Incarnation
Par : Sheyne
Genre : Science-Fiction , Fantastique
Status : C'est compliqué
Note :
Chapitre 14
Publié le 01/12/15 à 17:32:08 par Sheyne
« Jette lentement ton épée ! Explique-nous, calmement. As-tu vraiment tué ces deux personnes ?!
— Oh... Le Roi souffla du nez. Ça pour les avoir massacré, je ne les ai pas ratés. Mais, les gars, allez plutôt secourir les gamins que ce monstre a enchaînés dans sa cave. Il faut m'aider à trouver la clé des chaînes ! »
Le soldat qui avait parlé semblait confus face à cette nouvelle version. L'autre avouait avoir assassiné froidement deux personnes, confirmant les faits, mais il poursuivait en leur demandant de l'aide. Jamais il n'avait vu chose pareille :
« Putain, quelle clé, c'est quoi ce bordel ?
— Là ! D'un signe de la tête, le Roi amusé montra la trappe à ses pieds. Allez voir, il y a quelques enfants séquestrés. Ce gars que j'ai démembré les torturait dans sa cache et les laissait moisir pendant la messe. Un mois que j’enquête et votre supérieure n'a jamais voulu me croire sans que je vienne avec des preuves. Il fallait bien que j'agisse, je n’allais pas les laisser là... Entre nous... vous allez en récolter la gloire, monsieur. »
Pendant son discours, l'un des soldats avait laissé ses armes à terre pour s'enfoncer dans le conduit. Il ne se passa pas longtemps avant qu'un cri n'arrive à leurs oreilles :
« Chef, il a raison, il y a des enfants en bas !
— Cherchez la clé, vite ! »
La réponse fut soudaine. Aussitôt, les gardes se dispersèrent, sans chercher là où c'était le plus logique. Lorsqu’après deux minutes d'exploration ils revinrent bredouilles, le Roi ennuyé se décida à baisser les mains pour fouiller le cadavre à ses pieds.
Rapidement, ses doigts butèrent contre un morceau de fer dans une des poches de la toge. Il brandit alors son trophée et les enfants ne tardèrent pas à être libérés. Il tenta donc de s'éclipser discrètement, le chef le bloqua :
« Ce monstre torturait des pauvres petits. Mais... qu'en est-il de la femme ? »
Du menton, il désignait la jeune transpercée au ventre par la lame. Le Roi loin d'être embêté enchaîna librement :
« Sa complice, évidemment. Comment pouvait-il récupérer les gamins sans une aide extérieure alors qu'il était sans arrêt enfermé dans son église ?
— Je vois...
— Bien monsieur, je repasserai vous voir ce soir après mon travail, pour faire une déposition plus complète. »
Puis, commençant à partir et voyant que personne ne l'arrêtait, il se retourna :
« J'oubliais, félicitations pour votre future promotion. Vous avez contribué à l'arrestation d'un dangereux criminel, prenez soin des enfants. »
Quelque chose n'allait pas, le soldat le sentait, mais occupé par les bambins souillés et en pleurs dans ses bras il n'avait pas le temps de réfléchir. Il était choqué par leur apparence déplorable et l'autre en avait profité pour disparaître sans demander son reste. Au moins, le curé était hors d'état de nuire. Le Roi, quant à lui, se retenait de rire de la crédulité du chef.
Sur les marches, devant le bâtiment, un petit attroupement recula, effrayé. Les gens présents au moment des faits ainsi que quelques curieux supplémentaires s'étaient rassemblés pour assister à son arrestation. Cependant, il ressortait libre alors que cinq soldats de la garde s'étaient amenés pour le stopper.
Fier de son coup, le Seigneur inspira à fond en regardant le ciel. Enfin dehors, il pouvait voir le jour déjà bien entamé. Cela sema un trouble dans son esprit : il se souvenait bien avoir agonisé un soir ! Ici, la nuit n'était pas encore tombée. Combien de temps s'était-il passé depuis qu'il était mort ? Un jour ? Des semaines ?
Il s'affola en repensant au taré qui régnait sur son royaume. Il fallait rapidement monter au sommet de l'arbre ! Mais attends... L'arbre... Merde !
Balançant son regard sur le ciel, son cœur manqua un battement. Yggdrasil avait disparu ! Bordel, où était-il ? Paniqué, il hurla à l'attention de l'attroupement :
« On est où, là, putain, il est passé où mon royaume ?! »
Ceux-ci ne firent que reculer d'un pas de plus. Ce monstre avait tué deux types de sang-froid et il recommençait à s’énerver. Certains s'enfuirent même et le Roi lâcha prise. Bouleversé, il brandit à nouveau son épée. Le karma s'était foutu de sa gueule, il allait lui montrer.
