L'engin faisait feu de toutes ses armes. Une grêle de projectiles s'abattit sur les commando tandis que des explosions retentissaient au milieu de la rue parmi la troupe et semait une certaine pagaille dans les rangs vermillons. Le premier char avait été rejoint par un de ses homologues qui était son jumeau en tous points.

« A couvert ! » beuglais-je de tous mes poumons. Une violente déflagration surgit de ma droite. Sans doutes les bottes répulsives d'un Nimbus qui avaient été touché. Le combustible de ces dernières était hautement inflammable pouvant ainsi transformer son porteur en bombe humaine. Je me relevais, l'armure roussie mais intacte. La figure pleine de sueur mais encore indemne. Il en faudrait plus que cela pour mettre à terre un capitaine de l'Armée de Libération. Les Nimbus n'avaient guère attendus, dès les premiers tirs ils s'étaient abrités sur le bas-côté, dans quelques petites ruelles. Partout où ils pouvaient trouver un abri relatif. Bien peu semblaient avoir été touchés pour le moment. Plus de peur que de mal.

« Chef de sections dispersez-vous dans les quartiers voisins et ralliez l'Alcazar pour soutenir nos troupes. Lieutenant Vespasien vous prendrez le contrôle des opérations Nimbus là-bas jusqu'à mon arrivée. Vous trois avec moi. Nous allons réduire ces infâmes machines infernales en vieux tas de ferraille ! »

Les deux chars légers avaient de nombreux défauts : engins médiocres, ils ne pouvaient que se déplacer assez lentement. En outre leurs armes étaient réputées pour leur grande imprécision et les équipages composés essentiellement de néophytes. Néanmoins même un imbécile au commande pouvait aisément tuer quelques soldats si ces derniers étaient assez stupides pour charger de front. Mais fait plus inquiétant, ces véhicules pourraient facilement faire un carnage si l'idée leur prenaient de contourner nos forces et de semer la pagaille dans nos lignes arrières. Détruire nos hôpitaux de campagnes ou nos tentes de commandement...Il fallait donc les stopper ici ou nous les retrouverions à coup sûr plus tard. En train d'effectuer une bien sinistre besogne qui ne manquerait pas d'être préjudiciable à notre action de libération.

Les trois Nimbus me rejoignirent. L'un d'entre eux fut bientôt atteint par un tir de laser qui avait ricoché sur la corniche d'un immeuble voisin. Soit, ces mitrailleuses bien que vétustes et usées n'en pouvaient pas moins tuer pour autant. Nous nous engouffrâmes rapidement dans une minuscule rue sur notre gauche, adjacente à la voie principale.

Conscients que les troupes ennemies s'étaient déployées dans les ruelles alentours, et en dépit de tout bon sens tactique, les deux chars avancèrent. Les deux véhicules roulaient de front presque côte à côte. La rue était large mais elle n'avait pas non plus été conçu pour des parades militaires et encore moins pour le combat. Il ne fallait pas trop lui en demander.

Les blindés commencèrent à tirer au hasard des immeubles et des maisons espérant ainsi faucher quelques commandos qu'ils pensaient sans doute retranchés en ces endroits. Des flammes jaillirent rapidement des fenêtres et façades de certains bâtiments. La majorité d'entre eux était des constructions pour le moins rustiques essentiellement bâties à base de bois et de paille. Destinés à un usage provisoire en vue de lutter contre la crise du logement que les ravages Lithiens avaient déclenché. Des dizaines de femmes et d'enfants brûlaient vifs dans les incendies, tandis que les quelques chanceux réussissant à sortir dans la rue principale étaient impitoyablement foudroyés par les canons des deux horreurs motorisés.

Quel monstre pouvait supporter une telle chose ? Les Nimbus, comme toutes les troupes de l'Armée de Libération Jabiimienne avaient reçu l'ordre de ne pas mêler la population aux combats. Et ce afin de limiter les morts inutiles d'innocents et innocentes. Le peuple avait déjà assez souffert, inutile de le saigner à blanc une fois encore. Au vu de ce macabre spectacle, il semblait que de tels sentiments de clémence et d'altruisme n'eurent pas cours dans le rang des loyalistes. Ces assassins payeront de leurs crimes.

Les chars continuèrent leur sale besogne, usant leurs munitions sur tout ce qui passait à leur portée et qui ressemblait de près ou de loin à une forme humanoïde. Plusieurs commandos retardataires furent mortellement atteints dans la rue principale mais globalement les trois essaims avaient pu se disperser sans grande difficultés. Nos bottes répulsives nous donnaient un écrasant avantage en terme de mobilité. De plus l'utilisation totalement surréaliste de ces unités motorisés facilitait grandement la tâche. Quel sot avait donc ordonné la marche en avant de ces véhicules ? Ils manquaient d'espace pour manœuvrer correctement. Mère Incompétence ayez pitiés de ces pauvres âmes car moi je n'en n'aurais aucune pour eux.

