Paris by Night
Par : Conan
Genre : Polar , Réaliste
Status : Terminée
Note :
Chapitre 18
Publié le 18/11/11 à 19:11:04 par Conan
Nous sommes le 15 décembre 2011 et il est sept heures du soir.
Ulrich est assis au fond du dernier wagon d'un train de banlieue, la tête posée contre la fenêtre, le regard perdu vers l'extérieur. Défilent tour à tour sous ses yeux vidés de tout espoir des zones ouvrières sinistres et vides. Une Seine trop sombre et trop crasse pour y voir autre chose qu'un vague marécage visqueux tanguant lentement sous les lumières jaunâtres de la ville. Le boulevard périphérique rempli à ras bord de cercueils de tôle dans lesquels sont engouffrés des masses de travailleurs rentrant dans leur banlieue morne après une dure journée de travail pour avoir le droit de grailler quelque maigre pitance industrielle. Soudain, la rame s'engouffre dans un tunnel. A la triste ville trop froide et trop malade pour pouvoir vivre encore plus longtemps se succède un couloir obscur, parsemé de câbles, de fils électriques, de grosses veines de toutes les couleurs possibles, servies par le même genre de fourmis que sur le périphérique qui rentre chez lui le soir sans avoir vu le soleil de toute la journée, retrouver Bobonne et ses 2,8 enfants, avec ou sans chien selon la saison, qui font tourner toute cette belle mécanique encrassée par le temps et la présence constante en son sein du pire des animaux. Le bipède bâtisseur de toute cette merde infinie dans laquelle il se vautre joyeusement depuis des millénaires, lui et la terre entière avec, cet animal infâme qui a fini de détruire tout ce qu'il y avait de beau dans la nature, mais qui ne veut toujours pas se décider à crever une bonne fois pour toutes, préférant remuer et se dandiner comme un gros ver alors que plus rien n'en vaut la peine, qui ne demande pourtant qu'à être achevé.
Il pensait pourtant que ce deal était un bon plan, toute une bande de toxicos languissant devant Paris comme des bêtes affamées, qui n'attendaient qu'un sauveur venu leur donner leur dope, Ulrich serait arrivé en figure Christique, seringues et herbe plein les poches, la multiplication des épaves humaines, tenez, prenez la sainte poudre. Mais non. Un concurrent était passé juste avant. Voilà le pauvre Ulrich même plus assez bon pour pouvoir vendre de la mauvaise came à de mauvais clients dans les bas fonds de la petite couronne.
A minuit, le délai de paiement sera dépassé. Ulrich sera officiellement un homme dont les jours sont comptés. Il imagine déjà Milo au fond de l'Étoile Rouge préparer tout le matériel pour lui filer une mort rapide et silencieuse, mais imaginative et exemplaire tout de même, histoire de donner plus d'attrait à la chose, et Radovan assis à coté de lui, la lumière bleue de la cuisine de son rade éclairant son visage marqué et illustré d'un léger rictus en coin.
Ulrich ne veut pas se cacher, rester tapis dans une planque pourrie qui sent la crasse et le slibard merdeux. Il va rentrer chez lui, et advienne que pourra. Il arrive à sa station, appuie sur le bouton ouvrant les deux lourdes portes et marche dans les longs couloirs souterrains, jusqu'à émerger.
Il atteint la porte de son bâtiment mais n'a pas le temps de l'ouvrir. Une portière claque derrière lui et des pas se rapprochent. Il sent la main de Dragan se poser sur son épaule. Ulrich baisse la tête.
-Radovan veut te parler. Dit Dragan avec son accent d'Europe de l'Est.
-J'ai pas l'argent.
-C'est pas grave, tu viens quand même.
-J'ai dix mille euros. J'aurai assez dans trois jours. Laisse-moi trois jours.
-Non, on veut te parler maintenant, c'est important. Répond Dragan inflexible en forçant un peu pour amener Ulrich à lui. Ce dernière finit par céder et monte à coté de Dragan dans sa BMW noire.
Dragan se met au volant et démarre.
Pendant le trajet, alors qu'un silence pesant règne, Ulrich lance :
-Ils sont à toi.
