Lendemains Incertains
Par : VingtsCoeurs
Genre : Horreur
Status : C'est compliqué
Note :
Chapitre 2
Publié le 31/10/09 à 19:20:21 par VingtsCoeurs
/Septembre 2011 : Symptômes/
Marchant dans le brouillard qui englobait la ville, je me dirigeait vers mon lycée. Mon souffle se détachait de mon visage en nuages opaques, témoin du froid régional habituel en septembre - le nord-pas-de-calais, ça vous gagne ! - de plus, ce qui n'arrangeait rien, j'avais oublié de prendre mon blouson, et il était trop tard pour retourner à mon appartement, arriver en retard le jour de la rentrée, généralement on fait mieux comme impression. Je traversai les rues qui défilaient les unes après les autres, porteuses de souvenirs, tristes ou heureux. Les visages défilaient eux-aussi, généralement tous parés d'écharpes chaudes afin de protéger les gorges fragiles.
Déjà deux ans que le monde entier souffrait de la grippe A. Suite à la polémique sans fondements qui la décrivait comme une maladie mortelle, on s'aperçut qu'elle n'était somme toute pas plus dangereuse que la grippe saisonnière. Seulement, depuis deux ans, le monde souffrait de deux vagues de grippes par an, et le taux de mortalité mondial avait pour le coup sérieusement augmenté. Chaque année, la polémique reprenait, comme quoi elle avait muté cette année encore, mais les sceptiques finissaient toujours par prouver l'inverse, au grand dam des spécialistes de la pandémie qui s'étaient trompés déjà à l'origine.
La seule réalité qui m'apparaissait, moi, jamais malade, c'est que les ventes d'écharpes avaient dues sérieusement augmenter, et que les hypocondriaques devaient être à la fête, chaque toussotement étant signe d'une maladie très grave ne pouvant être guérie que par un médicament très coûteux, ce qui arrangeait bien les entreprises pharmaceutiques privées, qui s'en mettaient plein les poches. Beau monde que celui-ci, pensai-je, les oreilles, irritées par le froid et les bruits de gorges raclées et médicamentées.
J'arrivai devant mon lycée en avance, comme à mon habitude. Être ponctuel était l'une des seules valeurs que mes parents m'avaient inculqués, valeur qu'ils ne respectaient pas souvent. Le souvenir d'une longue attente le soir de mon 8e anniversaire me revint en mémoire, et mon regard s'assombrit un instant. Regard qui reprit son éclat lorsqu'il croisa celui de Claire, assisse à l'intérieur du lycée et m'observant depuis la baie vitrée du hall. Claire était la joie incarnée, je n'ai pas le souvenir de m'être jamais ennuyé à ses côtés. Peut être ma mémoire était troublée par mes sentiments, car - autant l'avouer - je n'étais pas insensible à elle. Elle vint me voir, ouvrant la porte du hall et sortant dans le froid pour me faire la bise. L'air chaud sortant du bâtiment s'échappa en un mince nuage s'élevant vers le ciel.
" Salut Clém' ! Bien tes vacances ? lança t-elle entre deux bises.
_ Pas trop mal. Bien que je ne t'ai pas vue, dis-je avec un sourire mi-figue mi-raisin.
_ Comment te dire ? J'ai eu la chance de partir en camp linguistique tout l'été en Irlande, loin de tout. Et si je ne t'ai pas vue, rassure-toi, je n'ai pas vu grand chose à part de la pluie, du ciel gris et des tableaux noirs.
_ Woaw. En même temps choisir l'Irlande.. Fallait le vouloir. Et le bilan de ton stage linguistique, Madame j'étudie-durant-l'été ?
_ L'inverse de ton bilan de première. Bonne volonté et résultats corrects, Sir.
_ On ne parlera pas des résultats de l'EAF de Français, dans ce cas, rétorquais-je, un petit sourire en coin.