Dans les hurlements de terreurs, il se précipita dans la masse, balançant son sabre dans un large coup circulaire. L'acier encore taché de sang mordit la chair de cinq personnes, en toucha trois au visage et en envoya deux au sol. Mu par sa rage et la peur de perdre son royaume, il acheva tour à tour les deux types à terre. Les trois autres furent incapables de fuir. Alors qu'il portait haut son épée, pour les abattre, un choc à l'épaule manqua de le faire chuter. Son bras gauche retomba mollement et une douleur fulgurante le fit hurler.
Le Roi crispa la mâchoire, une lance plantée dans le dos il se retourna face au garde qui avait accouru sur le seuil de l'église. De sa main valide, il tenait son arme, prêt à le recevoir. Mais au lieu d'approcher, le soldat attendit des renforts en le hélant :
« Bordel, mais qui t'es à la fin ?! Espèce de malade ! »
Le seigneur saignait abondamment. À ses pieds, l'écarlate suintant de sa plaie venait rejoindre celui de ses victimes. Son cri douloureux transperça l'horreur du moment :
« Où ?! Où est-on ? C'est quoi cet endroit ?! Réponds !
— Ça ne prendra pas ! Tu ne trompes plus personne, sale monstre ! »
Sur ses paroles, l'une de ses victimes le visage ensanglanté et en pleure trouva la force de répondre :
« Le curé l'avait appelé James... Il le connaissait ! »
Aussitôt, une lueur de lucidité passa sur la figure du chef. Les autres soldats prenaient déjà position, en préparant leurs lances, quand il s'exclama :
« Alors c'est toi son complice ! C'est pour ça que tu savais pour les gosses ! Pourquoi l'as-tu tué ? L'affaire a mal tourné pour toi, c'est ça ? Il menaçait de te vendre ?! »
Perdu, le Roi vit les cinq soldats sur le palier, ils avaient délaissé les enfants pour s'occuper de son cas. Mais il avait beau réfléchir, il ne comprenait pas. Et cette douleur lancinante dans son épaule n'aidait en rien. Il tenta une dernière fois :
« Avez-vous déjà entendu parler d'Yggdrasil ?
— Qui c'est, ça, Ygg... ?
— Le dieu impie pour qui il fait couler le sang, sans doute
— Il est taré, tuons-le tout de suite, chef, l'enfermer ne servira à rien. »
Bouleversé par la réponse, le Seigneur hurla de désespoir. Sur le coup, les gardes firent un mouvement en arrière, ne s'y attendant pas. Mais au lieu d'une charge soudaine, le fou au milieu de la place se contenta de demander :
« Que se passera-t-il si je me rends ? Comment serais-je exécuté ?
— On ne te tuera pas, tu as notre parole. Le garde était sérieux et son ton négociateur. Tu auras un procès équitable. En attendant, on te gardera en cellule et tu seras correctement traité.
— Tsst »
Sifflant entre ses dents, le Roi attrapa la lance dans son dos. D'un coup sec, il la retira en hurlant de douleur. Puis il fit quelques pas lents vers les soldats en jetant son épée au sol. Il devait leur faire baisser leur garde, mais sûrement pas se laisser capturer. Il n'avait pas le temps de moisir en cellule.
De plus, une idée germait dans son esprit : si mourir l'avait conduit ici, peut être qu'y rester à nouveau lui permettrait de voyager jusqu'à Yggdrasil. Avec un peu de chance, peut être même qu'il finirait dans la peau d'un beau noble de son royaume. Il n'aurait qu'à se suicider encore et encore jusqu'à y arriver ! Et si en mourant suffisamment il parvenait à reprendre son corps d'origine au Philosophe, celui-ci serait baisé en beauté.
Lorsqu'il vit les hommes en face de lui baisser leurs armes, il sprinta brusquement au loin. Presque aussitôt, il entendit un fracas métallique et des cris de protestation dans son dos. Une lance explosa l'angle d'une ruelle dans laquelle il s'engouffrait, rebondissant sur ce qui aurait été sa tête quelques centimètres plus loin. Ces abrutis savaient bien viser, il fallait le leur accorder.
Son corps blessé n'allait pas aussi vite qu'il l'espérait. L'épaule en feu, le bras ballant, il devait serrer les dents à chaque pas de course. Derrière lui, le tintement des armures semblait se rapprocher. Malgré leur encombrement, les soldats étaient plus jeunes et plus endurants.
« Il s'enfonce jusqu'au port !