-De quoi?
-Mes dix mille euros. Ils sont à toi si tu me laisse partir.
Dragan rit légèrement en secouant la tête.
-Tu m'a pris pour qui? Allez, tais-toi. J'aime pas qu'on me parle quand je conduit.
L'Étoile Rouge pointe le bout de ses néons à l'autre bout de la rue. Ulrich est pris de sueurs froides. Peut-être vit-il ses derniers instants.
Dragan se gare devant et descend. La portière d'Ulrich est verouillée. Dragan l'ouvre depuis l'extérieur.
-Sécurité. Dit-il.
Le rideau de fer est baissé jusqu'à hauteur de la taille. Les deux hommes se baissent pour entrer, Ulrich d'abord, légèrement poussé par Dragan.
-Radovan, on est là!
Ce dernier sort de la cuisine et avance vers Ulrich en tendant les bras.
-Ulrich, mon ami! Rico, qu'est-ce que tu deviens? Tu sais que tu me dois de l'argent? Tu le sais ça hein? Hein dis-moi. Tu le sais?
-Oui Radovan, je sais.
-Alors pourquoi tu me tiens pas au courant? Ça se fait quand on est en affaires, non? Hein? Ça se fait ça, de pas donner de nouvelles?
-Non... Non, ça se fait pas.
-Alors pourquoi ça fait deux semaines que pour avoir de tes nouvelles je dois demander à Dragan et Milo de te rendre visite? Hein?
-Je sais pas.
-Combien tu me dois Ulrich. Hein? Combien? Dis-moi.
-Vingt mille euros.
-Vingt mille euros. Ulrich. Est-ce que tu as vingt mille euros?
-Non. Mais j'ai...
-Chut. Silence. Je m'en fous. Tu n'as pas vingt mille euros. Est-ce que tu les auras avant minuit?
-Non, Radovan.
-D'accord. Donc, tu as eu deux semaines, et au bout de deux semaines, tu as la moitié seulement de ce que tu me dois. C'est bien ça hein?
-Radovan je...
-Tais-toi! Dis-moi juste si j'ai raison ou pas.
-Non Radovan, je voulais...
-Quoi, "non"? Je suis un menteur? C'est ça que tu veux dire? Tu viens chez moi pour me traiter de menteur sous mon propre toit? Devant mes amis? C'est bien ça?
-Radovan, je voulais vraiment avoir l'argent, mais y'a eu des problèmes, j'ai plus d'associé, c'est dur en ce moment.
-Je m'en fous! Moi ce qui m'intéresse, c'est de savoir si tu as l'argent que tu me dois ou pas. Et tu ne l'a pas. Donc, il va falloir qu'on te fasse comprendre qu'on se fout pas de moi comme ça.
Milo sort de la cuisine. Habitué aux vestes en cuir, il ne porte qu'un maillot de corps blanc et a troqué son éternel jean par un pantalon de treillis vieux et usé.
-Radovan, tout est prêt.
Radovan répond par un hochement de tête et se retourne vers Ulrich.
-Tu vois Rico, ton comportement va m'obliger à prendre des sanctions... Que j'aurais voulu éviter. Tu vas venir avec nous dans la cuisine et on va te montrer comment, nous, on voit les choses... D'accord?
-Non, non Radovan... Non! Lâchez-moi!
-Milo!
Milo sort de la cuisine à nouveau et voit Dragan tenter de pousser Ulrich en avant. Il l'attrape par le col et l'entraine dans la petite pièce fraiche et éclairée d'une lumière bleutée. Les deux hommes plaquent Ulrich contre un mur. Ulrich est immobilisé et à la merci de ses agresseurs.
Le silence se fait. Il n'y a que le ronflement constant de l'imposant frigo qui ne fasse de bruit. Radovan fait quelques pas vers un plan de travail contre lequel il s'appuie en croisant les bras.
-Donnez-lui une leçon.
Milo cogne le premier. Une grosse droite dans l'arcade. Puis Dragan met un coup de genou dans le ventre d'Ulrich. Et encore Milo qui lui envoie un autre uppercut en pleine face. Puis à Dragan qui lâche une gifle dans la bouche du supplicié.
