Une Vie Mouvementée
Par : Goloump
Genre : Sentimental , Réaliste
Status : Terminée
Note :
Chapitre 29
Cher, Laura, Sarah & les autres...
Publié le 24/07/14 à 23:52:18 par Goloump
Alors, je regarde en détail les noms et prénoms des petites nouvelles. L’une s’appelle Laura Motenezé et l’autre Sarah Fouquin. Sinon, même classe que l’année dernière à part que deux gars et une fille sont partis pour des raisons que je ne sais pas.
J’ignorais encore à quel point ces deux filles allaient rendre mon année … mouvementée. Comme chaque année depuis ma rentrée au lycée d’ailleurs.
Je me dirigeais vers mon groupe de pote, on ne perd pas les bonnes habitudes. Il faisait beau en ce jour de rentrée et le soleil brillait haut dans le ciel. Tout le monde avait le sourire et un bronzage bien marqué, témoin de vacances passées à l’extérieur. Je retrouvais donc Quentin, Paul, Jean, Dorian, Kevin, Norbert et tous les autres :
- Salut ! m’exclamais-je heureux de revoir mes amis.
- Tu vas bien me dis Norbert en me serrant la main.
- Oui, j’étais presque impatient de revenir. Ces vacances ont été trop longues.
- Moi aussi dis Dorian. Cela fait plus d’un mois que je n’ai pas vu Léa.
- J’ai du louper un épisode dis-je.
- T’as loupé plein de truc dit Paul. On a tous essayé de t’envoyer des SMS pendant les vacances mais tu ne répondais pas.
- Je pense qu’il avait mieux à faire dit Quentin en me regardant.
- Oui en effet dis-je en me remémorant la soirée passé avec lui et sa petite amie.
- Vous avez vu on à deux nouvelles filles dans notre classe dit Jean.
- Oui et l’une des deux est vraiment canon enchérit Norbert.
- Allez ce sera la bonne ce coup ci dis-je ne rigolant à Norbert qui cherchait désespérément une fille depuis qu’il était au lycée.
L’ambiance était détendue et les éclats de rires se multiplièrent. Chacun racontait ses vacances, des anecdotes. Tout le monde exagérait ses souvenirs comme Paul qui voulait nous faire croire qu’il avait vu un requin avant que Dorian ne lui rappela qu’il était parti à la montagne…
Je pensais soudainement à quelque chose et retourna voir la liste des élèves présents dans la classe cette année. Sur cette liste, le nom de Cher n’y figurait pas.
Je retournais voir mes amis alors que l’on devait se rendre au grand amphithéâtre pour le discours de début d’année. Arrivé le moment où l’on faisait l’appel :
- Gilou Jean-Freud.
- Oui
Je ne sais pas pourquoi mais les deux nouvelles se retournèrent. Je fus frappé par la beauté de leurs visages mais par autre chose, il me semblait les connaître :
- Fouquin Sarah.
- Oui répondit une petite voix
Cette voix, je ne l’ai pas oublié. Sarah :
- Motenezé Laura
- Oui répondit-elle
Cette voix, je ne l’ai pas oublié non plus.
Décidément, l’année promettait d’être longue, très longue…
Le directeur finit de nous expliquer les règles de vie du lycée, la circulation dans les bâtiments, l’internat…
Nous sortons et nous rendons dans notre première salle de cours. Je n’ai pas encore eu temps de regarder notre emploi du temps. D’ailleurs, je ne l’ai pas encore. Notre professeur principal année est monsieur Ramet, professeur d’histoire aux tendances politiques Front National plutôt prononcées. Dommage pour Isaam et Abraham, les deux juifs de notre classe.
A l’appel de ces deux garçons, le professeur fait une mine de dégoût, exactement le genre de personne que je ne supporte pas. Il exprime en revanche une large satisfaction en lisant des prénoms comme Arthur, Jean, Paul :
- Bien, maintenant que l’appel est fait et que je constate que vous êtes pour la plupart de bons français, je vais vous distribuer vos emplois du temps.
A ce moment la porte s’ouvre, c’était Sarah :
- Excusez moi je suis nouvelle et je ne trouvais pas la salle dit-elle confuse.
- Comment vous appelez vous ?
- Fouquin Sarah.
- Sarah ne serait pas un prénom d’origine arabe ?
- Je n’en sais strictement rien et je suis française. Mais pourquoi cette question s’étonna-elle.
- Pour rien, allez donc vous asseoir.
A ce moment là, hasard ou pas, la seule place disponible était celle à côté de moi. Habituellement, c’était la place de Cher mais aujourd’hui, Cher n’est plus là…
Sarah s’assit à côté de moi et sortit ces affaires en silence et me regarda discrètement avec un petit sourire en coin. M’avait-elle reconnue ?
Elle était assez petite, les longs cheveux châtains foncés, un petit nez retroussé et des yeux couleurs noisette. Son visage avait le teint assez mâte et elle était frêle. C’était plutôt une jolie fille en soi, mignonne et qui savait comment faire pour paraître telle quelle.
L’emploi du temps fut distribué et une jeune fille se sentit subitement mal. C’était Laura qui demandait à aller à l’infirmerie. Elle avait des vertiges et un affreux mal de tête :
- Sans doute les 3 heures d’affilées d’histoire le jeudi matin dit Arthur.
Toute la classe rigola à cette remarque sauf, monsieur Ramet :
- Vous avez de la chance d’être un bon français monsieur Pillot mais soyez plus respectueux désormais.
A côté de moi, Sarah me regarda et osa enfin prendre la parole :
- Mais c’est quoi ce gros raciste me chuchota-elle.
- Je ne l’ai encore jamais eu mais apparemment, il est tout le temps comme ça dis-je. Je repris la parole après une légère hésitation.
- Dis Sarah, tu n’étais pas avec moi au collège en 4ème ?
- Si, je me souviens de toi. En même temps, personne d’autre ne peut avoir un prénom comme toi rigola-elle.
- Oui c’est vrai…
- Je suis contente de te revoir. Je connaîtrais au moins quelqu’un. Je connais aussi Laura, l’autre nouvelle.
- Moi aussi…
- Vraiment, mais comment l’as-tu connue ?
- C’est compliqué, je te raconterais une autre fois. Jeudi par exemple quand nous aurons trois heures d’histoire…
- Ca marche me dit-elle en souriant.
Le prof’ d’histoire venait de nous remettre les premiers documents de l’année. Sujet, la décolonisation. Ca promet… :
- Alors, je vous préviens, ces documents peuvent choquer certains, ces gens sont en effet différents de nous et…
- Mais non, ils sont exactement pareils que vous et moi dit Isaam d’un ton lassé.
- Je refuse d’avoir cours avec ce prof’ une année durant dit à son tour Abraham.
- Je suis là dans le but de vous éduquer et surtout vous deux là au fond. Vous qui vous cachez comme des voleurs.
C’en était trop pour Isaam qui se leva vers le professeur d’histoire et osa faire ce que personne n’avait jamais osé dire et faire.
Là, il se passa quelque chose de surréaliste. Isaam se retrouva nez à nez avec le prof’ d’histoire. Ce jeune homme ne savait vraisemblablement pas ce qu’il faisait et décocha une gifle magistrale sur la joue du prof’. Mr. Ramet resta hébété et Isaam lui cracha au visage avant de retourner s’asseoir :
- Vous aurez des nouvelles de mon avocat dit simplement Mr. Ramet en réajustant son col de chemise. Pas question que je m’abaisse à votre pitoyable niveau ou les gens de votre espèce ne règlent leurs conflits que par la violence.
Je dois avouer que malgré tout, Mr. Ramet avait une certaine répartie et Isaam resta à sa place toute l’heure sans ajouter un seul mot, ce qui était peut-être mieux pour lui s’il ne voulait pas rendre visite à monsieur le principal.
Le cours fini, je sortais et parlait un peu avec Sarah avec qui je refaisais connaissance. C’était une fille très intelligente et nullement superficielle, exactement le genre de fille que j’aime. Nous nous dirigions en cours d’anglais.
Encore un nouveau prof’. S’il est comme celui d’histoire, ça promet une année spéciale. Mr. Shit nous accueilli avec un grand sourire édenté. Il jeta rapidement sa cigarette par la fenêtre et s’assit à son bureau :
- Je peux me remettre à côté de toi me dit Sarah timidement.
- Bien sur, pas de problème.
- Tu n’étais à côté de personne en cours l’année dernière ?
- Si mais elle n’est plus là.
- Elle ? dit Sarah.
- Oui, elle n’est plus là pour un bon moment…
- Déménagement ?
- Non hospitalisation mais c’est aussi une longue histoire.
- Décidément, on en aura des choses à se raconter me dit-elle un sourire en coin.
Avec toutes ces histoires, j’avais presque oublié que Sonia était aussi dans ma classe quand je la vis s’asseoir devant nous. Je ne sais pas ce que le prof avait fumé mais son cours était aussi désordonné que son esprit et je ne compris strictement rien.
Nous allions ensuite en français ou nous étions dans un amphithéâtre ou il y à quatre sièges par rangée. Sarah se met encore à côté de moi et c’est beaucoup plus surpris que je vois Laura s’asseoir à côté de moi :
- Ca fait longtemps hein ? me dit-elle.
- Trois ans si ma mémoire est bonne.
- Une éternité soupira-elle.
Que signifiais donc ce soupir et ce « une éternité ». Je préférais ne pas y penser et me concentrais sur le cours de français qui était profondément ennuyeux.
Le midi, je mangeais avec toute ma bande de pote plus deux filles, Sarah & Laura. Retrouver des gens de mon âge me rendait heureux et j’oubliais presque mes problèmes.
Mais ceux-ci étaient toujours bien présents, enfouis dans un coin de ma tête et n’attendait que le soir venu pour ressurgir alors que j’étais allongé dans mon lit. Cher…
Je me levais la tête dans le cul et me rendait au douche. Pour rappel, je suis en internat. Cette année, je suis avec un ES qui s’appelle Florian et un L qui s’appelle Lucas. Qu’ai-je donc fait au bon dieu pour être dans une telle chambre d’autant que Lucas me fait douter au niveau de ces attirances sexuelles. Je l’ai surpris hier soir en train de feuilleter un magazine ou se trouvait des photos d’hommes légèrement … hem voilà quoi.
Florian quand à lui me semble un peu normal quoi qu’un peu bêta au premier abord mais je lui pardonne entièrement, c’est un ES et il n’a probablement pas choisi sa voie (je m’excuse à tout les ES qui me lisent).
Je m’habille, fais mon sac, vais chercher mes potes et nous descendons les deux étages de l’internat. Arrivés en bas, nous nous dirigeons vers le réfectoire.
Il est 8h00 et les cours vont bientôt commencer. Sarah vient me faire la bise comme si elle me connaissait déjà depuis longtemps et nous discutons encore un peu en attendant … Mr.Ramet.
Le voilà qui arrive, droit comme un I. Sur sa sacoche figure une étiquette FN et un portrait de Jean-Marie le Pen. Seigneur qui est donc cet énergumène :
- En rang par deux messieurs-dames. Avancez en silence.
- Mais quel con dit Norbert en rigolant.
- eine zwei eine zwei eine zwei eine zwei répétait Mr.Ramet en cadence.
- Il est au courant que 39-45 c’est fini dit Arthur
Nous entrons dans la salle nous attendant presque à trouver des soldats allemands au garde à vous de chaque côté de la porte :
- Bien, j’ai décidé de passer le cours de la décolonisation que vos résumerez en quelques mots qui sont « Les bougnoules nous ont bien fait chié ». Sur ce, nous allons attaquer le chapitre suivant.
- Je m’attends au pire dis-je à Sarah.
- Tout ce que tu veux que c’est la 2nde Guerre Mondiale.
- Nous allons parler de la 2nde Guerre Mondiale.
- Gagné, je te paie un ciné. mercredi ?
- Pourquoi pas dit-elle en esquissant son fameux sourire en coin
Oups, surtout ne pas faire de bêtises. Sarah n’est qu’une amie. Une amie du collège. Mais je ne vois que trop bien ses sourires en coin, sa façon de me parler. Elle est timide, paraît timide et pourtant…
Alors que Mr.Ramet pourrait à ce moment là tout aussi bien être en prison pour apologie de crime contre l’humanité, il nous fit cours sur l’Allemagne, Hitler, d’un point de vue qui n’était pas neutre. Et qui n’allait pas dans le bon sens en plus.
Plusieurs fois, Isaam fut tenté de se jeté du deuxième étage pour ne plus entendre les atrocités mais Arthur trouva une bien meilleure idée :
- Tiens mets ces boule de cotons, je m’en servais pour dormir l’année dernière en français
- Qu’Allah te protège mon frère.
- Ouais bon n’en fais pas trop non plus. Un simple merci suffira.
Le cours fini, les autres se succédèrent avec une lassitude déconcertante. Je baillais profondément à la dernière heure de cours et failli m’assoupir sur l’épaule de Sarah…
Le soir arrive et c’est le grand bazar à l’internat. Les pions n’ont aucune autorité et sont encore plus des soumis que l’année dernières. Tous des têtes de gens qui ont raté leur vie.
Il y à un gros geek avec les cheveux gras et ces vieux t-shirts aux motifs pour le moins… Il y a aussi une vieille dame qui cherche sans doute à toucher une retraite mais n’en à pas les moyens et, clou de notre spectacle, un jeune homme procommuniste qui à raté sa carrière politique.
Mercredi, comme promis, j’emmène Sarah au cinéma. Si Cher me voyait, elle me tuerait mais bon, une promesse est une promesse. Elle est trop jolie, elle porte une fine chemise rouge à manche courte qui lui va à ravir et un jean slim avec des baskets en toiles. Ravissante, mignonne tout simplement.
Au cinéma, je la surprends à poser sa main sur la mienne alors que je l’avais posé sur l’accoudoir. Je ne dis rien pour ne pas la blesser et me contente de faire comme si je n’avais rien remarqué.
Qu’elle était douce sa main. Et ses doigts, si fins…
Nous sortons du cinéma, Sarah à le sourire aux lèvres. Parfois, je me demande comment je fais pour que les filles viennent si naturellement vers moi… Je ne suis pourtant pas si beau que ça, pas si intelligent. Je ne sais pas…
La semaine est enfin finie, je m’installe dans le fauteuil et allume la TV. Je tombe sur iTélé et pile poile sur un flash info’ qui me cloue sur mon fauteuil :
« Découverte alarmante sur les côtes bretonnes. Pas loin de Dinan, dans une petite crique accessible uniquement par la mer, de riches propriétaires d’un yacht décident de faire escale dans la petite crique avec leur chien. Celui-ci renifle quelque chose et commence à creuser à un endroit précis de la plage. Intrigué, son propriétaire prend une pelle et creuse à l’endroit ou le chien ne cesse d’aboyer. C’est avec stupeur qu’à quelques cinquante centimètres de profondeur, l’homme découvre le cadavre d’un homme déjà mort sans doute depuis longtemps. L’enquête nous permettra d’en savoir plus dans les jours à venir mais c’est déjà un choc pour tout le pays breton »
Je restais sur mon fauteuil, abasourdi. Il fallait me protéger, moi et protéger Cher. Mais après tout, ils n’avaient aucune preuve. J’étais malgré tout d’une pâleur inquiétante et j’avais peur très peur. Je repensais alors à une chose.
LE COUTEAU !
C’était fini, empreintes digitales. Mais quel con ! Ce couteau, j’aurais du le garder, ou l’enterrer ailleurs mais certainement pas avec le corps. J’étais curieux d’ailleurs de savoir pourquoi ils n’avaient pas parlé dudit couteau à la télé. Si par un heureux miracle, il aurait pu disparaître, ça aurait été super mais je ne crois pas trop aux miracles.
J’étais quand même effrayé, mon père était parti pour la soirée avec Janet et je n’avais personne à me confier. Je ne pouvais malheureusement pas voir Cher qui n’était de toute façon surement plus en capacité de m’écouter.
J’étais triste mais il n’y avait personne en qui j’avais réellement confiance. Enfin si, une personne mais cela me paressait complètement absurde. Pas Kevin bien sur, pas Quentin non plus, Sarah…
Bah, elle n’allait pas se déranger juste pour ça, on ne se connaissait que depuis une semaine. Enfin 5 ans mais bon…
Je viens justement de recevoir un message de Sarah
« Ta vu lé info avec le cadavre en Bretagne. C horible non ? »
Mhh, ok… Je ne savais décidément pas quoi faire. La mettre dans la confidence ou gardait cela pour moi ? Je ne parviendrais pas à garder ça pour moi, je le sais. Aller je tente le coup, on verra bien. Après tout, Sar ah n’est qu’à 15 minutes de chez moi en vélo et il fait encore jour.