_ Vaut mieux pas, j'avais pas envie de t'entendre te plaindre, dit-elle, se retenant de pouffer de rire.
_ Tiens tiens, mais qui voilà donc ! Bien vos vacances les gens ? " nous interrompit une voix familière.
Je me retournais pour voir Thomas, un de mes meilleurs amis - si ce n'est le meilleur - éternel à lui-même, avec son sweat vert délavé et son jean délavé lui-aussi. Ses cheveux mi-longs encore mouillés avaient les pointes gelées par le froid, faisant de sa coiffure une œuvre assez originale.
" Bien bien Tho, en même temps on a passé deux mois à glander ensemble, donc je ne t'apprend pas grand chose. Tu t'appelles Tho-mas. Répète un peu ? Tho.. mas. C'est facile, essaie.
_ Sympa, j'essaie d'être poli pour une fois, et tu me prends pour un autiste de seconde catégorie. Tu sais Clém, moi je m'en contrefous de ta life, c'était surtout pour savoir pourquoi la miss a tenu un silence radio durant deux mois. Tu sais, là, celle-ci. Claire la sociable, accrochée à Facebook nuit et jour, se nourrissant de sms et de mails, ayant une double vie sur MSN et un portable greffé à l'oreille. Je suis.. impressionné. Deux mois dans une cage, c'est dur ?
_ C'est plus facile quand on se dit qu'au moins on ne te vois pas durant ce temps, glissa Claire. Malheureusement, l'Irlande - et le coin pommé où j'ai passé les 'meilleures' vacances d'été de mon humble vie - était exempté de réseau, alors j'ai dû faire avec. Bon pour changer de sujet, Laure arrive bientôt ou pas ? Parce qu'on discute on discute, ça sonne dans 4 minutes.
_ J'ai le regret de t'apprendre que ta 'bestah' ne sera pas là durant un bout de temps, cause de grippe carabinée, commença Thomas.
_ Yep, en pleine épidémie saisonnière, notre humble Laure a passé le meilleur été qui soit : deux mois au plumard. On passait la voir chaque semaine. On pourra y aller après la remise des livres si tu veux, ça lui fera plaisir. D'ailleurs c'est toi qui prends les siens, voilà le papier, achevais-je.
_ Tss, ça commence bien, dit Claire en prenant la feuille de papier d'une couleur rose saumon pale et déprimante.
_ En même temps, c'est pas la seule. J'ai vu aux infos que le quart de la population mondiale environ fait la rentrée au chaud dans leurs draps, lança Thomas. La grippe A est 'achement virulente cette année, parait-il. Et comme d'habitude, c'est parce que, je cite, "la souche du virus se modifie constamment..
_ .. et que nous devons craindre que le danger qui représente déjà ne soit rien par rapport à son potentiel mortel.. blablabla." Entendu genre combien de fois cette été ? demandais-je.
_ Plus qu'une pub Carglass, c'est te dire.
_ Vous et vos délires débiles, glissa Claire.
_ Sans communications pendant deux mois, ça veut dire deux mois sans Carglass. Je ne pense pas que je tiendrais " , ricana Thomas.
La sonnerie tinta à nos oreilles, et nous nous rendîmes à la salle polyvalente afin d'être répartis dans les différentes classes et de récupérer nos livres. On espérait être une fois encore dans la même classe, comme chaque année. Le hall à moitié rempli se vida, et les escaliers menant à la salle polyvalente, eux, se remplirent. Assis sur les bancs en bois bancals, je remarquais que plus de la moitié de la promo manquait à l'appel. Si chaque année nous nous entassions les uns sur les autres pour la répartition, ici chacun prenait ses aises et des places restaient vacantes. Quelqu'un tapa sur le micro et fit entendre sa voix. A la place du directeur, ce fut un de mes anciens professeurs d'anglais qui prit la parole, pour nous expliquer rapidement que le directeur était malade.
