Les trucs et astuces de RDA
Par : Roi_des_aulnes
Genre : Nawak
Status : C'est compliqué
Note :
Chapitre 2
La première règle de l'écriture est...
Publié le 03/11/12 à 22:25:31 par Roi_des_aulnes
... il n'y a (presque) pas de règle.
Prenons un exemple qui peut sembler évident à tout le monde : un personnage doit être réaliste. On s’appesantira plus tard sur ce qu'est un personnage réaliste, sur comment il peut l'être, etc... mais disons dans ce cas qu'un personnage doit être au moins "plausible" dans le monde où il vit. Tout le monde sera à peu près d'accord.
Sauf que voilà, j'ai à peine dit ça, que soudain, la terre gronde, et qu'on entend la mer se retirer. C'est un raz-de-marée gigantesque d'auteurs: ce sont les contre-exemples. A chaque règle, il y en a une petite quarantaine de millions. Et encore, si il s'agissait seulement d'oeuvres médiocres ou des pas édités ! Sauf que non, justement, parmi les flots, on peut apercevoir Dostoïevski, chevauchant un dauphin, la barbe au vent, les yeux enflammés et le sabre au clair, hurlant au nom de la sainte Russie qu'il n'aurait jamais pu écrire le Staretz Zossime si il s'était préoccupé du réalisme, et qu'il faut absolument faire taire l'écrivaillon en face qui va nous briser les couilles de la littérature avec ses règles à la con.
Et là, je corrige, paniqué : « Un personnage doit être réaliste, tant qu'il n'y a rien qui justifie l'inverse ».
Les livres s'arrêtent, Dostoïesvki hésite. Et puis, regardant autour de lui, il décide finalement de rentrer au paradis : son dauphin retourne dans la mer, et, préoccupé, il retourne à son dialogue de confrontation de 188 pages qui oppose une prostituée, un prêtre et un socialiste révolutionnaire en machonnant que, ouais, mais quand même.
On a eu chaud, hein ?
Flaubert disait « L'écrivain doit connaître la grammaire comme un escroc le code ». Je n'aurais pas dit mieux, mais je dirais pareil de tous ce dont je parlerais ici. A chaque fois, je tenterais de les justifier de les expliciter, et, à mon sens, les raisons que j'invoquent sont les bonnes : j'ai raison, un personnage doit être réaliste.
Sauf que, effectivement, les bons livres qui ne suivent pas ces règles existent, et existent en masse. Parfois malgré eux, mais parfois (et c'est le cas de Dostoïevski), grâce à eux. Si vous avez lu les Karamazov (c'est moins le cas de ses autres œuvres), tentez de transformer l'histoire, et de faire des personnages, qui sont en fait des incarnations d'idées, des hommes parfaitement normaux que vous pouvez croiser au supermarché : L'histoire n'a tout simplement pas lieu, et pire encore, ce qui fait la force du livre disparaît. C'est vrai que le Staretz Zossime, il est quand même super classe.
Sauf que Dostoïevski avait une raison de ne pas les rendre réaliste : l'histoire est une fable opposant différentes positions à propos de la religion et du salut, et, principalement, Ivan et Aliocha. Les personnages sont sans doute humains, mais ils sont foutrement cohérents : le premier paysan venu est un philosophe en herbe qui reprend des argumentations complexes, ce qui serait impossible dans la réalité. On ne peut pas y croire : mais l'objectif de Dosto n'est celui-là, mais de faire un raisonnement, raisonnement dans lequel, à un moment ou à un autre, on finira par se retrouver, et par ressentir une émotion ou réfléchir.
Cet objectif, si vous brisez une règle, vous devez le trouver. Si vous ne pouvez justifier l'idée de rendre les personnages invraisemblables, bon, eh bien suivez la file, et faites nous des réalistes, bordel.
Cela rejoint une partie de ce que je crois, qui est plus vaste : dans l'idéal, tout ou presque, dans votre roman, doit être justifié, ou du moins, justifiable. Pourquoi choisir un narrateur interne par rapport à un narrateur externe ? Pourquoi faire un style composé de phrases courtes et directes, plutôt que de longues phases descriptives ? A chaque étape de la création, il faut penser le « pourquoi » : bien entendu, des fois, on est sur des rails, on se contente de suivre le processus, et ça peut fournir de très bonne chose, notamment dans la recherche d'idées. Mais à la relecture, on doit se poser cette question : « pourquoi ce choix et pas un autre ? »
Prenons un exemple qui peut sembler évident à tout le monde : un personnage doit être réaliste. On s’appesantira plus tard sur ce qu'est un personnage réaliste, sur comment il peut l'être, etc... mais disons dans ce cas qu'un personnage doit être au moins "plausible" dans le monde où il vit. Tout le monde sera à peu près d'accord.