-Stop! Ça suffit! Ordonne Radovan qui s'approche d'Ulrich. Il l'attrape par les cheveux et relève sa tête.
-Tu as de l'argent, dis-tu? Lui demande-t-il d'un ton très posé.
-Ou... Oui. Répond Ulrich qui largue un filet de sang en parlant.
-Combien?
-Dix... Dix mille euros.
-Et ils sont où, ces dix mille euros?
-Chez... Chez moi.
-Donc, tu ne les as pas sur toi. Tu n'as pas dix mille euros. Tu continues de te foutre de ma gueule. C'est bien ça?
-Non, Radovan, j'me fous pas de toi.
-Tu vois, si tu m'avais remboursé quand je te l'ai demandé il y a plusieurs mois, on n'aurait jamais eu à faire tout ça. Tu trouvais toujours des pirouettes pour te défiler. Mais cette nuit, maintenant qu'on tient bien la savonnette, on va pas la lâcher aussi facilement. Et on va la travailler jusqu'à épuisement. Milo! Dragan! Il n'en a pas eu assez! Défoncez-moi cette merde!
Un nouveau déluge de violence s'abat sur un Ulrich roulé en boule.
-Amenez-le à l'évier! On va le nettoyer un peu! Crie Radovan dans la foulée.
Ses deux hommes de mains trainent Ulrich jusqu'au plan de travail et le font s'agenouiller devant. Dragan met le bouchon et fait couler de l'eau dans la grande bassine d'aluminium. Quand l'évier est plein, Milo et Dragan hissent Ulrich au dessus et lui plongent la tête dans l'eau glacée qui se colore de rosé.
-Alors, ça te rafraichit les idées ça? Crie Radovan.
Ulrich se débat tant bien que mal mais est totalement immobilisé. Après une dizaine de secondes de noyade simulée, Milo et Dragan lui sortent la tête de l'eau. Mais ce n'est que pour lui cogner dessus en hurlant avant de le replonger au fond de l'evier.
-Ça suffit! Attachez le! Et montrez-lui ce qu'on faisait en 95! Crie Radovan.
Les deux hommes assoient Ulrich sur une chaise et l'attachent solidement à l'aide d'une corde. Ulrich est groggy, trempé, sonné, mais sent qu'il n'est pas au bout de ses peines.
Dragan ouvre la veste d'Ulrich et déchire son t-shirt. Milo s'approche de lui en tenant un petit générateur cubique et deux fils terminés par des pinces crocodiles.
-Jamais aucun Albanais n'a résisté à ça. Dit Milo en clippant les deux pinces sur le torse d'Ulrich.
Il branche les fils au générateur. Ulrich est tellement stressé et paniqué qu'il n'arrive même pas à parler. Il ne trouve pas ses mots et se contente de garder la bouche ouverte, comme dans un cauchemar.
Milo allume le générateur. Une puissante décharge électrique pénètre la poitrine d'Ulrich. La douleur est indescriptible. Sa cage thoracique semble être lardée de milliers de coups par seconde, l'empêchant de respirer. Le calvaire dure quelques secondes qui paraissent infinies avant que Milo n'éteigne le générateur. Ulrich est essoufflé. Dragan examine rapidement Ulrich puis hoche la tête en direction de Milo qui remet le courant. Cette fois, Ulrich lâche un cri. Bestial. Semblant tout droit sorti du fond de ses tripes. Milo éteint à nouveau le générateur. Ulrich supplie Radovan. Ce dernier ne répond qu'en ordonnant à Dragan et Milo de lui remettre quelques coups.
-Alors, enfoiré? Tu vois ce que ça fait quand on veut me prendre pour un con? Hein?
Ulrich est épuisé. Il décroche. Dragan le réveille par des gifles.
-Je lui en remet un coup? Demande Milo à Radovan en désignant le générateur.
-Non, il pourrait bien nous claquer dans les doigts. Ramène la gonzesse. Dragan, enlève-lui les câbles.
