<h1>Noelfic</h1>

Paris by Night


Par : Conan

Genre : Polar , Réaliste

Status : Terminée

Note :


Chapitre 12

Publié le 07/10/11 à 02:22:56 par Conan

Nous sommes le 10 décembre 2011 et il est une heure du matin.
Bob a tourné toute la soirée en voiture en écoutant de la musique gueularde et tapageuse. Assis à coté de lui, Anto reste silencieux, pensif. Requin est étalé de tout son long sur la banquette arrière et dort comme un bienheureux. Il fut pourtant réticent à jeter sa batte de baseball dans une benne à ordure après le meurtre de Moussa.

Bob coupe la radio et regarde furtivement Anto avant de lui demander :
-Qu'est-ce t'as? Tu fais la gueule?
-Non. Je réfléchis.
-C'est pas bon de trop cogiter. A quoi?
-Comment ça se fait qu'après avoir raccroché je me retrouve mouillé jusqu'au cou dans une sale affaire avec toi à peine deux semaines après qu'on se soit revus.
-C'est le destin! Mektoub comme disent les bronzés. T'es un Gaulois, t'as ça dans l'sang, t'es des nôtres.
-J'crois pas au destin.
-Tu devrais.
-C'était son destin à cette pauvre cloche qui roupille derrière de buter un dealer à coups de batte et que tout ce qu'il regrette c'est d'avoir jeté l'arme du crime, à même pas vingt ans?
-Sûrement.
-Tu vas où là?
-Je sais pas, j'me ballade, c'est ma façon à moi de réfléchir. On va s'arrêter à un restaurant pour bouffer un peu.
-A cette heure-ci?
-Ouais, y'a toujours des trucs ouverts sur les autoroutes. Faudra qu'on discute en même temps.

Juste après, Bob s'engage sur le périphérique et continue le long d'une autoroute jusqu'à une aire de repos où est ouverte une cafeteria devant laquelle il se gare. Les trois hommes descendent du véhicule et sont surpris par le froid. Ils se dirigent d'un pas pressé vers l'entrée du self.

Les lieux sont quasiment vides à l'intérieur, si ce n'est les deux cuisiniers qui s'occupent du service, la caissière et trois hommes attablés en salle. Anto, Bob et Requin prennent des plateaux et avancent le long du circuit gastronomico-industriel qu'ils doivent suivre. Un bout de pain, steak-frites pour Anto et saucisse-purée pour Bob et Requin, de la bière pour tout le monde. Après avoir payé ils vont s'assoir au fond de la salle et attaquent leur repas.
Penché au dessus de son assiette, Requin demande la bouche pleine :
-Qu'est-ce qu'on fait pour le gros Yacine?
Bob achève son plat, boit une gorgée de bière, s'essuie la bouche avec sa serviette, se prélasse sur sa chaise puis répond enfin :
-On le choppe et on le fait parler.
-Et si il a un flingue? Demande Anto.
-Ça change rien. Toutes façons on est trois.
Anto blêmit et arrête de mastiquer net.
-Alors, t'as plus appétit? Le charrie Bob.
-Je marche plus.
-Mais si tu marches, on est lié, tu peux pas t'en tirer comme ça. T'es avec nous ou contre nous Anto. Tu l'a dit toi-même, tu t'es mouillé jusqu'au cou avec nous, impossible de faire machine arrière maintenant.
-Je ne te suit plus.
Bob soupire et lève les yeux vers la salle :
-T'as changé Anto. Je sais pas trop ce que c'est mais t'as changé...
Puis son regard se stoppe net au dessus de l'épaule d'Anto qui se trouve juste en face de lui.
-Qu'est-ce qu'il t'arrive? Lui demande Anto.
-Les mecs derrière toi.
Anto prend peur. Des flics? Des truands qui veulent leur peau?
-Quoi?... Qu'est-ce qu'ils ont?
-Ils nous regardent mal.
Anto se retourne furtivement. Effectivement, les trois hommes derrière, qui n'ont pourtant pas l'air plus truands que la moyenne nationale, soutiennent leur regard sur Bob. Anto replonge son nez dans son assiette :
-Mais non ils nous regardent pas.
-Si, et ça me gonfle. T'as vu ça, t'as vu leurs gueules? J'suis sûr que c'est des Juifs.
-Arrête de délirer bordel.
-Si, ces sales youpins me fixent.
Bob se lève et crie à l'encontre des trois hommes :
-Alors quoi? Qu'est-ce que vous avez bande d'enculés? Vous nous défiez, c'est ça? Alors, venez ici les pifs crochus, venez un peu que je vous démonte la gueule!

Les trois hommes baissent les yeux, remettent leurs manteaux et sortent du restaurant sans un bruit. Mais Bob remet à son tour son bombers et marche derrière eux en faisant craquer ses doigts, suivi d'un Requin rieur et d'un Anto inquiet et médiateur.

Le groupe de devant, se sentant pourchassé, rentre dans une voiture. Le chauffeur tente de mettre le contact mais le gel empêche le démarrage. Pendant ce temps, Bob sort une barre de fer d'une poubelle et se dirige avec détermination vers eux en les invectivant. Dès qu'il est à la hauteur du véhicule, il frappe sur le pare-brise à grands coups de barre, puis Requin monte sur le capot et saute sur la voiture. Bob tente d'ouvrir la portière mais le chauffeur l'a verrouillée, alors il frappe frénétiquement sur sa vitre. En retrait, Anto tente de les retenir, bien qu'il sache que c'est peine perdue.

-Alors sale putain de youtre, tu me fixes et tu refuses de te battre comme un homme? J'vais t'apprendre l'honneur moi, tu vas voir espèce d'enfoiré!

Une détonation très forte claque. Tout le monde sursaute et se retourne vers le restaurant. L'un des cuisiniers est devant l'établissement. Il tient un fusil à pompe dans les mains et menace Bob et Requin en éjectant la cartouche.
-Si vous décarrez pas d'ici, la prochaine elle est pour vous.
Bob lâche la barre et sans dire un mot se dirige vers sa voiture alors que Requin reste perché sur le toit. Le cuisinier le met en joue :
-T'as trois secondes pour virer ton cul.
Requin descend finalement rejoindre Bob et Anto dans la Volkswaggen qui repart en direction de Paris.


***


Il est trois heures du matin.
Bob vient de raccompagner Anto devant son immeuble. Anto monte les escaliers en trainant le pas, puis arrivé dans son studio s'affale sur son lit encore tout habillé. Il est mal. Il a des frissons, des sueurs froides encore, comme de la fièvre. Il est envahi par la peur. La peur de quoi? De Bob? De la prison? De la mort? Il sait qu'il devra suivre les Gaulois jusqu'au bout, jusqu'à la fin. Il n'a pas le choix. Il sait qu'il sera là lors de l'interrogatoire et de la mise à mort de Yacine, qui n'est plus qu'une question de jours. Mais il ne peut y échapper. Il voudrait tellement, certains soirs comme celui-là, quitter ce monde pourri dans lequel il a grandi et où il continue de vivre. Laisser tomber la came, la violence, le fric, la rue, et se retirer loin de la ville, loin de tout. Il passe ses paumes sur son visage puis les observe, regarde les tatouages qu'il a sur les mains et les avant-bras. La cruelle réalité est inscrite sur sa peau, cette réalité que l'on ne peut effacer qu'au terme de longues souffrances. Repartir à zéro. Entre deux dessins, il remarque les stigmates d'un ancien tatouage qu'il a du gratter jusqu'au sang avec une pierre pour l'enlever : "Gaulois pour la vie". Mektoub, comme disent les Arabes.

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