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Entre poussière et ruines


Par : Spyko
Genre : Action, Horreur
Statut : C'est compliqué



Chapitre 22


Publié le 09/02/2013 à 13:14:23 par Spyko

Le tonnerre grondait. Deux gardes s'étaient occupé de nettoyer sommairement le mur de devant, la veille, après l'exécution du jeune bandit, mais la pluie finirait le travail lorsqu'elle tomberait. En attendant, le ciel se contentait de noircir en cette journée du 20 octobre 2027, à à peine plus de deux heures de l'après-midi.
Et après une journée pourvue d'une ambiance assez morne passée à délibérer sur l'état de la barrière enfoncée par les bandits, il avait été décidé d'envoyer deux équipes en centre-ville pour récupérer de quoi réparer les barricades. Après la conversation qu'il avait surpris la nuit précédant l'exécution, David avait proposé à ses partenaires d'y participer, plus par envie de s'éloigner provisoirement du camp que pour partir à l'aventure.

« Tu penses vraiment que c'est une bonne idée ? S'inquiéta Laura. »
« Pas spécialement, mais je préfère ça plutôt que de rester ici. Je suis pas vraiment en odeur de sainteté en ce moment, répondit calmement le jeune homme. »
« Qu'est-ce que tu veux dire ? Fit aussitôt Emeric, devançant probablement Christophe et Laura. »

L'ancien étudiant fit passer son regard sur les trois adultes, se rendant brusquement compte qu'il n'avait pas parlé de sa petite virée nocturne et des petites rumeurs qui avaient certainement commencé à circuler à son sujet. L'orage gronda à nouveau, détournant légèrement son attention l'espace d'une seconde.

« Rien de grave, s'enquit-il après une courte réflexion. Simplement que certains ont eu quelques doutes, et pensaient même que j'allais faire sortir le gosse. »
« Tu veux te faire bien voir ? Intervint Christophe avec un grand sourire. »
« Pourquoi pas ? Répondit David avec la même expression. Autant sortir un peu avant que le temps nous en empêche non ? Ça fait longtemps qu'on a pas été en ville, on trouvera peut-être des choses intéressantes. »

Ce n'était pas un argument très convaincant, sachant qu'après quinze ans et la destruction du barrage, il restait très peu de choses utilisables dans la partie en plaine de la ville, et que la zone située un peu plus en hauteur avait déjà été parcourue de long en large. Néanmoins, la perspective de trouver quelques piles, ou une cache de survivants abandonnée, et donc des munitions, était toujours un moteur pour ce genre d'expéditions.
Avant de proposer cela à ses amis, le jeune homme avait également préféré s'assurer qu'il n'y avait pas vraiment de volontaires, et, comme toujours pour sortir du camp, c'était le cas. Sur la population valide du camp, il n'y en avait pas beaucoup qui se mouillaient pour venir en aide à cette petite communauté. En grande partie, les rescapés comme ceux qui l'avaient dénigré ne se proposaient que rarement pour les tâches plus ingrates qu'aller cueillir une dizaine de tomates ou dormir à moitié en haut d'une tour de fortune.
C'était le mauvais côté de cette communauté. Comme quoi, même un bouleversement effroyable comme l'Épidémie ne perturbait pas suffisamment certains esprits. Ils y mettaient du leur pour construire leur maison et trouver de quoi se nourrir, mais tout ce qui comportait ne serait-ce qu'un minimum de risques était exclu. Ses coéquipiers partageaient son point de vue, et lorsqu'il expliqua pourquoi il avait proposé d'y aller, ils acquiescèrent.

*

Ce furent donc deux camions qui quittèrent l'enceinte de la base, l'un se dirigeant vers l'ancien magasin de bricolage sans grande conviction, l'autre bifurquant vers les quartiers inhabités situés un peu en altitude.

« Attendez! »

Christophe, au volant, écrasa le frein, dérapa sur l'embrayage et manqua d'emboutir l'arrière du premier camion, à destination du magasin. Le jeune homme, comme Emeric et Laura, n'était pas en âge de passer son permis lors du drame, et seule la jeune femme avait sommairement appris à conduire à ce moment, si bien que tous trois, comme beaucoup d'autres membres du camp, avaient du apprendre sur les vieilles carlingues de la base. Comme les sorties étaient rares, et que c'était souvent les mêmes qui conduisaient, il arrivait encore fréquemment que l'un d'eux fasse ce genre de bourde.
David se pencha par la fenêtre droite, essayant de voir qui les avait interpellé. Il fut surpris de voir Melinda, ses cheveux blonds tissés en natte rebondissant sur son dos pendant qu'elle courait. Elle portait un blouson qui avait dû être noir pendant ses belles années, rendu gris par le temps et rapiécé à de nombreuses reprises, avec un vieux jean déchiré et des bottes noires à talon plat.
Cette courte course lui avait fait monter un peu de sang aux joues, et son regard vert pétillait. Elle s'arrêta à hauteur de l'ancien étudiant, posant une main sur l'endroit où s'était un jour trouvé une vitre avant droite.

