Sunrise
Par : Sheyne
Genre : Action , Polar
Status : C'est compliqué
Note :
Chapitre 24
Chapitre 13 - 1/2
Publié le 15/01/14 à 18:48:22 par Sheyne
« Le soleil va exploser.. dans moins de quinze jours... »
Tel un terrifiant blizzard, ces froides paroles fondirent en contrebas, pénétrant dans les chaires, électrisant en un instant la foule, qui reposait, jusqu'ici, stoïque, dans l'amphithéâtre. Stupéfaite, celle-ci s'ébranla d'un même mouvement, ne pouvant y croire, refusant même d'envisager cette funeste vérité.
Quelques-uns se levèrent dans la ferme intention de quitter les lieux. D'autres secouaient la tête un mince sourire au bord des lèvres, riant de ce mensonge un peu trop gros.
Soudain, éclatant à travers le persistant bourdonnement et les cris déchirants, la voix du directeur de la Nasa s'éleva à nouveau. Aussitôt, elle fut accompagnée d'un sifflement contrôlé de son microphone, qui poussa la masse d'ingénieurs à se calmer vivement.
#
« Bien sûr, moi, à travers l'aération du plafond, je pouvais voir la scène dans sa totalité. Lawrence m'avait commandé de placer une puce électronique sur l'un des serveurs, afin d'en contrôler le flux. Mais passant devant un tel spectacle, je n'ai pu m'empêcher d'y perdre quelques minutes.»
Dans la grange, Mike posa ses yeux sur ce dernier, justifiant en un mot :
« Ce qui a fait que je sois en retard à notre rendez-vous ce matin. Enfin bref, le fait est que le dictateur euh... directeur, tenta de nous convaincre, beuglant comme un cinglé.»
#
« Non ! Cria-t-il durement. Je vous vois vous agiter, crier à l'imposture, cette réaction est compréhensible, mais je puis vous assurer de la véracité de notre situation ! Voici un peu moins de deux heures que nos plus brillants chercheurs, alertés par la puissance croissante du rayonnement de notre astre, ont remarqué de troublants changements dans son spectre lumineux... »
Il avait fallu moins de quelques secondes à Jacque Milhem pour capter toute l'attention de son auditoire. De son point de vue, la salle bondée était plus qu'impressionnante. Large de plusieurs dizaines de mètres, elle se classait parmi les plus grandes du siège de la Nasa, les plus imposantes de Washington même... Pour l'occasion, une vingtaine d'hommes veillaient, armes aux poings, au sommet de l'endroit. Tous les objets personnels avaient été confisqués. La sécurité était draconienne ; la débandade devait à tout prix être évitée.
« Vous vous doutez bien que si vous êtes tous là aujourd'hui, reprit-il sur un ton confident, tout en faisant face à son assistance, c'est qu'il existe une solution pour assurer la survie de notre savoir... Mais avant toute chose, voici Elvin Bled, sous-directeur, et chef de la fameuse équipe de chercheurs. Il vous présentera en détail les derniers constats ! »
#
« Lui, c'était le type qu'on a tous vu à la télé ces derniers jours. Vous savez le mec la cinquantaine bien taillée, stoïque, le regard puissant. Le type, qu'on sait pas pourquoi, il parait désolé de nous dire que tout va bien... Bah maintenant on sait pourquoi.»
Soufflant du nez, le conférencier improvisé se félicitait de ses commentaires bien placés. Les quelques hommes réunis semblaient s'impatienter, et il en avait, mais vraiment, absolument rien à battre. Il parcouru la petite assemblée des yeux avant de poursuive à son rythme :
« Évidemment, de là où j'étais je voyais aussi l'arrière caché et les petits mots passés en douce. Voyez plutôt »
#
Marquant une pause, le maitre de conférences posa son regard derrière lui tout en esquissant un signe de tête à une ombre, qui se dessinait parmi les ténèbres des coulisses. Surgissant de l'obscurité, un homme s'aventura tranquillement sur scène. Il semblait gêné, bien qu'ayant assurément l'habitude de se retrouver dans de telles situations. Sans attendre, il rejoignit son supérieur. Celui-ci lui saisit amicalement l'épaule tout en lui glissant quelques mystérieuses paroles à l'oreille. Puis, lui faisant signe de commencer, il se mit à l'écart.
