Nous serpentions au travers des ruelles entre les affres de la tempête. L'eau ruisselait sur les pavés de la rue. Elle emplissait le tout-à-l'égout qui n'en pouvait plus d'être forcé à engloutir par tonneaux entiers toutes ces larmes célestes. Cette eau de pluie nauséabonde s'infiltrait partout, même dans nos armures. Nous étions trempés jusqu'aux os, gelés jusqu'à la moelle. Mais ils comptaient sur nous, tous ces frères de la Révolution, ces véritables Jabiimiens qui n'avaient pas été pervertis par la néfaste influence de Coruscant et de sa petite marionnette de cire qu'était devenu le Congrès.

Je jetais un regard distrait à ma lame souillée de sang. Le temps, exécrable, avait encouragé les loyalistes à interrompre totalement leurs patrouilles qui n'étaient déjà pas bien nombreuses à l'origine. Folles créatures, pauvres petites chimères insouciantes...Nous avions finis par atteindre leur principal hôpital de campagne. Sans difficulté j'avais égorgé l'unique vigie qui était censé garder ce chemin. L'infortuné républicain au lieu de surveiller la route, comme il aurait du le faire, s'était réfugié au fin fond de sa guérite, tentant vainement de se réchauffer autour d'un brasero. Lui qui désirait de la chaleur, il ne connaîtrait désormais rien d'autre que la froide embrassade de la mort.

Bientôt du moins, son corps était encore l'objet de soubresauts. L'agonisant tentait de résister, refusant d'admettre que son combat pour la vie était irrémédiablement voué à l'échec. Je le laissais là, à se vider de son sang. Un sot, comme tous ceux de sa bâtarde espèce. Les tuer, c'était comme les sauver de leurs erreurs de jugements. De leurs égarements intellectuels qui les avait poussé à rejoindre une cause perdue. J'égorgerais jusqu'au dernier le moindre de ces aliénés si cela s'avérait nécessaire pour épargner Jabiim de toute cette racaille républicaine.

Je franchis l'embrasure de la porte prétendument gardée suivit de mes braves. C'était un imposant portail de fer rouillé qui grinçait atrocement. Pourtant, en dépit de ce strident concerto improvisé, personne. Aucun soldat ennemi en vue. Nous étions alors en plein c½ur du dispositif républicain, ce qui signifiait une faible défense extérieure et une inexistante protection intérieure. Tous les esprits étaient tournés vers l'Alcazar et pas un de leurs prétendus officiers ne devaient songer à leur cher hôpital de campagne à l'heure actuelle.

L'endroit était en réalité un immense camp. Peuplés de milliers de tentes kakis à perte de vue. Tour à tour ces dernières devaient servir de salle d'opération et de lieux de convalescence improvisés pour pallier à la carence évidente d'infrastructures médicales en temps de guerre. Au centre du camp trônait une imposante structure de pierre grisâtre et déprimante, ce fut sans doute un entrepôt en un temps pas si éloigné que cela. Un immense drap blanc orné d'une croix rouge recouvrait la façade avant du bâtiment. A sa droite, une antenne radio avait été élevé, semble t-il en toute hâte. Laborieusement maintenue droite par des câbles rattachés à des piliers de béton armé. Un petit pavillon flottait au sommet de cette tour métallique. J'équipais mes jumelles curieux de voir quel régiment était officiellement chargé de défendre l'endroit.

Mais ce n'était pas un étendard d'armée. Plutôt un blason personnel. Le genre de pacotille dont les vieilles maisons aristocratiques raffolaient pour se signaler au yeux de tous, et ainsi se démarquer de la plèbe. Les simples citoyens n'avaient effectivement pas le droit d'arborer de tels signes distinctifs. Qu'elle était belle l'égalité républicaine !

« L'aigle bicéphale de Jabiim

- Tout juste Vespasien. Et vous et moi ne connaissons qu'une seule personne capable d'user d'un tel signe.

- Depuis le temps, je croyais qu'il était mort Capitaine

- Moi aussi lieutenant. Mais s'il y'a bien une chose de sûre, c'est que Rulfio Garrus est de la race des vieilles souches. Flétri par l'âge mais pas encore tout à fait dépérissant. Cela ne m'étonnerait guère que le Congrès l'ai sortit de sa retraite pour le propulser en plein service actif. Une fois de plus.

- Cela risque d'être plus difficile que prévu Capitaine. Je n'aime guère cela, nous avons pénétré beaucoup trop facilement dans ce maudit camp. Autorisation de se replier ?

