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Paris by Night


Par : Conan
Genre : Polar, Réaliste
Statut : Terminée



Chapitre 17


Publié le 08/11/2011 à 02:58:37 par Conan

Il est vingt-trois heures. Anto, Requin et Bob sont assis dans le salon de ce dernier. Un rock gueulard hurle dans le petit studio. Le chien aboie. Requin décapsule une bière avec ses dents malgré les bouts de verre qu'il a dans la joue.
Bob frappe son chien avec sa ceinture pour le faire taire puis s'isole dans la salle de bains, le portable à l'oreille. Anto a du mal à tenir son dixième verre de vodka.
Bob revient dans le salon :
-C'est bon, j'ai eu mon pote.
-Alors? Demande Requin entre deux gorgées.
-Il nous attend dans la forêt de Fontainebleau à une heure.
-Je reste convaincu que c'est pas une bonne idée. Dit Anto en hoquetant.
-Avec toi c'est jamais de bonnes idées. T'es devenu pédé ou quoi? Ils flinguent Jean-Jo, puis ils essayent de nous buter, d'ailleurs vu l'état de la bagnole on a de la chance d'avoir seulement des bouts de verre et de tôle dans la gueule, et on doit rester sans rien faire?
-C'est trop précipité. Ils vont nous attendre au tournant.
-Non justement. Ils pensent qu'on est salement blessés, voir crevés. Eux ils ont eu de la casse. Tu le sais bien, c'est toi qui a explosé le bras d'un des leurs à la chevrotine. Avec un peu de chance il aura claqué.
-C'est du grand n'importe quoi.
-C'est moi qui décide! Dans une demi-heure, on va dans la cité du gros Yassine, on le choppe et on l'emmène voir mon pote pour l'interroger. Quand il a balancé tous les noms, on le fume et on dégomme tous ses gars, tous ceux qui sont impliqués dans la mort de Jean-Jo, et dans la fusillade de cet après-midi.
-Mais merde, on a buté Mouss, tabassé Rocky et ses cousins, blessé un des Arabes, ça te suffit pas? Il te faut aussi la tête de Yacine?
-La tête de Yacine et de ses lieutenants. Ouais.
-Mais il sera sûrement armé, il va pas se laisser faire!
-Et alors? Nous aussi on sera outillés. Si il défouraille, on lui explose les jambes.
-Tu pètes complètement les plombs Bob.
-Et toi? Tu vaux mieux que moi?
Anto se contente de baisser les yeux. Bob reprend d'un ton plus posé :
-Requin et moi, on nettoie les flingues et on prépare l'artillerie. Toi, tu vas nous trouver une camionnette.
-Où tu veux que je trouve ça?
-J'en sais rien moi, démerde-toi. Il nous la faut pour dans trente minutes. Ne perds pas de temps.

Anto soupire, enfile sa veste et sort.
Il fait de plus en plus froid dans les rues sombres et mal famées de la banlieue Parisienne. Où peut-être est-ce Anto qui perd peu à peu son âme au fil de ses excursions avec Bob. Un jour, il ira trop loin et sera repris dans le cercle vicieux qu'il a connu il y a dix ans. Peut-être même a-t-il déjà remis le doigt dans l'engrenage?

Non. Pas cette fois. Il compte bien trouver assez d'argent pour partir loin, très loin de Paris, de ce pays pourri jusqu'à la moelle, de refaire sa vie. Il n'a même pas trente ans, pourquoi n'aurait-il pas le droit à une seconde chance lui aussi?

Bob veut qu'il trouve une camionnette? Qu'ils aillent mettre la main sur le gros Yacine? D'accord. Mais ce soir, c'est le dernier coup qu'il fait avec les deux autres furieux. Après ça, finies les conneries. Finie la violence, fini le deal, finis les plans foireux, la peur, la clandestinité, fini Bob, fini Ulrich. Finis les Milo, les Kader, les Requin. Fini Anto, l'ancien skin presque malgré lui, devenu vendeur de came pour tous les rats d'égouts de la ville. Bonjour Antoine.

Mais d'abord, il faut trouver une camionnette. Un Renault Trafic blanc est garé devant un kebab au centre-ville. Problème : le restaurant est toujours ouvert et occupé. Il va falloir la jouer fine. Anto sort une épingle de sa poche et crochette la serrure du véhicule. Il manque de lumière, et craint que quelqu'un ne le remarque. Après quelques secondes de bataille contre le système de verrouillage, ce dernier cède enfin avec un bruit caractéristique.
Coup d'œil à droite, coup d'œil à gauche, puis Anto ouvre la portière, rentre dans l'habitable, et referme. Il s'attaque maintenant au système de démarrage. Il prend son couteau à cran d'arrêt, ouvre le compartiment sous le volant et commence à jouer l'apprenti sorcier avec les fils électriques. Deux coups de canif, un raccordage, et le véhicule démarre. Sur le coup, Anto sursaute. Puis il se redresse sur le siège et pose les mains sur le volant.