Elvin secoua la tête en empoignant le micro d'une main crispée.
« Tout d'abord, je me dois de vous rappeler brièvement les composants de notre soleil. »
#
« Bon là, c'est un peu chiant, j'ai pas tout compris, vous voulez que je vous le passe ?
— Venez-en au fait... Siffla l'un des mafieux, bien enfoncé dans son siège.
— Ouais, hein... Alors, on va dire que c'est important alors !»
#
Soupirant comme pour dégager son anxiété, le nouveau venu marqua une courte pause durant laquelle son regard se porta sur celui de son prédécesseur. Assaini par son hochement de tête approbateur, il poursuivit sur sa lancée d'une voix, cette fois-ci, bien plus fluide :
« Notre étoile est donc composée d'environ soixante-quinze pour cent d'hydrogène, ainsi que de vingt-cinq pour cent d'hélium, le reste, n'étant que peu présent, ne nous importe guère. Ce qu'il vous faut savoir néanmoins est la manière dont est obtenue l'énergie solaire, en absence d'un oxygène en quantité suffisante pour permettre une combustion similaire à celles que l'on retrouve sur notre planète... Car vous le savez très bien, toute flamme dégage de la chaleur. Et pour que cette flamme puisse perdurer, il lui faut un combustible ainsi que de l'oxygène. Sans cet oxygène, le feu s'étouffe et se meurt...Que se passe-t-il lorsque l'on recouvre une flamme ? Elle s'éteint. Or, jusqu'à présent, notre soleil a perduré ! »
Levant les yeux par delà foule, le chercheur fit signe à l'un de ses assistants, au fond de la salle. Aussitôt, un épais trait de lumière filtra à travers la pièce, voguant sur le doux ronflement du projecteur, pour aller se ficher sur une large toile de tissus, au milieu de la scène. L'éclairage se tamisa lentement, laissant peu à peu une relative obscurité.
#
« C'était vachement bien foutu comme truc ! Micro, projecteurs, lumière et tout !»
Mike sentait qu'il mettait tout le monde à bout, et au fond, ça l'amusait. Avec son statut d'intermédiaire, il pouvait se permettre n'importe quoi.
#
Sans hésitation, l'homme brisa de nouveau le silence, désormais confiant :
« Vous pouvez voir, sur cette image, la célèbre formule E=mc² d'Albert Einstein. ''m'' étant donc la masse, et ''c'' la célérité. L'énergie est en étroit rapport avec la masse et la vitesse. Mais où diable se trouve le rapport, me demanderez-vous ? Et bien il vous faut vous rappeler que notre astre est en fusion constante. Son combustible se trouve être son propre hydrogène. Lorsque quatre atomes d'hydrogène s'associent par fusion, ils forment de l'hélium !
Cette fusion est suivie d'une perte de masse, qui se traduit par un dégagement d'énergie, et donc, de chaleur ! »
Quelques murmures se firent entendre parmi l'auditoire, la plupart affirmatifs, d'autres, impatients et de mauvaise foi, faussement réprobateurs. Mais le chercheur n'en tint pas compte. D'un autre geste, une nouvelle illustration apparue sur le grand écran, dévoilant ainsi les multiples couches d'une coupe solaire.