« Tu veut pas venir Sarah ? Il faudrait qu’on parle »
« T’as lair inquié. OK j’arrive dans 15 min. Bises »
Je retournais regarder la TV à l’affut de la moindre nouvelle pouvant à nouveau bouleverser ma vie. Mais dans quelle merde me suis-je encore mise ?! J’avais presque la haine envers Cher à ce moment là. Tout ça à cause d’une histoire vieille de plusieurs années et ou MOI, je me retrouvais impliqué…
Un quart d’heure plus tard, Sarah sonna à la porte et je m’empressais d’aller lui ouvrir :
- Ca va ? Il se passe rien de grave j’espère me dit-elle en entrant
- Bah si, un peu quand même.
- Allez, déstresse et raconte-moi tout. J’ai l’impression que ça ne va vraiment pas bien…
On s’assit dans le salon et je coupais le son de la TV qui me faisait désormais peur. Je redoutais chaque nouvelle et je ne refusais de faire face à la réalité :
- Allez, raconte dit-elle en me prenant la main. T’as pas fait une connerie j’espère
Elle ne s’était pas spécialement préparée mais avait gardée tout son charme avec ses cheveux en chignon et son vieux T-shirt un peu déchiré au niveau du ventre :
- Si, j’ai fais une connerie, une grosse connerie. Jusqu’à présent, une seule personne le savait mais je ne pouvais pas le garder pour moi-même. C’est trop dur.
- Tu commences presque à me faire peur. Je t’en prie, si c’est vraiment affreux, ne me dis rien. Je préférerais ne pas savoir.
- Alors je ne te dirais rien, désolé de t’avoir fait déplacée pour rien.
- Non allez dit-moi !
- Tu me promets de garder ça pour toi. De ne le dire à personne. Je peux te faire confiance Sarah…
- Tu pourras toujours compter sur moi dit-elle en me regardant droit dans les yeux. Toujours…
- C’est moi qui ai tué et enterré le cadavre qui passe aux info’.
Ca y est, c’était dit. Plus moyen de remonter en arrière. Sarah me regardait les yeux livides ne sachant trop que répondre. Elle serrait machinalement le coussin placé devant elle et me regarda :
- C-c’est une blague murmura-elle. C’est une blague.
- Tu crois vraiment que j’aurais de l’intérêt à te raconter n’importe quoi.
- Tu es un monstre.
- Non, c’était un accident. Je n’avais pas le choix.
- Comment pourrais-je te croire après ce que tu viens de m’avouer.
- Je te demande juste de me croire, c’est tout dis-je en saisissant sa main.
Elle repoussa ma main avec dégout et me regarda avec un mélange de peur et de mépris. Je réfléchissais bien à quoi dire, pesant chacune de mes paroles conscient que le moindre faux pas pourrait m’être fatal :
- Laisse-moi au moins tout te raconter, tu verras que je ne suis pas ce que tu crois.
- Je ne sais pas… Tu ne te rends pas compte ! Tu me mets dans la confidence comme ça… C’est dur.
- Tu as insisté pour savoir quand même.
- Oui mais je m’attendais à un truc du genre « j’ai cassé la voiture de mon père » ou encore « je suis convoqué au tribunal, j’ai insulté un policier ». Je m’attendais à tout sauf à ça. Mais maintenant que le mal est fait, autant que je sache tout.
Elle retira son élastique dans les cheveux et les laissa tomber le long de ses épaules. Qu’ils étaient lisses et soyeux, ces cheveux. Elle semblait avoir un peu retrouvé son calme. Je racontais alors tout, du coup de feu à l’enterrement sans grande cérémonie ceci dit en passant.
A la fin de mon récit qui avait duré dix bonnes minutes, elle me regardait songeuse, appuyant sa tête contre le dossier du fauteuil, le regard dans le vide :
- Si tu dis la vérité, j’espère sincèrement qu’il ne t’arrivera rien. Tu verras, tout se passeras bien…
En prononçant ces paroles, elle s’était rapprochée de moi et se trouvait désormais à quelques centimètres à peine de mon visage. Nous étions si proches et en même temps, si éloignés l’un de l’autre. Elle était à genoux devant moi et semblait hésiter à faire quelque chose mais je ne savais pas trop quoi. Elle continuait de se rapprocher, inévitablement sans que je ne murmure aucune protestation.
*
- Ils ne doivent pas savoir, protège le comme tu peux mais ils ne doivent rien savoir. S’il saute, on saute aussi.
- Je sais, tout est lié dans cette affaire. Mais quel lien pourrait-il établir entre lui et nous ?
- Ils pourraient très bien penser qu’il fait parti du groupe et qu’il à commis cet acte volontairement pour nous protéger des révélations qui auraient pu ce faire.
- Dans un sens, il est réduit au silence mais cette médiatisation ne présage rien de bon.
- Nous trouverons une solution, de toute façon, nous disposons de moyens radicaux pour résoudre les problèmes.
- Oui, mais je préférerais que nous restions discret. Maintenant, vas te coucher Laura, il est tard.
*
Il faut que je me sorte de cette merde ! Ca ne peut plus continuer comme ça !
C’est ce que pensait Cher alors qu’elle était allongée, les bras derrière la tête dans son lit. Elle n’était plus sortie de sa chambre depuis qu’elle y était entrée. Elle voulait bien admettre qu’elle avait eu dernièrement un petit accès de folie mais désormais, elle se sentait bien. Mais comment leur faire croire ?
Du côté de sa santé physique, les examens étaient plutôt encourageants. Elle n’avait plus qu’à filer droit, paraître la plus normale possible si elle voulait retrouver son ancienne chambre. Et ce docteur qui la détestait et qui avait pris un malin plaisir à l’interner. S’il n’était plus là, tout serait déjà réglé.
Heureusement, elle pouvait compter sur le soutien indéfectible de Laura et Loïc qui faisaient pression sur le Dr.Mater pour que Cher retrouve sa chambre :
- Je vous assure qu’elle va bien disait à l’instant Laura au docteur.
- C’est vrai qu’elle n’à pas montrer de signes de folie depuis deux semaines mais tout de même.
- Allons faites un effort dit Loïc. Elle en souffre de rester enfermée dans sa chambre comme un animal.
- Nous la laisserons encore internée deux semaines. Si tout se passe bien jusque là, elle retrouvera sa chambre. Sinon…
- Compris docteur. Merci mille fois.
Laura s’empressa d’aller voir Cher pour lui annoncer la bonne nouvelle :
- Super ! s’exclama-elle. Plus que deux semaines.
- Oui mais attention hein, pas le moindre faux pas.
- Compris, je pourrais pas avoir mon portable pour envoyer un ou deux messages. Depuis que je suis internée, on ne me l’a pas donné.
- Non, désolé mais le règlement l’interdit et je ne peux rien faire. Je t’ai déjà trop aidé, je suis sur la sellette et à la moindre nouvelle erreur, je suis virée.
- Ok, dans ce cas fait bien attention.
Cher aurait voulu envoyer un message à J-F, elle espérait qu’il pensait toujours à elle. Qu’en ce moment, il n’était pas en train de tourner autour d’autres filles. Il faut dire qu’elle était désormais peu attirante. Maigre comme un clou, le visage pale et le corps en morceaux. Elle se sentait si faible.
Au fond, s’il me trompe, je ne lui en voudrais pas… Après tout, c’est peut-être mieux pour lui. Quel intérêt aurait-il à rester avec moi dans l’état ou je suis ?
Elle ne se doutait pas à quel point ces craintes étaient justifiées et qu’en ce moment, une nouvelle page de leur histoire allait peut-être se tourner…
*
Les lèvres de Sarah étaient désormais en faces de miennes. Doucement, elle les rapprocha alors que j’étais contre l’accoudoir du canapé. Je n’esquissais toujours aucun geste. Puis, arriva le moment fatidique ou, à force de se rapprocher, nos lèvres se joignirent :
- Non ! m’exclamais-je.
Sarah se recula brusquement en sursautant, terrorisée par ma réaction pour le moins inattendue. J’étais en sueur :
- Non, je ne peux pas…
- Mais si tu peux.
Sarah joignit le geste à la parole et rapprocha à nouveau ses lèvres des miennes :
- Arrête Sarah, tu ne comprends pas. J’aime déjà quelqu’un.
- Une fille que tu ne retrouveras plus jamais pareil et qui en plus est folle, tu ne crois pas que tu mériterais mieux ?
- Comment sais-tu tout cela ?
- Le livre en français était tellement passionnant l’autre fois que tu as préférée me raconter toute l’histoire.
- Je ne sais pas… Je ne peux pas la trahir, elle va s’en sortir.
- Arrête de t’accrocher à elle. Tourne la page.
- Pars Sarah dis-je le plus calmement du monde.
- Pardon ?
- Pars Sarah !
- Je sais que tu ne me résisteras pas longtemps. Et n’oublie pas que désormais, je SAIS moi aussi.
- Va te faire foutre !
Et Sarah partie sans ajouter un mot, l’air triste. Elle se retourna une dernière fois alors qu’une larme coulait le long de sa joue :
- J’aurais franchement crue que ça aurait marché entre toi et moi.
- Oui, ça aurait pu… ajoutais-je pensif…
Je la voyais partir en fermant la porte derrière elle. Je restais sur le fauteuil pensif. Se pourrait-il que j’ai laissé passer ma chance ? Peut-être n’aurais-je pas du reculer. Et après…
Je fus tout à coup pris d’une violente envie de rejoindre Sarah. Il faisait encore chaud et jour dehors. Je me précipitais en espérant qu’elle ne soit pas encore trop tard. J’enfilais une paire de basket et sortit dans la rue. Sarah avait visiblement pris tout son temps, espérant peut-être mon retour et elle était seulement en train de retirer l’antivol sur son vélo.
Quand elle me vit, elle sourit et comprit tout à coup. Elle se rapprocha de moi en même temps que je continuais d’avancer dans sa direction. La rue était déserte. Seuls quelques oiseaux volaient au dessus de nos têtes. Le vent faisait légèrement tremblait les feuilles. C’était une belle soirée de septembre.
Plus question de retourner en arrière désormais, quelque soient les conséquences, je les accepterai. Doucement, je pris Sarah dans mes bras. Elle se laissa faire et fit un large sourire :
- Tu avais raison, ça va marcher entre toi et moi dis-je.
Elle rapprocha ces lèvres des miennes et je n’esquissais ce coup-ci aucun geste de recul, savourant pleinement ce moment.
*
- Tiens j’ai finalement réussir à obtenir ton portable. Mais dépêches-toi que personne ne te surprenne.
- Tu es adorable Laura. Mille fois merci, je ferais vite. :)
Cher envoya simplement un message à une personne et redonna le portable à Laura en la remerciant encore.
*
Alors que je desserrais mon étreinte, mon portable bippa. C’était un message de Cher me rappelant brutalement à la dure réalité après ce moment de flottement.
« Je retournerais dans ma chambre dans deux semaines. Je t’aime très fort et ne cesse de penser à toi <3
Cher »
J’étais désormais partagé entre la culpabilité et le bonheur, une sensation de bienveillance et à la foi de trahison. Que faire désormais ? Ce n’était qu’un baiser après tout… Sarah me regardait longuement :
- Qui était-ce demanda-elle ?
- Personne dis-je en effaçant le message. Juste pour dire que le crédit à été renouvelé.
- L’excuse que tout le monde sort quand on ne veut pas avouer que l’on a reçu un message…
- Exactement et c’est ce que je fais.
- Tu fais quoi ce soir ?
- Rien de spécial et toi ?
- Si nous nous arrangions pour la rendre un peu plus spéciale, cette soirée dit-elle en m’embrassant.
Je ne savais plus vraiment ce que je faisais, n’était plus maître de mes mouvements. Je ressentais la même chose lorsque j’avais trompé Sonia pour Cher. Quelle horrible sensation.
Il allait falloir à nouveau me sortir de ce mauvais pas avec le plus de diplomatie possible.
Cher ou Sarah ?
Sarah ou Cher ?
*
Une nouvelle semaine commence. J’arrive de bonne heure au lycée car mon père a un chantier pas loin et il doit commencer rapidement. Je suis donc un des premiers et j’ai une heure à attendre avant le début des cours.
Un quart d’heure après moi, Sarah arrive. Difficile de ne pas soutenir son si beau regard. Elle dépose sa valise à la bagagerie et se dépêche de me rejoindre alors que je feins de l’ignorer pour l’amuser. Elle rigole et se pends à mon cou :
- Arrête, il ne faut pas que les autres nous vois ensemble lui dis-je.
- Pourquoi donc ?
- Je ne sais pas, je ne suis pas près.
- Alors profitons un peu pendant qu’il n’y à personne.
Elle m’embrassa et m’entraîna à l’intérieur du bâtiment dans un coin plus tranquille près des toilettes :
- Hum, je te croyais plus romantique que ça dis-je ironiquement.
- L’amour n’a pas d’odeur me susurra-elle à l’oreille en m’embrassant.
J’appréciais ce petit moment d’intimité jusqu’à ce que la sonnerie retentisse. C’était l’heure d’aller en maths. Nous arrivions ensemble avec Sarah si bien que certains commençaient déjà à se poser des questions :
- Ne me dis pas que tu sors avec Sarah me dit Arthur.
- Je vous jure que je n’ai pas eu de relations sexuelles avec cette jeune femme dis-je avec une voix de pervers.
- Intéressez vous plutôt à l’hyperbole 1/x qu’à vos relations sexuelles plutôt primaires ma foi dit le prof’ de maths qui venait d’arriver dans notre dos.
- Vous êtes célibataires affirma Norbert au prof’ de maths.
- Non, il adore dire des mots d’amour à sa calculette dit Paul.
Les rires fusèrent dans le couloir devant ce prof’ qui ne parvenait pas à se faire respecter. Il avait la quarantaine, un début de calvitie et l’œil sévère mais dans le fond, c’était une victime sans doute depuis sa plus tendre enfance :
- Mr. Pôl dit-il avec son accent du Sud.
- Nan, Paul. Paul articula-il pour mieux se moquer de lui. Apprenez à parler français avant de critiquer.
Las, le professeur abandonna l’occasion de coller Paul et nous fit entrer dans la classe. « Et en silence je vous prie » dit-il alors que les bruits se faisaient de plus en plus nombreux.
La journée passa, une journée somme toute ordinaire. Je comptais sur la soirée à l’internat pour pimenter un peu le tout. Avec les esprits tordus que comptaient mon lycée, chaque soirée était unique en son genre.
Le surveillant venait d’ouvrir les portes de chaque chambre. Nous étions « censés » être en étude en chambre. Je dis bien censé car sitôt que le surveillant était parti dans l’autre aile (l’internat était en forme de C avec un couloir central et deux ailes sur les côtés), le côté primaire de l’être humain refaisait surface :
- Deux volontaires pour le combat de singe dit Kevin avec un ton professoral.
Ce fut Quentin et Norbert qui s’avancèrent alors que tout le monde commençait déjà à être plié de rire.
Le principe de ce jeu parfaitement débile consistait à se comporter comme des singes, donc, à se tenir sur ses phalanges et à se battre, comme un singe. Quentin s’avança vers le premier en poussant des cris de gorilles.
Le combat était bien engagé quand le surveillant arriva…
*
Dans l’internat des filles, Laura & Sarah partageaient la même chambre :
- J’ai l’impression que t’as réussi dis Laura.
- Oui, mais tu sais il me plaît vraiment.
- Tant mieux alors mais n’oublie pas que tu as une dette envers moi.
- Et quelle dette… soupira Sarah en regardant la fenêtre.
*
- Qu’est-ce-que c’est que ce bordel ! s’écria le surveillant.
Tout le monde rentra dans sa chambre en moins de deux secondes. Impossible de punir tout le monde bien entendu et le surveillant retourna, résigné dans sa chambre. Je fermais la porte de ma chambre. C’est que je devais quand même bosser un peu. Demain, il y avait DS d’histoire avec Mr.Ramet et je doute que le contrôle soit d’un point de vue totalement neutre d’autant plus qu’il est sur la 1ère Guerre Mondiale.