« Qu'est-ce qu'il se passe? Demanda tranquillement le jeune homme. »
« Je te dois un petit service je pense...., fit-elle avec un demi-sourire. Deux bras de plus seront pas de trop, si? »
« T'as raison, intervint Laura avant même que son compagnon réagisse. Et puis ça me fera du bien d'avoir un peu de délicatesse féminine en plus pour fracturer les portes. »

Les trois hommes lui jetèrent un regard en coin. Elle était, et de loin, celle qui faisait le moins preuve de ''délicatesse'' pour s'introduire dans d'anciennes maisons. Même si le crochetage de serrure n'était pas dans les cordes de beaucoup de monde, ils essayaient généralement de trouver une porte, par principe. Une fenêtre brisée était une voie d'accès de choix pour les infectés, et extrêmement dure à protéger, s'ils devaient se retrouver dans une situation délicate.
Néanmoins, Laura se formalisait rarement de ce genre de détails.
Melinda, qui ne savait rien de tout ça, se contenta de sourire et de contourner le véhicule pour monter à l'arrière, avec Emeric et la jeune femme. Depuis l'accident au retour des champs, ils s'étaient mis d'accord pour ne plus laisser quelqu'un assis trop prêt de la portière passager, si bien qu'ils n'étaient plus que deux à l'avant.
A chacune des tactiques des infectés, les rescapés s'adaptaient. Malheureusement, il fallait attendre d'en avoir subi les conséquences pour se rendre compte des failles d'une méthode. Et de toute façon, à chaque tactique des rescapés, c'était au tour des infectés de s'adapter. Emeric lui tendit une main pour l'aider à monter, puis referma la trappe arrière. David fit signe à Christophe d'indiquer à l'autre camion qu'ils pouvaient y aller, puis le petit convoi se mit en route.
Les deux véhicules tournèrent directement à gauche, passant à nouveau devant le tas de ferrailles décharné qu'était désormais l'avion autrefois placé devant la base. Ils continuèrent sur une centaine de mètres, puis la route se sépara. L'autre camion prit à droite avec un signe de main, s'engageant dans la pente que David, Laura et Christophe avait monté en courant lorsqu'ils avaient fui le lycée. Leur véhicule, lui, prit à gauche.
Deux heures s'étaient écoulées depuis que l'ancien étudiant avait proposé cette expédition, et il était déjà plus de quatre heures de l'après-midi. En cette fin d'octobre, il leur restait à peine plus de trois heures pour s'occuper de tout avant la tombée de la nuit. Ils continuèrent tout droite, traversant un pont qui enjambait la voie rapide, avant de passer devant le commissariat, qui avait depuis longtemps été pillé et vidé de tout ce qui pouvait être intéressant. A leur grand désespoir, il ne restait aucune voiture sur le parking lorsqu'ils avaient tenté, au début de l’Épidémie, de rassembler du matériel.
Il prirent à droite au rond-point suivant, se dirigeant vers une rue bordée d'habitations et de petits commerces.

« Au fait Melinda...., commença David en se retournant. »
« Mel', c'est bon. »
« Si tu veux. Bref, niveau armes, tu as ce qu'il faut? »
« Un Beretta, quatre chargeurs, comme tout le monde quoi. »
« Je vois, t'as pas eu l'occasion de faire du troc. »
« Pas vraiment, non. C'est de plus en plus dur d'en trouver. Mais vous faites pas de soucis, je sais m'en servir. »
« Ouais, on a pas besoin de gros matériel pour faire des dégâts, nous, lança Laura avec un petit ricanement. »

Avant de se retourner, David pu voir Emeric envoyer une tape sur le crâne de la jeune femme, qui se dégagea en riant. L'ancien étudiant avait essayé de lui trouver un Mossberg, comme le sien, mais ce genre de matériel était largement limité, et elle avait de toute façon refusé de sacrifier sa lampe torche et deux chargeurs de Beretta pour en obtenir, le seul prix auquel les ''bandits'' avaient accepté d'en céder un.
Christophe les arrêta à l'entrée de la rue, le camion ne pouvant de toute façon pas aller plus loin. La route était éventrée sur plus de dix mètres en raison d'une canalisation éclatée, et des carcasses rouillées et désossées jonchaient les deux côtés.

