Incarnation
Par : Sheyne
Genre : Science-Fiction , Fantastique
Status : C'est compliqué
Note :
Chapitre 19
Publié le 16/12/15 à 01:19:37 par Sheyne
Le Roi était bien loin de la vérité. Bonté du sort ou non, une semaine plus tard, démembré, il contractait une infection. Elle l'emporta dans son sommeil.
Alors la douleur devint de la joie, les regrets de la paix.
Jamais il ne fut plus heureux de mourir. À aucun moment il n'aurait imaginé être empli d'un tel bonheur en étant happé par ce monde infernal tourbillonnant. Car on ne s'habitue jamais à la souffrance, on apprend seulement à vivre avec. Dans son cas, il en réchappa traumatisé. Ainsi, il crut rêver en revoyant les âmes tornader autour de lui. Elles étaient si belles et tout semblait à sa place, un havre de sérénité. Son seul désir fut de rester en cet endroit éthéré, jusqu'à ce que sa conscience se perde, jusqu'à ce qu'il n'existe plus. Disparaisse.
Seulement, les engrenages en décidèrent autrement. Parmi les rouages cosmiques, une voix terrifiante s'éleva, émanant d'un formidable œil de braise.
« Seize secondes, c'est tout ce que vous avez, pour me montrer que vous comprenez : rien de ce que vous avez vécu ne compte, car votre vie n'est qu'un conte. Vous n'êtes jamais né ; vous ne mourrez jamais. »
Le Seigneur en fut tétanisé et les sons semblaient transcender l'espace lui-même, surgissant des tréfonds de son esprit. La chose le sondait. En proie à une peur panique, il se confondit en un terrible mutisme. Le temps s'écoula et bientôt la puissance fantastique rugit encore :
« Six secondes avant que vos yeux ne soient... Alors viendront les questions sur ce qu'ils voient. Tout ce dont vous avez pu rêver, tout ce que vous avez pu penser... vous comprendrez, vous changerez ! »
Fusant dans la jungle, le Roi s'arrêta net. L'endroit était merveilleux. Sans aucun doute la plus belle chose qu'il ait vue depuis bien longtemps. De hauts arbres inconnus poussaient à foison... Quelques bambous se perdaient dans le ciel et le tapis végétal caressait doucement ses pieds. Au loin des bruits d'oiseau, et derrière lui un hurlement féminin :
« Cours ! »
Alors une main poussa brutalement son épaule et la femme le doubla. Déstabilisé, le Seigneur s'écrasa par terre. Plongeant au milieu des plantes, il tenta désespérément de reprendre son équilibre... sans y parvenir. Il paniqua : quelque chose n'allait pas avec son corps, il n'arrivait pas à le bouger correctement...
Mais s'asseyant, il essaya de se calmer : peut-être était-ce à cause de tout ce temps passé immobile. Il était libre, c'était déjà ça de pris. Ses bras s'activèrent pour le soulever, appuyant sur la mousse au sol. C'est à ce moment-là qu'il hurla.
Lorsqu'il aperçut la fourrure sur ses mains et contempla ses longues griffes, il cria et s'étala encore. Son hurlement, semblable à un rugissement profond, l'horrifia. Alors, perdus, ses yeux se levèrent devant lui. Ils purent admirer la créature qui l'avait bousculé. Délicieusement humaine, affreusement animale, elle venait de rebrousser chemin pour revenir dans sa direction. Une jeune femme-chat, presque entièrement nue, à l’exception de quelques pièces de cuir. Et le Roi frémit d'horreur. L'on aurait-dit qu'Hélios s'était défoulé sur cette pauvre fille : à part sa tête, sa poitrine, l'abdomen et son bas ventre, tout le reste de son corps semblait abominablement félin : recouvert d'un court pelage marron, parsemé de rayures noires... Ressemblait-il à ça ? Cette pensée le terrorisait. En courant, elle ordonna :
« Lève-toi ! Ils arrivent. »
Sa voix, bien que relevant du miaulement paniqué, restait agréable. Il ne put cependant pas la dévisager plus longtemps ; elle était déjà sur lui. Enroulant ses doigts griffus autour d'un de ses poignets elle tira pour l'aider à se mettre debout, mais ça ne fonctionna pas.
Le Roi tentait bien d'obéir, mais ses pattes arrière n'avaient plus rien d'un pied d'homme. Appuyant sur un talon inexistant, il retomba à genoux. Alors, la jeune femme gémit et l'attrapa à bras le corps. Le chopant sous les épaules elle le traîna entre deux arbres, dans un coin relativement discret. Au loin, des coups de feu retentissaient.
