportation.
- Ah, pas trop tôt ! S'écria Eagal, qui s'élançait vers lui. Vêtu d'une robe de chambre d'un blanc sale, mal rasé, avec la marque de son oreiller bien visible sur sa tête, le mage était encore moins présentable que d'habitude.
- Qu'est- ce que.... commença Tsvao, les sourcils froncés.
Sans un mot, Eagal le prit par le bras, et l'entraîna vers la côte.
- Pas besoin d'aller chercher les ennuis, maintenant, grommela-t-il. Ils viennent d'eux mêmes à nous.


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