— On va le coincer ce bâtard. »
Alors cette ville avait un port ! C'était sa chance. Dans un ultime sursaut d'énergie, il descendit ce qui était une large avenue, bousculant les passants désœuvrés. Un point de côté lui détruisait les tripes, mais il redoutait de ralentir. Si ces cons arrivaient à le chopper à la lance et qu'il n'en mourrait pas, ils seraient foutus de le soigner avant de l'enfermer.
Étrangement, il se prit à regretter son corps souple de jeune femme, il aurait pu avaler la distance en un rien de temps. Au lieu de ça, il traînait une carcasse affreusement lourde et affaiblie.
Rapidement, il fut en mesure d'apercevoir le grand vide et les fantastiques navires. Alors, débarquant dans les quais, il s'arrêta au bord du précipice. En plongeant les yeux dans le lointain contrebas, il put contempler Hélios brûler d'un feu sacré. L’île volante, pourtant colossale, ne semblait rien face à la terrible boule en fusion. À l'image d'un moucheron, elle ne faisait que graviter autour du titan enflammé, perdue dans le ciel. Le spectacle avait quelque chose d'horriblement effrayant, alors il prit un instant de réflexion avant de s'y jeter.
« Il va sauter putain !
— Arrête-toi, tes pas obligé de faire ça ! »
En sueurs, trois des cinq soldats l'avaient poursuivi jusqu'ici. Les autres étaient sans doute restés s'occuper des enfants.
« Rends-toi maintenant, tu n'as plus d'échappatoires »
Déjà, les badauds s'attroupaient pour assister à la scène. Le Roi reprit donc douloureusement son souffle avant de se donner en spectacle :
« Tuez-moi tout de suite si vous l'osez, c'est votre dernière chance d'abattre un dieu.
— Bordel non, on va pas te tuer, t'es dingue. Avance, ça va s'arranger ! »
Littéralement au bord du gouffre, le Seigneur explosa de rire. Même s'il ignorait où il reviendrait à la vie, cela ne pourrait être que mieux. Il prit alors les gens à témoins :
« Pauvres mortels. Assistez à ma renaissance ! »
Fermant les yeux, il écarta son bras valide et se laissa tomber en arrière sous les exclamations offusquées des spectateurs. Fatalement avalé par le vide, il perdit conscience longtemps avant que la chaleur infernale d'Hélios ne consume son corps.
— Oh... Le Roi souffla du nez. Ça pour les avoir massacré, je ne les ai pas ratés. Mais, les gars, allez plutôt secourir les gamins que ce monstre a enchaînés dans sa cave. Il faut m'aider à trouver la clé des chaînes ! »
Le soldat qui avait parlé semblait confus face à cette nouvelle version. L'autre avouait avoir assassiné froidement deux personnes, confirmant les faits, mais il poursuivait en leur demandant de l'aide. Jamais il n'avait vu chose pareille :
« Putain, quelle clé, c'est quoi ce bordel ?
— Là ! D'un signe de la tête, le Roi amusé montra la trappe à ses pieds. Allez voir, il y a quelques enfants séquestrés. Ce gars que j'ai démembré les torturait dans sa cache et les laissait moisir pendant la messe. Un mois que j’enquête et votre supérieure n'a jamais voulu me croire sans que je vienne avec des preuves. Il fallait bien que j'agisse, je n’allais pas les laisser là... Entre nous... vous allez en récolter la gloire, monsieur. »
Pendant son discours, l'un des soldats avait laissé ses armes à terre pour s'enfoncer dans le conduit. Il ne se passa pas longtemps avant qu'un cri n'arrive à leurs oreilles :
« Chef, il a raison, il y a des enfants en bas !
— Cherchez la clé, vite ! »
La réponse fut soudaine. Aussitôt, les gardes se dispersèrent, sans chercher là où c'était le plus logique. Lorsqu’après deux minutes d'exploration ils revinrent bredouilles, le Roi ennuyé se décida à baisser les mains pour fouiller le cadavre à ses pieds.
Rapidement, ses doigts butèrent contre un morceau de fer dans une des poches de la toge. Il brandit alors son trophée et les enfants ne tardèrent pas à être libérés. Il tenta donc de s'éclipser discrètement, le chef le bloqua :
« Ce monstre torturait des pauvres petits. Mais... qu'en est-il de la femme ? »
Du menton, il désignait la jeune transpercée au ventre par la lame. Le Roi loin d'être embêté enchaîna librement :
« Sa complice, évidemment. Comment pouvait-il récupérer les gamins sans une aide extérieure alors qu'il était sans arrêt enfermé dans son église ?
— Je vois...