« Qu'est-ce qu'il se passe, put... »
Une main puissante lui couvrit la bouche, étouffant ses paroles, et le Seigneur se tut. En silence, il analysa la situation.
Sentir bouger chacun de ses membres était une sensation grisante trop longtemps oubliée, même s'ils étaient étranges et lui répondaient mal... De plus, il ne ressentait aucune douleur. Ce qu'il vivait en ce moment était un soulagement énorme : son corps avait beau être horrible, il ne trouvait pas la force de le rejeter. (Ce n'était rien face à toute l'horreur qu'il avait pu subir.) Pas un seul instant il ne songea au suicide, pas pour en changer : pour rien au monde il ne voulait courir le risque de retourner dans ces geôles... où plus de trois mois c’étaient écoulées...
Que ferait-il s'il restait bloqué des années ? L'éternité ? Cette idée l'empoisonnait. L'autre avait dit que son royaume pourrait être attaqué... Même si de prime abord ça le réjouissait d'imaginer le Philosophe sur la voie de son déclin il devait se débrouiller pour sauver son pays... Comment ferait-il pour le rejoindre en moins de six mois ?! Et depuis un corps pareil, alors qu'il ne savait pas où il se trouvait ?! Mais la situation avait beau être urgente, il se sentit peu à peu moins concerné.
Lentement, il cessa de se poser des questions. Plongés dans le moment présent, ses yeux se perdirent dans la contemplation du toit végétal. Loin au-dessus d'eux, les milliers de feuilles vertes s'épanouissaient dans les rayons de lumière et les oiseaux chantaient. Tout était bien, finalement. Il avait besoin de souffler, de se reposer un peu.
L'inconnue respirait sans un bruit. Pour la première fois depuis une éternité le Roi avait le droit à un peu de réconfort. Alors que, sur sa tête, ses oreilles félines s'ouvraient aux sons de la jungle, sa joue, collée contre la poitrine nue de la jeune femme, ressentait les battements rapides de son cœur. Il était adossé contre elle, elle même reposant dos à un arbre, tous deux camouflés par un épais buisson. Le moment semblait rêvé. Elle le prolongea en murmurant doucement :
« Si on attend en silence, ils ne devraient pas nous trouver. Après... on avisera avec le village. »
Elle bougea faiblement la tête et ses longs cheveux châtains glissèrent, ondoyant sur le visage du Seigneur. Les cris au lointain semblaient si irréels... Au final, ce qui arrivait lui importait peu. Les événements s’enchaîneraient comme ils devaient le faire. De toute manière, ses actions avaient-elles seulement la moindre importance ? En repensant au piano et à son premier suicide dans les geôles, il en vint à renier son propre libre arbitre. Se tuer l'avait puni. Il était resté trois mois à végéter, puis était retourné là où il en était, avant de mourir... Torturé. Quoi qu'il fasse, rien ne se passait comme il l'imaginait. Et maintenant, qu'était-il ? Un espèce d'animal à moitié humain...
Il soupira et ferma les yeux. C'était déjà ça. Les odeurs eurent à nouveau tôt fait de le détendre : les notes de tourbe dans les effluves de la mousse terreuse, la résine suintant des arbres, le parfum exotique, presque enivrant, de la jeune femme. Même les relents de poudre à canon, charriés par la brise légère, et il se surprit de son odorat.
Bientôt, les cris se rapprochèrent. Autour d'eux, les plantes s'écartèrent dans des bruits de froissements feuillus. Des sons humains retentissaient jusque dans leur cocon de douceur et il se crispa :
« Allez !
— Battez-les, vers l'est !
— Le groupe alpha est tombé sur une poche de résistance, au nord, toute une communauté ! »
Alors la jeune femme enveloppa le Roi de ses bras et à travers son pelage et il la sentit tressaillir. Des larmes perlèrent sur son visage. Il sut qu'elle pleurait en silence.
Quand enfin les assaillants les eurent dépassés et qu'ils se surent en sécurité, un souffle s'éleva :
« Le village... »
Devant tant d'émotions, le Seigneur n'osa dire un mot. Il en vint à douter avoir seulement entendu cette ultime phrase. Cependant, en proie au doute et à l'incompréhension, il sentit l'inconnue s'ébrouer. Le repos était terminé, ils devaient bouger. Mais prisonnier de ce nouveau corps... y parviendrait-il seulement ? Elle le saisit alors par le bras, le glissa en travers de ses épaules pour le relever et lui assurer une prise correcte. Ils quittèrent ainsi leur cachette, pour déambuler dans la jungle, tandis que les fusils éclataient toujours au loin.
Alors la douleur devint de la joie, les regrets de la paix.