« Grâce à ces fusions, reprit-il d'un ton grave, il règne une chaleur de six mille degrés Celsius dans la photosphère du soleil, tandis qu'une température plus de deux mille trois cents fois supérieure, soit de quatorze millions de degrés Kelvin, fait de son cœur un enfer inimaginable... Que je vais néanmoins vous demander de concevoir... Imaginez ! Imaginez un endroit ou plus de cent milliards, de milliards, de milliards, de milliards de réactions se produisent chaque seconde ! Imaginez les quelque quatre millions de tonnes d'hydrogène convertis en hélium au moment même où je vous parle ! Imaginez ainsi l'énergie phénoménale qui balaye continuellement notre système solaire de vents et de tempêtes solaires dévastatrices !
Toutefois, jusqu'ici, tout reste normal... Jusqu'ici seulement, car, nous venons de remarquer que l'énergie accumulée dans le cœur sous forme de chaleur, n'était pas pulvérisée assez vite dans l'espace pour assurer un renouvèlement constant de la température... Bien au contraire...
— Balivernes ! S'insurgea quelqu'un. »
#
« J'précise que j'étais du même avis que ce type, hein ? Toute façon j'y comprenais rien alors...»
#
Brusquement interrompu, l'homme surpris ne put s'empêcher de scruter la salle à la recherche de son invisible ennemie. Toutefois, il se ravisa quand deux, puis trois nouvelles personnes explosèrent à leurs tours...
« Une seconde ! Laissez-moi vous expliquer... Tenta-t-il, hésitant. »
#
« Débordé, il essayait tant bien que mal de calmer le jeu, sachant pertinemment ce qui risquait de se passer si la situation dégénérait... Vous auriez dû le voir ! Pouffa-t-il. C'était hilarant !»
#
Ainsi, tandis qu'il poursuivait l'explication, son regard nerveux se portait sur les quelques soldats, qui s'avançaient déjà parmi les rangs des techniciens.
« Écoutez, juste un instant ! La vérité, c'est qu'il y a tout bonnement trop de réactions thermonucléaires en un temps donné pour que la chaleur interne de notre astre demeure constante ! Notre soleil, ne pouvant se dégager assez rapidement de toute son énergie, l'accumule depuis toujours, augmentant sans cesse sa température interne ! »
#
« À son grand soulagement, les protestations s'étaient soudainement arrêtées, il savait y faire, le fourbe ! Ou alors, c'était la menace de l'approche des militaires... Ouais, c'était plutôt ça !
— Merde, Mike. On s'en fou putain ! Poursuivez c'est tout !»
#
De là où il se trouvait, l'orateur voyait quelques figures se retourner nerveusement vers les hommes en armes. Mais tout n'était pas gagné pour autant... Il savait très bien que certains allaient se révolter avant la fin de la séance. Même ici, ils avaient des ennemis, des gens importants... Et bien plus dangereux que les quelques ingénieurs qui venaient de hausser le ton. Tout en secouant la tête, dans l'espoir de chasser ses sombres pensées, il poursuivit :
« Voyez-vous, nous pourrions nous figurer une boule de verre pour représenter notre soleil... Ainsi qu'un chalumeau pour la chaleur. J'imagine que vous savez ce qui risque de se passer si on les rapproche l'un de l'autre... Le verre chauffe, et explose, pulvérisant ainsi, dans un geyser, une formidable salve de projectiles destructeurs portés à blanc. »
Tout en mimant le phénomène, l'homme se figea une seconde d'un air pensif.
« Ce n'est, en faite, pas directement la chaleur qui fait éclater le verre, se corrigea-t-il, celle-ci le ferait fondre. Ce qui par contre, le fait bel et bien exploser, ce sont les chocs thermiques ; lorsque la masse de verre n'est pas chauffée uniformément, la partie chaude se dilate et la partie froide ne bouge pas, et comme la souplesse du verre est très limitée : ça casse.
