Kaileena, l'Impératrice des Papillons
Par : SyndroMantic
Genre : Fantastique , Horreur
Status : Terminée
Note :
Chapitre 10
La Fuite (dernière suite)
Publié le 12/07/10 à 21:26:01 par SyndroMantic
Le plus ironique, c'est qu'en fait nul autre agissement ne fut meilleure preuve de mon affection pour l'homme qui s'essoufflait sur mes pas. Évidemment, je savais que mon petit jeu ne rachèterait pas toutes les souffrances que j'avais connues, et Zohak était le dernier de ceux à qui je les devais. C'était mon ami, au fond. Et au fond si je m'acharnais à le priver de ce qu'il voulait, c'était plus afin de Partager une même blessure. Qu'il soit l'un des rares à pouvoir me comprendre, grâce à elle. Nous étions si proches alors... Mon compagnon n'arrivait pas à s'en rendre compte : je n'attendais pas qu'il me pourchasse dans la forêt, mais seulement j'aurais aimé qu'il cherche plutôt ma vraie personnalité, en écoutant mon coeur par le sien. Il aurait dû profiter de ce moment, lorsque j'avais encore quelque chose à lui adresser. Malheureusement, l'adulte lui-même n'osait regarder ce qu'il y avait dans son âme. Tout ce qu'il y avait à dire de Zohak se résumait là. Lui n'aurait jamais été capable d'écrire sur sa vie, contrairement à moi. Ce n'est pas ce qui l'empêchait néanmoins de continuer sa traque, alors que la flore se faisait de plus en plus dense.
Le grand homme n'arrivait pas non plus à me rattraper. J'avais l'avantage de ma petite taille, qui pouvait se faufiler dans les passages les plus resserrés sans perdre beaucoup de vitesse ou d'énergie. Pourtant, le mouvement de mes jambes était encore gêné par l'étroitesse de ma robe. Décidément elle n'avait fait que m'handicaper, depuis le début. C'était le moment de régler le problème. Ma main l'agrippa d'un geste rageur puis retira non moins violemment les bouts déchirés, avant de les laisser croupir sur la boue sirupeuse, où l'humain les piétinait bientôt. Ces traces me firent encore pester contre cette maudite couleur rouge, si démarquée de la végétation environnante. J'aurais été visible à des kilomètres à la ronde. Ce n'était pas avec de l'endurance que je gagnerais cette course.
Je parie que s'il m'avait laissé le temps de me débarrasser de cet inconvénient, Zohak n'aurait pas fait le poids, étant donné ce que je m'étais entraîné auparavant. C'était comme ça, je n'avais jamais pu tenir en place sur le navire. Bien que je ne fûs pas faite pour les longues randonnées, par trois fois j'avais eu l'occasion d'évaluer ma rapidité en milieu naturel. Certes mes muscles chauffaient péniblement, à force. Mais je prenais goût à l'effort, d'enjambé en enjambé. Rien ne me semblait trop lointain. J'étais capable de supporter la fatigue. Il y aurait bien quelques heures pour me la diminuer, quand viendrait la nuit. Par ailleurs, tant que les sensations corporelles me parvenaient, cela m'assurait de ma présence au monde, ma distance de l'évanouissement. Oh, je les sentais, mes jambes, et je ne comptais pas m'arrêter cette fois-ci. Résister contre l'adulte, voilà ce dont j'avais besoin pour ne plus subir les maux de ma jeunesse. Ne pas l'aider non plus, tandis qu'il se prenait des branches dans la tête et des épines dans la toge. La faute à sa grandeur. Pas de chance, sur ce coup.
La mienne aussi n'a jamais duré longtemps. Quelques minutes plus tard; je tombai sur un cours d'eau à la surface particulièrement haute. Ses rives atteignaient presque les troncs plantés sur le coté. Leurs racines puisaient leurs ressources à même le liquide. Vers le milieu, des rochers scintillants émergeaient timidement des vaguelettes aquatiques. Le niveau de cette rivière avait grimpé suite aux incroyables précipitations de ces dernières heures. Le chuitement criard du courant montrait son nouveau débit. Mais je ne le considérai pas, trop préoccupée par le fait que l'adulte allait juste se jeter sur moi.
