Kaileena, l'Impératrice des Papillons
Par : SyndroMantic
Genre : Fantastique , Horreur
Status : Terminée
Note :
Chapitre 12
La Chute (première suite)
Publié le 17/07/10 à 06:22:28 par SyndroMantic
Zohak garda la main en bas, respirant avec fatigue. Ses yeux avaient l'air absent, même s'ils me regardaient toujours. Malgré la simplicité de ma décision, le prêtre zervaniste était malmené dans ses pensées. L'heure et le lieux s'évanouirent, autour de lui. Quelque part, moi-même je disparus de sa conscience. Celle-ci flottait sur son visage, les lèvres tremblotantes et l'iris agitée. Comme si tout son passé défilait devant lui. Une larme faillit presque couler de sa paupière. Une larme de peur : ce moment-là, plus que jamais, il sentait que sa vie, voire son existence, était ici mise en péril.
L'adulte serra les dents et relâcha sa nuque.
« Non ! C'est impossible ! rétorqua-t-il avec colère. Tu viens avec moi !
Tout ce qu'il avait craint, tout ce qu'il avait fui, tout ce qui l'avait poursuivi,... il devait désormais y faire face. Sa minute de vérité avait sonné. Il avait le devoir d'assumer. Et il savait que l'échec, tôt ou tard, finirait par le ruiner jusqu'à sa mort. Mais en fin de compte, je pense que sa punition aurait été moins chaotique, dans cette alternative...
Le grand homme se redressa dans un long souffle, pour évacuer son angoisse. Puis il prit ensuite ma corde avec sa main droite. Après quoi, tout doucement, d'un mouvement d'une extrême prudence, il se balança face à la paroi, les pieds contre la roche. Le manque d'assurance qu'il avait dans ses appuis se fit sentir sur mon équilibre. Sa position voûtait son dos, ce qui ne semblait pas tant le gêner vu le champs de vision dont cela le privait. Je suis presque certaine qu'il aurait été incapable d'observer la hauteur à laquelle nous étions suspendus et la profondeur du gouffre qui nous menaçait. Nul doute que si c'était arrivé, le grand prêtre aurait tourné de l'oeil, avant de sombrer comme une masse dans l'abîme mortelle. J'étais consciente des risques considérables que prenait mon ami dans cette action. L'effort qu'il faisait sur lui-même - et non celui qu'il ne faisait pas. Pour tout dire, je n'aurais jamais cru qu'il puisse démontrer un tel courage seulement dans le but de me sauver. A la force de ses membres et de grandes inspirations, il se laissa descendre pas à pas, avec des gestes pendulaires, une main passant sous l'autre, jusqu'à faire enfin parvenir ses chaussures au niveau de ma tête. Il l'avait fait, contre toutes mes attentes.
Une goutte de sueur longeait son arcade.
- Kaileena ! Tends ta main ! reprit-il alors.
Ses appels devenaient assourdissants. J'étais lasse de l'entendre me les rabâcher. N'en avait-il pas assez de me donner des ordres ? N'étais-je pas suffisamment intelligente pour juger moi-même de ce qui était bon ? Mettant ce détail désagréable de coté, je me préparai encore une fois à retirer mes doigts de la liane que je serrais, pendant que le zervaniste en faisait de même un peu plus haut. Il laissa pendre son bras vers moi en attendant que je le saisisse. Pourtant j'hésitais à faire cela. Il n'y avait plus aucun danger ce coup-ci, mais j'hésitais à mettre ma main dans la sienne, à la perdre sous ses grandes phalanges, et leur confier ainsi ma remontée. Quelque chose me disait que je finirais par le regretter. Parce que ce serait de ma faute ? A la vérité, je ne savais pas, je ne pouvais pas savoir quelle main j'allais lui donner. Serait-ce celle de son amie ? celle de sa protégée ? celle de sa fille ?... ou une autre bien pire... vouée à une condition que j'avais évitée toute mon enfance, au mépris de la Loi... Celle d'une esclave ! Car jamais ce sauvetage ne justifierait le ton autoritaire avec lequel Zohak avait déjà osé me parler.
Je devais avant tout m'assurer qu'il le comprendrait...
- Kaileena !
Comme en réponse à son adresse, le végétal que nous tenions se mit à craquer. Tous deux fûmes parcourus d'un faible soubresaut. Le prêtre se retourna vivement vers les bords du ravin. Depuis le début, ses oscillations avaient usé la liane contre un rocher saillant, et l'on pouvait presque voir maintenant son cylindre central.