Alors d'accord, s'empressa-t-il d'ajouter, vous pourriez me rétorquer que notre soleil n'est en aucun cas fait de verre, qu'il est bien plus ''souple '', et donc, extensible de tous côtés. Je ne vous contredirais pas là-dessus, toutefois, le danger est bien réel... »
Au milieu de l'attention et du silence absolu que lui accordait son public, le chercheur apercevait clairement transparaitre un groupe, d'une dizaine de personnes tout au plus, tous regards rivés, convergents vers une seule et même entité. Cette dernière, tournée face à lui, le fixait dans les yeux, tandis que ses lèvres, éprises de mystérieux remous, semblaient s'acharner à renier ses dires...
Ainsi troublé par ce regard méprisant, l'homme marqua une imperceptible hésitation.
« ...C...comme je vous l'ai dit, nous ne parlons pas là de dizaines de degrés, ni même de centaines... Mais bien de plusieurs millions de degrés de différence entre la partie chaude, et la partie ''froide'' de notre astre ; des sommes que nous peinons ne serais-ce qu'à concevoir, tellement elles nous dépassent ! »
L'orateur se figea une nouvelle fois laissant son affirmation plonger, se répandre en serpentant entre chacune des brillantes personnes, qui faisaient de son public ce qu'il était aujourd'hui ; sans doute le rassemblement des plus grands savants que ce pays n'ait jamais porté. L'enjeu était de taille, Elvin Bled n'avait pas le droit à l'erreur. Ainsi, rattrapa-t-il au vol le fil de son discours, dans l'espoir de faire comprendre à cette masse de chercheurs l'importance du moment :
« Si notre soleil venait à mourir... Je dis si, mais ce n'est plus qu'une question de jours, ce ne sera guère qu'une simple explosion de ridicules petits bouts de verres... Oh non, cela sera bel et bien l'une des déflagrations les plus abominables que l'Univers nous aura données depuis sa naissance ; une démonstration de pure puissance, la dernière que notre système solaire aura à subir. Une Supernova... et... nous serons en première loge pour la contempler...
— Sotises ! »
Debout, au milieu de la salle, une femme lui tenait tête. Le chercheur recula d'un pas, ne sachant que dire sous le coup de la surprise, devant ce regard... Le même qui l'avait fait hésiter quelques secondes plus tôt. Incapable de riposter, il ne put que laisser cette inconnue s'exprimer. Celle-ci ne manqua pas de saisir sa chance, et, tout en balançant son bras en avant, appuya ses paroles d'une voix cassante :
« L'explosion du soleil... Tien donc.. Rien que ça ! Ce que vous nous rabâchez là, ça pourrait être vrai, je vous l'accorde. Cependant, rien n'est censé ; vos dires ne s'appuient pas sur des faits réels !
— .. vous n'av..
— ..Tout ce que nous avons vu jusqu'ici, trancha-t-elle sèchement, c'est une personne nous parler de notre fin à tous ! La seule différence que vous auriez avec l'un des fous qui se baladent dans la rue déguisée en pancarte, c'est votre position sociale ! Ça, et vos années d'études... qui ne vous rendent pas plus fiables à nos yeux !
Nous sommes tous là, suspendus à vos lèvres, mais nous n'obtenons en récompense que des exemples, de simples images, un scénario tout au plus, et vous nous demandez de vous suivre ?! N'est-ce pas un peu gros ? Écoutez, nous ne sommes plus des enfants, nous savons déjà tout ce que vous nous racontez, mais vous, avez-vous ne serais-ce qu'une seule preuve de ce que vous avancez ? »
Durant l'ensemble de son discours, la foule s'était ébranlée, tant et si bien que les quelques murmures approbateurs qui surgissaient ça et là, avaient brusquement gagnés la pièce pour se muter en un persistant bourdonnement, en levés de protestations envers ceux qui les avaient confinés de force en ce lieu.
C'est ainsi que cette femme avait rapidement du hausser le ton afin de se faire comprendre, pour terminer le poing serré, en apothéose, arborant presque un sourire triomphant, sourire qui, sans nul doute, semblait défier de haut le sous-directeur.
