15 ans plus tard...

- Par ici ! Dépêchez-vous ou on elles vont nous semer !, aboya le chef d'un groupe d'hommes armés.
Tous les soldats de la garde royale s'étaient mobilisé sur ordre du roi. Leur mission ? Ramener les deux princesses enfuies du palais. Elles s'élançaient à travers toute la ville, se faufilant entre les pauvres citadins qui ne comprenaient rien à ce qu'il se passait. Elles s'amusaient aussi à sauter de toit en toit pour narguer les gardes qui étaient bien trop inaptes à les suivre, à cause de leur manque d'agilité et de souplesse. Ils n'étaient pas spécialement acrobatiques...
- Nan mais mate-moi ça ! Ils sont si pitoyables à nous courser comme ça !
- Tu l'as dis. Quand est-ce qu'ils comprendront qu'ils n'ont vraiment aucune chance de nous rattraper, et encore moins de nous capturer...
Elles bondissaient telles des gazelles échappant à des braconniers. Cependant, Yoruichi, maintenant âgée de 23 ans, avait tendance a accélérer malgré elle. Elle était maintenant au summum de son maniement du shunpo, son apprentissage était enfin terminé. Si bien qu'on la surnommait maintenant « La Déesse de l'Éclair » partout où elle allait, un titre amplement mérité.
- Héééé ! Attends-moi, bordel !
- Oh, excuse-moi. Je ne contrôle pas ma vitesse !
- Crâneuse...
Elle rit. Elles aimaient toute deux se taquiner mutuellement, comme chien et chat. C'était la preuve de leur complicité fraternelle.
- Ne t'en fais pas, un jour tu seras aussi douée que moi...
- Tu parles...
- Bien sûr que oui, tu as l'air d'oublier que tu as le meilleur professeur du monde ! En plus, si ça peut te motiver, sache qu'a ton âge je n'avais même pas encore atteint ton niveau.
- Tu déconnes, là ?
- Pas du tout ! Allez, bouge-toi !

Cette révélation lui avait effectivement donner un soudain élan d'énergie et de force. Elle fit un bond prodigieux dans les airs, le plus réussi qu'elle ai jamais fait. Mais elle fût arrêter en plein saut par un grand filet qui chuta sur elle et la plaqua à terre. La chute fut considérable mais elle ne sentit rien, seul son égo avait été atteint.
- QUI A FAIT ÇA ?!
- Ah, altesse, nous vous avons enfin retrouvée ! Pardonnez-nous notre manque de délicatesse, mais le roi à préciser que tous les moyens étaient bons pour vous ramenez au palais...
- ET VOUS ÉTIEZ OBLIGES DE TOUS PRENDRE A LA LETTRE ?! FOUTUS GARDES DE MES...
- Shanoa ! Ça va ? Rien de cassé ?
- A qui crois-tu t'adresser ? Sors moi d'là au lieu de t'inquiéter pour rien !
- Navrée, mais je crois qu'on ferait mieux de rentrer. Père doit être fou d'inquiétude pour nous.
- Quoi... t'as pris un coup sur la tête ?!
- Ne t'inquiète pas, on aura plein d'autres occasions, assura-t-elle avec un clin d'oeil.
Un des garde du groupe ne pu s'empêcher de soupirer un « oh non... », ce qui irrita encore plus l'adolescente.
- Ouaip, tu rêves pas, on a bien l'intention de remettre ça ! Ça te pose un problème ?! brailla-t-elle.
- N-non, pas du tout !
- Nickel !
- Capitaine, enlevez ce filet je vous prie. Elle ne s'enfuira pas, faites-moi confiance.
- Et si je tentais l'coup, hein ?
- A ta place, j'éviterais ce genre de tentative foireuse. Tu sais pertinemment que je te rattraperais et que je te trainerais par les cheveux jusqu'au palais, si tu résistes. Tu oublies que je suis la reine du shunpo et du hakuda !
- Fourbe et vaniteuse, voilà tout ce que tu es...
- Non, adulte et réaliste. Toi, tu es téméraire et irréfléchie. Et irritable en supplément...
- Vite, une aspirine...