Pendant qu'il procédait à la répartition, je ne cessais de penser que pour une fois, les soit-disantes conneries qui nous ont soûler tout l'été Thomas et moi nous atteignaient enfin de plein fouet.
Marchant dans le brouillard qui englobait la ville, je me dirigeait vers mon lycée. Mon souffle se détachait de mon visage en nuages opaques, témoin du froid régional habituel en septembre - le nord-pas-de-calais, ça vous gagne ! - de plus, ce qui n'arrangeait rien, j'avais oublié de prendre mon blouson, et il était trop tard pour retourner à mon appartement, arriver en retard le jour de la rentrée, généralement on fait mieux comme impression. Je traversai les rues qui défilaient les unes après les autres, porteuses de souvenirs, tristes ou heureux. Les visages défilaient eux-aussi, généralement tous parés d'écharpes chaudes afin de protéger les gorges fragiles.
Déjà deux ans que le monde entier souffrait de la grippe A. Suite à la polémique sans fondements qui la décrivait comme une maladie mortelle, on s'aperçut qu'elle n'était somme toute pas plus dangereuse que la grippe saisonnière. Seulement, depuis deux ans, le monde souffrait de deux vagues de grippes par an, et le taux de mortalité mondial avait pour le coup sérieusement augmenté. Chaque année, la polémique reprenait, comme quoi elle avait muté cette année encore, mais les sceptiques finissaient toujours par prouver l'inverse, au grand dam des spécialistes de la pandémie qui s'étaient trompés déjà à l'origine.
La seule réalité qui m'apparaissait, moi, jamais malade, c'est que les ventes d'écharpes avaient dues sérieusement augmenter, et que les hypocondriaques devaient être à la fête, chaque toussotement étant signe d'une maladie très grave ne pouvant être guérie que par un médicament très coûteux, ce qui arrangeait bien les entreprises pharmaceutiques privées, qui s'en mettaient plein les poches. Beau monde que celui-ci, pensai-je, les oreilles, irritées par le froid et les bruits de gorges raclées et médicamentées.
J'arrivai devant mon lycée en avance, comme à mon habitude. Être ponctuel était l'une des seules valeurs que mes parents m'avaient inculqués, valeur qu'ils ne respectaient pas souvent. Le souvenir d'une longue attente le soir de mon 8e anniversaire me revint en mémoire, et mon regard s'assombrit un instant. Regard qui reprit son éclat lorsqu'il croisa celui de Claire, assisse à l'intérieur du lycée et m'observant depuis la baie vitrée du hall. Claire était la joie incarnée, je n'ai pas le souvenir de m'être jamais ennuyé à ses côtés. Peut être ma mémoire était troublée par mes sentiments, car - autant l'avouer - je n'étais pas insensible à elle. Elle vint me voir, ouvrant la porte du hall et sortant dans le froid pour me faire la bise. L'air chaud sortant du bâtiment s'échappa en un mince nuage s'élevant vers le ciel.
" Salut Clém' ! Bien tes vacances ? lança t-elle entre deux bises.
_ Pas trop mal. Bien que je ne t'ai pas vue, dis-je avec un sourire mi-figue mi-raisin.
_ Comment te dire ? J'ai eu la chance de partir en camp linguistique tout l'été en Irlande, loin de tout. Et si je ne t'ai pas vue, rassure-toi, je n'ai pas vu grand chose à part de la pluie, du ciel gris et des tableaux noirs.
_ Woaw. En même temps choisir l'Irlande.. Fallait le vouloir. Et le bilan de ton stage linguistique, Madame j'étudie-durant-l'été ?
_ L'inverse de ton bilan de première. Bonne volonté et résultats corrects, Sir.
_ On ne parlera pas des résultats de l'EAF de Français, dans ce cas, rétorquais-je, un petit sourire en coin.
_ Vaut mieux pas, j'avais pas envie de t'entendre te plaindre, dit-elle, se retenant de pouffer de rire.