De nouveaux craquements émirent soudain.
- Kaileena ! cria-t-il de plus belle.
La corde allait bientôt céder. A deux nous y étions beaucoup trop lourds. Le Temps pressait. Je n'avais plus aucun autre moyen de m'échapper. Zohak était à présent mon seul espoir. Il m'avait piégée. S'il n'avait pas risqué sa vie, s'il n'avait pas lié son sort au mien, s'il n'avait pas joint son poids dans la balance, et sur cette fichue liane... je n'aurais pas eu à rentrer dans son jeu. Mais maintenant, je ne pouvais rien faire d'autre que d'accepter son secours. Tirant sur mes deux bras, je me surélevai pour attraper le poignet de mon "sauveur", qui fit avec ses doigts le tour du mien, puis m'aida sans attendre à monter sur son dos. Seules quelques grosses fibres nous raccordaient encore avec la jungle. Un peu plus haut, mon ami s'aperçut que la corniche sur laquelle il s'était tenu était insuffisamment large pour nous y réunir. Il s'empressa de regagner le rebord supérieur. J'étais pétrifiée à l'idée que son empressement avance le moment de rupture du végétal. Effroyable ironie. Alors que cette vitesse déjà nous amenait à 7 secondes de la hauteur sécurisée.
Tout d'un coup, mon porteur fut pris d'inquiétude. Au lieu de parier sur la courte distance de cette liane précaire, il eut la bonne illumination de se déporter vers une autre, encore accrochée sur la façade. Or, à l'instant même où il allait relâcher sa prise initiale, cette dernière se déchira et tomba entortillée dans le gouffre, sans un bruit. Mais l'on ne devait pas pour autant souffler, car notre nouvelle corde s'avérerait peut-être aussi fragile. Le grand homme continua donc de se dépêcher vers le haut.
Il ne restait plus que deux mètres à franchir.
Quelques secondes plus tard enfin, je vis la corniche arriver à ma portée. Le coeur en tambours, je grimpai en équilibre sur ses épaules et me hissai hors de danger. Je ne ressentis pas même une douleur dans mes muscles, en le faisant. Lorsque je me dirigeai vers la forêt, peut-être à cause du fait que je revenais d'un péril bien pire, elle m'apparut étrangement plus accueillante. Ou moins hostile. Je voulus y repartir à toute jambe, angoissée par cette zone de malheur. Mais cette fois-ci, la voix de Zohak parvint à toucher mon coeur...
- Kaileena ! Non ! Ne t'en vas pas !
Je m'arrêtai instantanément, pour me retourner vers la faille. Avais-je soudain pitié de l'abandonner ? Bizarrement, il n'était même pas encore sorti du précipice, à défaut de ses gémissements plaintifs.
- Kaileena ! Je t'en prie ! Aide-moi !
Mais que donc lui était-il arrivé ? J'étais trop curieuse de cela pour pouvoir partir. D'un pas vigilant, je m'approchais de nouveau par dessus le ravin, le regard tendu sur le vide. Zohak était recroquevillé contre la liane, complètement tétanisé. Il ne bougeait plus un cil. Son visage était tout rouge et gonflé. Ses yeux étaient exorbités et injectés de sang. Son expression me mettait dans un certain malaise.
C'était comme si le grand prêtre était sur le point d'éclater.
- Kaileena, je... ! Je n?arrive plus à respirer ! grogna-t-il avec saccades.
Que lui prenait-il donc ? De quelle torture était-il la victime ? Comment pouvais-je lui venir en aide ? Et c'est encore peu de toutes les questions qui me traversèrent, et dont je ne pus formuler certaines. C'était encore bien la première fois que je me retrouvais dans une situation aussi étrange. Et celle-là aussi m'intimidait. J'aurais tant voulu partir, fuir à nouveau, m'échapper de ce cauchemar psychédélique... Mais je ne pouvais me résoudre à le laisser dans cette fâcheuse position. Il était si pitoyable, pendu de la sorte comme un sanglier à ce serpent végétal. Il m'était inconcevable de partir sans rien faire. Après tout, il m'avait sauvé la vie. Peut-être même était-ce la deuxième fois, en admettant que le tigre ait pu être dangereux. Je ne me serais jamais pardonner de l'avoir ignoré dans son calvaire.
- Je t'en supplie... Aide-moi ! Me fit-il d'une voix étouffée.