Jamais il ne fut plus heureux de mourir. À aucun moment il n'aurait imaginé être empli d'un tel bonheur en étant happé par ce monde infernal tourbillonnant. Car on ne s'habitue jamais à la souffrance, on apprend seulement à vivre avec. Dans son cas, il en réchappa traumatisé. Ainsi, il crut rêver en revoyant les âmes tornader autour de lui. Elles étaient si belles et tout semblait à sa place, un havre de sérénité. Son seul désir fut de rester en cet endroit éthéré, jusqu'à ce que sa conscience se perde, jusqu'à ce qu'il n'existe plus. Disparaisse.
Seulement, les engrenages en décidèrent autrement. Parmi les rouages cosmiques, une voix terrifiante s'éleva, émanant d'un formidable œil de braise.
« Seize secondes, c'est tout ce que vous avez, pour me montrer que vous comprenez : rien de ce que vous avez vécu ne compte, car votre vie n'est qu'un conte. Vous n'êtes jamais né ; vous ne mourrez jamais. »
Le Seigneur en fut tétanisé et les sons semblaient transcender l'espace lui-même, surgissant des tréfonds de son esprit. La chose le sondait. En proie à une peur panique, il se confondit en un terrible mutisme. Le temps s'écoula et bientôt la puissance fantastique rugit encore :
« Six secondes avant que vos yeux ne soient... Alors viendront les questions sur ce qu'ils voient. Tout ce dont vous avez pu rêver, tout ce que vous avez pu penser... vous comprendrez, vous changerez ! »
Fusant dans la jungle, le Roi s'arrêta net. L'endroit était merveilleux. Sans aucun doute la plus belle chose qu'il ait vue depuis bien longtemps. De hauts arbres inconnus poussaient à foison... Quelques bambous se perdaient dans le ciel et le tapis végétal caressait doucement ses pieds. Au loin des bruits d'oiseau, et derrière lui un hurlement féminin :
« Cours ! »
Alors une main poussa brutalement son épaule et la femme le doubla. Déstabilisé, le Seigneur s'écrasa par terre. Plongeant au milieu des plantes, il tenta désespérément de reprendre son équilibre... sans y parvenir. Il paniqua : quelque chose n'allait pas avec son corps, il n'arrivait pas à le bouger correctement...
Mais s'asseyant, il essaya de se calmer : peut-être était-ce à cause de tout ce temps passé immobile. Il était libre, c'était déjà ça de pris. Ses bras s'activèrent pour le soulever, appuyant sur la mousse au sol. C'est à ce moment-là qu'il hurla.
Lorsqu'il aperçut la fourrure sur ses mains et contempla ses longues griffes, il cria et s'étala encore. Son hurlement, semblable à un rugissement profond, l'horrifia. Alors, perdus, ses yeux se levèrent devant lui. Ils purent admirer la créature qui l'avait bousculé. Délicieusement humaine, affreusement animale, elle venait de rebrousser chemin pour revenir dans sa direction. Une jeune femme-chat, presque entièrement nue, à l’exception de quelques pièces de cuir. Et le Roi frémit d'horreur. L'on aurait-dit qu'Hélios s'était défoulé sur cette pauvre fille : à part sa tête, sa poitrine, l'abdomen et son bas ventre, tout le reste de son corps semblait abominablement félin : recouvert d'un court pelage marron, parsemé de rayures noires... Ressemblait-il à ça ? Cette pensée le terrorisait. En courant, elle ordonna :
« Lève-toi ! Ils arrivent. »
Sa voix, bien que relevant du miaulement paniqué, restait agréable. Il ne put cependant pas la dévisager plus longtemps ; elle était déjà sur lui. Enroulant ses doigts griffus autour d'un de ses poignets elle tira pour l'aider à se mettre debout, mais ça ne fonctionna pas.
Le Roi tentait bien d'obéir, mais ses pattes arrière n'avaient plus rien d'un pied d'homme. Appuyant sur un talon inexistant, il retomba à genoux. Alors, la jeune femme gémit et l'attrapa à bras le corps. Le chopant sous les épaules elle le traîna entre deux arbres, dans un coin relativement discret. Au loin, des coups de feu retentissaient.
« Qu'est-ce qu'il se passe, put... »
Une main puissante lui couvrit la bouche, étouffant ses paroles, et le Seigneur se tut. En silence, il analysa la situation.
Sentir bouger chacun de ses membres était une sensation grisante trop longtemps oubliée, même s'ils étaient étranges et lui répondaient mal... De plus, il ne ressentait aucune douleur. Ce qu'il vivait en ce moment était un soulagement énorme : son corps avait beau être horrible, il ne trouvait pas la force de le rejeter. (Ce n'était rien face à toute l'horreur qu'il avait pu subir.) Pas un seul instant il ne songea au suicide, pas pour en changer : pour rien au monde il ne voulait courir le risque de retourner dans ces geôles... où plus de trois mois c’étaient écoulées...