Je lisais la conclusion « Les allemands ont manqué de chance et cette victoire fut sans saveur pour les troupes française ». Je laissais tomber l’histoire, m’allongea sur mon lit, mettait mes écouteurs et ferma les yeux.
Je fus réveillé par une poubelle d’eau froide une heure plus tard alors que je dormais :
- Bande d’enfoiré ! Mes écouteurs.
- Tranquille. On te les à enlevé avant. On n’est pas con non plus me dit Pierre en rigolant.
Je n’appréciais pas particulièrement Pierre. Il était en STMG et avait vraiment une tête de con. Adepte des blagues stupides, c’était un petit caïd mais n’avait en réalité pas beaucoup d’amis :
- Toi tu vas morfler ce soir dis-je.
- Je serais avec ta mère donc tu passeras plus tard.
Il avait osé parler de … maman. Les larmes me montèrent subitement aux yeux mais je faisais tout pour les cacher. Je fus soudain empreint d’une rage soudaine envers cette ordure, cet enfoiré.
Je m’avançais vers lui et le plaquais avec force contre le mur. De la poussière tomba du plafond et je le fis basculer à la renverse. Il s’accrocha à ma manche et je tombais avec lui. Je le maintenais au sol et même s’il était plus fort que moi, j’avais pour l’instant l’avantage. Mais je ne voulais pas d’histoire et chercher davantage à l’impressionner qu’à lui faire du mal :
- Tu parles plus jamais de maman comme ça compris espèce de p’tite merde !
- Ok ok j’la prends par devant et par derrière. Excuse-moi. J’la baise tout les soirs. Je voulais pas te blesser. :
- Enfoiré !
Et je le frappais au visage de toutes mes forces. Il était sonné du choc et son nez était en train de pisser le sang. Il criait de douleur. Norbert & Paul, attirés par les cris vinrent dans la chambre :
- Putain qu’est ce qu’il s’est passé ? s’exclama Paul.
- Faut pas que le pion voit ça sinon vous êtes mort dit Norbert en se mordant les doigts.
Je me relevais en crachant au visage de Pierre. A coup de pieds, je l’emmenais dans le couloir et le laissait là, au milieu. Il retourna dans sa chambre sans rien demander de plus :
- Qu’est ce qu’il t’as pris de faire ça dit Norbert. Ca ne te ressemble pas.
- Il à insulté ma mère.
- Oh dit Quentin qui venait d’entrer à l’instant.
Pierre était un connard mais pas une balance non plus. Je savais qu’il n’allait pas me dénoncer. De toute façon, il aurait pris autant que moi alors…
*
Les filles continuaient de discuter dans leur chambre, tranquillement. Laura était allongée sur son lit fixant la loupiotte au dessus de sa tête. Sarah fixait l’internat des garçons en face et pouvait apercevoir quelques têtes qu’elle connaissait bien :
- Tu sais, je n’oublierais jamais ce que tu as fait pour moi Laura dit-elle en s’asseyant à côté d’elle.
- Je n’allais pas te laisser dans cet état quand même.
- Tu as eu le geste juste. Sans toi, je ne serais plus là…
- C’était il n’y à pas si longtemps en plus.
- Non, 4-5 ans. J’avais eu si peur ce jour là. J’étais restée une semaine à l’hôpital en examen.
- Oui ça s’est joué à quelques secondes.
- Depuis j’ai toujours peur que cela se reproduise. Ca pourrait arriver n’importe où, n’importe quand et je n’ai pas toujours quelqu’un à côté de moi…
*
12 février 2010, Sarah & Laura ont 13 ans :
- Je parie que j’arrive avant toi à l’arbre là bas dit Laura
- C’est loin mais d’accord. On parie quoi ?
- Je choisis le prochain film que l’on regardera.
- A trois.
Laura & Sarah avaient l’habitude d’aller courir ensemble, quelque soit le temps. En cette après-midi de février. La neige recouvrait encore les trottoirs et la brume avait recouvert la côte Atlantique. Pour rien au monde elles n’auraient renoncé à leur footing hebdomadaire. Elles s’étaient donc élancées, pas forcément consciente des risques que le corps humain encourait à courir par -5°C.
Jusque là, tout s’était bien passé. Les deux amies courraient tranquillement et malgré le peu de visibilité, la route était déserte comme souvent en cette saison :
- 3-2-1… dit Laura pour faire le compte à rebours.
- Partez.
Elles avaient l’habitude de finir par un petit sprint. C’était souvent Laura qui gagnait. Mais cette après-midi là, aucune des deux ne gagneraient.
Il y avait bien 100 mètres jusqu’à l’arbre. Les deux amies s’élancèrent et rapidement, ce fut Laura qui vira en tête. Comme souvent, Sarah décrocha rapidement et Laura fut la première à atteindre l’arbre. L’ennui, c’est que Sarah n’arriva pas. En vérité, elle n’atteindra jamais l’arbre.
Inquiète, Laura rebroussa chemin. Elle appela son ami mais personne ne répondit :
- Sarah, Sarah. Réponds moi je t’en prie !
Elle n’eut pour toute réponse que le vent glacial qui venait lui fouetter le visage. Elle ne voyait pas à deux mètres dans cette purée de poix. Elle vit la petite ouverture dans le muret d’où elles avaient débuté la course. Toujours pas de Sarah. Elle distinguait l’arbre et refaisait à nouveau en sens inverse exactement le même chemin qu’elle avait parcouru en courant.
A peu près à mi-chemin, elle distinguait une silhouette allongée par terre. Elle fut soulagée, ça ne pouvait être personne d’autre que Sarah :
- Alors, on faisait la sieste s’exclama-elle en rigolant. Tu sais que tu m’as fait drôlement peur.
Toujours pas de réponse. Elle se dirigea vers la silhouette en question. C’était bien Sarah mais son corps était inerte. Elle bougeait encore ses yeux et toussait fréquemment. Elle transpirait ce qui n’était pas normal compte tenu du temps. Laura était désemparée et ne savait pas trop quoi faire dans ce genre de situation.
Elle apprit plus tard que Sarah avait fait une crise d’asthme. Cela était du au grand froid de la saison et il n’était pas conseillé pour des coureurs amateurs de sortir par ce temps.
Pour le moment, Laura essaya de se remémorer mentalement ce qu’elle avait appris sur comment procurer les premiers secours. Aucune d’eux n’avaient pris de portable. Elle devrait donc s’en sortir toute seule. Elle installa Sarah sur la chaussée en position assise. Sarah avait un teint désormais livide et avait toujours autant de mal à respirer. Elle n’avait pas de médicaments à prendre et n’avait plus qu’à attendre et espérer. Laura la rassura du mieux qu’elle pu :
- Calme-toi, respire. Ca va aller.
Quelques minutes plus tard, Sarah perdit connaissance. Laura prit sa main en catastrophe mais aucune réaction. Elle ne connaissait alors qu’une solution, le bouche à bouche.
Elle bascula délicatement la tête de Sarah en arrière et éleva son menton. Elle pratiqua deux insufflations rapides. Rien !
Putain s’exclama Laura.
Elle recommence une seconde fois. Elle prit le pouls de Sarah. Il battait faiblement mais Sarah ne s’était toujours pas réveillée. Elles étaient en rase campagne, impossible d’appeler du secours.
Laura attendit, attendit et attendit encore.
Au bout d’une demi-heure d’attente, alors qu’elle n’y croyait plus et commencer à se résigner, Sarah ouvrit les yeux. Les yeux de Laura devinrent brillants. Elle ria et pleura, elle pleurait de joie et serra Sarah dans ses bras qui ne savait plus très bien ou elle était. Elle avait très froid et ses lèvres étaient violettes. Laura la réchauffa du mieux qu’elle pu. Encore faible, Sarah s’appuya sur les épaules de son amie et au pris de périlleux efforts, rentrèrent à la maison.
Une batterie d’examen plus tard, les médecins en avaient déduit que Sarah avait fait une crise d’asthme.
Et depuis, plus rien. A nouveau, la vie…
*
Florian venait d’éteindre la lumière. Je repensais aussi à Laura. Il faudrait que j’aille lui parler. Je l’avais rencontré au camping en vacances, il y a 5ans de cela. Elle était dans la tente en face de la mienne. La première fois que je l’avais vu, j’avais eu un choc. Je n’arrêtais pas de la regarder. Nous nous étions parlés, étions devenus amis et avons beaucoup partagés durant ces deux semaines mais cela c’était arrêté là, ce que je regrette d’ailleurs.
Laura était assez grande pour une fille, d’origine italienne avec une longue chevelure noire. Ses yeux marron contrastaient avec la blancheur de sa peau. Son père travailler pour une sorte d’association mais elle n’avait pas voulue m’en dire plus, je ne sais pas trop pourquoi d’ailleurs mais j’imagine qu’elle avait ses raisons…
Enfin bref, il était peut-être temps de reprendre contact avec elle et d’arrêter de me comporter comme si c’était une inconnue.
On était déjà jeudi. Je n’avais pas encore trouvé le temps de parler à Laura. C’était stupide, elle était dans ma classe quand même. Je ne sais pas pourquoi je butais autant à aller lui parler. Je dois avouer qu’elle m’intimidait quelque peu. En plus, elle traînait tout le temps avec Sarah.
C’est le moment, Laura est toute seule, en train d’attendre dans la queue du self. Je lâche mes potes qui croient déjà que je vais draguer… Quelle bande de gamins des fois.
Elle me voit arriver et désormais, je ne peux plus reculer :
- Salut dit-elle.
- Salut, ça fait longtemps non ?
- Cinq ans…
- J’ai souvent pensé à toi confessa-elle.
- Ah bon ? répondis-je un peu étonné.
- Oui, tu manges avec moi ce midi ?
- Je crois que oui sinon je ne serais pas venu.
- Alors comme ça tu sors avec Sarah ?
- Il est encore trop tôt pour le dire…
- Je pense que ça durera. En fait, j’en suis persuadée…
Je me demandais ce que signifiait cette dernière phrase un peu énigmatique mais la discussion continua sur des sujets plus futiles. Au bout d’une demi-heure d’attente, nous étions enfin assis à table. Il fallait ensuite se rendre en cours avec Mr.Ramet qui devait nous rendre les contrôles sur la 1ère Guerre Mondiale :
- Tu penses avoir réussi me demanda Sarah.
- On verra… Je ne sais pas comment ce prof no..
- Et bien je dois avouer que les résultats sont assez catastrophiques m’interrompit le prof. J’attendais que la leçon soit bien apprise et vous me sortez des choses complètement à côté du sujet ou qui sont en tout cas de votre interprétation. J’aimerais que votre point de vue soit neutre et que vous ne preniez pas partie pour la France à l’avenir.
- Bon ben j’ai raté dis-je à Sarah.
- Comme tout le monde je crois…
- Arthur 5/20. Non la France n’a pas mérité de gagner cette guerre. Isaam 7/20. Vous avez oubliez de mentionner à de nombreuses reprises que les allemands n’ont pas eu de chances. Sarah 8.5/20. Vous auriez davantage du vanter l’intelligence des allemands sur le plan stratégique. Jean-Freud 9.5/20. On frôle la moyenne mais certains points comme la bataille de Verdun gagnée par les français n’auraient pas du être mentionnée. Paul 10/20. N’oubliez pas de seulement mentionner les victoires allemandes en étayant vos propos. […] Et pour finir Franz 18/20. Excellent contrôle en toute neutralité. Vous avez cité le mot « France » une fois et « Victoire Allemande » 58 fois. Continuez comme cela.
Je n’aurais pas de mot pour décrire la tête de mes camarades et de moi-même après cette remise des copies qui nous laissa, il faut le dire sur le cul.
De nombreux regards menaçants furent jetés vers Franz qui venait surement de comprendre qu’il «allait prendre cher » à l’internat.
*
- Et voilà, contente de retrouver ta chambre.
Cher venait de retourner dans sa chambre. Elle avait été déclarée saine d’esprit par le docteur chef de l’hôpital. Désormais, elle restait persuadée que tout irait bien :
- Au fait, il y à eu un truc important la semaine dernière dit Loïc. Un corps à été retrouvé sur une plage en Bretagne. Ils ont réussi à l’identifier mais impossible de trouver quelconques coupables.
Le visage de Cher devint subitement livide :
- Oh Loïc t’es con ! dit Laura. Elle vient à peine de retrouver sa chambre pas la peine de la chambouler…
- Et ils viennent de retrouver un couteau aujourd’hui apparemment ajouta Loïc en sortant…
Juste après que Laura quitta à son tour la chambre, Cher tomba dans les pommes.
*
Samedi soir, chez Laura :
- Bon, cet homme retrouvé sur la plage. C’est bien notre homme ?
- En fait non, c’était une fausse piste.
- C’est donc inutile de le garder près de nous vu qu’ils n’ont pas tué le bon homme…
- On ne sait jamais. Il pourrait nous être utile et à l’air facilement manipulable.
- Je pense justement le contraire dit Laura
- Fait comme tu le sens, tu les connais mieux que moi…
- Il faudra le liquider à un moment ou un autre de toute façon…
- Oui, même si cette histoire remonte à longtemps. Il n’aurait jamais du découvrir cela.
- S’en souvient-il seulement encore ?
- Seul lui le sait…
- Cette histoire doit-être réglée avant la fin de l’année.
- Je veux que ce soit moi qui le tue ! s’exclama Laura.
- Je ne voulais pas t’impliquer autant. Je veux te protéger Laura. Pourquoi tiens-tu tant à jouer avec le feu ?
- Parce que j’aime ça !
- Pour l’instant, continues de te rapprocher de lui. Fait le avouer si possible…
*
Enfin le week-end. J’avais répondu à Cher entretemps et avait promis de lui rendre visite samedi après-midi. Pourrais-je encore la regarder droit dans les yeux après ce que je lui ai fait. Et Sarah qui avait insisté pour m’accompagner et faire sa connaissance. Décidément, tout cela n’arrive qu’à moi…
Je savais au fond de moi que ce n’était pas une bonne idée de l’amener mais sur le moment, je n’avais pas eu le temps de dire non qu’elle venait de m’enlacer et de m’embrasser tendrement.
Le lendemain, il est 13h00 quand je m’apprête à prendre le bus. J’espère secrètement que Sarah ne viendrait pas, cela m’éviterait de lui faire de la peine. Elle arrive juste avant le bus :
- J’ai hâte d’aller à Nantes, je n’y suis jamais allé alors que ca n’est pas si loin… me dit-elle en m’embrassant.
- Non Sarah, moi j’y vais mais pas toi.
- De quoi ? Je ne te comprends pas là… dit-elle incrédule.
- J’irais voir Cher tout seul. Je ne veux pas que vous vous rencontriez.
- Et pourquoi ? Ca lui ferait peut-être plaisir de voir d’autres personnes, des filles de son âge.
- N’insiste pas Sarah, j’ai dit non. Tu peux rester ici, aller te balader dans Nantes mais tu ne viens pas avec moi.
- Si l’on ne fait pas les choses ensembles, il est peut-être préférable d’en rester là.
Je tentais de me rapprocher d’elle et de la prendre dans les bras mais elle me repoussa :
- Attends… Sarah criais-je.
Je parlais dans le vide et le bus arrivait. Je ne savais pas trop quoi faire, le prendre et aller voir Cher ou rejoindre Sarah et tenter de rattraper ma maladresse. Dans les deux cas, ça ne pouvait bien finir de toute façon.
Bon, pile, tu prends ce putain de bus et tu vas voir Cher.
Face, tu vas rejoindre Sarah et tu passes l’après-midi avec elle.
Face. Bon une deuxième fois…
Pile.
Je monte finalement dans le bus bien conscient que je ne prendrais peut-être plus jamais Sarah dans mes bras. Dans un sens, ce n’était peut-être pas plus mal…
A plusieurs reprises, j’avais songé à redescendre aux arrêts suivants pendant que je n’étais encore pas trop loin de Sarah mais j’étais resté accroché à mon siège. Je devais voir Cher.
C’était trop dur, si j’allais voir Cher je devais tout lui avouer. Je me sentirais mal de lui cacher cela. Après tout ce que nous avons vécus ensemble, ce qu’il s’est passé entre nous, je n’avais pas le droit de lui faire ça.
Il était 15h00 quand j’arrivais à l’hôpital. Je pénétrais dans le hall ou ça faisait un moment que je n’étais pas venu. La dernière fois, ça s’était plutôt mal passé d’ailleurs :
- Bonjour, je viens voir Cher.