Shanoa ronchonna sur tout le trajet du retour, frustrée d'avoir été forcée à rentrer si tôt. Enfin, tôt pour elle, car il faisait déjà nuit, et ça faisait depuis l'aube qu'elle errait dehors avec Yoruichi. Si ça ne tenait qu'à elle, elle passerait sa vie dehors et dormirait à la belle étoile. Elle détestait être enfermée. Une fois de retour au palais, leur père ne manqua pas de les sermonner sèchement.
- C'est la quatrième fois en une semaine ! Vous cherchez à me faire avoir un infarctus ou quoi ?!
- Arrête de tout dramatiser comme ça... tu n'es pas si vieux.
- J'ai presque 50 ans ma chère ! Et je ne me plains pas de ça mais de vos petites escapades quotidiennes ! J'en ai assez de devoir liguer une armée entière pour vous retrouver !
- Eh bien dans ce cas arrête ! Ce n'est pas comme si on désertait le pays ! On à bien l'intention de revenir au palais tôt ou tard, tu n'as pas à t'inquiéter de ça. On veut juste prendre l'air, sentir le soleil sur nos visages et voir ce qu'il se passe là-dehors.
- Ça va, ça va, j'ai compris ! Mais c'est trop dangereux. Vous ne savez pas ce que les gens sont prêt à faire pour gagner ne serait-ce qu'une roupie !
- C'est bon, ne rabâche pas ton sempiternel discours sur les risques qu'on prend par pitié...
- Alors arrêtez d'en prendre inutilement !
- Mais on est plus des morveuses !
- On a besoin d'air frais et d'espace pour respirer, tu le savais ça ?
- Parce que le palais ne vous suffit pas peut-être ?!
Ils continuèrent leur débat encore longtemps avant que le roi n'admette finalement qu'il n'était qu'un père poule trop inquiet pour ses filles. Il leur accorda, non sans une certaine amertume, leur balade quotidienne, mais à condition qu'elle ne dépasse pas deux heures et qu'elles soient escortées par Agni. Ce qu'elles acceptèrent avec plaisir, vu qu'elles l'appréciaient énormément.

L'embrouille du jour étant réglée, tout le monde pouvait aller prendre son bain et se coucher l'esprit tranquille. Shanoa et Yoruichi se dirigèrent donc vers la spacieuse salle de bain familiale. On se lavait toujours en famille selon les traditions asiatiques. Agni avait déjà tout préparé : l'eau avait juste la bonne température et les nuisettes des princesses reposaient soigneusement sur un meuble.
- Je vous souhaite un agréable bain, altesses.
- Merci beaucoup Agni, tu peux disposer.
Il acquiesça en une charmante révérence et s'éclipsa. Elles se postèrent face à l'immense miroir qui occupait une bonne partie du mur et se débarrassèrent de tous les encombrants bijoux en or incrustés de joyaux qu'elles portaient. Parmi eux, des bracelets, des bagues, des colliers, des boucles d'oreilles... leur parents les avaient bien couvées. Elles enlevèrent également leur bindi en forme de fines gouttelette, rouge rubis pour Yoruichi, bleu saphir pour Shanoa. Tout en ôtant son sari noir à motif turquoises, elle ne put s'empêcher de confronter les traits de Yoruichi aux siens. Et comme à chaque fois où elle le faisait, elle ressenti une sorte de pincement au coeur. Pourquoi était-elle si différente de celle qu'elle appelait « grande soeur » ? Pourquoi n'affichait-elle pas le même regard ardent et la même chevelure somptueuse ? Et par-dessus tout, pourquoi mesurait-elle une tête de plus que son aînée ? Elle n'avait même pas encore fini sa croissance qu'elle la surpassait largement en taille !
- Bon, tu comptes rester plantée là à te contempler jusqu'à la fin des temps ?
- Ça va, j'arrive là...
Elle ne s'était même pas rendu compte qu'elle était restée figée comme une statut devant son propre reflet. « L'heure approche, père... ce n'est pas la première fois que ça lui arrive, ça prouve qu'elle se doute de quelque chose... tu ferais mieux de te préparer au pire. Moi, c'est fait depuis le premier jour... » songea Yoruichi.

