- Altesse ? Tout va bien ?!

Agni, totalement affolé par les bruits et cris qu'il venait d'entendre, fit irruption dans la pièce, suivit du jeune prince Soma.

- Moi, ça va... répondit-elle en se tournant vers eux, le regard embrumé. On ne peut pas en dire autant...
Elle pivota en direction des corps inanimés de ses parents.
- ...d'eux.
- Par tous les dieux...
- M-maman !

Le jeune prince se rua auprès des deux cadavres, tomba à genoux et fondit en une rivière de larmes.

- P-pourquoi ?! Pourquoi eux ? Ils ne méritaient pas ça !!
- Pshhht... Calme-toi, personne ne mérite une mort aussi monstrueuse... murmura Yoruichi à l'oreille de son frère qu'elle serra instinctivement dans ses bras fins.
- Mais c'est injuste ! Ils étaient bons et généreux et... ils étaient encore trop jeunes pour quitter ce monde... Qui a bien pu... commettre une telle infamie ? Si je mets la main sur ce monstre...
- Soma, ce n'est pas... enfin...
- Oui, quoi ? Tu sais qui c'est toi, pas vrai ? Tu étais là avant nous, tu l'a forcément vu ! Décris-le moi et je jure solennellement sur ma propre vie que je le retrouverais et que je le ferais payer de sa vie ! Je lui infligerais le pire châtiment qui n'ai jamais existé ! Je lui ferais endurer un millier de tortures et de souffrances comme il ne pourra jamais se les imaginer ! Je...

Il s'interrompit en remarquant l'expression indéchiffrable de sa soeur, empreint de tristesse et de confusion comme il ne l'avait jamais vu auparavant.
Il comprit qu'il en avait trop dit. Ce n'était pas des paroles à dire pour un mouflet de son âge... il s'était laissé emporter par ses émotions, sa colère et sa détresse.
Jamais il n'avait connut pareil sentiment de souffrance. C'est comme si on avait tiraillé son coeur d'un milliard d'aiguilles de glace. Il aurait pu se l'arracher lui-même de sa poitrine rien que pour faire cesser cette douleur insoutenable... mais il devait être fort et brave, tout comme son père l'avait été avant lui.
A présent, il devait lui succéder en tant qu'homme de la famille. Et ce quel que soit son âge, son père le lui avait bien fait comprendre.
« Fils, un jour viendra où je m'en irais rejoindre les dieux, là-haut, dans les cieux, et ce jour-là, tu ne devras me pleurer sous aucun prétexte. Un homme digne de ce nom ne verse pas de larmes, c'est une preuve de faiblesse, il garde sa peine et son chagrin enfouit au plus profond de son être. » lui avait-il dit une fois.

Et ce jour était arrivé, de la façon la plus inattendue qui soit, et bien trop tôt à son goût... il était si jeune... il avait encore tellement à apprendre, et voilà que du jour au lendemain il se retrouvait privé de son modèle, son exemple, son guide.
Il se sentait envahit par un grand sentiment d'abandon, de désolation, de désespoir...

« Qu'a cela ne tienne, je ne peux me laisser abattre comme ça... je n'ai plus 4 ans, bon sang ! Qu'importe où ils se trouvent, je veux que Père et Mère soient fiers de moi... que diraient-ils s'ils me voyaient en train de pleurnicher sottement sur leurs corps sans vie...ce n'est pas mes larmes qui les ramèneront du royaume des morts. La moindre des choses que je puisse faire pour leur rendre hommage, c'est encore de les venger. Ça, je sais que je peux le faire... ».
Il se releva donc et balaya ses pleurs d'un revers de bras. Il sanglotait toujours, mais il pouvait parler normalement à présent.
Quelque chose avait changer en lui. C'était comme si il venait enfin de prendre conscience de son irresponsabilité, comme si il avait grandit intérieurement... Quoi qu'il en soit, il était fermement résolu.
La mort de ses parents lui aurait au moins apprit une chose : rien n'est plus sûr que la mort, rien n'est moins sûr que son heure.