Sans élan, je bondis sur le premier bloc de pierre qui s'offrait à ma vue. Le grand homme derrière me cria de m'en garder, horrifié par son retard. Les autres rocs me mèneraient sur l'autre rive, pensai-je. Hélas, la tempête avait aussi fragilisé les fonds des rivières sur lesquels ils s'appuyaient. A peine avais-je aplati le talon sur la roche que cette plate-forme vacilla, me déséquilibrant. Puis elle s'immergea toute entière. Mon pied glissa de la paroi. Je plongeai dans l'eau mouvementée. Cette fois-là je n'avais pas encore mouillé mes cheveux lorsque je me rappelai ne pas savoir nager, comme tous ceux que j'avais connus jusque là. Dans une dernière tentative, j'étendis mon bras vers les proches herbes. Mais le courant trop puissant m'emporta...
Ma gorge se serra douloureusement, tandis que l'épouvante m'envahissait. Je croyais mon Heure venue. Je comptais mes dixièmes de secondes. A chaque instant je me demandais combien d'autres me laisseraient voir dans mon sillage le regard plein d'angoisse du zervaniste. Avant que les profondeurs ne me happent... Une seconde passa alors. Je ne pouvais plus me résigner à la noyade. Désespérée, je me débattis en folles gesticulations pour maintenir les lèvres à l'air libre. Juste une seconde de plus. Et cependant la rivière me poussait toujours vers je ne séquelle chute tragique. Les feuillages défilaient tout là-haut, brouillés par la vitesse. Dehors le grand homme cavalaient sur la terre ferme dans le sens du courant, passant les mains de branche en branche pour ne pas chuter lui-même. A sa place j'aurais été bien loin déjà.
« Tiens bon, ma petite... m'encouragea-t-il entre deux respirations.
Tenir bon. Jusqu'au bout. C'était moins difficile à dire qu'à faire. Ma bouche commençait à couler sous l'eau. Je ne pouvais plus l'ouvrir, en dehors de courtes occasions où elle remontait. C'était le début de la fin. Machinalement je tendis mon bras le plus haut possible, quitte à moins bouger le reste de mes membres. Ce risque était pourtant inutile et demeuré, ma vie n'était pas contenue dans ma main. Seulement plus que jamais dans cet instant j'implorai la pitié des puissances célestes. Il suffisait d'un dieu, d'un miracle, je l'aurais contemplé de la meilleure humilité. Je n'avais que ça. J'étais faite comme un rat. L'adulte avait beau me doubler sur la rive, je ne le croyais pas capable de me saisir à temps. Ma force n'était plus suffisante. Les flots m'emmèneraient dans leurs royaumes obscurs, et rien ne pourrait l'empêcher. Avant que mes yeux ne plongent aussi, je tentai encore une fois de me hisser à la surface, mais dans l'épuisement je laissai rentrer par mégarde plusieurs gorgées dans ma bouche, avalant de travers ce répugnant liquide. Il n'y avait plus d'échappatoire. Juste ce cauchemar. Et alors que je pensais vivre le pire, Zohak dirigea subitement son regard là où débouchait la rivière à une vingtaine de mètres. Son visage se glaça d'affolement, comme le timbre de sa voix.
- Kaileena, accroche-toi vite !
Avec peine, je me tournai dans le sens du courant. Même sans être à une position élevée, je réussissais par malheur à distinguer là-bas devant moi une cascade qui fit encore accélérer ma dérive. J'étais incapable de prévoir sa hauteur. Le sol s'ouvrait comme une immense faille, engloutissant la rivière dans ses profondeurs, pendant qu'au loin une autre partie de la jungle s'étendait le long des rebords. J'allais être bientôt lâchée dans le vide. L'imminence du danger atteignait son paroxysme. Il me fallait une issue de toute urgence. Le gouffre se rapprochait inéluctablement. Je découvris son trou béant, dans la terre, large d'au moins cinquante mètres et plus bas que ne pouvaient aller les racines des grands arbres. Une force inconditionnelle, que je ne pouvais même pas m'imaginer, avait creusé le sol jusqu'à révéler à la lumière des roches souterraines. Les entrailles de l'île y étaient ici entamées. La sueur des fleuves abreuvaient cette plaie de dizaines de chutes beuglantes venues de toutes les directions. Les cris d'agonie résonnaient en écho sur les parois minérales de cette antique grotte. Ce son remontait vers moi comme une poche d'air rédemptrice.
