Chapitre 3 : Rainbow

Et une nouvelle journée qui commence. La "big party" a lieue dans deux jours tapants. Ca me reste deux jours pour me reposer un peu. Comme à mon habitude, je vais déjeuner au café à quelques mètres de chez moi. J'y vais depuis deux ans maintenant. Et, en toute honnêteté, je n'y vais pas que pour le café chaud et le croissant. Gwen... Une brune aux yeux verts. Splendide, exquise, attentionnée, cultivée. J'aime boire mon café en l'écoutant parler à ses collègues. J'aime aussi quand elle s'adresse à moi, qu'elle me dit de petits mots gentils. Comme me donner l'addition en me souhaitant une bonne journée, par exemple. Je n'ai jamais tenté ma chance avec elle. Et je suis pris dans un triangle. Je n'ai toujours pas oublié Anna, et je ne suis pas prêt de tourner la page. Toujours en dépression. Je hais ce que je suis devenu.
Mais elle, Gwen... la voila alors que je pousse la porte du petit café français du quartier. Comme d'habitude, de bon matin, il n'y a que quelques personnes. Et moi, je suis encore et toujours l'habitué. Habillée dans son uniforme habituel, elle vient me gagner à ma table habituelle. Ses longs cheveux ondulés n'ont d'égaux que sa beauté. Et, comme d'habitude, les mêmes dialogues qui se succèdent.

"Bonjour, Daniel, et voilà votre café et vos croissants. Bon déjeunez bien ! "

Et son sourire m'ensorcèle. Comme à chaque fois. Sourire que je lui renvois du mieux possible. Daniel ? J'ai menti sur mon nom, la première fois que je lui ai donné. Il y a deux ans. Je portais très mal le fait de m'appeler Blue. Et c'est encore Ben qui m'a aidé à m'assumer... Je lui dois beaucoup. Hélas, ce mensonge, je ne peux pas le réparer. A ses yeux, je suis Daniel, homme au prénom banal, déjeunant avec la même commande habituelle encore et encore et depuis deux ans elle ne change pas. Même moi je ne comprends pas comment en deux ans je n'ai encore rien tenté... Pourtant, ça n'est pas la conversation qui manquerait... J'ai juste peur. Peur du changement. Peur qu'elle aussi soit l'une d'entre eux. C'est dur de les reconnaitre, pourtant ils ont les mêmes habitudes que les miennes... C'est à dire une routine qui ne change jamais. J'ai appris à les reconnaitre... Et aussi à me soigner, à contre coeur. Ou pour le meilleur. Je ne sais plus à quel monde j'appartiens. Celui du paranoïaque en perdition ou du paumé essayant de se forger une vie.

Et alors que mes pensées s'entrechoquent, je la regarde toujours du coin de l'oeil. Au fil du temps, je pense qu'elle a du comprendre. Et qu'elle a du remarquer mes regards. Ou au moins ses collègues de travail. Je suis un piètre voyeur. Un raté à tous les niveaux.
A travers les vitres du café, j'observe les gens passer. Où vont-ils ? Quelle vie ont-ils ? Qu'est ce qui les animent ? A quoi aspirent-ils ? Il y en a-t-il parmi eux... ?

*Tut tut*

Traitement. J'avale mon fond de café en même temps que ma gélule prescrite puis me dirige vers le comptoir pour régler l'addition. Bingo, c'est Gwen qui me sert.

" Tu connais le prix "

Je lui tends 4 euros et une dizaines de cent. Et, encore une fois, je ne dis rien d'autre qu'un simple au revoir. C'était ma sept-cent-quatorzième tentative d'abordage. A demain.