- Refusée lieutenant. Conservez votre sang-froid nous avons un peu moins de trois cents Nimbus derrière nous. Quelles que soient les forces dont dispose Garrus il n'a aucune chance. Gardez donc vos idées défaitistes pour vous. Ce vieux débris, cette relique de l'Ancien Régime, n'est qu'un ridicule obstacle face au progrès que nous allons apporter à Jabiim. Voyez la négligence des défenses de ce camp Vespasien ! Vous y sentez là un piège alors que la véritable cause en est beaucoup plus simple et évidente. Le vieux Garrus perd la main. Il est grand temps que les fossiles de son acabit soient écartés des affaires courantes . Fouillez le maximum de tentes possibles et tuez tous ceux que vous rencontrerez. Nous devons faire le plus de dégâts possibles ! Je m'occupe de leur hôpital en pierre, les réserves médicales des loyalistes sont sans doute entreposées à l'intérieur. Les détruire, en plus de leur porter un grand coup au moral permettra de désorganiser totalement leurs circuits de soin dans ce secteur. Sans médicaments ni bandages la moindre blessure légère sera une véritable épreuve de force à traiter. En outre, je vous l'affirme sans broncher Vespasien. Avec toute cette boue qui entoure l'Alcazar, ses défenseurs tomberont comme des mouches. Défaits par les maladies qu'ils ne pourront plus soigner ! C'est scientifique ! »

Peu impressionnée par ma tirade et mon raisonnement pseudo-logique Vespasien me fit honneur d'une moue dubitative mais se garda bien de commenter mes propos. Le fidèle second reconnaissait son maître ! :

« - Bien comme vous voudrez Capitaine, il en sera fait selon vos désirs ».

Je hochais la tête satisfait. A la suite des trois lieutenants de l'essaim, les Nimbus se déployèrent bientôt dans tout le camp. Vibro-lame en main, fouillant chaque tentes pour les purger de ses horribles occupants. Je pris personnellement la tête des Nimbus qui restaient là et me dirigeait d'un pas assuré vers la bâtisse centrale qui semblait m'appeler. Il n'y avait toujours aucun soldat ou milicien loyaliste en vue. A croire que tout le camp avait été déserté en forces combattantes. Désirant faire bonne figure, je ne transmis pas la nouvelle aux troupes. Inutile de les effrayer avec Garrus...J'escomptais que Vespasien ferait de même.

Ah Garrus. Rulfio Garrus... Voilà bien un nom que je n'avais pas entendu depuis des années. Ce démon était un représentant typique de la vieille élite conservatrice de la planète. Républicain jusqu'aux bouts des ongles ! C'était aussi et surtout un grand vétéran de l'Armée Jabiimienne qui avait participé à de très nombreuses batailles aussi bien sur la planète qu'en dehors de Jabiim. Désireux de transformer sa vie en véritable épopée galactique, le bougre avait également pas mal bourlingué aux quatre coins de la galaxie. Il paraît même qu'il avait connu des Jedis ! Je frémissais d'effroi au simple fait de penser à Rulfio Garrus côtoyant ces sorciers. L'actif vieillard fut également longtemps rattaché auprès de diverses unités républicaines en tant qu'observateur étranger. Se penchant scrupuleusement sur les dernières innovations techniques ou stratégiques dans le domaine militaire. Son savoir en la matière était censé être inégalé en tout Jabiim. Il avait pris sa retraite il y'a quelques années de cela, se faisant discret à un point que l'opinion publique le cru mort. Moi y compris.

Pour beaucoup c'était une espèce de héros, une légende vivante entachée d'un mysticisme semi-religieux où se mêlait le respect teintée d'une sainte crainte. Pour moi ce n'était qu'un vieil entêté qui avait fait amplement son temps. Ou du moins c'est ce que je me disais intérieurement, afin de rassurer mon égo en peine. Ce monstre m'effrayait déjà un peu quand il n'était que mon professeur à l'Académie. Mais il n'était pleinement lui-même que sur les champs de bataille. Je le revois encore, me hurlant ses directives lors de l'invasion Trandoshane. Se jetant dans la lutte avec toute la véhémence d'un lion enragé. Même en dépit de son âge avancé, il restait une machine née pour tuer. Pas tout à fait un dieu mais plus qu'un homme. Ils nous avaient tous impressionnés ce jour-là en massacrant à l'arme blanche au moins une bonne centaine de Trandoshans. Les massacrant impitoyablement, les traquant même jusque dans les tréfonds des ruelles alors que tout le monde se repliait.

Le tuer aujourd'hui serait comme exorciser certains des vieux démons qui me pourchassaient sans répit dans la Géhenne de mon esprit. Nous nous rapprochâmes de la bâtisse et toujours aucun bruit. Peut-être qu'après tout les républicains n'avaient réellement laissés que quelques sentinelles isolées ?