Les tortionnaires s'exécutent. Milo revient quelques secondes après dans la cuisine avec une jeune femme blonde. Il s'agit d'Agnieszka. Il la tient par la nuque et la jette violemment au sol.
-Qu'est-ce que c'est que ce bordel?! Crie Ulrich.
-Ça fait quelques temps que tu tournes autours de cette pute. Tellement qu'on dirait que t'es amoureux. Qu'est-ce que tu ferais si elle mourrait? Lui demande Radovan en s'allumant une cigarette.
-Non...Non Radovan, pas ça! Fais pas ça!
Milo glisse sa main derrière son pantalon et sort un pistolet automatique qu'il pointe lentement vers Agnieszka.
-Non Milo! Elle n'y est pour rien! Je t'en prie! Ne tire pas! Tuez moi! Mais pas elle, je vous en prie!
-Et alors? C'est qu'une pute. Répond Radovan.
Milo appuie sur la détente. Mais rien ne sort. Les trois Serbes éclatent de rire.
-Si t'avais vu la gueule que tu tirais. Dit Milo en remettant son arme dans son pantalon.
-Vous êtes des ordures... Une bande de merdes...
Radovan écrase sa cigarette sur l'épaule d'Ulrich qui grimace de douleur.
-Si demain soir, j'ai pas l'argent que tu me dois, on vous bute, toi et ta copine.
Milo gifle Agniezsca et lui hurle de déguerpir. Cette dernière se relève et se dirige en courant vers la sortie du restaurant. Elle passe sous le rideau de fer et prend ses jambes à son cou.
-Putain mais vous aviez pas verrouillé la porte?! Hurle Radovan. Milo, rattrape-la!
-Je vais pas y aller comme ça Radovan! Rétorque Milo. En effet, ses vêtements son maculés de sang.
-Bah laisse-là courir, elle a nul part ou aller cette pute. On la retrouvera bien facilement va.
-Bon, qu'est-ce qu'on va faire de lui? Répond Dragan en désignant Ulrich.
-Foutez-le moi dehors, je veux plus le voir. Dit Radovan en balayant l'air d'un geste de la main.
Milo et Dragan sortent Ulrich dans la ruelle derrière le restaurant et le jettent dans les ordures.
Ulrich est assis au fond du dernier wagon d'un train de banlieue, la tête posée contre la fenêtre, le regard perdu vers l'extérieur. Défilent tour à tour sous ses yeux vidés de tout espoir des zones ouvrières sinistres et vides. Une Seine trop sombre et trop crasse pour y voir autre chose qu'un vague marécage visqueux tanguant lentement sous les lumières jaunâtres de la ville. Le boulevard périphérique rempli à ras bord de cercueils de tôle dans lesquels sont engouffrés des masses de travailleurs rentrant dans leur banlieue morne après une dure journée de travail pour avoir le droit de grailler quelque maigre pitance industrielle. Soudain, la rame s'engouffre dans un tunnel. A la triste ville trop froide et trop malade pour pouvoir vivre encore plus longtemps se succède un couloir obscur, parsemé de câbles, de fils électriques, de grosses veines de toutes les couleurs possibles, servies par le même genre de fourmis que sur le périphérique qui rentre chez lui le soir sans avoir vu le soleil de toute la journée, retrouver Bobonne et ses 2,8 enfants, avec ou sans chien selon la saison, qui font tourner toute cette belle mécanique encrassée par le temps et la présence constante en son sein du pire des animaux. Le bipède bâtisseur de toute cette merde infinie dans laquelle il se vautre joyeusement depuis des millénaires, lui et la terre entière avec, cet animal infâme qui a fini de détruire tout ce qu'il y avait de beau dans la nature, mais qui ne veut toujours pas se décider à crever une bonne fois pour toutes, préférant remuer et se dandiner comme un gros ver alors que plus rien n'en vaut la peine, qui ne demande pourtant qu'à être achevé.