Ce dernier, débordé, ne savait où donner de la tête. Déjà, une partie du public s'était levée pour crier à l'imposture tandis que l'autre, perdue, l'injuriait de leur incompréhension. Et la foule, semblable à la surface de l'onde en pleine tempête, se mouvait en larges vagues successives tout en tonnant, hurlant son désarroi.
C'est alors que, tel un éclair laminant les cieux, une formidable détonation s'éleva. Un foudroyant coup de tonnerre pourfendit le vacarme de l'endroit, figeant sur place l'instable océan. Au milieu de la masse de personnes se tenait une militaire au visage de marbre, bras levé, tendant son arme au plus haut. Plus personne n'osait dire un mot, la balle avait emporté les sons, la balle avait emporté le temps, rendant désormais plus que réelle la terrible menace de leurs morts prochaines.
Tel un terrifiant blizzard, ces froides paroles fondirent en contrebas, pénétrant dans les chaires, électrisant en un instant la foule, qui reposait, jusqu'ici, stoïque, dans l'amphithéâtre. Stupéfaite, celle-ci s'ébranla d'un même mouvement, ne pouvant y croire, refusant même d'envisager cette funeste vérité.
Quelques-uns se levèrent dans la ferme intention de quitter les lieux. D'autres secouaient la tête un mince sourire au bord des lèvres, riant de ce mensonge un peu trop gros.
Soudain, éclatant à travers le persistant bourdonnement et les cris déchirants, la voix du directeur de la Nasa s'éleva à nouveau. Aussitôt, elle fut accompagnée d'un sifflement contrôlé de son microphone, qui poussa la masse d'ingénieurs à se calmer vivement.
« Bien sûr, moi, à travers l'aération du plafond, je pouvais voir la scène dans sa totalité. Lawrence m'avait commandé de placer une puce électronique sur l'un des serveurs, afin d'en contrôler le flux. Mais passant devant un tel spectacle, je n'ai pu m'empêcher d'y perdre quelques minutes.»
Dans la grange, Mike posa ses yeux sur ce dernier, justifiant en un mot :
« Ce qui a fait que je sois en retard à notre rendez-vous ce matin. Enfin bref, le fait est que le dictateur euh... directeur, tenta de nous convaincre, beuglant comme un cinglé.»
« Non ! Cria-t-il durement. Je vous vois vous agiter, crier à l'imposture, cette réaction est compréhensible, mais je puis vous assurer de la véracité de notre situation ! Voici un peu moins de deux heures que nos plus brillants chercheurs, alertés par la puissance croissante du rayonnement de notre astre, ont remarqué de troublants changements dans son spectre lumineux... »
Il avait fallu moins de quelques secondes à Jacque Milhem pour capter toute l'attention de son auditoire. De son point de vue, la salle bondée était plus qu'impressionnante. Large de plusieurs dizaines de mètres, elle se classait parmi les plus grandes du siège de la Nasa, les plus imposantes de Washington même... Pour l'occasion, une vingtaine d'hommes veillaient, armes aux poings, au sommet de l'endroit. Tous les objets personnels avaient été confisqués. La sécurité était draconienne ; la débandade devait à tout prix être évitée.
« Vous vous doutez bien que si vous êtes tous là aujourd'hui, reprit-il sur un ton confident, tout en faisant face à son assistance, c'est qu'il existe une solution pour assurer la survie de notre savoir... Mais avant toute chose, voici Elvin Bled, sous-directeur, et chef de la fameuse équipe de chercheurs. Il vous présentera en détail les derniers constats ! »
« Lui, c'était le type qu'on a tous vu à la télé ces derniers jours. Vous savez le mec la cinquantaine bien taillée, stoïque, le regard puissant. Le type, qu'on sait pas pourquoi, il parait désolé de nous dire que tout va bien... Bah maintenant on sait pourquoi.»