Trois hommes sortent du kebab en hurlant. L'un d'entre-eux ouvre la portière coté passager et se rue sur Anto qui le repousse d'un coup de pied. Il passe la première vitesse et appuie sur la pédale d'accélération, poursuivi par les trois hommes qui continuent de l'invectiver jusqu'à ce qu'il soit trop loin pour les entendre.

Il revient en bas de chez Bob et planque la fourgonnette derrière le bâtiment, dans une ruelle peu éclairée.
Il sonne à l'interphone. Bob décroche.
-C'est bon.
-Ok, on arrive.

Quelques minutes plus tard, Bob et Requin rappliquent. Requin tient un sac de sport qu'il met à l'arrière de la camionnette avant de s'y assoir. Anto s'assied du coté conducteur mais Bob le pousse pour prendre sa place.
-Qu'est-ce que tu fous? Lui demande Anto, refoulé sur le siège passager.
-J'prends le volant, ça se voit pas?
-C'était mon boulot.
-Hé, gros malin, t'as vu comment je boite? Si ça part en baston je vais en prendre plein la gueule, toi t'es le moins amoché d'entre-nous.
Anto ne répond pas. Bob conduit jusqu'à la cité de Yacine. Plusieurs guetteurs épient le véhicule d'un mauvais œil.
-On arrive. Requin, prépare les calibres.
A l'arrière, ce dernier sort un fusil à pompe et un Beretta du sac de sport. Les mêmes armes que celles de la fusillade.

Bob arrête son véhicule à une cinquantaine de mètres d'un terrain de foot en bitume. Apparemment délaissé par les enfants depuis belle lurette, il sert de point de rassemblement aux toxicomanes et dealers du secteur qui échangent came contre argent au vu et au su de tout le quartier, sans même chercher à se dissimuler. Yacine y est, en tant que superviseur de ses troupes de revendeurs. Tel un officier gras et huileux, il marche au milieu ces petites ombres courbées et mesquines, comme un passage en revue.

-Quand il aura fini son petit numéro, ce gros porc rentrera chez lui. On le suivra à distance et on le choppera au bon moment. Dit doucement Bob en gardant les yeux rivés sur sa proie.

Une dizaine de minutes plus tard, Yacine sort du terrain. Il marche en dandinant ses grosses fesses et en balançant ses mains boudinées. Bob redémarre et roule tous feux éteints.

Au bout de quelques secondes Yacine tourne dans une rue moins bien éclairée et plus calme encore. Bob accélère, prend le virage et dépasse Yacine. Puis il arrête brusquement le véhicule et crie :
-Allez-y! Choppez-le!
Requin ouvre la porte arrière armé de son 9 millimètres et Anto descend de l'habitacle fusil à pompe en main. Les deux hommes braquent Yacine qui tente de s'enfuir. Requin le rattrape et le frappe. C'était sans compter sur la résistance du gibier qui repousse Requin et met sa main dans la poche de sa veste de survêtement. Anto court vers lui et lui assène un coup de crosse sur la tête. Requin attrape Yacine par les bras en lui hurlant dessus, mais ce dernier se débat encore et toujours en les traitant de tous les noms. Dans la mêlée, la veste de Yacine recouvre son visage. Anto en profite pour le faire tomber et lui mettre quelques coups de crosse dans le ventre, puis Requin lui enlève sa veste et les deux hommes le trainent jusqu'à la camionnette, engueulés par Bob qui leur demande qu'est-ce qu'ils foutaient.

Allongés à l'arrière sur Yacine, Anto et Requin sont trop occupés à le maitriser et à vider ses poches pour répondre. Ils parviennent enfin à lui attacher les mains avec de la corde et à lui mettre un sac sur la tête. La situation se calme jusqu'à la fin du long trajet qui les conduits à la forêt de Fontainebleau.

Bob stoppe le véhicule sur le bas coté de la route, à la lisière du bois.
-Mon pote est dans ce coin. Dit-il en s'engageant sur un petit chemin qui mène au cœur de la forêt.

Les phares de la camionnette éclairent une moto Harley Davidson. A coté se tient un grand type au crâne rasé, arborant de grosses moustaches noires et un blouson en jean.
Bob arrête finalement la fourgonnette et en descend pour aller faire l'accolade au biker.
-Haha, sacré Francis.
-Alors Bob, tu veux te lancer dans les pompes funèbres? J'ai creusé le trou comme tu me l'a demandé. Il est juste derrière. C'est qui le client?
-Anto, Requin! Sortez le crouille!