Il n'eut pas besoin de le répéter davantage. Je m'accroupis une fois de plus. Ses paupières ne formaient plus qu'une mince fente sous ses sourcils, et ses dents lui mordaient la lèvre inférieure. Encore quelques secondes... A plat ventre, je tendis vers lui ma petite main fébrile, qu'il empoigna d'un geste nerveux avant de la tirer en bas. J'eus le réflexe alors de m'accrocher de mon autre main à une proche racine. Durant un petit intervalle, l'envergure de mes deux bras servit de corde et en éprouva du coup l'horrible étirement. Je me retins de crier, le temps que Zohak remonte. Péniblement, il leva le genou par dessus la corniche et se hissa enfin sur la terre ferme. Dès l'instant où ses coudes purent le soutenir, il se dépêcha soudain de ramper à quatre pattes un peu plus loin. On l'aurait cru aveugle, à travers sa démarche. Moins de 3 secondes plus tard, il s'affala dans l'herbe en écrasant son bras droit, le cou rentré dans les épaules et les pieds sensiblement levés. Le grand homme maintint cette position près de 5 secondes. Ensuite, il voûta son dos et replia ses membres vers la poitrine, comme un nouveau-né. L'oeil luisant.
Je restai interloquée devant cette conclusion.
Le temps passa, tandis que rien ne bougeait. Le zervaniste demeurait toujours étendu, immobile, jusqu'à ce que je m'approche un peu.
- Ça va, Zohak ?
Il se retourna doucement vers moi et me regarda avec une infinie reconnaissance. J'en aurais presque rougi. Puis il murmura d'une voix suave :
- Tout va bien... Merci beaucoup... Merci...
Alors que je me rasseyais sur les talons, je laissai échapper un soupir de soulagement. Toute cette mésaventure était maintenant terminée. La tempête avait, semblait-il, disparue, et la chasse n'était à tenter pour aucun animal sinon les paisibles oiseaux dans les parages. Enfin ne risquions-nous plus rien. Dans le pire des cas, mon ami était là pour me défendre. Je ne craignais plus avec lui ce monde sauvage que l'île nous avait présenté, et qu'elle nous réservait encore. Pour une des rares fois de ma vie, je me sentais en sécurité. Même Zohak le vit sur mon visage. Quand il eut repris des forces, il se redressa et vint me serrer contre lui. L'adulte blottit son visage dans mon cou. Je sentis le contact de ses lèvres, sur ma peau humide. Ses gestes étaient si bons... Il s'écarta au bout d'un moment pour me considérer du regard, un sourire aux coins des joues. Ses dents se découvrirent. Je répondis à sa joie, souriant à mon tour. Il esquissa alors un rire et me dit :
- Viens... Nous allons te trouver de meilleurs vêtements. »
Je me mis également à rire. Il me semble bien que j'ai rougis, à cet instant. Sa main caressait ma nuque.
L'adulte serra les dents et relâcha sa nuque.
« Non ! C'est impossible ! rétorqua-t-il avec colère. Tu viens avec moi !
Tout ce qu'il avait craint, tout ce qu'il avait fui, tout ce qui l'avait poursuivi,... il devait désormais y faire face. Sa minute de vérité avait sonné. Il avait le devoir d'assumer. Et il savait que l'échec, tôt ou tard, finirait par le ruiner jusqu'à sa mort. Mais en fin de compte, je pense que sa punition aurait été moins chaotique, dans cette alternative...
Le grand homme se redressa dans un long souffle, pour évacuer son angoisse. Puis il prit ensuite ma corde avec sa main droite. Après quoi, tout doucement, d'un mouvement d'une extrême prudence, il se balança face à la paroi, les pieds contre la roche. Le manque d'assurance qu'il avait dans ses appuis se fit sentir sur mon équilibre. Sa position voûtait son dos, ce qui ne semblait pas tant le gêner vu le champs de vision dont cela le privait. Je suis presque certaine qu'il aurait été incapable d'observer la hauteur à laquelle nous étions suspendus et la profondeur du gouffre qui nous menaçait. Nul doute que si c'était arrivé, le grand prêtre aurait tourné de l'oeil, avant de sombrer comme une masse dans l'abîme mortelle. J'étais consciente des risques considérables que prenait mon ami dans cette action. L'effort qu'il faisait sur lui-même - et non celui qu'il ne faisait pas. Pour tout dire, je n'aurais jamais cru qu'il puisse démontrer un tel courage seulement dans le but de me sauver. A la force de ses membres et de grandes inspirations, il se laissa descendre pas à pas, avec des gestes pendulaires, une main passant sous l'autre, jusqu'à faire enfin parvenir ses chaussures au niveau de ma tête. Il l'avait fait, contre toutes mes attentes.