Sauf que voilà, j'ai à peine dit ça, que soudain, la terre gronde, et qu'on entend la mer se retirer. C'est un raz-de-marée gigantesque d'auteurs: ce sont les contre-exemples. A chaque règle, il y en a une petite quarantaine de millions. Et encore, si il s'agissait seulement d'oeuvres médiocres ou des pas édités ! Sauf que non, justement, parmi les flots, on peut apercevoir Dostoïevski, chevauchant un dauphin, la barbe au vent, les yeux enflammés et le sabre au clair, hurlant au nom de la sainte Russie qu'il n'aurait jamais pu écrire le Staretz Zossime si il s'était préoccupé du réalisme, et qu'il faut absolument faire taire l'écrivaillon en face qui va nous briser les couilles de la littérature avec ses règles à la con.
Et là, je corrige, paniqué : « Un personnage doit être réaliste, tant qu'il n'y a rien qui justifie l'inverse ».
Les livres s'arrêtent, Dostoïesvki hésite. Et puis, regardant autour de lui, il décide finalement de rentrer au paradis : son dauphin retourne dans la mer, et, préoccupé, il retourne à son dialogue de confrontation de 188 pages qui oppose une prostituée, un prêtre et un socialiste révolutionnaire en machonnant que, ouais, mais quand même.
On a eu chaud, hein ?
Flaubert disait « L'écrivain doit connaître la grammaire comme un escroc le code ». Je n'aurais pas dit mieux, mais je dirais pareil de tous ce dont je parlerais ici. A chaque fois, je tenterais de les justifier de les expliciter, et, à mon sens, les raisons que j'invoquent sont les bonnes : j'ai raison, un personnage doit être réaliste.
Sauf que, effectivement, les bons livres qui ne suivent pas ces règles existent, et existent en masse. Parfois malgré eux, mais parfois (et c'est le cas de Dostoïevski), grâce à eux. Si vous avez lu les Karamazov (c'est moins le cas de ses autres œuvres), tentez de transformer l'histoire, et de faire des personnages, qui sont en fait des incarnations d'idées, des hommes parfaitement normaux que vous pouvez croiser au supermarché : L'histoire n'a tout simplement pas lieu, et pire encore, ce qui fait la force du livre disparaît. C'est vrai que le Staretz Zossime, il est quand même super classe.
Sauf que Dostoïevski avait une raison de ne pas les rendre réaliste : l'histoire est une fable opposant différentes positions à propos de la religion et du salut, et, principalement, Ivan et Aliocha. Les personnages sont sans doute humains, mais ils sont foutrement cohérents : le premier paysan venu est un philosophe en herbe qui reprend des argumentations complexes, ce qui serait impossible dans la réalité. On ne peut pas y croire : mais l'objectif de Dosto n'est celui-là, mais de faire un raisonnement, raisonnement dans lequel, à un moment ou à un autre, on finira par se retrouver, et par ressentir une émotion ou réfléchir.
Cet objectif, si vous brisez une règle, vous devez le trouver. Si vous ne pouvez justifier l'idée de rendre les personnages invraisemblables, bon, eh bien suivez la file, et faites nous des réalistes, bordel.
Cela rejoint une partie de ce que je crois, qui est plus vaste : dans l'idéal, tout ou presque, dans votre roman, doit être justifié, ou du moins, justifiable. Pourquoi choisir un narrateur interne par rapport à un narrateur externe ? Pourquoi faire un style composé de phrases courtes et directes, plutôt que de longues phases descriptives ? A chaque étape de la création, il faut penser le « pourquoi » : bien entendu, des fois, on est sur des rails, on se contente de suivre le processus, et ça peut fournir de très bonne chose, notamment dans la recherche d'idées. Mais à la relecture, on doit se poser cette question : « pourquoi ce choix et pas un autre ? »
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