Il pensait pourtant que ce deal était un bon plan, toute une bande de toxicos languissant devant Paris comme des bêtes affamées, qui n'attendaient qu'un sauveur venu leur donner leur dope, Ulrich serait arrivé en figure Christique, seringues et herbe plein les poches, la multiplication des épaves humaines, tenez, prenez la sainte poudre. Mais non. Un concurrent était passé juste avant. Voilà le pauvre Ulrich même plus assez bon pour pouvoir vendre de la mauvaise came à de mauvais clients dans les bas fonds de la petite couronne.
A minuit, le délai de paiement sera dépassé. Ulrich sera officiellement un homme dont les jours sont comptés. Il imagine déjà Milo au fond de l'Étoile Rouge préparer tout le matériel pour lui filer une mort rapide et silencieuse, mais imaginative et exemplaire tout de même, histoire de donner plus d'attrait à la chose, et Radovan assis à coté de lui, la lumière bleue de la cuisine de son rade éclairant son visage marqué et illustré d'un léger rictus en coin.
Ulrich ne veut pas se cacher, rester tapis dans une planque pourrie qui sent la crasse et le slibard merdeux. Il va rentrer chez lui, et advienne que pourra. Il arrive à sa station, appuie sur le bouton ouvrant les deux lourdes portes et marche dans les longs couloirs souterrains, jusqu'à émerger.
Il atteint la porte de son bâtiment mais n'a pas le temps de l'ouvrir. Une portière claque derrière lui et des pas se rapprochent. Il sent la main de Dragan se poser sur son épaule. Ulrich baisse la tête.
-Radovan veut te parler. Dit Dragan avec son accent d'Europe de l'Est.
-J'ai pas l'argent.
-C'est pas grave, tu viens quand même.
-J'ai dix mille euros. J'aurai assez dans trois jours. Laisse-moi trois jours.
-Non, on veut te parler maintenant, c'est important. Répond Dragan inflexible en forçant un peu pour amener Ulrich à lui. Ce dernière finit par céder et monte à coté de Dragan dans sa BMW noire.
Dragan se met au volant et démarre.
Pendant le trajet, alors qu'un silence pesant règne, Ulrich lance :
-Ils sont à toi.
-De quoi?
-Mes dix mille euros. Ils sont à toi si tu me laisse partir.
Dragan rit légèrement en secouant la tête.
-Tu m'a pris pour qui? Allez, tais-toi. J'aime pas qu'on me parle quand je conduit.
L'Étoile Rouge pointe le bout de ses néons à l'autre bout de la rue. Ulrich est pris de sueurs froides. Peut-être vit-il ses derniers instants.
Dragan se gare devant et descend. La portière d'Ulrich est verouillée. Dragan l'ouvre depuis l'extérieur.
-Sécurité. Dit-il.
Le rideau de fer est baissé jusqu'à hauteur de la taille. Les deux hommes se baissent pour entrer, Ulrich d'abord, légèrement poussé par Dragan.
-Radovan, on est là!
Ce dernier sort de la cuisine et avance vers Ulrich en tendant les bras.
-Ulrich, mon ami! Rico, qu'est-ce que tu deviens? Tu sais que tu me dois de l'argent? Tu le sais ça hein? Hein dis-moi. Tu le sais?
-Oui Radovan, je sais.
-Alors pourquoi tu me tiens pas au courant? Ça se fait quand on est en affaires, non? Hein? Ça se fait ça, de pas donner de nouvelles?
-Non... Non, ça se fait pas.
-Alors pourquoi ça fait deux semaines que pour avoir de tes nouvelles je dois demander à Dragan et Milo de te rendre visite? Hein?
-Je sais pas.
-Combien tu me dois Ulrich. Hein? Combien? Dis-moi.
-Vingt mille euros.
-Vingt mille euros. Ulrich. Est-ce que tu as vingt mille euros?
-Non. Mais j'ai...
-Chut. Silence. Je m'en fous. Tu n'as pas vingt mille euros. Est-ce que tu les auras avant minuit?
-Non, Radovan.
-D'accord. Donc, tu as eu deux semaines, et au bout de deux semaines, tu as la moitié seulement de ce que tu me dois. C'est bien ça hein?
-Radovan je...
-Tais-toi! Dis-moi juste si j'ai raison ou pas.
-Non Radovan, je voulais...