Une goutte de sueur longeait son arcade.
- Kaileena ! Tends ta main ! reprit-il alors.
Ses appels devenaient assourdissants. J'étais lasse de l'entendre me les rabâcher. N'en avait-il pas assez de me donner des ordres ? N'étais-je pas suffisamment intelligente pour juger moi-même de ce qui était bon ? Mettant ce détail désagréable de coté, je me préparai encore une fois à retirer mes doigts de la liane que je serrais, pendant que le zervaniste en faisait de même un peu plus haut. Il laissa pendre son bras vers moi en attendant que je le saisisse. Pourtant j'hésitais à faire cela. Il n'y avait plus aucun danger ce coup-ci, mais j'hésitais à mettre ma main dans la sienne, à la perdre sous ses grandes phalanges, et leur confier ainsi ma remontée. Quelque chose me disait que je finirais par le regretter. Parce que ce serait de ma faute ? A la vérité, je ne savais pas, je ne pouvais pas savoir quelle main j'allais lui donner. Serait-ce celle de son amie ? celle de sa protégée ? celle de sa fille ?... ou une autre bien pire... vouée à une condition que j'avais évitée toute mon enfance, au mépris de la Loi... Celle d'une esclave ! Car jamais ce sauvetage ne justifierait le ton autoritaire avec lequel Zohak avait déjà osé me parler.
Je devais avant tout m'assurer qu'il le comprendrait...
- Kaileena !
Comme en réponse à son adresse, le végétal que nous tenions se mit à craquer. Tous deux fûmes parcourus d'un faible soubresaut. Le prêtre se retourna vivement vers les bords du ravin. Depuis le début, ses oscillations avaient usé la liane contre un rocher saillant, et l'on pouvait presque voir maintenant son cylindre central.
De nouveaux craquements émirent soudain.
- Kaileena ! cria-t-il de plus belle.
La corde allait bientôt céder. A deux nous y étions beaucoup trop lourds. Le Temps pressait. Je n'avais plus aucun autre moyen de m'échapper. Zohak était à présent mon seul espoir. Il m'avait piégée. S'il n'avait pas risqué sa vie, s'il n'avait pas lié son sort au mien, s'il n'avait pas joint son poids dans la balance, et sur cette fichue liane... je n'aurais pas eu à rentrer dans son jeu. Mais maintenant, je ne pouvais rien faire d'autre que d'accepter son secours. Tirant sur mes deux bras, je me surélevai pour attraper le poignet de mon "sauveur", qui fit avec ses doigts le tour du mien, puis m'aida sans attendre à monter sur son dos. Seules quelques grosses fibres nous raccordaient encore avec la jungle. Un peu plus haut, mon ami s'aperçut que la corniche sur laquelle il s'était tenu était insuffisamment large pour nous y réunir. Il s'empressa de regagner le rebord supérieur. J'étais pétrifiée à l'idée que son empressement avance le moment de rupture du végétal. Effroyable ironie. Alors que cette vitesse déjà nous amenait à 7 secondes de la hauteur sécurisée.
Tout d'un coup, mon porteur fut pris d'inquiétude. Au lieu de parier sur la courte distance de cette liane précaire, il eut la bonne illumination de se déporter vers une autre, encore accrochée sur la façade. Or, à l'instant même où il allait relâcher sa prise initiale, cette dernière se déchira et tomba entortillée dans le gouffre, sans un bruit. Mais l'on ne devait pas pour autant souffler, car notre nouvelle corde s'avérerait peut-être aussi fragile. Le grand homme continua donc de se dépêcher vers le haut.
Il ne restait plus que deux mètres à franchir.
Quelques secondes plus tard enfin, je vis la corniche arriver à ma portée. Le coeur en tambours, je grimpai en équilibre sur ses épaules et me hissai hors de danger. Je ne ressentis pas même une douleur dans mes muscles, en le faisant. Lorsque je me dirigeai vers la forêt, peut-être à cause du fait que je revenais d'un péril bien pire, elle m'apparut étrangement plus accueillante. Ou moins hostile. Je voulus y repartir à toute jambe, angoissée par cette zone de malheur. Mais cette fois-ci, la voix de Zohak parvint à toucher mon coeur...
- Kaileena ! Non ! Ne t'en vas pas !
Je m'arrêtai instantanément, pour me retourner vers la faille. Avais-je soudain pitié de l'abandonner ? Bizarrement, il n'était même pas encore sorti du précipice, à défaut de ses gémissements plaintifs.