_ Tiens tiens, mais qui voilà donc ! Bien vos vacances les gens ? " nous interrompit une voix familière.
Je me retournais pour voir Thomas, un de mes meilleurs amis - si ce n'est le meilleur - éternel à lui-même, avec son sweat vert délavé et son jean délavé lui-aussi. Ses cheveux mi-longs encore mouillés avaient les pointes gelées par le froid, faisant de sa coiffure une œuvre assez originale.
" Bien bien Tho, en même temps on a passé deux mois à glander ensemble, donc je ne t'apprend pas grand chose. Tu t'appelles Tho-mas. Répète un peu ? Tho.. mas. C'est facile, essaie.
_ Sympa, j'essaie d'être poli pour une fois, et tu me prends pour un autiste de seconde catégorie. Tu sais Clém, moi je m'en contrefous de ta life, c'était surtout pour savoir pourquoi la miss a tenu un silence radio durant deux mois. Tu sais, là, celle-ci. Claire la sociable, accrochée à Facebook nuit et jour, se nourrissant de sms et de mails, ayant une double vie sur MSN et un portable greffé à l'oreille. Je suis.. impressionné. Deux mois dans une cage, c'est dur ?
_ C'est plus facile quand on se dit qu'au moins on ne te vois pas durant ce temps, glissa Claire. Malheureusement, l'Irlande - et le coin pommé où j'ai passé les 'meilleures' vacances d'été de mon humble vie - était exempté de réseau, alors j'ai dû faire avec. Bon pour changer de sujet, Laure arrive bientôt ou pas ? Parce qu'on discute on discute, ça sonne dans 4 minutes.
_ J'ai le regret de t'apprendre que ta 'bestah' ne sera pas là durant un bout de temps, cause de grippe carabinée, commença Thomas.
_ Yep, en pleine épidémie saisonnière, notre humble Laure a passé le meilleur été qui soit : deux mois au plumard. On passait la voir chaque semaine. On pourra y aller après la remise des livres si tu veux, ça lui fera plaisir. D'ailleurs c'est toi qui prends les siens, voilà le papier, achevais-je.
_ Tss, ça commence bien, dit Claire en prenant la feuille de papier d'une couleur rose saumon pale et déprimante.
_ En même temps, c'est pas la seule. J'ai vu aux infos que le quart de la population mondiale environ fait la rentrée au chaud dans leurs draps, lança Thomas. La grippe A est 'achement virulente cette année, parait-il. Et comme d'habitude, c'est parce que, je cite, "la souche du virus se modifie constamment..
_ .. et que nous devons craindre que le danger qui représente déjà ne soit rien par rapport à son potentiel mortel.. blablabla." Entendu genre combien de fois cette été ? demandais-je.
_ Plus qu'une pub Carglass, c'est te dire.
_ Vous et vos délires débiles, glissa Claire.
_ Sans communications pendant deux mois, ça veut dire deux mois sans Carglass. Je ne pense pas que je tiendrais " , ricana Thomas.
La sonnerie tinta à nos oreilles, et nous nous rendîmes à la salle polyvalente afin d'être répartis dans les différentes classes et de récupérer nos livres. On espérait être une fois encore dans la même classe, comme chaque année. Le hall à moitié rempli se vida, et les escaliers menant à la salle polyvalente, eux, se remplirent. Assis sur les bancs en bois bancals, je remarquais que plus de la moitié de la promo manquait à l'appel. Si chaque année nous nous entassions les uns sur les autres pour la répartition, ici chacun prenait ses aises et des places restaient vacantes. Quelqu'un tapa sur le micro et fit entendre sa voix. A la place du directeur, ce fut un de mes anciens professeurs d'anglais qui prit la parole, pour nous expliquer rapidement que le directeur était malade.
Pendant qu'il procédait à la répartition, je ne cessais de penser que pour une fois, les soit-disantes conneries qui nous ont soûler tout l'été Thomas et moi nous atteignaient enfin de plein fouet.
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