-Quoi, "non"? Je suis un menteur? C'est ça que tu veux dire? Tu viens chez moi pour me traiter de menteur sous mon propre toit? Devant mes amis? C'est bien ça?
-Radovan, je voulais vraiment avoir l'argent, mais y'a eu des problèmes, j'ai plus d'associé, c'est dur en ce moment.
-Je m'en fous! Moi ce qui m'intéresse, c'est de savoir si tu as l'argent que tu me dois ou pas. Et tu ne l'a pas. Donc, il va falloir qu'on te fasse comprendre qu'on se fout pas de moi comme ça.
Milo sort de la cuisine. Habitué aux vestes en cuir, il ne porte qu'un maillot de corps blanc et a troqué son éternel jean par un pantalon de treillis vieux et usé.
-Radovan, tout est prêt.
Radovan répond par un hochement de tête et se retourne vers Ulrich.
-Tu vois Rico, ton comportement va m'obliger à prendre des sanctions... Que j'aurais voulu éviter. Tu vas venir avec nous dans la cuisine et on va te montrer comment, nous, on voit les choses... D'accord?
-Non, non Radovan... Non! Lâchez-moi!
-Milo!
Milo sort de la cuisine à nouveau et voit Dragan tenter de pousser Ulrich en avant. Il l'attrape par le col et l'entraine dans la petite pièce fraiche et éclairée d'une lumière bleutée. Les deux hommes plaquent Ulrich contre un mur. Ulrich est immobilisé et à la merci de ses agresseurs.
Le silence se fait. Il n'y a que le ronflement constant de l'imposant frigo qui ne fasse de bruit. Radovan fait quelques pas vers un plan de travail contre lequel il s'appuie en croisant les bras.
-Donnez-lui une leçon.
Milo cogne le premier. Une grosse droite dans l'arcade. Puis Dragan met un coup de genou dans le ventre d'Ulrich. Et encore Milo qui lui envoie un autre uppercut en pleine face. Puis à Dragan qui lâche une gifle dans la bouche du supplicié.
-Stop! Ça suffit! Ordonne Radovan qui s'approche d'Ulrich. Il l'attrape par les cheveux et relève sa tête.
-Tu as de l'argent, dis-tu? Lui demande-t-il d'un ton très posé.
-Ou... Oui. Répond Ulrich qui largue un filet de sang en parlant.
-Combien?
-Dix... Dix mille euros.
-Et ils sont où, ces dix mille euros?
-Chez... Chez moi.
-Donc, tu ne les as pas sur toi. Tu n'as pas dix mille euros. Tu continues de te foutre de ma gueule. C'est bien ça?
-Non, Radovan, j'me fous pas de toi.
-Tu vois, si tu m'avais remboursé quand je te l'ai demandé il y a plusieurs mois, on n'aurait jamais eu à faire tout ça. Tu trouvais toujours des pirouettes pour te défiler. Mais cette nuit, maintenant qu'on tient bien la savonnette, on va pas la lâcher aussi facilement. Et on va la travailler jusqu'à épuisement. Milo! Dragan! Il n'en a pas eu assez! Défoncez-moi cette merde!
Un nouveau déluge de violence s'abat sur un Ulrich roulé en boule.
-Amenez-le à l'évier! On va le nettoyer un peu! Crie Radovan dans la foulée.
Ses deux hommes de mains trainent Ulrich jusqu'au plan de travail et le font s'agenouiller devant. Dragan met le bouchon et fait couler de l'eau dans la grande bassine d'aluminium. Quand l'évier est plein, Milo et Dragan hissent Ulrich au dessus et lui plongent la tête dans l'eau glacée qui se colore de rosé.
-Alors, ça te rafraichit les idées ça? Crie Radovan.
Ulrich se débat tant bien que mal mais est totalement immobilisé. Après une dizaine de secondes de noyade simulée, Milo et Dragan lui sortent la tête de l'eau. Mais ce n'est que pour lui cogner dessus en hurlant avant de le replonger au fond de l'evier.
-Ça suffit! Attachez le! Et montrez-lui ce qu'on faisait en 95! Crie Radovan.