- Chambre 313 me dit la dame de l’accueil qui avait encore changée.
Je me trouvais devant la porte. Derrière se trouvait Cher, surement folle de joie de me voir et moi, j’allais la briser en deux. Comme si elle n’avait pas assez subie comme ça. Mais ne rien lui dire et entretenir le mensonge serait sans doute pire.
Je pris une grande inspiration, entrait dans la pièce et vit Cher sur son lit, en train de feuilleter un magazine anglais :
- Oh, je suis si contente de te voir s’exclama-elle.
Je ne pourrais pas l’embrasser, pas la serrer dans mes bras avant de lui avoir dit la vérité :
- Je t’ai trompé lâchais-je d’un ton rapide.
OH LE CON ! Pensais-je sur le coup :
- Je m’en doutais presque … m’avoua-elle en faisant un demi-sourire
- Comment ? répliquais-je ébahi.
- Il faut dire que je ne suis plus si attirante que cela…
- Ne dis pas ça. Tu es toujours aussi magnifique à mes yeux…
- Alors pourquoi être sorti avec une autre fille répliqua-elle du tac o tac.
Touché…
- Alors, qu’on dit les médecins dis-je.
- Je vois bien que tu cherches à éviter le sujet dit-elle lucide. Mais ce n’est pas grave, on n’aura tout le temps d’en reparler plus tard. Sinon, je suis saine d’esprit, mes blessures se guérissent bien. Je pourrais commencer la rééducation dans un mois et remarcher pour Noël à peu près, ils ne savent pas trop encore.
- J’espère que désormais, tout vas bien se passer.
- Oui, et dès la semaine prochaine, un professeur particulier viendra me faire cours normalement pour que je n’accumule pas trop de retard au niveau scolaire.
- Quand reviendras-tu au lycée ?
- Je ne sais pas trop mais tu as trouvé une autre présence féminine pour combler mon manque vraisemblablement.
- Arrête, ne dis pas ça, tout est fini entre elle & moi…
- Déjà. Tu vois bien que ça ne valait pas le coup jubilait-elle. Depuis combien de temps ?
- Je dirais entre 1h32 et 1h34 à peu près.
- Oh, c’est vraiment très récent alors… C’est quoi le motif de cette séparation ?
- Je t’aime…
Elle semblait satisfaite de cette réponse, courte mais sincère. J’étais jusque là resté assez distant d’elle, comme si c’était redevenu une étrangère. Je m’approchais pour la prendre dans mes bras mais elle me repoussa en souriant :
- Tu ne vas pas t’en tirer comme ça ! dit-elle sans rester sérieuse pour autant.
Je voyais bien dans son regard qu’elle mourrait d’envie de me prendre dans ses bras mais qu’elle cherchait en même temps à ne pas pardonner aussi facilement cette infidélité. Je me rassis sur ma chaise et tenter de me rapprocher à petit pas pour saisir sa main.
Elle ne dit rien ce coup-ci et je considérais que c’était déjà cela de gagné. Un grand silence s’installait dans la pièce et Cher se sentit obligé de le briser en abordant un sujet désormais douloureux :
- Comment s’appelle-elle ?
- Qui ça ?
- Ton ex- !
- Et si on passait à autre chose maintenant ?
- Justement, si c’est fini, tu peux m’en parler s’en crainte.
Décidément, elle était douée pour les discussions délicates. Elle arrivait toujours à me mettre mal à l’aise et je dois avouer qu’il n’y avait pas de doute, elle avait bien retrouvée toute sa tête :
- Sarah…
- Jolie ?
- Disons qu’elle n’était pas dégueulasse.
- OK. Bon je vais arrêter de te torturer comme ça sinon tu voudras plus jamais revenir me rendre visite rigola-elle.
Je ne voyais pas très clair dans son jeu. M’avait-elle pardonné ou cherchait-elle au contraire à me piéger. Un nouveau silence s’installa, ça faisait déjà une heure que j’étais ici et je n’arrivais plus à converser avec Cher comme auparavant. Quelque chose s’était envolé, mais quoi ? :
- Tu as regardé les infos’ dernièrement lui demandais-je.
- Tu vois une TV ici ?
- Question stupide… Bref, accroche-toi. Ils ont retrouvé le corps.
- Je sais tout ça. Et même le couteau dit-elle d’un calme étonnant.
Je ne posais même pas de question à savoir comment elle avait su tout cela :
- Que va-on faire ?
- Garder notre calme. Ne rien faire de suspect. Continuer à vivre normalement.
- Tu m’as l’air étonnement sereine.
- Après ce que j’ai enduré, faut bien.
Je décidais d’en rester là. Je partis et alors que j’étais déjà dans le couloir, Cher m’interpella au moment ou je refermais la porte :
- Tu ne m’embrasses donc pas… dit-elle en souriant
Nouvelle semaine. Je m’attendais déjà en arrivant à avoir à soutenir le regard réprobateur de Sarah. Je n’avais reçu aucun message d’elle ce week-end. En revanche, j’en avais reçu des nombreux de Cher…
J’arrivais en avance comme d’habitude. Mais pas assez, Sarah était déjà sous la devanture de la bagagerie, en train d’envoyer des SMS sur son portable. Je passais d’elle en l’ignorant mais ça voix me rattrapa et me glaça le sang :
- Tu l’as toujours aimé pas vrai …
Je me retournais et nos regards se croisèrent. Je pouvais voir les regrets, la tristesse dans ses yeux. Je ne savais que trop répondre car moi-même, je n’avais pas la réponse… :
- Je ne sais pas Sarah… Et puis, qu’est-ce-que ça change maintenant ?
- Mais ça changes tout ! Si tu ne m’aimais pas, il ne fallait pas sortir avec moi juste pour me faire plaisir. Tu m’as fait encore plus de mal.
Sur le moment, je me sentais un peu honteux. Sarah semblait bouillir intérieurement. Comme un symbole, elle mit son portable bien à plat de façon à ce que je vois ce qu’elle fit et elle m’effaça de ses contacts :
- Ne m’adresse plus jamais la parole dit-elle au bord des larmes.
- Tu vas pas tenir le coup en histoire… dis-je pour détendre l’atmosphère.
- Ya des moments pour faire des blagues ! Là, c’était pas le moment s’emporta-elle.
Je préférais ne pas insister et repartit vaincu, comme une victime. Décidément, les cours d’histoire seraient longs, très longs…
En effet nous avions cours à 14h30 avec le très célèbre Mr.Ramet. D’ailleurs, nous apprenions sur lui quelque chose de taille aujourd’hui. En entrant dans la salle alors que nous venions nous même d’entrer, un prof demanda à Mr.Ramet un tube de colle :
- Bonjour Adolphe. Excuse-moi mais pourrais-je avoir ton tube de colle.
- Doux jésus je t’ai dit de ne jamais m’appeler par mon prénom !
Trop tard. Tout le monde rigole aux éclats. Cette révélation est énorme. Ce prof’ vient d’être rangé dans la catégorie de « victime ».
Le reste de l’heure fut hilarant. Le prof était tout le temps appelé par son prénom. Nous faisions cours sur la 2nde Guerre Mondiale et le moment était propice pour faire quelques blagues, pas forcément politiquement correct et je ne les citerais donc pas pour éviter certaines représailles…
Les jours passèrent. Nous étions jeudi. Ce jeudi me resterait dans la mémoire comme une rencontre, avec une personne, que je pensais connaître mais qui s’avérait être plus mystérieuse que je ne le pensais…
Ce midi, je déjeunais avec Laura. Nous nous parlions beaucoup depuis et étions devenus proches. Comment connaissait-elle à ce point mon passé. Quand elle me posa cette question alors que la conversation était agréable, je sus qu’elle savait… Même si j’ignorais comment elle avait été mise au courant :
- 10 octobre 2010. Un jour comme les autres non balança-elle au beau milieu de la conversation.
- Je ne te suis pas Laura…
- Il ne s’est pas passé quelque chose de … spécial ce jour là ?
Elle fit un léger sourire en coin. Les souvenirs remontaient sans que je ne le veuille forcément. Trop tard, je revois toute la scène dans les moindres détails. Impossible d’oublier ce 10/10/10…
« 10 octobre 2010, j’ai 13 ans. Je suis allé passer la journée chez un vieux pote de collège. Je devais rentrer avant que la nuit tombe mais je n’avais pas suivi les recommandations de mon père. Nous n’avions pas vu l’heure passer et c’est finalement après le troisième appel de mon père que je reprends le chemin de la maison. Il est déjà 20 heures. Quand je sors de chez Valentin, qui est mon pote, je me souviens qu’il m’a dit :
- Tu es sur que tu ne veux pas que je revienne avec toi ? Ce serait plus prudent non ?
- C’est bon t’inquiètes. J’ai juste la rue à descendre. Que veux-tu qu’il m’arrive…
- Il peut tout arriver tu sais.
- Tu lis trop de livres.
- Et toi, probablement pas assez…
Je quittais mon pote sur ce débat philosophique et commençait à descendre la rue. Le froid était tombé en même temps que la nuit. Je n’avais qu’un gilet et je dois avouer que l’ambiance était assez inquiétante. Le vent soufflait dans les feuilles des arbres. Valentin habitait en haut de la rue par rapport à moi et il y avait bien 500 mètres à parcourir. Cette distance me parut une éternité. A mi-chemin, je ripais sur le bord du trottoir et me rétama sur la route goudronnée. Je n’avais qu’un bermuda et le genou ensanglanté. Je devais finir le trajet en boitant.
Avant de tourner pour descendre la rue qui menait à ma maison, je passais devant un parc communal. Un petit chemin permettait de le traverser et de débarquer sur une autre rue à l’opposé. Les arbres et buissons étaient omniprésents. C’est à ce moment que j’entendis une voix. Le parc était assez éloigné des maisons et personnes aux alentours appart une personne s’aventurant dans la rue n’aurait pu entendre ce que j’ai entendu. Et puis, il n’y avait pas grand monde qui se promenait encore à 20 heures un 10 octobre dans la rue…
Piqué par la curiosité, j’aurais du renoncer à remonter le petit chemin qui traversait le parc de long en large. A mesure que j’avançais, les voix devenaient plus claires. Ils parlaient français, mais avec un léger accent italien…
Je continuais d’avancer, sans pour autant voir les personnes en questions. Au bout d’un moment, j’aperçus une source de lumière. C’était les phares d’une voiture. Sauf que les voitures n’avaient pas le droit d’entrer dans le parc mais visiblement, nos visiteurs nocturnes n’en avaient rien à faire.
Assis sur le capot de leur Maserati, deux hommes en costard-cravate et lunettes de soleil (pourquoi avaient-il des lunettes de soleil alors qu’il faisait nuit noir, je ne le saurais jamais) étaient en train de fumer une cigarette, se la passant à tour de rôle. Moi, je m’étais caché derrière un buisson bien touffu et grâce aux trous à l’intérieur de celui-ci et des phares de la voiture, je pouvais observer toute la scène mais ne pouvait pas être vu.
Je voulais savoir le fin mot de l’histoire, pourquoi ces hommes, à l’accent italien, avec des lunettes de soleil, étaient rentrés en voiture dans ce parc ?
Un des deux hommes écrasa sa cigarette par terre avec son pied et dit :
- Bon, faut finir le boulot que le patron nous a donné.
- Pourquoi avoir donné un tel lieu pour ça ? demanda l’autre qui était beaucoup plus jeune.
- C’est un symbole. Il y à déjà eu une vieille histoire ici, il y a longtemps.
- Personne ne viendra ?
- C’est un p’tit village de campagne ou tout le monde dort à 19h00… Et les habitations sont très éloignées. Ils n’entendront rien.
Le plus jeune semblait un peu stressé et perdait son sang-froid. Il ne tenait plus en place alors que le plus vieux, qui visiblement avait de l’expérience restait calme et impassible. Il avait la classe, avec ses cheveux impeccablement plaqués sur le côté et son chapeau noir. Tout était mystérieux chez ses deux personnages.
Finalement, le plus vieux se dirigea vers le coffre de la voiture, l’ouvrit et sortit… un homme ! Cet homme était bâillonné et solidement ficelé. Il n’émettait aucun signe de résistance. A ce moment, je me rendis compte que j’étais au beau milieu d’un règlement de compte. J’aurais pu m’enfuir tout de suite mais c’était trop risqué. Ils auraient pu m’entendre. Je décidais donc de rester là, à patienter.
L’homme fut amené à côté de la voiture et le plus vieux lui retira le foulard qui l’empêchait de parler :
- Une dernière parole, ou dernière volonté dit le vieux en ricanant.
- Ne touchait pas à ma femme implorait l’homme. Laissez Monica tranquille.
- Tu n’as pas une autre volonté. J’ai bien peur qu’on ne puisse pas respecter celle-là dit le vieil homme en faisant face au pauvre hère attaché.
- Vous n’êtes que des enflures ! s’emporta l’homme
- Au moins autant que toi. Bon, on n’à pas toute la nuit et désolé, il n’y à pas de fanfare et de violon…
- Va t’faire foutre !
Le vieux ne releva pas l’insulte. Il en avait vu d’autres. Alors que le jeune restait en retrait, il sortit un pistolet de sa veste, le pointa en direction de l’homme qui restait calme face à la mort. Le coup partit et l’homme s’effondra par terre, mort… :
- Addio Luigi dit solennellement le vieux.
- Bon, on fait quoi maintenant s’impatienta le jeune.
- Tu connais les directives ! Tu creuses, tu enterres pendant que j’appelle le patron.
Il se faisait de plus en plus tard. Je n’avais pas bougé depuis une heure. Mon père devait être mort d’inquiétude mais moi, je me rongeais les ongles sans m’en rendre compte. J’étais crispé, je n’avais jamais autant eu peur de toute ma vie. Je transpirais et était sans doute d’une pâleur inquiétante.
C’est à ce moment que, le pire arriva, mon portable sonna, mon père… La réaction est immédiate. Le vieux se redresse alors que j’éteins mon portable en catastrophe. Il saisit son pistolet mais n’a put entendre d’où venait précisément le bruit. Il regarde toutefois avec insistance dans la direction du buisson ou je me cache. Il tire une balle, puis deux.
La première effleure ma tête et la seconde passa largement à côté de moi. Je pris alors une décision qui était un peu suicidaire mais je n’avais aucune envie de pourrir ici. Le genou encore ensanglanté, je me relevai et tapa un sprint monumental pour sortir du parc. Le vieux ne tarda pas à me repérer :
- Eh petit ! Reviens tout de suite !! s’énerva-il.
Il tira à nouveau, c’est alors qu’une balle effleura ma peau au niveau du genou. Ma douleur redoubla et, effrayé, je ne pu que boiter. Impossible pour eux de me poursuivre en voiture car les arbres étaient trop nombreux.
La pression retomba un peu alors que je me cachais derrière un arbre, faisant pression sur ma blessure. Quelques minutes après, je vis des torches qui balayaient le coin. Comment allais-je donc m’en sortir ?
Je pris une profonde inspiration et me cachait du mieux que je pus derrière un malheureux tronc d’arbre. Il faisait nuit noir et dans ce silence absolu, le moindre petit bruit s’entendait distinctement. Un écureuil passa à côté de moi et, incongru, resta planté devant moi debout sur ses deux pattes. Une autre fois, cette scène m’aurait attendrie mais ce n’était pas vraiment le moment…
L’un des deux malfaiteurs s’arrêta juste de l’autre côté de l’arbre ou j’étais caché. Il pissa contre le tronc en sifflotant. C’était le plus jeune et cela se voyait car le vieux gueula quelques secondes après :
- Mais t’es vraiment une tête de con ! On a autre chose à foutre. Faut retrouver ce mioche.
- Je crains qu’il n’ai déjà filé Dino.
- Et toi, tu commences à devenir trop emmerdant dit le vieux en s’avançant vers le jeune.
Ils étaient désormais tout les deux à quelques mètres de moi. Pas bouger, respirer le moins bruyamment possible.
Dino se mit devant le jeune et le désarma sous prétexte de vérifier si son flingue était bien chargé. Il le balança ensuite derrière lui et saisit le sien le pointant vers son collègue :
- Putain mais à quoi tu joues Dino ?
- Désolé mais les ordres sont les ordres. Le patron n’a pas confiance en toi et moi-même, je te trouve un peu chiant.
- Tu déconnes dit le jeune comme pour se rassurer. Oui c’est ça tu plaisantes Dino.