Les deux hommes sortent de la camionnette en tenant fermement leur prisonnier. Ils le font s'agenouiller et lui retirent sa cagoule.
-Hé ben, c'est un beau morceau, tu t'es fait plaisir.
-On est où là bande de fils de putes! J'vais vous buter sales bâtards! Vous êtes morts! Fils de chien, sur le Coran vous êtes morts! Hurle Yacine.
Bob et Francis rient :
-Il a pas encore l'air de réaliser. Dit Bob.
-Bah on va l'aider à se réactualiser. Aide-moi. Répond Francis en attrapant Yacine par le bras pour le trainer jusqu'au trou devant lequel il le fait s'agenouiller.
-Putain, j'te reconnais, t'es le skin! Sale bâtard, tu me veux quoi? Ta mère la pute! Sale porc!

Bob assène un violent coup de poing à Yacine, le relève, lui attrape la nuque et le force à regarder la tombe :
-Si j'étais toi, j'éviterai de hurler. Ce trou là, il est pour toi, et si tu continues de nous emmerder, je peux te dire que tu auras une mort franchement pénible. Compris le bougnoule?

Anto et Requin assistent à la scène en retrait. Requin en souriant, Anto franchement mal à l'aise.
-Maintenant, saloperie, tu vas me dire ce que je veux savoir. Je ne peux pas te garantir la vie sauve, mais une mort rapide et sans douleur.
-Et qu'est-ce que tu veux savoir enculé!
-Tu le sais très bien! Je veux les noms et adresses de ceux qui ont participé à l'assassinat de Jean-Jo, et de ceux qui nous ont attaqués à coups de flingue cet après-midi.
-Mais j'y suis pour rien!
-Me prends pas pour un con! Rocky le Gitan a parlé. C'est des Arabes qui ont essayé de nous flinguer tout à l'heure.
-Allez vous faire enculer sales Gouers de merde!

-C'est toi qui choisit. Soit on te fout une balle, propre, net et précis, soit on t'enterre vivant. Dit Francis qui arme son pistolet et le met contre le crâne de Yacine. Il tire un coup à vide avant de rigoler.
-J'vous emmerde! Je dirais rien! Crevez! Hurle Yacine en crachant au sol.
Bob perd patience et pique une crise. Il va ouvrir l'arrière de la fourgonnette et fouille un peu avant de revenir, un sac en plastique à la main. Il y insère la tête de Yacine toujours à genoux qui commence à s'étouffer.
-Requin, vient m'aider!
Ce dernier ne se fait pas prier pour frapper à grands coups de pied le ventre de Yacine qui se remue et se secoue dans tous les sens. Bob enlève le sac.
-Tu vas parler enculé de Bicot?!
Yacine suffoque, il ne parvient pas à reprendre sa respiration.
-Ma... Ma... Il faut ma...
-Ta maman? Rigole Requin.
-Ma... Ventoline...

Les quatre hommes se regardent, dubitatifs.
-Il est asthmatique ce con? Demande Bob avant de se retourner vers Yacine.Calme-toi, calme-toi. Il est où ton inhalateur?
-Dans... Dans ma... Veste.
-Putain sa veste, mais elle est où?

Requin répond, un peu gêné :
-Ben, c'est que... En fait... Pendant qu'on l'attrapait... Il avait une arme et...
-Où est sa putain de veste?! Hurle Bob.
-Il l'a perdue pendant la bagarre.
-C'est pas vrai! Mais c'est pas vrai!

Yacine suffoque de plus en plus, il ne retrouve pas sa respiration et ne peut plus parler. Francis essaye de le calmer, en vain. De la bave coule au coin des lèvres de la victime qui, d'un coup, tombe en avant dans sa tombe.

Les quatre hommes regardent le corps inerte de Yacine au fond du trou. Bob se retourne vers Requin et Anto. Ses yeux semblent vouloir sortir de ses orbites.
-C'est pas vrai! Mais c'est pas vrai! Mais qui m'a foutu des connards pareil?! Qui m'a foutu une telle bande de fils de pute d'incompétents de merde pareils?!
Il se met à hurler des choses incompréhensibles, à frapper à grands coups de poing contre les arbres, puis revient vers Francis, lui arrache son arme des mains, et vide son chargeur dans le corps de Yacine maintenant ensanglanté.
-Vous êtes les pires merdes que j'ai jamais vues!

Dans un état de furie incontrôlée, il insulte Requin et Anto, l'air penaud et désolé. Son état de démence semble ne plus finir et Anto croit même que Bob va finir par les tuer.

Au bout de quelques minutes, Bob retrouve ses esprits. Il rend son arme à Francis qui pose sa main sur son épaule en lui disant de rentrer, qu'il s'occupe d'enterrer le corps. Bob le remercie et lui dit qu'il le paiera dès demain.
Bob, Anto et Requin remontent dans la camionnette, direction Paris.


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