Soufflant du nez, le conférencier improvisé se félicitait de ses commentaires bien placés. Les quelques hommes réunis semblaient s'impatienter, et il en avait, mais vraiment, absolument rien à battre. Il parcouru la petite assemblée des yeux avant de poursuive à son rythme :
« Évidemment, de là où j'étais je voyais aussi l'arrière caché et les petits mots passés en douce. Voyez plutôt »
Marquant une pause, le maitre de conférences posa son regard derrière lui tout en esquissant un signe de tête à une ombre, qui se dessinait parmi les ténèbres des coulisses. Surgissant de l'obscurité, un homme s'aventura tranquillement sur scène. Il semblait gêné, bien qu'ayant assurément l'habitude de se retrouver dans de telles situations. Sans attendre, il rejoignit son supérieur. Celui-ci lui saisit amicalement l'épaule tout en lui glissant quelques mystérieuses paroles à l'oreille. Puis, lui faisant signe de commencer, il se mit à l'écart.
Elvin secoua la tête en empoignant le micro d'une main crispée.
« Tout d'abord, je me dois de vous rappeler brièvement les composants de notre soleil. »
« Bon là, c'est un peu chiant, j'ai pas tout compris, vous voulez que je vous le passe ?
— Venez-en au fait... Siffla l'un des mafieux, bien enfoncé dans son siège.
— Ouais, hein... Alors, on va dire que c'est important alors !»
Soupirant comme pour dégager son anxiété, le nouveau venu marqua une courte pause durant laquelle son regard se porta sur celui de son prédécesseur. Assaini par son hochement de tête approbateur, il poursuivit sur sa lancée d'une voix, cette fois-ci, bien plus fluide :
« Notre étoile est donc composée d'environ soixante-quinze pour cent d'hydrogène, ainsi que de vingt-cinq pour cent d'hélium, le reste, n'étant que peu présent, ne nous importe guère. Ce qu'il vous faut savoir néanmoins est la manière dont est obtenue l'énergie solaire, en absence d'un oxygène en quantité suffisante pour permettre une combustion similaire à celles que l'on retrouve sur notre planète... Car vous le savez très bien, toute flamme dégage de la chaleur. Et pour que cette flamme puisse perdurer, il lui faut un combustible ainsi que de l'oxygène. Sans cet oxygène, le feu s'étouffe et se meurt...Que se passe-t-il lorsque l'on recouvre une flamme ? Elle s'éteint. Or, jusqu'à présent, notre soleil a perduré ! »
Levant les yeux par delà foule, le chercheur fit signe à l'un de ses assistants, au fond de la salle. Aussitôt, un épais trait de lumière filtra à travers la pièce, voguant sur le doux ronflement du projecteur, pour aller se ficher sur une large toile de tissus, au milieu de la scène. L'éclairage se tamisa lentement, laissant peu à peu une relative obscurité.
« C'était vachement bien foutu comme truc ! Micro, projecteurs, lumière et tout !»
Mike sentait qu'il mettait tout le monde à bout, et au fond, ça l'amusait. Avec son statut d'intermédiaire, il pouvait se permettre n'importe quoi.
Sans hésitation, l'homme brisa de nouveau le silence, désormais confiant :
« Vous pouvez voir, sur cette image, la célèbre formule E=mc² d'Albert Einstein. ''m'' étant donc la masse, et ''c'' la célérité. L'énergie est en étroit rapport avec la masse et la vitesse. Mais où diable se trouve le rapport, me demanderez-vous ? Et bien il vous faut vous rappeler que notre astre est en fusion constante. Son combustible se trouve être son propre hydrogène. Lorsque quatre atomes d'hydrogène s'associent par fusion, ils forment de l'hélium !
Cette fusion est suivie d'une perte de masse, qui se traduit par un dégagement d'énergie, et donc, de chaleur ! »
Quelques murmures se firent entendre parmi l'auditoire, la plupart affirmatifs, d'autres, impatients et de mauvaise foi, faussement réprobateurs. Mais le chercheur n'en tint pas compte. D'un autre geste, une nouvelle illustration apparue sur le grand écran, dévoilant ainsi les multiples couches d'une coupe solaire.