— Bien monsieur, je repasserai vous voir ce soir après mon travail, pour faire une déposition plus complète. »
Puis, commençant à partir et voyant que personne ne l'arrêtait, il se retourna :
« J'oubliais, félicitations pour votre future promotion. Vous avez contribué à l'arrestation d'un dangereux criminel, prenez soin des enfants. »
Quelque chose n'allait pas, le soldat le sentait, mais occupé par les bambins souillés et en pleurs dans ses bras il n'avait pas le temps de réfléchir. Il était choqué par leur apparence déplorable et l'autre en avait profité pour disparaître sans demander son reste. Au moins, le curé était hors d'état de nuire. Le Roi, quant à lui, se retenait de rire de la crédulité du chef.
Sur les marches, devant le bâtiment, un petit attroupement recula, effrayé. Les gens présents au moment des faits ainsi que quelques curieux supplémentaires s'étaient rassemblés pour assister à son arrestation. Cependant, il ressortait libre alors que cinq soldats de la garde s'étaient amenés pour le stopper.
Fier de son coup, le Seigneur inspira à fond en regardant le ciel. Enfin dehors, il pouvait voir le jour déjà bien entamé. Cela sema un trouble dans son esprit : il se souvenait bien avoir agonisé un soir ! Ici, la nuit n'était pas encore tombée. Combien de temps s'était-il passé depuis qu'il était mort ? Un jour ? Des semaines ?
Il s'affola en repensant au taré qui régnait sur son royaume. Il fallait rapidement monter au sommet de l'arbre ! Mais attends... L'arbre... Merde !
Balançant son regard sur le ciel, son cœur manqua un battement. Yggdrasil avait disparu ! Bordel, où était-il ? Paniqué, il hurla à l'attention de l'attroupement :
« On est où, là, putain, il est passé où mon royaume ?! »
Ceux-ci ne firent que reculer d'un pas de plus. Ce monstre avait tué deux types de sang-froid et il recommençait à s’énerver. Certains s'enfuirent même et le Roi lâcha prise. Bouleversé, il brandit à nouveau son épée. Le karma s'était foutu de sa gueule, il allait lui montrer.
Dans les hurlements de terreurs, il se précipita dans la masse, balançant son sabre dans un large coup circulaire. L'acier encore taché de sang mordit la chair de cinq personnes, en toucha trois au visage et en envoya deux au sol. Mu par sa rage et la peur de perdre son royaume, il acheva tour à tour les deux types à terre. Les trois autres furent incapables de fuir. Alors qu'il portait haut son épée, pour les abattre, un choc à l'épaule manqua de le faire chuter. Son bras gauche retomba mollement et une douleur fulgurante le fit hurler.
Le Roi crispa la mâchoire, une lance plantée dans le dos il se retourna face au garde qui avait accouru sur le seuil de l'église. De sa main valide, il tenait son arme, prêt à le recevoir. Mais au lieu d'approcher, le soldat attendit des renforts en le hélant :
« Bordel, mais qui t'es à la fin ?! Espèce de malade ! »
Le seigneur saignait abondamment. À ses pieds, l'écarlate suintant de sa plaie venait rejoindre celui de ses victimes. Son cri douloureux transperça l'horreur du moment :
« Où ?! Où est-on ? C'est quoi cet endroit ?! Réponds !
— Ça ne prendra pas ! Tu ne trompes plus personne, sale monstre ! »
Sur ses paroles, l'une de ses victimes le visage ensanglanté et en pleure trouva la force de répondre :
« Le curé l'avait appelé James... Il le connaissait ! »
Aussitôt, une lueur de lucidité passa sur la figure du chef. Les autres soldats prenaient déjà position, en préparant leurs lances, quand il s'exclama :
« Alors c'est toi son complice ! C'est pour ça que tu savais pour les gosses ! Pourquoi l'as-tu tué ? L'affaire a mal tourné pour toi, c'est ça ? Il menaçait de te vendre ?! »
Perdu, le Roi vit les cinq soldats sur le palier, ils avaient délaissé les enfants pour s'occuper de son cas. Mais il avait beau réfléchir, il ne comprenait pas. Et cette douleur lancinante dans son épaule n'aidait en rien. Il tenta une dernière fois :
« Avez-vous déjà entendu parler d'Yggdrasil ?
— Qui c'est, ça, Ygg... ?
— Le dieu impie pour qui il fait couler le sang, sans doute
— Il est taré, tuons-le tout de suite, chef, l'enfermer ne servira à rien. »
Bouleversé par la réponse, le Seigneur hurla de désespoir. Sur le coup, les gardes firent un mouvement en arrière, ne s'y attendant pas. Mais au lieu d'une charge soudaine, le fou au milieu de la place se contenta de demander :
« Que se passera-t-il si je me rends ? Comment serais-je exécuté ?