- On ne plaisante jamais dans le milieu dit froidement Dino.
Et d’une balle en pleine tête, il abattit le jeune qui s’écroula contre le tronc d’arbre. Dino prit le corps et le ramena près de la voiture. Il semblait m’avoir complètement oublié.
J’ignorais encore à quel point ces deux filles allaient rendre mon année … mouvementée. Comme chaque année depuis ma rentrée au lycée d’ailleurs.
Je me dirigeais vers mon groupe de pote, on ne perd pas les bonnes habitudes. Il faisait beau en ce jour de rentrée et le soleil brillait haut dans le ciel. Tout le monde avait le sourire et un bronzage bien marqué, témoin de vacances passées à l’extérieur. Je retrouvais donc Quentin, Paul, Jean, Dorian, Kevin, Norbert et tous les autres :
- Salut ! m’exclamais-je heureux de revoir mes amis.
- Tu vas bien me dis Norbert en me serrant la main.
- Oui, j’étais presque impatient de revenir. Ces vacances ont été trop longues.
- Moi aussi dis Dorian. Cela fait plus d’un mois que je n’ai pas vu Léa.
- J’ai du louper un épisode dis-je.
- T’as loupé plein de truc dit Paul. On a tous essayé de t’envoyer des SMS pendant les vacances mais tu ne répondais pas.
- Je pense qu’il avait mieux à faire dit Quentin en me regardant.
- Oui en effet dis-je en me remémorant la soirée passé avec lui et sa petite amie.
- Vous avez vu on à deux nouvelles filles dans notre classe dit Jean.
- Oui et l’une des deux est vraiment canon enchérit Norbert.
- Allez ce sera la bonne ce coup ci dis-je ne rigolant à Norbert qui cherchait désespérément une fille depuis qu’il était au lycée.
L’ambiance était détendue et les éclats de rires se multiplièrent. Chacun racontait ses vacances, des anecdotes. Tout le monde exagérait ses souvenirs comme Paul qui voulait nous faire croire qu’il avait vu un requin avant que Dorian ne lui rappela qu’il était parti à la montagne…
Je pensais soudainement à quelque chose et retourna voir la liste des élèves présents dans la classe cette année. Sur cette liste, le nom de Cher n’y figurait pas.
Je retournais voir mes amis alors que l’on devait se rendre au grand amphithéâtre pour le discours de début d’année. Arrivé le moment où l’on faisait l’appel :
- Gilou Jean-Freud.
- Oui
Je ne sais pas pourquoi mais les deux nouvelles se retournèrent. Je fus frappé par la beauté de leurs visages mais par autre chose, il me semblait les connaître :
- Fouquin Sarah.
- Oui répondit une petite voix
Cette voix, je ne l’ai pas oublié. Sarah :
- Motenezé Laura
- Oui répondit-elle
Cette voix, je ne l’ai pas oublié non plus.
Décidément, l’année promettait d’être longue, très longue…
Le directeur finit de nous expliquer les règles de vie du lycée, la circulation dans les bâtiments, l’internat…
Nous sortons et nous rendons dans notre première salle de cours. Je n’ai pas encore eu temps de regarder notre emploi du temps. D’ailleurs, je ne l’ai pas encore. Notre professeur principal année est monsieur Ramet, professeur d’histoire aux tendances politiques Front National plutôt prononcées. Dommage pour Isaam et Abraham, les deux juifs de notre classe.
A l’appel de ces deux garçons, le professeur fait une mine de dégoût, exactement le genre de personne que je ne supporte pas. Il exprime en revanche une large satisfaction en lisant des prénoms comme Arthur, Jean, Paul :
- Bien, maintenant que l’appel est fait et que je constate que vous êtes pour la plupart de bons français, je vais vous distribuer vos emplois du temps.
A ce moment la porte s’ouvre, c’était Sarah :
- Excusez moi je suis nouvelle et je ne trouvais pas la salle dit-elle confuse.
- Comment vous appelez vous ?
- Fouquin Sarah.
- Sarah ne serait pas un prénom d’origine arabe ?
- Je n’en sais strictement rien et je suis française. Mais pourquoi cette question s’étonna-elle.
- Pour rien, allez donc vous asseoir.
A ce moment là, hasard ou pas, la seule place disponible était celle à côté de moi. Habituellement, c’était la place de Cher mais aujourd’hui, Cher n’est plus là…
Sarah s’assit à côté de moi et sortit ces affaires en silence et me regarda discrètement avec un petit sourire en coin. M’avait-elle reconnue ?
Elle était assez petite, les longs cheveux châtains foncés, un petit nez retroussé et des yeux couleurs noisette. Son visage avait le teint assez mâte et elle était frêle. C’était plutôt une jolie fille en soi, mignonne et qui savait comment faire pour paraître telle quelle.
L’emploi du temps fut distribué et une jeune fille se sentit subitement mal. C’était Laura qui demandait à aller à l’infirmerie. Elle avait des vertiges et un affreux mal de tête :
- Sans doute les 3 heures d’affilées d’histoire le jeudi matin dit Arthur.
Toute la classe rigola à cette remarque sauf, monsieur Ramet :
- Vous avez de la chance d’être un bon français monsieur Pillot mais soyez plus respectueux désormais.
A côté de moi, Sarah me regarda et osa enfin prendre la parole :
- Mais c’est quoi ce gros raciste me chuchota-elle.
- Je ne l’ai encore jamais eu mais apparemment, il est tout le temps comme ça dis-je. Je repris la parole après une légère hésitation.
- Dis Sarah, tu n’étais pas avec moi au collège en 4ème ?
- Si, je me souviens de toi. En même temps, personne d’autre ne peut avoir un prénom comme toi rigola-elle.
- Oui c’est vrai…
- Je suis contente de te revoir. Je connaîtrais au moins quelqu’un. Je connais aussi Laura, l’autre nouvelle.
- Moi aussi…
- Vraiment, mais comment l’as-tu connue ?
- C’est compliqué, je te raconterais une autre fois. Jeudi par exemple quand nous aurons trois heures d’histoire…
- Ca marche me dit-elle en souriant.
Le prof’ d’histoire venait de nous remettre les premiers documents de l’année. Sujet, la décolonisation. Ca promet… :
- Alors, je vous préviens, ces documents peuvent choquer certains, ces gens sont en effet différents de nous et…
- Mais non, ils sont exactement pareils que vous et moi dit Isaam d’un ton lassé.
- Je refuse d’avoir cours avec ce prof’ une année durant dit à son tour Abraham.
- Je suis là dans le but de vous éduquer et surtout vous deux là au fond. Vous qui vous cachez comme des voleurs.
C’en était trop pour Isaam qui se leva vers le professeur d’histoire et osa faire ce que personne n’avait jamais osé dire et faire.
Là, il se passa quelque chose de surréaliste. Isaam se retrouva nez à nez avec le prof’ d’histoire. Ce jeune homme ne savait vraisemblablement pas ce qu’il faisait et décocha une gifle magistrale sur la joue du prof’. Mr. Ramet resta hébété et Isaam lui cracha au visage avant de retourner s’asseoir :
- Vous aurez des nouvelles de mon avocat dit simplement Mr. Ramet en réajustant son col de chemise. Pas question que je m’abaisse à votre pitoyable niveau ou les gens de votre espèce ne règlent leurs conflits que par la violence.
Je dois avouer que malgré tout, Mr. Ramet avait une certaine répartie et Isaam resta à sa place toute l’heure sans ajouter un seul mot, ce qui était peut-être mieux pour lui s’il ne voulait pas rendre visite à monsieur le principal.
Le cours fini, je sortais et parlait un peu avec Sarah avec qui je refaisais connaissance. C’était une fille très intelligente et nullement superficielle, exactement le genre de fille que j’aime. Nous nous dirigions en cours d’anglais.
Encore un nouveau prof’. S’il est comme celui d’histoire, ça promet une année spéciale. Mr. Shit nous accueilli avec un grand sourire édenté. Il jeta rapidement sa cigarette par la fenêtre et s’assit à son bureau :
- Je peux me remettre à côté de toi me dit Sarah timidement.
- Bien sur, pas de problème.
- Tu n’étais à côté de personne en cours l’année dernière ?
- Si mais elle n’est plus là.
- Elle ? dit Sarah.
- Oui, elle n’est plus là pour un bon moment…
- Déménagement ?
- Non hospitalisation mais c’est aussi une longue histoire.
- Décidément, on en aura des choses à se raconter me dit-elle un sourire en coin.
Avec toutes ces histoires, j’avais presque oublié que Sonia était aussi dans ma classe quand je la vis s’asseoir devant nous. Je ne sais pas ce que le prof avait fumé mais son cours était aussi désordonné que son esprit et je ne compris strictement rien.
Nous allions ensuite en français ou nous étions dans un amphithéâtre ou il y à quatre sièges par rangée. Sarah se met encore à côté de moi et c’est beaucoup plus surpris que je vois Laura s’asseoir à côté de moi :
- Ca fait longtemps hein ? me dit-elle.
- Trois ans si ma mémoire est bonne.
- Une éternité soupira-elle.
Que signifiais donc ce soupir et ce « une éternité ». Je préférais ne pas y penser et me concentrais sur le cours de français qui était profondément ennuyeux.
Le midi, je mangeais avec toute ma bande de pote plus deux filles, Sarah & Laura. Retrouver des gens de mon âge me rendait heureux et j’oubliais presque mes problèmes.
Mais ceux-ci étaient toujours bien présents, enfouis dans un coin de ma tête et n’attendait que le soir venu pour ressurgir alors que j’étais allongé dans mon lit. Cher…
Je me levais la tête dans le cul et me rendait au douche. Pour rappel, je suis en internat. Cette année, je suis avec un ES qui s’appelle Florian et un L qui s’appelle Lucas. Qu’ai-je donc fait au bon dieu pour être dans une telle chambre d’autant que Lucas me fait douter au niveau de ces attirances sexuelles. Je l’ai surpris hier soir en train de feuilleter un magazine ou se trouvait des photos d’hommes légèrement … hem voilà quoi.
Florian quand à lui me semble un peu normal quoi qu’un peu bêta au premier abord mais je lui pardonne entièrement, c’est un ES et il n’a probablement pas choisi sa voie (je m’excuse à tout les ES qui me lisent).
Je m’habille, fais mon sac, vais chercher mes potes et nous descendons les deux étages de l’internat. Arrivés en bas, nous nous dirigeons vers le réfectoire.
Il est 8h00 et les cours vont bientôt commencer. Sarah vient me faire la bise comme si elle me connaissait déjà depuis longtemps et nous discutons encore un peu en attendant … Mr.Ramet.
Le voilà qui arrive, droit comme un I. Sur sa sacoche figure une étiquette FN et un portrait de Jean-Marie le Pen. Seigneur qui est donc cet énergumène :
- En rang par deux messieurs-dames. Avancez en silence.
- Mais quel con dit Norbert en rigolant.
- eine zwei eine zwei eine zwei eine zwei répétait Mr.Ramet en cadence.
- Il est au courant que 39-45 c’est fini dit Arthur
Nous entrons dans la salle nous attendant presque à trouver des soldats allemands au garde à vous de chaque côté de la porte :
- Bien, j’ai décidé de passer le cours de la décolonisation que vos résumerez en quelques mots qui sont « Les bougnoules nous ont bien fait chié ». Sur ce, nous allons attaquer le chapitre suivant.
- Je m’attends au pire dis-je à Sarah.
- Tout ce que tu veux que c’est la 2nde Guerre Mondiale.
- Nous allons parler de la 2nde Guerre Mondiale.
- Gagné, je te paie un ciné. mercredi ?
- Pourquoi pas dit-elle en esquissant son fameux sourire en coin
Oups, surtout ne pas faire de bêtises. Sarah n’est qu’une amie. Une amie du collège. Mais je ne vois que trop bien ses sourires en coin, sa façon de me parler. Elle est timide, paraît timide et pourtant…
Alors que Mr.Ramet pourrait à ce moment là tout aussi bien être en prison pour apologie de crime contre l’humanité, il nous fit cours sur l’Allemagne, Hitler, d’un point de vue qui n’était pas neutre. Et qui n’allait pas dans le bon sens en plus.
Plusieurs fois, Isaam fut tenté de se jeté du deuxième étage pour ne plus entendre les atrocités mais Arthur trouva une bien meilleure idée :
- Tiens mets ces boule de cotons, je m’en servais pour dormir l’année dernière en français
- Qu’Allah te protège mon frère.
- Ouais bon n’en fais pas trop non plus. Un simple merci suffira.
Le cours fini, les autres se succédèrent avec une lassitude déconcertante. Je baillais profondément à la dernière heure de cours et failli m’assoupir sur l’épaule de Sarah…
Le soir arrive et c’est le grand bazar à l’internat. Les pions n’ont aucune autorité et sont encore plus des soumis que l’année dernières. Tous des têtes de gens qui ont raté leur vie.
Il y à un gros geek avec les cheveux gras et ces vieux t-shirts aux motifs pour le moins… Il y a aussi une vieille dame qui cherche sans doute à toucher une retraite mais n’en à pas les moyens et, clou de notre spectacle, un jeune homme procommuniste qui à raté sa carrière politique.
Mercredi, comme promis, j’emmène Sarah au cinéma. Si Cher me voyait, elle me tuerait mais bon, une promesse est une promesse. Elle est trop jolie, elle porte une fine chemise rouge à manche courte qui lui va à ravir et un jean slim avec des baskets en toiles. Ravissante, mignonne tout simplement.
Au cinéma, je la surprends à poser sa main sur la mienne alors que je l’avais posé sur l’accoudoir. Je ne dis rien pour ne pas la blesser et me contente de faire comme si je n’avais rien remarqué.
Qu’elle était douce sa main. Et ses doigts, si fins…
Nous sortons du cinéma, Sarah à le sourire aux lèvres. Parfois, je me demande comment je fais pour que les filles viennent si naturellement vers moi… Je ne suis pourtant pas si beau que ça, pas si intelligent. Je ne sais pas…
La semaine est enfin finie, je m’installe dans le fauteuil et allume la TV. Je tombe sur iTélé et pile poile sur un flash info’ qui me cloue sur mon fauteuil :
« Découverte alarmante sur les côtes bretonnes. Pas loin de Dinan, dans une petite crique accessible uniquement par la mer, de riches propriétaires d’un yacht décident de faire escale dans la petite crique avec leur chien. Celui-ci renifle quelque chose et commence à creuser à un endroit précis de la plage. Intrigué, son propriétaire prend une pelle et creuse à l’endroit ou le chien ne cesse d’aboyer. C’est avec stupeur qu’à quelques cinquante centimètres de profondeur, l’homme découvre le cadavre d’un homme déjà mort sans doute depuis longtemps. L’enquête nous permettra d’en savoir plus dans les jours à venir mais c’est déjà un choc pour tout le pays breton »
Je restais sur mon fauteuil, abasourdi. Il fallait me protéger, moi et protéger Cher. Mais après tout, ils n’avaient aucune preuve. J’étais malgré tout d’une pâleur inquiétante et j’avais peur très peur. Je repensais alors à une chose.
LE COUTEAU !
C’était fini, empreintes digitales. Mais quel con ! Ce couteau, j’aurais du le garder, ou l’enterrer ailleurs mais certainement pas avec le corps. J’étais curieux d’ailleurs de savoir pourquoi ils n’avaient pas parlé dudit couteau à la télé. Si par un heureux miracle, il aurait pu disparaître, ça aurait été super mais je ne crois pas trop aux miracles.
J’étais quand même effrayé, mon père était parti pour la soirée avec Janet et je n’avais personne à me confier. Je ne pouvais malheureusement pas voir Cher qui n’était de toute façon surement plus en capacité de m’écouter.
J’étais triste mais il n’y avait personne en qui j’avais réellement confiance. Enfin si, une personne mais cela me paressait complètement absurde. Pas Kevin bien sur, pas Quentin non plus, Sarah…
Bah, elle n’allait pas se déranger juste pour ça, on ne se connaissait que depuis une semaine. Enfin 5 ans mais bon…
Je viens justement de recevoir un message de Sarah
« Ta vu lé info avec le cadavre en Bretagne. C horible non ? »
Mhh, ok… Je ne savais décidément pas quoi faire. La mettre dans la confidence ou gardait cela pour moi ? Je ne parviendrais pas à garder ça pour moi, je le sais. Aller je tente le coup, on verra bien. Après tout, Sar ah n’est qu’à 15 minutes de chez moi en vélo et il fait encore jour.