Au loin des fantassins commencèrent à affluer. Guère besoin de jumelles pour distinguer l'affiliation des nouveaux venus : imperméables vert pomme de la Protection Civile. Sans doute la précieuse piétaille républicaine que les blindés n'avaient pas jugés bon d'attendre, allant ainsi à l'extrême opposé de ce qui pourrait s'apparenter à du bon sens. Parfait, l'infanterie serait trop éloignée pour leur être d'une quelconque utilité.

Ne perdant plus un instant nous continuâmes le long de la ruelle pour contourner les deux tanks trop occupés à avancer pour surveiller consciencieusement leurs angles morts. J'épaulais mon arme antichar, un lance-roquette portatif, puis tira sur l'engin de gauche qui explosa sur le coup. Son comparse, tentant de riposter à la nouvelle menace, tourna sa tourelle vers la gauche mais cette dernière se coinça dans l'épave encore fumante de son homologue.

Mes camarades et moi sourîmes devant cet absurde spectacle qui résumait à merveille la qualité des troupes loyalistes Jabiimiennes. L'un de mes compagnons tira et le second véhicule fut lui aussi touché par un missile. Il n'en fallait guère plus. Si le blindage de ces machines était faible à l'avant, il était pratiquement inexistant à l'arrière. Juste à temps. Le brasier avait fortement gagné en intensité et commençait à se généraliser aux structures proches de notre position. Nous laissâmes derrière nous le quartier qui était en train de se consumer en son intégralité. Hélas nous ne pouvions rien faire du tout pour aider ces malheureux. C'était la guerre bon sang ! De ce fait ils étaient condamnés à périr dans l'incendie.

Les miliciens vert pommes arrivèrent et commencèrent bien péniblement à se déployer au fond de la rue. Ils ne virent que trop tard les Nimbus qui, à partir des nombreuses ruelles ciselant la route principale, fondèrent sur eux avec la toute vitesse de leurs bottes répulsives. Les républicains furent taillés en pièces à coup de vibro-lame. Inutile de gaspiller des munitions pour ces rats. Je rejoignis la mêlée avec mes deux frères d'armes qui disparurent bientôt dans la confusion de la bataille. Nous étions tous bien déterminés à ce que chaque femme, chaque enfant et chaque innocent massacré par ces abominations soient vengés.

Désavantagés par l'impact de la charge les miliciens ne pouvaient que difficilement se servir de leur encombrant fusil. Ils étaient donc obligés de croiser le fer avec nous de grès ou de force. Certains usaient de la baïonnette lorsque leur arme en portait une, mais la plupart furent obligés de se servir de leurs fusils comme d'une massue. Fendant les airs avec la crosse en espérant vainement atteindre l'adversaire. J'esquivais sans problème le coup de baïonnette d'un premier soldat vert pomme avant de lui trancher la gorge d'un coup sec. Puis je me retournais pour lacérer le dos d'un autre milicien qui s'écroula au sol dans un cri de douleur, face au ciel. Je lui enfonça ma lame dans le cœur et il fut bientôt pris de spasmes. Je me mouvais de gauche à droite puis de droite à gauche, comme pris dans les remous de la danse damnée du belliciste en furie. Là je parais l'attaque maladroite d'un imbécile tout en le tuant dans ma riposte. Ici je contrais le coup d'un autre idiot, le défaisant avec aisance. Partout autour de moi se déroulaient des scènes comparables. Les Nimbus semblaient valser, virevolter de plaisir face aux mouvements patauds des membres de la Protection Civile. Pauvres hères entêtés et sans jugeotes ! Ils n'avaient aucune chance mais pourtant ils continuaient à lutter. Nous faisant perdre dans le même temps de précieuses minutes. Ils bataillèrent jusqu'au dernier homme. Enfin, quand l'ultime brute républicaine fut tuée, nous pûmes repartir de plus belle vers le combat.

Excédés par ce léger retard et l'esprit tout hanté de ces nombreuses bâtisses civiles en feu. Certains Nimbus se défoulèrent à coup d'épée sur les cadavres de leurs infortunés victimes. Les dépouilles encore chaudes de ces dernières furent atrocement mutilées et défigurées. Tandis que les poches de leurs uniformes étaient consciencieusement fouillées dans l'espoir d'y trouver une quelconque source de fortune : une liasse de billets, un bijou, une belle montre... Je laissais faire. Après tout, tout le monde avait bien le droit à ses quelques petits moments de détente. Surtout dans sa rude vie de guerrier.

D'autres loyalistes rejoignirent bientôt la zone du massacre mais ils rebroussèrent bien vite chemin en voyant le sort qui avait frappé leurs prédécesseurs. Ils coururent à toutes jambes dans la direction inverse du combat. Ah les lâches ! Sales pleutres ! Exaltant et hurlant de bonheur devant la prochaine victoire qui nous souriait, nous nous empressâmes de les suivre. Confiants en notre écrasante supériorité.

Puis nous le vîmes enfin : l'Alcazar.