— On ne te tuera pas, tu as notre parole. Le garde était sérieux et son ton négociateur. Tu auras un procès équitable. En attendant, on te gardera en cellule et tu seras correctement traité.
— Tsst »
Sifflant entre ses dents, le Roi attrapa la lance dans son dos. D'un coup sec, il la retira en hurlant de douleur. Puis il fit quelques pas lents vers les soldats en jetant son épée au sol. Il devait leur faire baisser leur garde, mais sûrement pas se laisser capturer. Il n'avait pas le temps de moisir en cellule.
De plus, une idée germait dans son esprit : si mourir l'avait conduit ici, peut être qu'y rester à nouveau lui permettrait de voyager jusqu'à Yggdrasil. Avec un peu de chance, peut être même qu'il finirait dans la peau d'un beau noble de son royaume. Il n'aurait qu'à se suicider encore et encore jusqu'à y arriver ! Et si en mourant suffisamment il parvenait à reprendre son corps d'origine au Philosophe, celui-ci serait baisé en beauté.
Lorsqu'il vit les hommes en face de lui baisser leurs armes, il sprinta brusquement au loin. Presque aussitôt, il entendit un fracas métallique et des cris de protestation dans son dos. Une lance explosa l'angle d'une ruelle dans laquelle il s'engouffrait, rebondissant sur ce qui aurait été sa tête quelques centimètres plus loin. Ces abrutis savaient bien viser, il fallait le leur accorder.
Son corps blessé n'allait pas aussi vite qu'il l'espérait. L'épaule en feu, le bras ballant, il devait serrer les dents à chaque pas de course. Derrière lui, le tintement des armures semblait se rapprocher. Malgré leur encombrement, les soldats étaient plus jeunes et plus endurants.
« Il s'enfonce jusqu'au port !
— On va le coincer ce bâtard. »
Alors cette ville avait un port ! C'était sa chance. Dans un ultime sursaut d'énergie, il descendit ce qui était une large avenue, bousculant les passants désœuvrés. Un point de côté lui détruisait les tripes, mais il redoutait de ralentir. Si ces cons arrivaient à le chopper à la lance et qu'il n'en mourrait pas, ils seraient foutus de le soigner avant de l'enfermer.
Étrangement, il se prit à regretter son corps souple de jeune femme, il aurait pu avaler la distance en un rien de temps. Au lieu de ça, il traînait une carcasse affreusement lourde et affaiblie.
Rapidement, il fut en mesure d'apercevoir le grand vide et les fantastiques navires. Alors, débarquant dans les quais, il s'arrêta au bord du précipice. En plongeant les yeux dans le lointain contrebas, il put contempler Hélios brûler d'un feu sacré. L’île volante, pourtant colossale, ne semblait rien face à la terrible boule en fusion. À l'image d'un moucheron, elle ne faisait que graviter autour du titan enflammé, perdue dans le ciel. Le spectacle avait quelque chose d'horriblement effrayant, alors il prit un instant de réflexion avant de s'y jeter.
« Il va sauter putain !
— Arrête-toi, tes pas obligé de faire ça ! »
En sueurs, trois des cinq soldats l'avaient poursuivi jusqu'ici. Les autres étaient sans doute restés s'occuper des enfants.
« Rends-toi maintenant, tu n'as plus d'échappatoires »
Déjà, les badauds s'attroupaient pour assister à la scène. Le Roi reprit donc douloureusement son souffle avant de se donner en spectacle :
« Tuez-moi tout de suite si vous l'osez, c'est votre dernière chance d'abattre un dieu.
— Bordel non, on va pas te tuer, t'es dingue. Avance, ça va s'arranger ! »
Littéralement au bord du gouffre, le Seigneur explosa de rire. Même s'il ignorait où il reviendrait à la vie, cela ne pourrait être que mieux. Il prit alors les gens à témoins :
« Pauvres mortels. Assistez à ma renaissance ! »
Fermant les yeux, il écarta son bras valide et se laissa tomber en arrière sous les exclamations offusquées des spectateurs. Fatalement avalé par le vide, il perdit conscience longtemps avant que la chaleur infernale d'Hélios ne consume son corps.
03/12/15 à 04:19:27
Tu redoubles encore d'inspiration, j'ai bien aimé cette nouvelle histoire. Toujours aussi sombre, mais paradoxalement bien drôle. Un délice, vivement la suite !
02/12/15 à 16:58:58
La suite, LA SUITE !
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