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Sunrise


Par : Sheyne
Genre : Action, Polar
Statut : C'est compliqué



Chapitre 29 : Chapitre 16 - 1/1


Publié le 18/01/2014 à 21:29:17 par Sheyne

 
« Je vous l'avais dit que ça finirait par se savoir.»

Grave, mais respectueuse, puissante, mais aimable, la voix avait envahi la pièce de cette vérité solennelle. La cinquantaine bien taillée derrière sa cravate de jade écume, Elvin semblait porter toute la tristesse du monde ; ils avaient laissé filer l'information.
En même temps... il est vrai qu'une chose comme celle-là ne peut jamais rester inconnue du public bien longtemps. Il n'empêche que le soulèvement civil allait virer à l'émeute. Et si émeutes il y a... cela causerait des milliers de morts inutiles... Et quoiqu'ils puissent dire, ça, c'était bien leur faute.

« Fermez la porte»

Levant la tête de son ordinateur, le directeur le transperça des yeux. Depuis cinq ans qu'ils se connaissaient, jamais son regard n'avait paru aussi puissant et lourd de conséquences. Peut-être était-ce le poids des remords, le temps des regrets... Ou bien était-ce la puissance de son incommensurable ambition ? Avec ce qu'ils étaient en train de faire, on avait de quoi douter.
Quoi qu'il en soit, lorsque le claquement des battants retentit dans le fond de la salle, un petit sourire en coin naquit sur ses lèvres :

« Dites-moi tout... Entama-t-il, amusé. Me prenez-vous pour un benêt ?
— Jacque...
— Mr le directeur, je vous prie.»

Mal à l'aise, Elvin détourna le regard, ne pouvant soutenir celui-ci plus longtemps. Depuis quelques jours, son mal-être constant, et sa manière d'être ainsi touché par les événements exasperait son chef. Ça se sentait ; sans doute la peur de ce qu'il voyait en son second le poussait à instaurer de la distance... Celui-ci espérait juste que son comportement ne laisse pas penser à une quelconque trahison. Après tout, il fallait être un monstre pour ne pas être affecté par la tournure des événements.
Mais ces pures spéculations n'étaient absolument pas le sujet de cette conversation. D'une manière ou d'une autre, la population devait être calmée. Alors certes, une bonne partie de celle-ci ne croyait pas à cette histoire, et tant mieux pour eux, mais une foule en colère ne pourrait qu'aller en contresens de leurs plans.

« Mr le directeur.
— Bien, enchaina celui-ci en se grattant le crâne d'un air pensif, continuez. Quel est votre problème ?
— V... Vous voulez rire ?! J'ai appelé l'Élysée en France en suivant vos consignes. Comme vous pouvez vous en douter... le président n'à pas, mais pas du tout apprécié... Ils construisent des fusées et des abris antiatomiques en plein centre-ville maintenant. Du coup, l'information est remontée jusqu'ici, et déjà la foule se soulève. Je vous le dis, c'est le chaos, là dehors ! Et tout ça, c'est entièrement à cause de nous !
— Et la Russie ?»

La Russie... C'était aussi un souci. Lorsque la NASA les avait contactés la première fois, afin de leur offrir des places à bord, ils avaient bien sûr refusé. Mais maintenant, au lieu de changer d'avis comme tous les autres, résignés devant l'évidence, les Soviétiques montaient des cellules de pseudorecherches pour les contredire.
Enfin... Bien entendu, ce pays finirait par s'en mordre les doigts.

« Sauf votre respect, la Russie n'est pas le problème majeur.
— Mais vous allez arrêter !? Jacque Millhem se renfrogna dans son fauteuil. Pour qui vous prenez-vous ? Depuis le temps que cela se prépare, ne pensez-vous pas que tout a déjà été prévu ? Jamais je ne me serais permis d'agir de la sorte dans le cas contraire.»

Estomaqué, Elvin eut un mouvement de recul :

« Comment ça ? Vous voulez dire que le soulèvement fait partit de votre plan ?
— Pas en tant que tel.»

Un long soupir, à peine audible, précéda la suite de la conversation. Après tout, autant déballer maintenant la suite des événements :

« Voyez-vous, Elvin, au moins maintenant, nous n'avons plus à craindre de fuite. C'est donc un mal nécessaire. Mais cela ne durera pas éternellement.»