« Tu veut pas venir Sarah ? Il faudrait qu’on parle »
« T’as lair inquié. OK j’arrive dans 15 min. Bises »
Je retournais regarder la TV à l’affut de la moindre nouvelle pouvant à nouveau bouleverser ma vie. Mais dans quelle merde me suis-je encore mise ?! J’avais presque la haine envers Cher à ce moment là. Tout ça à cause d’une histoire vieille de plusieurs années et ou MOI, je me retrouvais impliqué…
Un quart d’heure plus tard, Sarah sonna à la porte et je m’empressais d’aller lui ouvrir :
- Ca va ? Il se passe rien de grave j’espère me dit-elle en entrant
- Bah si, un peu quand même.
- Allez, déstresse et raconte-moi tout. J’ai l’impression que ça ne va vraiment pas bien…
On s’assit dans le salon et je coupais le son de la TV qui me faisait désormais peur. Je redoutais chaque nouvelle et je ne refusais de faire face à la réalité :
- Allez, raconte dit-elle en me prenant la main. T’as pas fait une connerie j’espère
Elle ne s’était pas spécialement préparée mais avait gardée tout son charme avec ses cheveux en chignon et son vieux T-shirt un peu déchiré au niveau du ventre :
- Si, j’ai fais une connerie, une grosse connerie. Jusqu’à présent, une seule personne le savait mais je ne pouvais pas le garder pour moi-même. C’est trop dur.
- Tu commences presque à me faire peur. Je t’en prie, si c’est vraiment affreux, ne me dis rien. Je préférerais ne pas savoir.
- Alors je ne te dirais rien, désolé de t’avoir fait déplacée pour rien.
- Non allez dit-moi !
- Tu me promets de garder ça pour toi. De ne le dire à personne. Je peux te faire confiance Sarah…
- Tu pourras toujours compter sur moi dit-elle en me regardant droit dans les yeux. Toujours…
- C’est moi qui ai tué et enterré le cadavre qui passe aux info’.
Ca y est, c’était dit. Plus moyen de remonter en arrière. Sarah me regardait les yeux livides ne sachant trop que répondre. Elle serrait machinalement le coussin placé devant elle et me regarda :
- C-c’est une blague murmura-elle. C’est une blague.
- Tu crois vraiment que j’aurais de l’intérêt à te raconter n’importe quoi.
- Tu es un monstre.
- Non, c’était un accident. Je n’avais pas le choix.
- Comment pourrais-je te croire après ce que tu viens de m’avouer.
- Je te demande juste de me croire, c’est tout dis-je en saisissant sa main.
Elle repoussa ma main avec dégout et me regarda avec un mélange de peur et de mépris. Je réfléchissais bien à quoi dire, pesant chacune de mes paroles conscient que le moindre faux pas pourrait m’être fatal :
- Laisse-moi au moins tout te raconter, tu verras que je ne suis pas ce que tu crois.
- Je ne sais pas… Tu ne te rends pas compte ! Tu me mets dans la confidence comme ça… C’est dur.
- Tu as insisté pour savoir quand même.
- Oui mais je m’attendais à un truc du genre « j’ai cassé la voiture de mon père » ou encore « je suis convoqué au tribunal, j’ai insulté un policier ». Je m’attendais à tout sauf à ça. Mais maintenant que le mal est fait, autant que je sache tout.
Elle retira son élastique dans les cheveux et les laissa tomber le long de ses épaules. Qu’ils étaient lisses et soyeux, ces cheveux. Elle semblait avoir un peu retrouvé son calme. Je racontais alors tout, du coup de feu à l’enterrement sans grande cérémonie ceci dit en passant.
A la fin de mon récit qui avait duré dix bonnes minutes, elle me regardait songeuse, appuyant sa tête contre le dossier du fauteuil, le regard dans le vide :
- Si tu dis la vérité, j’espère sincèrement qu’il ne t’arrivera rien. Tu verras, tout se passeras bien…
En prononçant ces paroles, elle s’était rapprochée de moi et se trouvait désormais à quelques centimètres à peine de mon visage. Nous étions si proches et en même temps, si éloignés l’un de l’autre. Elle était à genoux devant moi et semblait hésiter à faire quelque chose mais je ne savais pas trop quoi. Elle continuait de se rapprocher, inévitablement sans que je ne murmure aucune protestation.
- Ils ne doivent pas savoir, protège le comme tu peux mais ils ne doivent rien savoir. S’il saute, on saute aussi.
- Je sais, tout est lié dans cette affaire. Mais quel lien pourrait-il établir entre lui et nous ?
- Ils pourraient très bien penser qu’il fait parti du groupe et qu’il à commis cet acte volontairement pour nous protéger des révélations qui auraient pu ce faire.
- Dans un sens, il est réduit au silence mais cette médiatisation ne présage rien de bon.
- Nous trouverons une solution, de toute façon, nous disposons de moyens radicaux pour résoudre les problèmes.
- Oui, mais je préférerais que nous restions discret. Maintenant, vas te coucher Laura, il est tard.
Il faut que je me sorte de cette merde ! Ca ne peut plus continuer comme ça !
C’est ce que pensait Cher alors qu’elle était allongée, les bras derrière la tête dans son lit. Elle n’était plus sortie de sa chambre depuis qu’elle y était entrée. Elle voulait bien admettre qu’elle avait eu dernièrement un petit accès de folie mais désormais, elle se sentait bien. Mais comment leur faire croire ?
Du côté de sa santé physique, les examens étaient plutôt encourageants. Elle n’avait plus qu’à filer droit, paraître la plus normale possible si elle voulait retrouver son ancienne chambre. Et ce docteur qui la détestait et qui avait pris un malin plaisir à l’interner. S’il n’était plus là, tout serait déjà réglé.
Heureusement, elle pouvait compter sur le soutien indéfectible de Laura et Loïc qui faisaient pression sur le Dr.Mater pour que Cher retrouve sa chambre :
- Je vous assure qu’elle va bien disait à l’instant Laura au docteur.
- C’est vrai qu’elle n’à pas montrer de signes de folie depuis deux semaines mais tout de même.
- Allons faites un effort dit Loïc. Elle en souffre de rester enfermée dans sa chambre comme un animal.
- Nous la laisserons encore internée deux semaines. Si tout se passe bien jusque là, elle retrouvera sa chambre. Sinon…
- Compris docteur. Merci mille fois.
Laura s’empressa d’aller voir Cher pour lui annoncer la bonne nouvelle :
- Super ! s’exclama-elle. Plus que deux semaines.
- Oui mais attention hein, pas le moindre faux pas.
- Compris, je pourrais pas avoir mon portable pour envoyer un ou deux messages. Depuis que je suis internée, on ne me l’a pas donné.
- Non, désolé mais le règlement l’interdit et je ne peux rien faire. Je t’ai déjà trop aidé, je suis sur la sellette et à la moindre nouvelle erreur, je suis virée.
- Ok, dans ce cas fait bien attention.
Cher aurait voulu envoyer un message à J-F, elle espérait qu’il pensait toujours à elle. Qu’en ce moment, il n’était pas en train de tourner autour d’autres filles. Il faut dire qu’elle était désormais peu attirante. Maigre comme un clou, le visage pale et le corps en morceaux. Elle se sentait si faible.
Au fond, s’il me trompe, je ne lui en voudrais pas… Après tout, c’est peut-être mieux pour lui. Quel intérêt aurait-il à rester avec moi dans l’état ou je suis ?
Elle ne se doutait pas à quel point ces craintes étaient justifiées et qu’en ce moment, une nouvelle page de leur histoire allait peut-être se tourner…
Les lèvres de Sarah étaient désormais en faces de miennes. Doucement, elle les rapprocha alors que j’étais contre l’accoudoir du canapé. Je n’esquissais toujours aucun geste. Puis, arriva le moment fatidique ou, à force de se rapprocher, nos lèvres se joignirent :
- Non ! m’exclamais-je.
Sarah se recula brusquement en sursautant, terrorisée par ma réaction pour le moins inattendue. J’étais en sueur :
- Non, je ne peux pas…
- Mais si tu peux.
Sarah joignit le geste à la parole et rapprocha à nouveau ses lèvres des miennes :
- Arrête Sarah, tu ne comprends pas. J’aime déjà quelqu’un.
- Une fille que tu ne retrouveras plus jamais pareil et qui en plus est folle, tu ne crois pas que tu mériterais mieux ?
- Comment sais-tu tout cela ?
- Le livre en français était tellement passionnant l’autre fois que tu as préférée me raconter toute l’histoire.
- Je ne sais pas… Je ne peux pas la trahir, elle va s’en sortir.
- Arrête de t’accrocher à elle. Tourne la page.
- Pars Sarah dis-je le plus calmement du monde.
- Pardon ?
- Pars Sarah !
- Je sais que tu ne me résisteras pas longtemps. Et n’oublie pas que désormais, je SAIS moi aussi.
- Va te faire foutre !
Et Sarah partie sans ajouter un mot, l’air triste. Elle se retourna une dernière fois alors qu’une larme coulait le long de sa joue :
- J’aurais franchement crue que ça aurait marché entre toi et moi.
- Oui, ça aurait pu… ajoutais-je pensif…
Je la voyais partir en fermant la porte derrière elle. Je restais sur le fauteuil pensif. Se pourrait-il que j’ai laissé passer ma chance ? Peut-être n’aurais-je pas du reculer. Et après…
Je fus tout à coup pris d’une violente envie de rejoindre Sarah. Il faisait encore chaud et jour dehors. Je me précipitais en espérant qu’elle ne soit pas encore trop tard. J’enfilais une paire de basket et sortit dans la rue. Sarah avait visiblement pris tout son temps, espérant peut-être mon retour et elle était seulement en train de retirer l’antivol sur son vélo.
Quand elle me vit, elle sourit et comprit tout à coup. Elle se rapprocha de moi en même temps que je continuais d’avancer dans sa direction. La rue était déserte. Seuls quelques oiseaux volaient au dessus de nos têtes. Le vent faisait légèrement tremblait les feuilles. C’était une belle soirée de septembre.
Plus question de retourner en arrière désormais, quelque soient les conséquences, je les accepterai. Doucement, je pris Sarah dans mes bras. Elle se laissa faire et fit un large sourire :
- Tu avais raison, ça va marcher entre toi et moi dis-je.
Elle rapprocha ces lèvres des miennes et je n’esquissais ce coup-ci aucun geste de recul, savourant pleinement ce moment.
- Tiens j’ai finalement réussir à obtenir ton portable. Mais dépêches-toi que personne ne te surprenne.
- Tu es adorable Laura. Mille fois merci, je ferais vite. :)
Cher envoya simplement un message à une personne et redonna le portable à Laura en la remerciant encore.
Alors que je desserrais mon étreinte, mon portable bippa. C’était un message de Cher me rappelant brutalement à la dure réalité après ce moment de flottement.
« Je retournerais dans ma chambre dans deux semaines. Je t’aime très fort et ne cesse de penser à toi <3
Cher »
J’étais désormais partagé entre la culpabilité et le bonheur, une sensation de bienveillance et à la foi de trahison. Que faire désormais ? Ce n’était qu’un baiser après tout… Sarah me regardait longuement :
- Qui était-ce demanda-elle ?
- Personne dis-je en effaçant le message. Juste pour dire que le crédit à été renouvelé.
- L’excuse que tout le monde sort quand on ne veut pas avouer que l’on a reçu un message…
- Exactement et c’est ce que je fais.
- Tu fais quoi ce soir ?
- Rien de spécial et toi ?
- Si nous nous arrangions pour la rendre un peu plus spéciale, cette soirée dit-elle en m’embrassant.
Je ne savais plus vraiment ce que je faisais, n’était plus maître de mes mouvements. Je ressentais la même chose lorsque j’avais trompé Sonia pour Cher. Quelle horrible sensation.
Il allait falloir à nouveau me sortir de ce mauvais pas avec le plus de diplomatie possible.
Cher ou Sarah ?
Sarah ou Cher ?
Une nouvelle semaine commence. J’arrive de bonne heure au lycée car mon père a un chantier pas loin et il doit commencer rapidement. Je suis donc un des premiers et j’ai une heure à attendre avant le début des cours.
Un quart d’heure après moi, Sarah arrive. Difficile de ne pas soutenir son si beau regard. Elle dépose sa valise à la bagagerie et se dépêche de me rejoindre alors que je feins de l’ignorer pour l’amuser. Elle rigole et se pends à mon cou :
- Arrête, il ne faut pas que les autres nous vois ensemble lui dis-je.
- Pourquoi donc ?
- Je ne sais pas, je ne suis pas près.
- Alors profitons un peu pendant qu’il n’y à personne.
Elle m’embrassa et m’entraîna à l’intérieur du bâtiment dans un coin plus tranquille près des toilettes :
- Hum, je te croyais plus romantique que ça dis-je ironiquement.
- L’amour n’a pas d’odeur me susurra-elle à l’oreille en m’embrassant.
J’appréciais ce petit moment d’intimité jusqu’à ce que la sonnerie retentisse. C’était l’heure d’aller en maths. Nous arrivions ensemble avec Sarah si bien que certains commençaient déjà à se poser des questions :
- Ne me dis pas que tu sors avec Sarah me dit Arthur.
- Je vous jure que je n’ai pas eu de relations sexuelles avec cette jeune femme dis-je avec une voix de pervers.
- Intéressez vous plutôt à l’hyperbole 1/x qu’à vos relations sexuelles plutôt primaires ma foi dit le prof’ de maths qui venait d’arriver dans notre dos.
- Vous êtes célibataires affirma Norbert au prof’ de maths.
- Non, il adore dire des mots d’amour à sa calculette dit Paul.
Les rires fusèrent dans le couloir devant ce prof’ qui ne parvenait pas à se faire respecter. Il avait la quarantaine, un début de calvitie et l’œil sévère mais dans le fond, c’était une victime sans doute depuis sa plus tendre enfance :
- Mr. Pôl dit-il avec son accent du Sud.
- Nan, Paul. Paul articula-il pour mieux se moquer de lui. Apprenez à parler français avant de critiquer.
Las, le professeur abandonna l’occasion de coller Paul et nous fit entrer dans la classe. « Et en silence je vous prie » dit-il alors que les bruits se faisaient de plus en plus nombreux.
La journée passa, une journée somme toute ordinaire. Je comptais sur la soirée à l’internat pour pimenter un peu le tout. Avec les esprits tordus que comptaient mon lycée, chaque soirée était unique en son genre.
Le surveillant venait d’ouvrir les portes de chaque chambre. Nous étions « censés » être en étude en chambre. Je dis bien censé car sitôt que le surveillant était parti dans l’autre aile (l’internat était en forme de C avec un couloir central et deux ailes sur les côtés), le côté primaire de l’être humain refaisait surface :
- Deux volontaires pour le combat de singe dit Kevin avec un ton professoral.
Ce fut Quentin et Norbert qui s’avancèrent alors que tout le monde commençait déjà à être plié de rire.
Le principe de ce jeu parfaitement débile consistait à se comporter comme des singes, donc, à se tenir sur ses phalanges et à se battre, comme un singe. Quentin s’avança vers le premier en poussant des cris de gorilles.
Le combat était bien engagé quand le surveillant arriva…
Dans l’internat des filles, Laura & Sarah partageaient la même chambre :
- J’ai l’impression que t’as réussi dis Laura.
- Oui, mais tu sais il me plaît vraiment.
- Tant mieux alors mais n’oublie pas que tu as une dette envers moi.
- Et quelle dette… soupira Sarah en regardant la fenêtre.
- Qu’est-ce-que c’est que ce bordel ! s’écria le surveillant.
Tout le monde rentra dans sa chambre en moins de deux secondes. Impossible de punir tout le monde bien entendu et le surveillant retourna, résigné dans sa chambre. Je fermais la porte de ma chambre. C’est que je devais quand même bosser un peu. Demain, il y avait DS d’histoire avec Mr.Ramet et je doute que le contrôle soit d’un point de vue totalement neutre d’autant plus qu’il est sur la 1ère Guerre Mondiale.
Je lisais la conclusion « Les allemands ont manqué de chance et cette victoire fut sans saveur pour les troupes française ». Je laissais tomber l’histoire, m’allongea sur mon lit, mettait mes écouteurs et ferma les yeux.