- Kaileena ! Je t'en prie ! Aide-moi !
Mais que donc lui était-il arrivé ? J'étais trop curieuse de cela pour pouvoir partir. D'un pas vigilant, je m'approchais de nouveau par dessus le ravin, le regard tendu sur le vide. Zohak était recroquevillé contre la liane, complètement tétanisé. Il ne bougeait plus un cil. Son visage était tout rouge et gonflé. Ses yeux étaient exorbités et injectés de sang. Son expression me mettait dans un certain malaise.
C'était comme si le grand prêtre était sur le point d'éclater.
- Kaileena, je... ! Je n?arrive plus à respirer ! grogna-t-il avec saccades.
Que lui prenait-il donc ? De quelle torture était-il la victime ? Comment pouvais-je lui venir en aide ? Et c'est encore peu de toutes les questions qui me traversèrent, et dont je ne pus formuler certaines. C'était encore bien la première fois que je me retrouvais dans une situation aussi étrange. Et celle-là aussi m'intimidait. J'aurais tant voulu partir, fuir à nouveau, m'échapper de ce cauchemar psychédélique... Mais je ne pouvais me résoudre à le laisser dans cette fâcheuse position. Il était si pitoyable, pendu de la sorte comme un sanglier à ce serpent végétal. Il m'était inconcevable de partir sans rien faire. Après tout, il m'avait sauvé la vie. Peut-être même était-ce la deuxième fois, en admettant que le tigre ait pu être dangereux. Je ne me serais jamais pardonner de l'avoir ignoré dans son calvaire.
- Je t'en supplie... Aide-moi ! Me fit-il d'une voix étouffée.
Il n'eut pas besoin de le répéter davantage. Je m'accroupis une fois de plus. Ses paupières ne formaient plus qu'une mince fente sous ses sourcils, et ses dents lui mordaient la lèvre inférieure. Encore quelques secondes... A plat ventre, je tendis vers lui ma petite main fébrile, qu'il empoigna d'un geste nerveux avant de la tirer en bas. J'eus le réflexe alors de m'accrocher de mon autre main à une proche racine. Durant un petit intervalle, l'envergure de mes deux bras servit de corde et en éprouva du coup l'horrible étirement. Je me retins de crier, le temps que Zohak remonte. Péniblement, il leva le genou par dessus la corniche et se hissa enfin sur la terre ferme. Dès l'instant où ses coudes purent le soutenir, il se dépêcha soudain de ramper à quatre pattes un peu plus loin. On l'aurait cru aveugle, à travers sa démarche. Moins de 3 secondes plus tard, il s'affala dans l'herbe en écrasant son bras droit, le cou rentré dans les épaules et les pieds sensiblement levés. Le grand homme maintint cette position près de 5 secondes. Ensuite, il voûta son dos et replia ses membres vers la poitrine, comme un nouveau-né. L'oeil luisant.
Je restai interloquée devant cette conclusion.
Le temps passa, tandis que rien ne bougeait. Le zervaniste demeurait toujours étendu, immobile, jusqu'à ce que je m'approche un peu.
- Ça va, Zohak ?
Il se retourna doucement vers moi et me regarda avec une infinie reconnaissance. J'en aurais presque rougi. Puis il murmura d'une voix suave :
- Tout va bien... Merci beaucoup... Merci...
Alors que je me rasseyais sur les talons, je laissai échapper un soupir de soulagement. Toute cette mésaventure était maintenant terminée. La tempête avait, semblait-il, disparue, et la chasse n'était à tenter pour aucun animal sinon les paisibles oiseaux dans les parages. Enfin ne risquions-nous plus rien. Dans le pire des cas, mon ami était là pour me défendre. Je ne craignais plus avec lui ce monde sauvage que l'île nous avait présenté, et qu'elle nous réservait encore. Pour une des rares fois de ma vie, je me sentais en sécurité. Même Zohak le vit sur mon visage. Quand il eut repris des forces, il se redressa et vint me serrer contre lui. L'adulte blottit son visage dans mon cou. Je sentis le contact de ses lèvres, sur ma peau humide. Ses gestes étaient si bons... Il s'écarta au bout d'un moment pour me considérer du regard, un sourire aux coins des joues. Ses dents se découvrirent. Je répondis à sa joie, souriant à mon tour. Il esquissa alors un rire et me dit :
- Viens... Nous allons te trouver de meilleurs vêtements. »
Je me mis également à rire. Il me semble bien que j'ai rougis, à cet instant. Sa main caressait ma nuque.
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