Shanoa se laissa glisser dans le bassin jusqu'au menton et s'abandonna complétement à la chaleur relaxante de l'eau. Elle ferma les yeux et se mit à rêvasser.
Quelques secondes plus tard, ses rêves se transformèrent en un cauchemar terrifiant dans lequel il faisait nuit noire et où l'orage grondait. Ses yeux verglacés avaient prient une teinte rouge sang et une sorte d'ombre noire semblait émaner d'elle et enveloppait son corps. Sa peau mordorée était à présent d'une couleur inconcevable pour un présumé humain, d'un noir le plus obscur qui soit. Noir comme la charbon, comme l'ébène. Si intense qu'il reflétait l'éclat de la lune.
Elle tuait tous ceux qu'elle croisait de ses propres mains et les dévorait, si bien qu'elle fut vite recouverte de sang. Elle était dans un corps qu'elle ne contrôlait plus, le sien... Quelqu'un ou quelque chose avait prit possession d'elle de l'intérieur. Elle avait beau essayer de reprendre le dessus, la force de son adversaire était écrasante, et elle était fatiguée de lutter, elle était à bout de forces. Elle ne pouvait que regarder et être spectatrice de ses propres crimes...
elle entra dans un bâtiment et échappa ainsi à la pluie torrentielle. Son manipulateur la fit entrer dans une pièce qui lui était familière, et où une odeur ignoble flottait. Celle du sang. Elle s'avança un peu plus et elle pu sentir quelque chose qui lui frôlait la cheville. Un éclair déchira le ciel, et durant la fraction de seconde où la pièce avait été éclairée, elle put clairement distinguer ce qui jonchait le sol. Des corps humains, ceux de sa famille...

- Shanoa ! Réveille-toi, bon sang ! Allez ! Reprends-toi ! implora une voix familière.
- Que... hein ? Mais... ARRÊTE DE ME SECOUER COMME UN PRUNIER LÀ ! Qu'est-ce qui va pas ?!
- C'est à toi de me le dire ! Tu n'arrêtais pas de crier et de te débattre comme si on t'agressait !
- Oh...
- Tu as fais un mauvais rêve, c'est ça ?
- Ouais... un TRÈS mauvais rêve...
- Je vois... vas-y, raconte-moi tout.
Elle s'exécuta, la voix oscillante. Depuis son plus jeune âge, il lui arrivait souvent de faire des cauchemars de ce genre, où elle était comme contrôlée par une sorte d'esprit maléfique et où elle massacrait des tas d'innocents, toujours avec ces mêmes yeux flamboyants, cette aura satanique et cette peau volcanique. Ils devenaient de plus en plus réels, fluides et terrifiants... celui qu'elle venait de faire était donc le pire de tous, elle ne s'en remettait pas.
- Je comprends mieux la raison de tous ces hurlements maintenant...
- Tu crois que ces rêves ont une signification ? Et si c'était une sorte de... vision du futur ?
- C'est probable, la plupart des rêves sont prémonitoires et symbolisent un événement qui aura lieu prochainement... mais j'ai dû mal à croire que le tien soit porteur d'un message, il paraît bien trop surnaturel.
- T'as raison, mais imaginons que ce soit le cas... Qu'est-ce que ça voudrait dire ?
- Eh bien... sans doute que tu te métamorphoserais en une espère de monstre sanguinaire, sûrement manipulé par une quelconque entité divine... ce qui engendrerait, vu sa fureur, une sorte d'apocalypse.
- En gros je me changerais en une espèce de bête rageuse assoiffée de sang, qui exterminerait toute la race humaine et qui par conséquent... provoquerait la fin du monde ?
- C'est mon sentiment.
- Et merde... qu'est-ce que j'dois faire maintenant ? Je peux pas rester là les bras croisés à attendre que ça s'passe !
- Aucune raison de t'alarmer, tous les rêves ne sont pas des prédictions... et je doute que le tiens en soit une.
- Mais c'est pas la première fois que je le fais ! Depuis que j'suis gosse, il revient pourrir mes nuits sans arrêt ! Ça peut pas être une coïncidence...
- Admettons. Et après ? Qu'est-ce que tu envisages de faire ?
La question resta en suspens.

Au fond d'elle, Shanoa le savait déjà, mais pas question d'en parler à qui que ce soit. Pour que son plan soit une réussite, il devait rester totalement confidentiel. Elle sortit du bassin, s'enveloppa dans son peignoir bleu marine et s'engagea dans le couloir en direction de sa chambre.
- Ton silence n'augure rien de bon, soeurette. Je n'aime pas ça...