Note de la fic : :noel: :noel: :noel: :noel:

Entre poussière et ruines


Par : Spyko
Genre : Action, Horreur
Statut : C'est compliqué



Chapitre 18


Publié le 21/11/2012 à 13:38:33 par Spyko

Les deux compagnons franchirent la barrière épaisse de buissons, écartant les quelques branches qui n'avaient pas encore été coupées pour ne pas récolter d'autres déchirures sur leurs vêtements en piteux état. Laura sentait le léger poids de son portable dans la poche de poitrine de son pull. Elle ne voulait pas spécialement que David la voit avec. Il avait déjà passé suffisamment de temps à lui dire d'oublier les traces de son passé.
Il était plus doué qu'elle pour ça.
Le jeune homme repoussa une dernière grosse branche avec son fusil. Laura laissa machinalement sa main effleurer sa propre arme. Un MAS G1, de marque Beretta, une arme fréquemment utilisée dans l'armée de l'air et qu'ils avaient donc eu en nombre assez conséquent. Presque chaque rescapé en avait un, et les munitions qui allaient avec. Soit quatre chargeurs. Le reste était stocké dans la base et le bâtiment des cultures. Pas de gaspillage.
Ils débouchèrent sur le chemin en terre qui reliait l'entrée des champs à la route proche. Un convoi de six camions attendait, moteurs grondant dans le silence qui englobait les environs. Comme tout le reste, l'essence était rationnée, pour s'en servir aussi peu que possible. Dès les premiers mois, des expéditions avaient été envoyées un peu partout dans le département pour vider les stations-service. Des marchands ambulants ? des bandits plus précisément, mais les rescapés ne se souciaient plus de savoir d'où venait ce qu'ils achetaient, ni comment ils l'avaient eu ? en vendaient parfois, en échange de munitions, d'armes ou de nourriture.
David s'agrippa à l'arrière du dernier camion, s'y engouffra et tendit la main à sa compagne.

« Vous avez mis le temps, leur fit une voix familière. On va pouvoir y aller ! Cria t-il au conducteur. »
« Je prenais un peu l'air avant de me retrouver cloîtré là-dedans entre vous trois, répondit innocemment la jeune femme. »

Ce qui arracha un rire aux deux autres hommes présents. Le chétif Christophe, qu'ils avaient recueilli au lycée peu de temps avant de le quitter, n'avait certes pas grandi depuis et faisait toujours le même mètre soixante-dix que Laura, mais s'était en revanche élargi, autant qu'il le pouvait dans les conditions difficiles dans lesquelles ils vivaient. Contrairement à David, qui essayait de garder ses cheveux assez courts, il avait laissé poussé ses cheveux noirs, renforçant l'aspect négligé qu'ils avaient pendant son adolescence. La barbe sombre qui lui mangeait les joues peinait à dissimuler les cicatrices de son ancienne acné virulente.
A côté de lui, Emeric, un jeune homme qui avait débarqué, effondré, blessé et affamé à l'âge de 12 ans deux semaines après le début de l'infection, s'entretenait avec les trois rescapés installés sur la banquette avant. Un vieil AK-47 qui s'enrayait une fois sur trois était posé sur les genoux de son treillis donc on ne distinguait plus les couleurs qu'il portait. Une veste doublement rembourrée cachait sa carrure aussi large que celle de ses deux coéquipiers, et il releva machinalement son col sur sa nuque, laissant ses cheveux bruns, qui s'épaississaient largement ces derniers temps, passer par-dessus le tissu.

« Bon, fermez moi cette porte arrière, fit le conducteur, on va y aller. »
« Ouais, j'm'en occupe, répondit Emeric en se levant, tenant la crosse de son fusil à une main. »

Il se pencha à l'extérieur, tâtonna au niveau du toit, puis tira de toutes ses forces pour rabattre la lourde porte, dissimulant le chemin de terre, derrière eux. Le camion démarra, avec une belle secousse. Le jeune homme trébucha en regagnant sa place, envoyant un coup du canon de son arme dans les genoux de David avant de s'asseoir brutalement.

« Aie, putain, fais gaffe avec ce truc ! »
« Scuse moi vieux, elle est trop longue, fit-il avec un sourire appuyé. »
« Quand est-ce que tu vas te débarrasser de cette vieille merde ? Continua David en balayant la tentative d'humour du jeune homme d'un revers de main. On a plus des masses de 7.62, toute façon. »
« Elle m'a coûté les trois dernières boites de piles que j'avais réussi à trouver y a six ans, pas question que je la largue. J'irais la faire voir par Dan' en rentrant. Il pourra ptet me dire ce qui va pas. »

David leva les yeux aux ciel en soupirant. Daniel était un expert en armement d'une cinquantaine d'années, qui avait réussi à bricoler un certain nombre d'armes en sale état. Il pourrait sûrement jeter un ½il sur le fusil d'Emeric et voir pourquoi il s'enrayait autant en ce moment, mais le plus exaspérant était qu'il s'y accroche. Certes, les FAMAS n'étaient plus utilisés que rarement en raison du manque cruel de munition de 5.56, mais ils disposaient d'armements plus fiables.
Et il pourrait toujours récupérer un autre AK si d'autres bandits passaient dans le coin.
Le convoi cahotait sur le chemin creusé par des centaines de passages au fil des ans, qui passait au milieu de bosquets épais sur quelques centaines de mètres avant de rejoindre la route en mauvais état. Les cailloux volaient contre la carlingue du véhicule, ponctuant chaque sursaut de chocs métalliques.
Si bien qu'aucun des passagers du dernier camion de la file ne réagit lorsqu'un autre choc, à peine plus fort que les autres, retentit contre la porte arrière.
La jeune femme sur le siège avant poussa un cri de surprise, poussant le conducteur à freiner brusquement. Un arbre venait de craquer brusquement et de s'effondrer en travers du chemin. Il n'était pas vraiment tombé, juste une chute qui l'avait légèrement incliné avant de s'arrêter, bloqué par d'autres arbres, mais juste assez pour que le camion ne puisse pas passer.
Les autres membres du convoi continuèrent leur chemin, disparaissant à l'angle.
Ils s'arrêteraient moins de vingt mètres plus loin en se rendant compte que le dernier transport n'était plus avec eux. Vingt mètres de trop.