Je fus réveillé par une poubelle d’eau froide une heure plus tard alors que je dormais :
- Bande d’enfoiré ! Mes écouteurs.
- Tranquille. On te les à enlevé avant. On n’est pas con non plus me dit Pierre en rigolant.
Je n’appréciais pas particulièrement Pierre. Il était en STMG et avait vraiment une tête de con. Adepte des blagues stupides, c’était un petit caïd mais n’avait en réalité pas beaucoup d’amis :
- Toi tu vas morfler ce soir dis-je.
- Je serais avec ta mère donc tu passeras plus tard.
Il avait osé parler de … maman. Les larmes me montèrent subitement aux yeux mais je faisais tout pour les cacher. Je fus soudain empreint d’une rage soudaine envers cette ordure, cet enfoiré.
Je m’avançais vers lui et le plaquais avec force contre le mur. De la poussière tomba du plafond et je le fis basculer à la renverse. Il s’accrocha à ma manche et je tombais avec lui. Je le maintenais au sol et même s’il était plus fort que moi, j’avais pour l’instant l’avantage. Mais je ne voulais pas d’histoire et chercher davantage à l’impressionner qu’à lui faire du mal :
- Tu parles plus jamais de maman comme ça compris espèce de p’tite merde !
- Ok ok j’la prends par devant et par derrière. Excuse-moi. J’la baise tout les soirs. Je voulais pas te blesser. :
- Enfoiré !
Et je le frappais au visage de toutes mes forces. Il était sonné du choc et son nez était en train de pisser le sang. Il criait de douleur. Norbert & Paul, attirés par les cris vinrent dans la chambre :
- Putain qu’est ce qu’il s’est passé ? s’exclama Paul.
- Faut pas que le pion voit ça sinon vous êtes mort dit Norbert en se mordant les doigts.
Je me relevais en crachant au visage de Pierre. A coup de pieds, je l’emmenais dans le couloir et le laissait là, au milieu. Il retourna dans sa chambre sans rien demander de plus :
- Qu’est ce qu’il t’as pris de faire ça dit Norbert. Ca ne te ressemble pas.
- Il à insulté ma mère.
- Oh dit Quentin qui venait d’entrer à l’instant.
Pierre était un connard mais pas une balance non plus. Je savais qu’il n’allait pas me dénoncer. De toute façon, il aurait pris autant que moi alors…
Les filles continuaient de discuter dans leur chambre, tranquillement. Laura était allongée sur son lit fixant la loupiotte au dessus de sa tête. Sarah fixait l’internat des garçons en face et pouvait apercevoir quelques têtes qu’elle connaissait bien :
- Tu sais, je n’oublierais jamais ce que tu as fait pour moi Laura dit-elle en s’asseyant à côté d’elle.
- Je n’allais pas te laisser dans cet état quand même.
- Tu as eu le geste juste. Sans toi, je ne serais plus là…
- C’était il n’y à pas si longtemps en plus.
- Non, 4-5 ans. J’avais eu si peur ce jour là. J’étais restée une semaine à l’hôpital en examen.
- Oui ça s’est joué à quelques secondes.
- Depuis j’ai toujours peur que cela se reproduise. Ca pourrait arriver n’importe où, n’importe quand et je n’ai pas toujours quelqu’un à côté de moi…
12 février 2010, Sarah & Laura ont 13 ans :
- Je parie que j’arrive avant toi à l’arbre là bas dit Laura
- C’est loin mais d’accord. On parie quoi ?
- Je choisis le prochain film que l’on regardera.
- A trois.
Laura & Sarah avaient l’habitude d’aller courir ensemble, quelque soit le temps. En cette après-midi de février. La neige recouvrait encore les trottoirs et la brume avait recouvert la côte Atlantique. Pour rien au monde elles n’auraient renoncé à leur footing hebdomadaire. Elles s’étaient donc élancées, pas forcément consciente des risques que le corps humain encourait à courir par -5°C.
Jusque là, tout s’était bien passé. Les deux amies courraient tranquillement et malgré le peu de visibilité, la route était déserte comme souvent en cette saison :
- 3-2-1… dit Laura pour faire le compte à rebours.
- Partez.
Elles avaient l’habitude de finir par un petit sprint. C’était souvent Laura qui gagnait. Mais cette après-midi là, aucune des deux ne gagneraient.
Il y avait bien 100 mètres jusqu’à l’arbre. Les deux amies s’élancèrent et rapidement, ce fut Laura qui vira en tête. Comme souvent, Sarah décrocha rapidement et Laura fut la première à atteindre l’arbre. L’ennui, c’est que Sarah n’arriva pas. En vérité, elle n’atteindra jamais l’arbre.
Inquiète, Laura rebroussa chemin. Elle appela son ami mais personne ne répondit :
- Sarah, Sarah. Réponds moi je t’en prie !
Elle n’eut pour toute réponse que le vent glacial qui venait lui fouetter le visage. Elle ne voyait pas à deux mètres dans cette purée de poix. Elle vit la petite ouverture dans le muret d’où elles avaient débuté la course. Toujours pas de Sarah. Elle distinguait l’arbre et refaisait à nouveau en sens inverse exactement le même chemin qu’elle avait parcouru en courant.
A peu près à mi-chemin, elle distinguait une silhouette allongée par terre. Elle fut soulagée, ça ne pouvait être personne d’autre que Sarah :
- Alors, on faisait la sieste s’exclama-elle en rigolant. Tu sais que tu m’as fait drôlement peur.
Toujours pas de réponse. Elle se dirigea vers la silhouette en question. C’était bien Sarah mais son corps était inerte. Elle bougeait encore ses yeux et toussait fréquemment. Elle transpirait ce qui n’était pas normal compte tenu du temps. Laura était désemparée et ne savait pas trop quoi faire dans ce genre de situation.
Elle apprit plus tard que Sarah avait fait une crise d’asthme. Cela était du au grand froid de la saison et il n’était pas conseillé pour des coureurs amateurs de sortir par ce temps.
Pour le moment, Laura essaya de se remémorer mentalement ce qu’elle avait appris sur comment procurer les premiers secours. Aucune d’eux n’avaient pris de portable. Elle devrait donc s’en sortir toute seule. Elle installa Sarah sur la chaussée en position assise. Sarah avait un teint désormais livide et avait toujours autant de mal à respirer. Elle n’avait pas de médicaments à prendre et n’avait plus qu’à attendre et espérer. Laura la rassura du mieux qu’elle pu :
- Calme-toi, respire. Ca va aller.
Quelques minutes plus tard, Sarah perdit connaissance. Laura prit sa main en catastrophe mais aucune réaction. Elle ne connaissait alors qu’une solution, le bouche à bouche.
Elle bascula délicatement la tête de Sarah en arrière et éleva son menton. Elle pratiqua deux insufflations rapides. Rien !
Putain s’exclama Laura.
Elle recommence une seconde fois. Elle prit le pouls de Sarah. Il battait faiblement mais Sarah ne s’était toujours pas réveillée. Elles étaient en rase campagne, impossible d’appeler du secours.
Laura attendit, attendit et attendit encore.
Au bout d’une demi-heure d’attente, alors qu’elle n’y croyait plus et commencer à se résigner, Sarah ouvrit les yeux. Les yeux de Laura devinrent brillants. Elle ria et pleura, elle pleurait de joie et serra Sarah dans ses bras qui ne savait plus très bien ou elle était. Elle avait très froid et ses lèvres étaient violettes. Laura la réchauffa du mieux qu’elle pu. Encore faible, Sarah s’appuya sur les épaules de son amie et au pris de périlleux efforts, rentrèrent à la maison.
Une batterie d’examen plus tard, les médecins en avaient déduit que Sarah avait fait une crise d’asthme.
Et depuis, plus rien. A nouveau, la vie…
Florian venait d’éteindre la lumière. Je repensais aussi à Laura. Il faudrait que j’aille lui parler. Je l’avais rencontré au camping en vacances, il y a 5ans de cela. Elle était dans la tente en face de la mienne. La première fois que je l’avais vu, j’avais eu un choc. Je n’arrêtais pas de la regarder. Nous nous étions parlés, étions devenus amis et avons beaucoup partagés durant ces deux semaines mais cela c’était arrêté là, ce que je regrette d’ailleurs.
Laura était assez grande pour une fille, d’origine italienne avec une longue chevelure noire. Ses yeux marron contrastaient avec la blancheur de sa peau. Son père travailler pour une sorte d’association mais elle n’avait pas voulue m’en dire plus, je ne sais pas trop pourquoi d’ailleurs mais j’imagine qu’elle avait ses raisons…
Enfin bref, il était peut-être temps de reprendre contact avec elle et d’arrêter de me comporter comme si c’était une inconnue.
On était déjà jeudi. Je n’avais pas encore trouvé le temps de parler à Laura. C’était stupide, elle était dans ma classe quand même. Je ne sais pas pourquoi je butais autant à aller lui parler. Je dois avouer qu’elle m’intimidait quelque peu. En plus, elle traînait tout le temps avec Sarah.
C’est le moment, Laura est toute seule, en train d’attendre dans la queue du self. Je lâche mes potes qui croient déjà que je vais draguer… Quelle bande de gamins des fois.
Elle me voit arriver et désormais, je ne peux plus reculer :
- Salut dit-elle.
- Salut, ça fait longtemps non ?
- Cinq ans…
- J’ai souvent pensé à toi confessa-elle.
- Ah bon ? répondis-je un peu étonné.
- Oui, tu manges avec moi ce midi ?
- Je crois que oui sinon je ne serais pas venu.
- Alors comme ça tu sors avec Sarah ?
- Il est encore trop tôt pour le dire…
- Je pense que ça durera. En fait, j’en suis persuadée…
Je me demandais ce que signifiait cette dernière phrase un peu énigmatique mais la discussion continua sur des sujets plus futiles. Au bout d’une demi-heure d’attente, nous étions enfin assis à table. Il fallait ensuite se rendre en cours avec Mr.Ramet qui devait nous rendre les contrôles sur la 1ère Guerre Mondiale :
- Tu penses avoir réussi me demanda Sarah.
- On verra… Je ne sais pas comment ce prof no..
- Et bien je dois avouer que les résultats sont assez catastrophiques m’interrompit le prof. J’attendais que la leçon soit bien apprise et vous me sortez des choses complètement à côté du sujet ou qui sont en tout cas de votre interprétation. J’aimerais que votre point de vue soit neutre et que vous ne preniez pas partie pour la France à l’avenir.
- Bon ben j’ai raté dis-je à Sarah.
- Comme tout le monde je crois…
- Arthur 5/20. Non la France n’a pas mérité de gagner cette guerre. Isaam 7/20. Vous avez oubliez de mentionner à de nombreuses reprises que les allemands n’ont pas eu de chances. Sarah 8.5/20. Vous auriez davantage du vanter l’intelligence des allemands sur le plan stratégique. Jean-Freud 9.5/20. On frôle la moyenne mais certains points comme la bataille de Verdun gagnée par les français n’auraient pas du être mentionnée. Paul 10/20. N’oubliez pas de seulement mentionner les victoires allemandes en étayant vos propos. […] Et pour finir Franz 18/20. Excellent contrôle en toute neutralité. Vous avez cité le mot « France » une fois et « Victoire Allemande » 58 fois. Continuez comme cela.
Je n’aurais pas de mot pour décrire la tête de mes camarades et de moi-même après cette remise des copies qui nous laissa, il faut le dire sur le cul.
De nombreux regards menaçants furent jetés vers Franz qui venait surement de comprendre qu’il «allait prendre cher » à l’internat.
- Et voilà, contente de retrouver ta chambre.
Cher venait de retourner dans sa chambre. Elle avait été déclarée saine d’esprit par le docteur chef de l’hôpital. Désormais, elle restait persuadée que tout irait bien :
- Au fait, il y à eu un truc important la semaine dernière dit Loïc. Un corps à été retrouvé sur une plage en Bretagne. Ils ont réussi à l’identifier mais impossible de trouver quelconques coupables.
Le visage de Cher devint subitement livide :
- Oh Loïc t’es con ! dit Laura. Elle vient à peine de retrouver sa chambre pas la peine de la chambouler…
- Et ils viennent de retrouver un couteau aujourd’hui apparemment ajouta Loïc en sortant…
Juste après que Laura quitta à son tour la chambre, Cher tomba dans les pommes.
Samedi soir, chez Laura :
- Bon, cet homme retrouvé sur la plage. C’est bien notre homme ?
- En fait non, c’était une fausse piste.
- C’est donc inutile de le garder près de nous vu qu’ils n’ont pas tué le bon homme…
- On ne sait jamais. Il pourrait nous être utile et à l’air facilement manipulable.
- Je pense justement le contraire dit Laura
- Fait comme tu le sens, tu les connais mieux que moi…
- Il faudra le liquider à un moment ou un autre de toute façon…
- Oui, même si cette histoire remonte à longtemps. Il n’aurait jamais du découvrir cela.
- S’en souvient-il seulement encore ?
- Seul lui le sait…
- Cette histoire doit-être réglée avant la fin de l’année.
- Je veux que ce soit moi qui le tue ! s’exclama Laura.
- Je ne voulais pas t’impliquer autant. Je veux te protéger Laura. Pourquoi tiens-tu tant à jouer avec le feu ?
- Parce que j’aime ça !
- Pour l’instant, continues de te rapprocher de lui. Fait le avouer si possible…
Enfin le week-end. J’avais répondu à Cher entretemps et avait promis de lui rendre visite samedi après-midi. Pourrais-je encore la regarder droit dans les yeux après ce que je lui ai fait. Et Sarah qui avait insisté pour m’accompagner et faire sa connaissance. Décidément, tout cela n’arrive qu’à moi…
Je savais au fond de moi que ce n’était pas une bonne idée de l’amener mais sur le moment, je n’avais pas eu le temps de dire non qu’elle venait de m’enlacer et de m’embrasser tendrement.
Le lendemain, il est 13h00 quand je m’apprête à prendre le bus. J’espère secrètement que Sarah ne viendrait pas, cela m’éviterait de lui faire de la peine. Elle arrive juste avant le bus :
- J’ai hâte d’aller à Nantes, je n’y suis jamais allé alors que ca n’est pas si loin… me dit-elle en m’embrassant.
- Non Sarah, moi j’y vais mais pas toi.
- De quoi ? Je ne te comprends pas là… dit-elle incrédule.
- J’irais voir Cher tout seul. Je ne veux pas que vous vous rencontriez.
- Et pourquoi ? Ca lui ferait peut-être plaisir de voir d’autres personnes, des filles de son âge.
- N’insiste pas Sarah, j’ai dit non. Tu peux rester ici, aller te balader dans Nantes mais tu ne viens pas avec moi.
- Si l’on ne fait pas les choses ensembles, il est peut-être préférable d’en rester là.
Je tentais de me rapprocher d’elle et de la prendre dans les bras mais elle me repoussa :
- Attends… Sarah criais-je.
Je parlais dans le vide et le bus arrivait. Je ne savais pas trop quoi faire, le prendre et aller voir Cher ou rejoindre Sarah et tenter de rattraper ma maladresse. Dans les deux cas, ça ne pouvait bien finir de toute façon.
Bon, pile, tu prends ce putain de bus et tu vas voir Cher.
Face, tu vas rejoindre Sarah et tu passes l’après-midi avec elle.
Face. Bon une deuxième fois…
Pile.
Je monte finalement dans le bus bien conscient que je ne prendrais peut-être plus jamais Sarah dans mes bras. Dans un sens, ce n’était peut-être pas plus mal…
A plusieurs reprises, j’avais songé à redescendre aux arrêts suivants pendant que je n’étais encore pas trop loin de Sarah mais j’étais resté accroché à mon siège. Je devais voir Cher.
C’était trop dur, si j’allais voir Cher je devais tout lui avouer. Je me sentirais mal de lui cacher cela. Après tout ce que nous avons vécus ensemble, ce qu’il s’est passé entre nous, je n’avais pas le droit de lui faire ça.
Il était 15h00 quand j’arrivais à l’hôpital. Je pénétrais dans le hall ou ça faisait un moment que je n’étais pas venu. La dernière fois, ça s’était plutôt mal passé d’ailleurs :
- Bonjour, je viens voir Cher.
- Chambre 313 me dit la dame de l’accueil qui avait encore changée.
Je me trouvais devant la porte. Derrière se trouvait Cher, surement folle de joie de me voir et moi, j’allais la briser en deux. Comme si elle n’avait pas assez subie comme ça. Mais ne rien lui dire et entretenir le mensonge serait sans doute pire.