« Désolé, tout le monde descend. »
« C'est pas grave, avec un peu de chance on devrait trouver ce qu'on cherche vite. »
« J'espère bien, je déteste ce quartier, il était trop fréquenté quand ça a commencé..., soupira David. »

Les cinq rescapés descendirent du véhicule, armes au poing, avant de le contourner pour rejoindre le trottoir de gauche. Deux cadavres pourrissaient au fond de la crevasse, l'un d'entre eux empalé sur une vieille barre métallique pliée en deux. Le cou du deuxième formait un angle particulièrement répugnant avec le reste de son corps. Ils ne devaient être là que depuis quelques mois seulement. De nombreuses traces de sang formaient une traînée qui s'en éloignait progressivement. Les deux malheureux avaient sans doute été surpris par des infectés, et avaient fini par chuter dans le petit gouffre. Celui qui était tombé sur la poutrelle n'était peut-être même pas mort tout de suite.
David prit son Mossberg en main, afin d'être prêt à toute éventualité, et Christophe fit de même. Emeric, lui, préféra se munir de son Beretta, afin de ne pas user du peu de 7.62 qu'il avait, même s'il mourrait d'envie de voir si la vieille AK-47 avait bien été réparée par Daniel.
Ils longèrent les bâtiments, essayant de choisir dans lesquels ils étaient susceptibles de trouver ce qu'il fallait. Le groupe en direction du magasin devrait normalement tomber sur du fil barbelé, ils devaient donc se charger de trouver des planches et, si possible, des piquets. Néanmoins, ces-derniers n'étaient vraiment qu'optionnels.
Chaque carcasse avait été passée au peigne fin et méticuleusement désossée, ils ne s'attardèrent donc pas dessus.

« Surtout on oublie pas, on a pas plus de trois heures pour tout trouver, alors on devrait éviter de perdre du- »

David s'arrêta net, tendant l'oreille. Les autres se mirent aussitôt aux aguets, armes levées. Le jeune homme avait perçu un léger crissement, sans en déceler la provenance.

« Quelque chose ne va pas? S'inquiéta Laura, qui visait la ruelle directement en face d'eux. »
« J'étais persuadé d'avoir entendu quelque chose, mais... »

Il s'arrêta à nouveau.

« Oui, moi aussi, fit Mélinda d'une voix tendue. »

L'ancien étudiant sentit un bref frisson lui parcourir le dos. Le crissement ne se poursuivait que lorsque l'un d'eux parlait. Comme si ce qui la produisait essayait de dissimuler le bruit sous leur conversation. Ce qui, connaissant l'intelligence des infectés, était plus que probable. Il fit alors signe aux autres de rester vigilants, puis recommença à parler, dans l'espoir que la créature se remette à la tâche.

« C'était probablement rien, mais on ferait mieux de rester prudents. Qui sait ce qui se cache dans les environs. » Christophe désigna le toit au-dessus d'eux, puis fit signe à David de continuer. « On va pas perdre trop de temps, je propose qu'on choisisse un bâtiment dès maintenant et qu'on- »
« On dégage! Hurla le jeune homme, avant de tirer brutalement David vers lui. »

Il ne chercha même pas à comprendre les directives de leur coéquipier, et se précipita sur le côté. Quelques secondes plus tard, un lourd générateur d'air conditionné bascula par-dessus le rebord du toit, avant de s'écraser dans la rue, à l'endroit précis où ils s'étaient trouvés tous les cinq.
Le fracas fut assourdissant, et suivi d'un silence effrayant.
Puis il y eut des hurlements. Dans la clarté aveuglante du soleil, les rescapés virent une ombre vaguement humaine s'élancer par-dessus la rue, avant d'atterrir sur le toit d'en face.
David pivota vers les autres, ouvrit la bouche, la referma, puis se tourna vers la porte d'un autre bâtiment de trois étages. Instinctivement, ses coéquipiers se reculèrent, tandis qu'il pointait le canon du Mossberg sur la poignée. L'heure n'était vraiment plus à la subtilité.
La décharge éclata, assourdissante, et arracha la poignée ainsi que le verrou au panneau. Les charnières rouillées ne résistèrent pas au choc, et toute la porte bascula dans l'entrée avec fracas.

« A l'étage, siffla Laura en poussant son compagnon à l'intérieur. On trouvera un endroit où s'abriter. »
« Si seulement les antennes relais fonctionnaient encore, soupira Emeric en entrant à sa suite. »

David guida ses coéquipiers dans l'escalier, regrettant lui aussi de ne pas pouvoir prévenir le camp.


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