- Kaileena ! Prends ma main ! »
Zohak était juste au-dessus, les doigts
agrippés à une branche et les pieds en appui sur un tronc. Il me tendait son autre main dans un ultime effort. Je pus à peine le réaliser que la masse d'eau se dérobait sous mon corps...
Le grand homme n'arrivait pas non plus à me rattraper. J'avais l'avantage de ma petite taille, qui pouvait se faufiler dans les passages les plus resserrés sans perdre beaucoup de vitesse ou d'énergie. Pourtant, le mouvement de mes jambes était encore gêné par l'étroitesse de ma robe. Décidément elle n'avait fait que m'handicaper, depuis le début. C'était le moment de régler le problème. Ma main l'agrippa d'un geste rageur puis retira non moins violemment les bouts déchirés, avant de les laisser croupir sur la boue sirupeuse, où l'humain les piétinait bientôt. Ces traces me firent encore pester contre cette maudite couleur rouge, si démarquée de la végétation environnante. J'aurais été visible à des kilomètres à la ronde. Ce n'était pas avec de l'endurance que je gagnerais cette course.
Je parie que s'il m'avait laissé le temps de me débarrasser de cet inconvénient, Zohak n'aurait pas fait le poids, étant donné ce que je m'étais entraîné auparavant. C'était comme ça, je n'avais jamais pu tenir en place sur le navire. Bien que je ne fûs pas faite pour les longues randonnées, par trois fois j'avais eu l'occasion d'évaluer ma rapidité en milieu naturel. Certes mes muscles chauffaient péniblement, à force. Mais je prenais goût à l'effort, d'enjambé en enjambé. Rien ne me semblait trop lointain. J'étais capable de supporter la fatigue. Il y aurait bien quelques heures pour me la diminuer, quand viendrait la nuit. Par ailleurs, tant que les sensations corporelles me parvenaient, cela m'assurait de ma présence au monde, ma distance de l'évanouissement. Oh, je les sentais, mes jambes, et je ne comptais pas m'arrêter cette fois-ci. Résister contre l'adulte, voilà ce dont j'avais besoin pour ne plus subir les maux de ma jeunesse. Ne pas l'aider non plus, tandis qu'il se prenait des branches dans la tête et des épines dans la toge. La faute à sa grandeur. Pas de chance, sur ce coup.
La mienne aussi n'a jamais duré longtemps. Quelques minutes plus tard; je tombai sur un cours d'eau à la surface particulièrement haute. Ses rives atteignaient presque les troncs plantés sur le coté. Leurs racines puisaient leurs ressources à même le liquide. Vers le milieu, des rochers scintillants émergeaient timidement des vaguelettes aquatiques. Le niveau de cette rivière avait grimpé suite aux incroyables précipitations de ces dernières heures. Le chuitement criard du courant montrait son nouveau débit. Mais je ne le considérai pas, trop préoccupée par le fait que l'adulte allait juste se jeter sur moi.
Sans élan, je bondis sur le premier bloc de pierre qui s'offrait à ma vue. Le grand homme derrière me cria de m'en garder, horrifié par son retard. Les autres rocs me mèneraient sur l'autre rive, pensai-je. Hélas, la tempête avait aussi fragilisé les fonds des rivières sur lesquels ils s'appuyaient. A peine avais-je aplati le talon sur la roche que cette plate-forme vacilla, me déséquilibrant. Puis elle s'immergea toute entière. Mon pied glissa de la paroi. Je plongeai dans l'eau mouvementée. Cette fois-là je n'avais pas encore mouillé mes cheveux lorsque je me rappelai ne pas savoir nager, comme tous ceux que j'avais connus jusque là. Dans une dernière tentative, j'étendis mon bras vers les proches herbes. Mais le courant trop puissant m'emporta...