Pour appuyer ses propos, le directeur se leva lentement. Sous l'attente stoïque de son second, sa main alla tapoter un petit carton qui envahissait le bureau :

« Dès ce soir, et pour faire ça le plus discrètement possible, vous irez déposer ce paquet vous-même à la Maison-Blanche, pour qu'ils assurent sa redistribution. Cette... Chose est remplie de billets, qui seront distribués aléatoirement à travers tout le pays, afin de calmer la population.
— J'imagine que ce n'est que le premier d'une longue série, je me trompe ?
— Tout juste. Quelque chose vous tracasse, peut-être ?»

Pensif, le sous-directeur semblait en pleine réflexion. Il lui fallut un moment pour revenir à lui. Au bout de quelques secondes, lorsque son esprit redevint alerte, ce fut pour se perdre dans l'observation du carton. Finalement, une demande intéressée émergea du silence contemplatif :

« Je ne poserais pas la question de la place limitée dans la fusée, on sait tous deux que ce n'est aucunement là qu'est le souci ; la créer n'est pas un problème. Seulement, ces tickets sont déjà préparés. Ils sont donc déjà adressés ? J'en déduis que la distribution sera... “Aléatoire”.
— En effet. Aucunement étonné de la déduction, Jacque poursuivi d'un ton neutre. Ceux-ci sont pour les ministres, ainsi que leur famille proche.
— Entre nous, le risque est grand que ce soit découvert. Même si un véritable tirage au sort est impensable, peut-être vaudrait-il mieux le faire quand même, pour apaiser les gens. Quitte à s'arranger après coup pour que la cargaison de billets... disparaisse tragiquement. Cela aurait le mérite de détourner l'attention, et nous laisserait les mains libres.»

Fier de son idée, Elvin se décrispa. Au moins, ainsi, tout se déroulerait comme prévu. Les gens se calmeraient, et le plan initial n'aurait pas d'accroc. Un Nouveau Monde meilleur, voilà vers quoi son idéal le guidait.

« En faite...»

Interrompu dans ses pensées, le sous-directeur pencha la tête pour tendre l'oreille. Son supérieur tapait la table du revers de l'index. Une révélation au bord des lèvres, son ton assuré écrasa les doutes, d'une simple annonce :

« En faite, votre idée n’est pas mal du tout. Nous allons nous en servir pour choisir à qui les donner. Je clarifie : des billets non nominatifs, réellement distribués de manière aléatoire permettraient aux gens de faire “cadeau” de leur passe-droit... Vous suivez ?
— Quoi ?! Vous... Vous n'êtes pas sérieux ? J'aimerai que nous nous entendions sur un point, Jacque...
— Directeur ! Debout, l'homme éclata la table d'un coup de poing.
— Directeur... Seules les personnes importantes rentreront dans cette navette ! C'était les termes ! Après tout, quelqu'un qui n'a aucun pouvoir ne représente aucun intérêt... Il... Il ne paie même pas sa place...»

Le coeur battant, Elvin fut pris de vertige. Voilà qu'à la première idée proposée, les choses empiraient. Pourquoi est-ce qu'il n'avait pas pu... juste se la fermer ?
Plissant les yeux, son chef vint se rassoir, avant de joindre les mains sous son menton. Les deux coudes posés sur la table, l'oeil vif, sa voix perça à nouveau :

« Ne vous en faites pas pour ça ! Si la liste de distribution, avec les noms, arrive jusqu'aux médias, je ne pense pas qu'un seul de ces inutiles citoyens parvienne jusqu'à notre navette. Mieux même, nous avons enfin mis le doigt sur le moyen de débusquer les influents planqué dans l'ombre.
— C'est inhumain...
— Toute cette société est inhumaine. C'est un mal nécessaire. Je vais programmer une nouvelle distribution pour demain matin. Des billets un peu partout dans le monde. Enfin... N'oubliez pas ce carton avant de partir.
— Mal nécessaire... Sa voix siffla tout bas. Décidément, c'est votre nouveau crédo, hein ? »

Lorsque son second s'empara de la petite boite, le directeur s'illumina d'un sourire sadique, tout allait fichtrement bien. Qu'importe si celui-ci crevait dévoré par les remords, la raison finirait bientôt par le gagner. La construction en cours était, et resterait toujours la plus grande priorité.

« Une dernière chose, lança-t-il, tandis qu'Elvin quittait la pièce.
— Mmm ?
— Jolie cravate.»


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