Les deux hommes assoient Ulrich sur une chaise et l'attachent solidement à l'aide d'une corde. Ulrich est groggy, trempé, sonné, mais sent qu'il n'est pas au bout de ses peines.
Dragan ouvre la veste d'Ulrich et déchire son t-shirt. Milo s'approche de lui en tenant un petit générateur cubique et deux fils terminés par des pinces crocodiles.
-Jamais aucun Albanais n'a résisté à ça. Dit Milo en clippant les deux pinces sur le torse d'Ulrich.
Il branche les fils au générateur. Ulrich est tellement stressé et paniqué qu'il n'arrive même pas à parler. Il ne trouve pas ses mots et se contente de garder la bouche ouverte, comme dans un cauchemar.
Milo allume le générateur. Une puissante décharge électrique pénètre la poitrine d'Ulrich. La douleur est indescriptible. Sa cage thoracique semble être lardée de milliers de coups par seconde, l'empêchant de respirer. Le calvaire dure quelques secondes qui paraissent infinies avant que Milo n'éteigne le générateur. Ulrich est essoufflé. Dragan examine rapidement Ulrich puis hoche la tête en direction de Milo qui remet le courant. Cette fois, Ulrich lâche un cri. Bestial. Semblant tout droit sorti du fond de ses tripes. Milo éteint à nouveau le générateur. Ulrich supplie Radovan. Ce dernier ne répond qu'en ordonnant à Dragan et Milo de lui remettre quelques coups.
-Alors, enfoiré? Tu vois ce que ça fait quand on veut me prendre pour un con? Hein?
Ulrich est épuisé. Il décroche. Dragan le réveille par des gifles.
-Je lui en remet un coup? Demande Milo à Radovan en désignant le générateur.
-Non, il pourrait bien nous claquer dans les doigts. Ramène la gonzesse. Dragan, enlève-lui les câbles.
Les tortionnaires s'exécutent. Milo revient quelques secondes après dans la cuisine avec une jeune femme blonde. Il s'agit d'Agnieszka. Il la tient par la nuque et la jette violemment au sol.
-Qu'est-ce que c'est que ce bordel?! Crie Ulrich.
-Ça fait quelques temps que tu tournes autours de cette pute. Tellement qu'on dirait que t'es amoureux. Qu'est-ce que tu ferais si elle mourrait? Lui demande Radovan en s'allumant une cigarette.
-Non...Non Radovan, pas ça! Fais pas ça!
Milo glisse sa main derrière son pantalon et sort un pistolet automatique qu'il pointe lentement vers Agnieszka.
-Non Milo! Elle n'y est pour rien! Je t'en prie! Ne tire pas! Tuez moi! Mais pas elle, je vous en prie!
-Et alors? C'est qu'une pute. Répond Radovan.
Milo appuie sur la détente. Mais rien ne sort. Les trois Serbes éclatent de rire.
-Si t'avais vu la gueule que tu tirais. Dit Milo en remettant son arme dans son pantalon.
-Vous êtes des ordures... Une bande de merdes...
Radovan écrase sa cigarette sur l'épaule d'Ulrich qui grimace de douleur.
-Si demain soir, j'ai pas l'argent que tu me dois, on vous bute, toi et ta copine.
Milo gifle Agniezsca et lui hurle de déguerpir. Cette dernière se relève et se dirige en courant vers la sortie du restaurant. Elle passe sous le rideau de fer et prend ses jambes à son cou.
-Putain mais vous aviez pas verrouillé la porte?! Hurle Radovan. Milo, rattrape-la!
-Je vais pas y aller comme ça Radovan! Rétorque Milo. En effet, ses vêtements son maculés de sang.
-Bah laisse-là courir, elle a nul part ou aller cette pute. On la retrouvera bien facilement va.
-Bon, qu'est-ce qu'on va faire de lui? Répond Dragan en désignant Ulrich.
-Foutez-le moi dehors, je veux plus le voir. Dit Radovan en balayant l'air d'un geste de la main.
Milo et Dragan sortent Ulrich dans la ruelle derrière le restaurant et le jettent dans les ordures.
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