Ma gorge se serra douloureusement, tandis que l'épouvante m'envahissait. Je croyais mon Heure venue. Je comptais mes dixièmes de secondes. A chaque instant je me demandais combien d'autres me laisseraient voir dans mon sillage le regard plein d'angoisse du zervaniste. Avant que les profondeurs ne me happent... Une seconde passa alors. Je ne pouvais plus me résigner à la noyade. Désespérée, je me débattis en folles gesticulations pour maintenir les lèvres à l'air libre. Juste une seconde de plus. Et cependant la rivière me poussait toujours vers je ne séquelle chute tragique. Les feuillages défilaient tout là-haut, brouillés par la vitesse. Dehors le grand homme cavalaient sur la terre ferme dans le sens du courant, passant les mains de branche en branche pour ne pas chuter lui-même. A sa place j'aurais été bien loin déjà.
« Tiens bon, ma petite... m'encouragea-t-il entre deux respirations.
Tenir bon. Jusqu'au bout. C'était moins difficile à dire qu'à faire. Ma bouche commençait à couler sous l'eau. Je ne pouvais plus l'ouvrir, en dehors de courtes occasions où elle remontait. C'était le début de la fin. Machinalement je tendis mon bras le plus haut possible, quitte à moins bouger le reste de mes membres. Ce risque était pourtant inutile et demeuré, ma vie n'était pas contenue dans ma main. Seulement plus que jamais dans cet instant j'implorai la pitié des puissances célestes. Il suffisait d'un dieu, d'un miracle, je l'aurais contemplé de la meilleure humilité. Je n'avais que ça. J'étais faite comme un rat. L'adulte avait beau me doubler sur la rive, je ne le croyais pas capable de me saisir à temps. Ma force n'était plus suffisante. Les flots m'emmèneraient dans leurs royaumes obscurs, et rien ne pourrait l'empêcher. Avant que mes yeux ne plongent aussi, je tentai encore une fois de me hisser à la surface, mais dans l'épuisement je laissai rentrer par mégarde plusieurs gorgées dans ma bouche, avalant de travers ce répugnant liquide. Il n'y avait plus d'échappatoire. Juste ce cauchemar. Et alors que je pensais vivre le pire, Zohak dirigea subitement son regard là où débouchait la rivière à une vingtaine de mètres. Son visage se glaça d'affolement, comme le timbre de sa voix.
- Kaileena, accroche-toi vite !
Avec peine, je me tournai dans le sens du courant. Même sans être à une position élevée, je réussissais par malheur à distinguer là-bas devant moi une cascade qui fit encore accélérer ma dérive. J'étais incapable de prévoir sa hauteur. Le sol s'ouvrait comme une immense faille, engloutissant la rivière dans ses profondeurs, pendant qu'au loin une autre partie de la jungle s'étendait le long des rebords. J'allais être bientôt lâchée dans le vide. L'imminence du danger atteignait son paroxysme. Il me fallait une issue de toute urgence. Le gouffre se rapprochait inéluctablement. Je découvris son trou béant, dans la terre, large d'au moins cinquante mètres et plus bas que ne pouvaient aller les racines des grands arbres. Une force inconditionnelle, que je ne pouvais même pas m'imaginer, avait creusé le sol jusqu'à révéler à la lumière des roches souterraines. Les entrailles de l'île y étaient ici entamées. La sueur des fleuves abreuvaient cette plaie de dizaines de chutes beuglantes venues de toutes les directions. Les cris d'agonie résonnaient en écho sur les parois minérales de cette antique grotte. Ce son remontait vers moi comme une poche d'air rédemptrice.
- Kaileena ! Prends ma main ! »
Zohak était juste au-dessus, les doigts
agrippés à une branche et les pieds en appui sur un tronc. Il me tendait son autre main dans un ultime effort. Je pus à peine le réaliser que la masse d'eau se dérobait sous mon corps...
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