« Et merde, cracha Laurent, le conducteur. Les mecs, vous voulez pas aller me virer ça ? Demanda t-il en se tournant vers David, Emeric et Christophe. »
« Tu peux vraiment pas passer ? Il commence à faire frais, plaisanta Emeric tout en commençant tout de même à se lever. »
« Je voudrais pas rayer la peinture. »

David se redressa également, s'extirpant des bras de Laura. Il s'approcha de la porte arrière, ramenant légèrement la bandoulière sur son épaule. Puis il attrapa la poignée, la tourna et commença à soulever la plaque pour sortir pousser cet arbre.
Avant même qu'il ne la lève à moitié, deux pieds le frappèrent avec force, le jetant sur le sol du camion. La trappe retomba avec fracas, tandis que le jeune homme roulait sur le flanc en se tenant le ventre. Une douleur lancinante lui traversait le dos, là où le Mossberg s'était retrouvé entre lui et le sol, et il commença à se relever en grognant.
Christophe ne perdit pas de temps.

« Laurent, démarre putain, y en a un dehors ! »

Ce-dernier jeta un bref coup d'oeil en arrière, vit David qui se redressait avec précaution, et enclencha la marche arrière pour prendre de l'élan. Aucun des rescapés ne se permit, ne serait-ce qu'une fraction de seconde, d'espérer qu'ils rouleraient ainsi sur la créature qui avait attaqué David. Elles étaient trop intelligentes pour ça.
Ils ne prirent qu'une dizaine de mètres, puis Laurent passa la première et lança le camion aussi vite qu'il le pouvait en direction de l'arbre qui bouchait légèrement le passage. Il n'était pas tombé par hasard. Tant pis pour la peinture, pensa David juste avant d'être à nouveau projeté au sol par le choc. Le haut du pare-brise se fissura, et le véhicule s'arrêta une nouvelle fois.
Le conducteur jura, coupa le moteur et le redémarra.
Cinq malheureuses secondes s'écoulèrent entre l'arrêt et le départ du camion.
Cinq secondes durant lesquelles une poigne surpuissante s'accrocha à la poignée de la portière passager avant de l'arracher. Cinq secondes durant lesquelles une paire de bras difformes à la peau déchiquetée s'enroulèrent autour de Cédric, le plus proche de la porte, et le firent basculer hors du véhicule, à l'instant même où il repartait.
La jeune femme installée à l'avant, Melinda, poussa un bref cri de surprise avant de se pencher à l'extérieur, son Beretta à la main. Elle ouvrit le feu à trois reprises, chaque tir éclatant dans le silence mortel qui venait d'engloutir en une seconde les membres du camion.
A l'extérieur, les deux combattants avaient roulé sur le sol. Seul le dos aux muscles ultra-développés de la créature apparut aux yeux de Melinda lorsqu'elle enfonça la détente. L'infecté fit une roulade de plus, toujours en serrant étroitement sa proie dans ses bras, dont les avant-bras étaient couverts de pointes osseuses.
Une seule roulade, un simple demi-tour, mais qui suffit à placer le torse de Cédric entre la créature et l'arme de la jeune femme. Deux balles s'enfoncèrent entre ses côtes, sectionnant l'artère pulmonaire et transperçant le poumon gauche. La troisième alla se perdre dans un buisson, déviée par le mouvement d'horreur de la jeune femme lorsqu'elle s'aperçut de ce qui se produisait.
Laurent esquissa un mouvement pour freiner.

« Non, non ! Continue, hurla Mel', on sait pas combien il y en a ! »
« Mais... commença t-il. »
« Il est mort, allez ! »

Personne ne chercha à la contredire, et le camion tourna à l'angle, rejoignant les autres membres du convoi, qui s'étaient immobilisés plus loin. Les portières du cinquième camion étaient ouvertes, et le conducteur et ses passagers en étaient descendus, armes à la main.
Laurent leur cria par la fenêtre de remonter en vitesse, et ils obtempérèrent. Après quoi, les six véhicules se remirent en route, rejoignant bien vite la route éventrée.
Les rescapés du sixième échangèrent des regards vides, ne sachant plus trop comment réagir après quinze ans de pertes lourdes. Cédric n'était pas en couple, et il n'avait pas plus de famille dans le camp que la majorité des autres survivants. Mais il avait des amis. Dont une partie se trouvait dans les autres transports.
David se rassit péniblement, passant un bras autour des épaules de Laura. Et il soupira.
Ce qui était arrivé à Cédric était leur lot à tous, de toute façon. La seule question était de savoir quand et comment ils quitteraient ce monde. Aucun d'eux ne pouvait se permettre d'espérer en réchapper. Les scientifiques avaient été bien clair.
Les infectés ne pouvaient pas se reproduire.
Mais leur métabolisme était globalement le même que celui des humains. Ils finiraient par dépérir, mourir et disparaître après quelques dizaines d'années, laissant un monde dévasté mais purgé de ces créatures ignobles. D'ici une soixantaine d'année, ces êtres seraient tous morts. Un ricanement ironique échappa au jeune homme.
Les enfants des rescapés avaient une chance de pouvoir revivre sans la menace constante de ces créatures.
Leurs enfants.
Pas eux.


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