Je pris une grande inspiration, entrait dans la pièce et vit Cher sur son lit, en train de feuilleter un magazine anglais :
- Oh, je suis si contente de te voir s’exclama-elle.
Je ne pourrais pas l’embrasser, pas la serrer dans mes bras avant de lui avoir dit la vérité :
- Je t’ai trompé lâchais-je d’un ton rapide.
OH LE CON ! Pensais-je sur le coup :
- Je m’en doutais presque … m’avoua-elle en faisant un demi-sourire
- Comment ? répliquais-je ébahi.
- Il faut dire que je ne suis plus si attirante que cela…
- Ne dis pas ça. Tu es toujours aussi magnifique à mes yeux…
- Alors pourquoi être sorti avec une autre fille répliqua-elle du tac o tac.
Touché…
- Alors, qu’on dit les médecins dis-je.
- Je vois bien que tu cherches à éviter le sujet dit-elle lucide. Mais ce n’est pas grave, on n’aura tout le temps d’en reparler plus tard. Sinon, je suis saine d’esprit, mes blessures se guérissent bien. Je pourrais commencer la rééducation dans un mois et remarcher pour Noël à peu près, ils ne savent pas trop encore.
- J’espère que désormais, tout vas bien se passer.
- Oui, et dès la semaine prochaine, un professeur particulier viendra me faire cours normalement pour que je n’accumule pas trop de retard au niveau scolaire.
- Quand reviendras-tu au lycée ?
- Je ne sais pas trop mais tu as trouvé une autre présence féminine pour combler mon manque vraisemblablement.
- Arrête, ne dis pas ça, tout est fini entre elle & moi…
- Déjà. Tu vois bien que ça ne valait pas le coup jubilait-elle. Depuis combien de temps ?
- Je dirais entre 1h32 et 1h34 à peu près.
- Oh, c’est vraiment très récent alors… C’est quoi le motif de cette séparation ?
- Je t’aime…
Elle semblait satisfaite de cette réponse, courte mais sincère. J’étais jusque là resté assez distant d’elle, comme si c’était redevenu une étrangère. Je m’approchais pour la prendre dans mes bras mais elle me repoussa en souriant :
- Tu ne vas pas t’en tirer comme ça ! dit-elle sans rester sérieuse pour autant.
Je voyais bien dans son regard qu’elle mourrait d’envie de me prendre dans ses bras mais qu’elle cherchait en même temps à ne pas pardonner aussi facilement cette infidélité. Je me rassis sur ma chaise et tenter de me rapprocher à petit pas pour saisir sa main.
Elle ne dit rien ce coup-ci et je considérais que c’était déjà cela de gagné. Un grand silence s’installait dans la pièce et Cher se sentit obligé de le briser en abordant un sujet désormais douloureux :
- Comment s’appelle-elle ?
- Qui ça ?
- Ton ex- !
- Et si on passait à autre chose maintenant ?
- Justement, si c’est fini, tu peux m’en parler s’en crainte.
Décidément, elle était douée pour les discussions délicates. Elle arrivait toujours à me mettre mal à l’aise et je dois avouer qu’il n’y avait pas de doute, elle avait bien retrouvée toute sa tête :
- Sarah…
- Jolie ?
- Disons qu’elle n’était pas dégueulasse.
- OK. Bon je vais arrêter de te torturer comme ça sinon tu voudras plus jamais revenir me rendre visite rigola-elle.
Je ne voyais pas très clair dans son jeu. M’avait-elle pardonné ou cherchait-elle au contraire à me piéger. Un nouveau silence s’installa, ça faisait déjà une heure que j’étais ici et je n’arrivais plus à converser avec Cher comme auparavant. Quelque chose s’était envolé, mais quoi ? :
- Tu as regardé les infos’ dernièrement lui demandais-je.
- Tu vois une TV ici ?
- Question stupide… Bref, accroche-toi. Ils ont retrouvé le corps.
- Je sais tout ça. Et même le couteau dit-elle d’un calme étonnant.
Je ne posais même pas de question à savoir comment elle avait su tout cela :
- Que va-on faire ?
- Garder notre calme. Ne rien faire de suspect. Continuer à vivre normalement.
- Tu m’as l’air étonnement sereine.
- Après ce que j’ai enduré, faut bien.
Je décidais d’en rester là. Je partis et alors que j’étais déjà dans le couloir, Cher m’interpella au moment ou je refermais la porte :
- Tu ne m’embrasses donc pas… dit-elle en souriant
Nouvelle semaine. Je m’attendais déjà en arrivant à avoir à soutenir le regard réprobateur de Sarah. Je n’avais reçu aucun message d’elle ce week-end. En revanche, j’en avais reçu des nombreux de Cher…
J’arrivais en avance comme d’habitude. Mais pas assez, Sarah était déjà sous la devanture de la bagagerie, en train d’envoyer des SMS sur son portable. Je passais d’elle en l’ignorant mais ça voix me rattrapa et me glaça le sang :
- Tu l’as toujours aimé pas vrai …
Je me retournais et nos regards se croisèrent. Je pouvais voir les regrets, la tristesse dans ses yeux. Je ne savais que trop répondre car moi-même, je n’avais pas la réponse… :
- Je ne sais pas Sarah… Et puis, qu’est-ce-que ça change maintenant ?
- Mais ça changes tout ! Si tu ne m’aimais pas, il ne fallait pas sortir avec moi juste pour me faire plaisir. Tu m’as fait encore plus de mal.
Sur le moment, je me sentais un peu honteux. Sarah semblait bouillir intérieurement. Comme un symbole, elle mit son portable bien à plat de façon à ce que je vois ce qu’elle fit et elle m’effaça de ses contacts :
- Ne m’adresse plus jamais la parole dit-elle au bord des larmes.
- Tu vas pas tenir le coup en histoire… dis-je pour détendre l’atmosphère.
- Ya des moments pour faire des blagues ! Là, c’était pas le moment s’emporta-elle.
Je préférais ne pas insister et repartit vaincu, comme une victime. Décidément, les cours d’histoire seraient longs, très longs…
En effet nous avions cours à 14h30 avec le très célèbre Mr.Ramet. D’ailleurs, nous apprenions sur lui quelque chose de taille aujourd’hui. En entrant dans la salle alors que nous venions nous même d’entrer, un prof demanda à Mr.Ramet un tube de colle :
- Bonjour Adolphe. Excuse-moi mais pourrais-je avoir ton tube de colle.
- Doux jésus je t’ai dit de ne jamais m’appeler par mon prénom !
Trop tard. Tout le monde rigole aux éclats. Cette révélation est énorme. Ce prof’ vient d’être rangé dans la catégorie de « victime ».
Le reste de l’heure fut hilarant. Le prof était tout le temps appelé par son prénom. Nous faisions cours sur la 2nde Guerre Mondiale et le moment était propice pour faire quelques blagues, pas forcément politiquement correct et je ne les citerais donc pas pour éviter certaines représailles…
Les jours passèrent. Nous étions jeudi. Ce jeudi me resterait dans la mémoire comme une rencontre, avec une personne, que je pensais connaître mais qui s’avérait être plus mystérieuse que je ne le pensais…
Ce midi, je déjeunais avec Laura. Nous nous parlions beaucoup depuis et étions devenus proches. Comment connaissait-elle à ce point mon passé. Quand elle me posa cette question alors que la conversation était agréable, je sus qu’elle savait… Même si j’ignorais comment elle avait été mise au courant :
- 10 octobre 2010. Un jour comme les autres non balança-elle au beau milieu de la conversation.
- Je ne te suis pas Laura…
- Il ne s’est pas passé quelque chose de … spécial ce jour là ?
Elle fit un léger sourire en coin. Les souvenirs remontaient sans que je ne le veuille forcément. Trop tard, je revois toute la scène dans les moindres détails. Impossible d’oublier ce 10/10/10…
« 10 octobre 2010, j’ai 13 ans. Je suis allé passer la journée chez un vieux pote de collège. Je devais rentrer avant que la nuit tombe mais je n’avais pas suivi les recommandations de mon père. Nous n’avions pas vu l’heure passer et c’est finalement après le troisième appel de mon père que je reprends le chemin de la maison. Il est déjà 20 heures. Quand je sors de chez Valentin, qui est mon pote, je me souviens qu’il m’a dit :
- Tu es sur que tu ne veux pas que je revienne avec toi ? Ce serait plus prudent non ?
- C’est bon t’inquiètes. J’ai juste la rue à descendre. Que veux-tu qu’il m’arrive…
- Il peut tout arriver tu sais.
- Tu lis trop de livres.
- Et toi, probablement pas assez…
Je quittais mon pote sur ce débat philosophique et commençait à descendre la rue. Le froid était tombé en même temps que la nuit. Je n’avais qu’un gilet et je dois avouer que l’ambiance était assez inquiétante. Le vent soufflait dans les feuilles des arbres. Valentin habitait en haut de la rue par rapport à moi et il y avait bien 500 mètres à parcourir. Cette distance me parut une éternité. A mi-chemin, je ripais sur le bord du trottoir et me rétama sur la route goudronnée. Je n’avais qu’un bermuda et le genou ensanglanté. Je devais finir le trajet en boitant.
Avant de tourner pour descendre la rue qui menait à ma maison, je passais devant un parc communal. Un petit chemin permettait de le traverser et de débarquer sur une autre rue à l’opposé. Les arbres et buissons étaient omniprésents. C’est à ce moment que j’entendis une voix. Le parc était assez éloigné des maisons et personnes aux alentours appart une personne s’aventurant dans la rue n’aurait pu entendre ce que j’ai entendu. Et puis, il n’y avait pas grand monde qui se promenait encore à 20 heures un 10 octobre dans la rue…
Piqué par la curiosité, j’aurais du renoncer à remonter le petit chemin qui traversait le parc de long en large. A mesure que j’avançais, les voix devenaient plus claires. Ils parlaient français, mais avec un léger accent italien…
Je continuais d’avancer, sans pour autant voir les personnes en questions. Au bout d’un moment, j’aperçus une source de lumière. C’était les phares d’une voiture. Sauf que les voitures n’avaient pas le droit d’entrer dans le parc mais visiblement, nos visiteurs nocturnes n’en avaient rien à faire.
Assis sur le capot de leur Maserati, deux hommes en costard-cravate et lunettes de soleil (pourquoi avaient-il des lunettes de soleil alors qu’il faisait nuit noir, je ne le saurais jamais) étaient en train de fumer une cigarette, se la passant à tour de rôle. Moi, je m’étais caché derrière un buisson bien touffu et grâce aux trous à l’intérieur de celui-ci et des phares de la voiture, je pouvais observer toute la scène mais ne pouvait pas être vu.
Je voulais savoir le fin mot de l’histoire, pourquoi ces hommes, à l’accent italien, avec des lunettes de soleil, étaient rentrés en voiture dans ce parc ?
Un des deux hommes écrasa sa cigarette par terre avec son pied et dit :
- Bon, faut finir le boulot que le patron nous a donné.
- Pourquoi avoir donné un tel lieu pour ça ? demanda l’autre qui était beaucoup plus jeune.
- C’est un symbole. Il y à déjà eu une vieille histoire ici, il y a longtemps.
- Personne ne viendra ?
- C’est un p’tit village de campagne ou tout le monde dort à 19h00… Et les habitations sont très éloignées. Ils n’entendront rien.
Le plus jeune semblait un peu stressé et perdait son sang-froid. Il ne tenait plus en place alors que le plus vieux, qui visiblement avait de l’expérience restait calme et impassible. Il avait la classe, avec ses cheveux impeccablement plaqués sur le côté et son chapeau noir. Tout était mystérieux chez ses deux personnages.
Finalement, le plus vieux se dirigea vers le coffre de la voiture, l’ouvrit et sortit… un homme ! Cet homme était bâillonné et solidement ficelé. Il n’émettait aucun signe de résistance. A ce moment, je me rendis compte que j’étais au beau milieu d’un règlement de compte. J’aurais pu m’enfuir tout de suite mais c’était trop risqué. Ils auraient pu m’entendre. Je décidais donc de rester là, à patienter.
L’homme fut amené à côté de la voiture et le plus vieux lui retira le foulard qui l’empêchait de parler :
- Une dernière parole, ou dernière volonté dit le vieux en ricanant.
- Ne touchait pas à ma femme implorait l’homme. Laissez Monica tranquille.
- Tu n’as pas une autre volonté. J’ai bien peur qu’on ne puisse pas respecter celle-là dit le vieil homme en faisant face au pauvre hère attaché.
- Vous n’êtes que des enflures ! s’emporta l’homme
- Au moins autant que toi. Bon, on n’à pas toute la nuit et désolé, il n’y à pas de fanfare et de violon…
- Va t’faire foutre !
Le vieux ne releva pas l’insulte. Il en avait vu d’autres. Alors que le jeune restait en retrait, il sortit un pistolet de sa veste, le pointa en direction de l’homme qui restait calme face à la mort. Le coup partit et l’homme s’effondra par terre, mort… :
- Addio Luigi dit solennellement le vieux.
- Bon, on fait quoi maintenant s’impatienta le jeune.
- Tu connais les directives ! Tu creuses, tu enterres pendant que j’appelle le patron.
Il se faisait de plus en plus tard. Je n’avais pas bougé depuis une heure. Mon père devait être mort d’inquiétude mais moi, je me rongeais les ongles sans m’en rendre compte. J’étais crispé, je n’avais jamais autant eu peur de toute ma vie. Je transpirais et était sans doute d’une pâleur inquiétante.
C’est à ce moment que, le pire arriva, mon portable sonna, mon père… La réaction est immédiate. Le vieux se redresse alors que j’éteins mon portable en catastrophe. Il saisit son pistolet mais n’a put entendre d’où venait précisément le bruit. Il regarde toutefois avec insistance dans la direction du buisson ou je me cache. Il tire une balle, puis deux.
La première effleure ma tête et la seconde passa largement à côté de moi. Je pris alors une décision qui était un peu suicidaire mais je n’avais aucune envie de pourrir ici. Le genou encore ensanglanté, je me relevai et tapa un sprint monumental pour sortir du parc. Le vieux ne tarda pas à me repérer :
- Eh petit ! Reviens tout de suite !! s’énerva-il.
Il tira à nouveau, c’est alors qu’une balle effleura ma peau au niveau du genou. Ma douleur redoubla et, effrayé, je ne pu que boiter. Impossible pour eux de me poursuivre en voiture car les arbres étaient trop nombreux.
La pression retomba un peu alors que je me cachais derrière un arbre, faisant pression sur ma blessure. Quelques minutes après, je vis des torches qui balayaient le coin. Comment allais-je donc m’en sortir ?
Je pris une profonde inspiration et me cachait du mieux que je pus derrière un malheureux tronc d’arbre. Il faisait nuit noir et dans ce silence absolu, le moindre petit bruit s’entendait distinctement. Un écureuil passa à côté de moi et, incongru, resta planté devant moi debout sur ses deux pattes. Une autre fois, cette scène m’aurait attendrie mais ce n’était pas vraiment le moment…
L’un des deux malfaiteurs s’arrêta juste de l’autre côté de l’arbre ou j’étais caché. Il pissa contre le tronc en sifflotant. C’était le plus jeune et cela se voyait car le vieux gueula quelques secondes après :
- Mais t’es vraiment une tête de con ! On a autre chose à foutre. Faut retrouver ce mioche.
- Je crains qu’il n’ai déjà filé Dino.
- Et toi, tu commences à devenir trop emmerdant dit le vieux en s’avançant vers le jeune.
Ils étaient désormais tout les deux à quelques mètres de moi. Pas bouger, respirer le moins bruyamment possible.
Dino se mit devant le jeune et le désarma sous prétexte de vérifier si son flingue était bien chargé. Il le balança ensuite derrière lui et saisit le sien le pointant vers son collègue :
- Putain mais à quoi tu joues Dino ?
- Désolé mais les ordres sont les ordres. Le patron n’a pas confiance en toi et moi-même, je te trouve un peu chiant.
- Tu déconnes dit le jeune comme pour se rassurer. Oui c’est ça tu plaisantes Dino.
- On ne plaisante jamais dans le milieu dit froidement Dino.
Et d’une balle en pleine tête, il abattit le jeune qui s’écroula contre le tronc d’arbre. Dino prit le corps et le ramena près de la voiture. Il semblait m’avoir complètement oublié.
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