Que ferait-il s'il restait bloqué des années ? L'éternité ? Cette idée l'empoisonnait. L'autre avait dit que son royaume pourrait être attaqué... Même si de prime abord ça le réjouissait d'imaginer le Philosophe sur la voie de son déclin il devait se débrouiller pour sauver son pays... Comment ferait-il pour le rejoindre en moins de six mois ?! Et depuis un corps pareil, alors qu'il ne savait pas où il se trouvait ?! Mais la situation avait beau être urgente, il se sentit peu à peu moins concerné.
Lentement, il cessa de se poser des questions. Plongés dans le moment présent, ses yeux se perdirent dans la contemplation du toit végétal. Loin au-dessus d'eux, les milliers de feuilles vertes s'épanouissaient dans les rayons de lumière et les oiseaux chantaient. Tout était bien, finalement. Il avait besoin de souffler, de se reposer un peu.
L'inconnue respirait sans un bruit. Pour la première fois depuis une éternité le Roi avait le droit à un peu de réconfort. Alors que, sur sa tête, ses oreilles félines s'ouvraient aux sons de la jungle, sa joue, collée contre la poitrine nue de la jeune femme, ressentait les battements rapides de son cœur. Il était adossé contre elle, elle même reposant dos à un arbre, tous deux camouflés par un épais buisson. Le moment semblait rêvé. Elle le prolongea en murmurant doucement :
« Si on attend en silence, ils ne devraient pas nous trouver. Après... on avisera avec le village. »
Elle bougea faiblement la tête et ses longs cheveux châtains glissèrent, ondoyant sur le visage du Seigneur. Les cris au lointain semblaient si irréels... Au final, ce qui arrivait lui importait peu. Les événements s’enchaîneraient comme ils devaient le faire. De toute manière, ses actions avaient-elles seulement la moindre importance ? En repensant au piano et à son premier suicide dans les geôles, il en vint à renier son propre libre arbitre. Se tuer l'avait puni. Il était resté trois mois à végéter, puis était retourné là où il en était, avant de mourir... Torturé. Quoi qu'il fasse, rien ne se passait comme il l'imaginait. Et maintenant, qu'était-il ? Un espèce d'animal à moitié humain...
Il soupira et ferma les yeux. C'était déjà ça. Les odeurs eurent à nouveau tôt fait de le détendre : les notes de tourbe dans les effluves de la mousse terreuse, la résine suintant des arbres, le parfum exotique, presque enivrant, de la jeune femme. Même les relents de poudre à canon, charriés par la brise légère, et il se surprit de son odorat.
Bientôt, les cris se rapprochèrent. Autour d'eux, les plantes s'écartèrent dans des bruits de froissements feuillus. Des sons humains retentissaient jusque dans leur cocon de douceur et il se crispa :
« Allez !
— Battez-les, vers l'est !
— Le groupe alpha est tombé sur une poche de résistance, au nord, toute une communauté ! »
Alors la jeune femme enveloppa le Roi de ses bras et à travers son pelage et il la sentit tressaillir. Des larmes perlèrent sur son visage. Il sut qu'elle pleurait en silence.
Quand enfin les assaillants les eurent dépassés et qu'ils se surent en sécurité, un souffle s'éleva :
« Le village... »
Devant tant d'émotions, le Seigneur n'osa dire un mot. Il en vint à douter avoir seulement entendu cette ultime phrase. Cependant, en proie au doute et à l'incompréhension, il sentit l'inconnue s'ébrouer. Le repos était terminé, ils devaient bouger. Mais prisonnier de ce nouveau corps... y parviendrait-il seulement ? Elle le saisit alors par le bras, le glissa en travers de ses épaules pour le relever et lui assurer une prise correcte. Ils quittèrent ainsi leur cachette, pour déambuler dans la jungle, tandis que les fusils éclataient toujours au loin.
20/12/15 à 00:19:41
Je comptais le glisser dans mon texte, mais j'ai oublié.
19/12/15 à 14:38:56
Tfuu, je m'attendais au "Quelle furie cette furry"
19/12/15 à 09:44:56
C'est bien triste qu'ils ne s'en soient pas sortis.
Je me demande si on en apprendra
plus sur cette drôle d'espèce par la suite. Ces hommes-chats sont surprenants, capables de prouesses hors du commun et d'une bestialité que l'on ne soupçonnerait pas. Je parlais de furry pour plaisanter, c'en est bien loin, ce chapitre était très intéressant. Avec en plus de bonnes descriptions, c'était à s'y croire.
Vivement la suite. :sweet:
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