« Grâce à ces fusions, reprit-il d'un ton grave, il règne une chaleur de six mille degrés Celsius dans la photosphère du soleil, tandis qu'une température plus de deux mille trois cents fois supérieure, soit de quatorze millions de degrés Kelvin, fait de son cœur un enfer inimaginable... Que je vais néanmoins vous demander de concevoir... Imaginez ! Imaginez un endroit ou plus de cent milliards, de milliards, de milliards, de milliards de réactions se produisent chaque seconde ! Imaginez les quelque quatre millions de tonnes d'hydrogène convertis en hélium au moment même où je vous parle ! Imaginez ainsi l'énergie phénoménale qui balaye continuellement notre système solaire de vents et de tempêtes solaires dévastatrices !
Toutefois, jusqu'ici, tout reste normal... Jusqu'ici seulement, car, nous venons de remarquer que l'énergie accumulée dans le cœur sous forme de chaleur, n'était pas pulvérisée assez vite dans l'espace pour assurer un renouvèlement constant de la température... Bien au contraire...
— Balivernes ! S'insurgea quelqu'un. »
« J'précise que j'étais du même avis que ce type, hein ? Toute façon j'y comprenais rien alors...»
Brusquement interrompu, l'homme surpris ne put s'empêcher de scruter la salle à la recherche de son invisible ennemie. Toutefois, il se ravisa quand deux, puis trois nouvelles personnes explosèrent à leurs tours...
« Une seconde ! Laissez-moi vous expliquer... Tenta-t-il, hésitant. »
« Débordé, il essayait tant bien que mal de calmer le jeu, sachant pertinemment ce qui risquait de se passer si la situation dégénérait... Vous auriez dû le voir ! Pouffa-t-il. C'était hilarant !»
Ainsi, tandis qu'il poursuivait l'explication, son regard nerveux se portait sur les quelques soldats, qui s'avançaient déjà parmi les rangs des techniciens.
« Écoutez, juste un instant ! La vérité, c'est qu'il y a tout bonnement trop de réactions thermonucléaires en un temps donné pour que la chaleur interne de notre astre demeure constante ! Notre soleil, ne pouvant se dégager assez rapidement de toute son énergie, l'accumule depuis toujours, augmentant sans cesse sa température interne ! »
« À son grand soulagement, les protestations s'étaient soudainement arrêtées, il savait y faire, le fourbe ! Ou alors, c'était la menace de l'approche des militaires... Ouais, c'était plutôt ça !
— Merde, Mike. On s'en fou putain ! Poursuivez c'est tout !»
De là où il se trouvait, l'orateur voyait quelques figures se retourner nerveusement vers les hommes en armes. Mais tout n'était pas gagné pour autant... Il savait très bien que certains allaient se révolter avant la fin de la séance. Même ici, ils avaient des ennemis, des gens importants... Et bien plus dangereux que les quelques ingénieurs qui venaient de hausser le ton. Tout en secouant la tête, dans l'espoir de chasser ses sombres pensées, il poursuivit :
« Voyez-vous, nous pourrions nous figurer une boule de verre pour représenter notre soleil... Ainsi qu'un chalumeau pour la chaleur. J'imagine que vous savez ce qui risque de se passer si on les rapproche l'un de l'autre... Le verre chauffe, et explose, pulvérisant ainsi, dans un geyser, une formidable salve de projectiles destructeurs portés à blanc. »
Tout en mimant le phénomène, l'homme se figea une seconde d'un air pensif.
« Ce n'est, en faite, pas directement la chaleur qui fait éclater le verre, se corrigea-t-il, celle-ci le ferait fondre. Ce qui par contre, le fait bel et bien exploser, ce sont les chocs thermiques ; lorsque la masse de verre n'est pas chauffée uniformément, la partie chaude se dilate et la partie froide ne bouge pas, et comme la souplesse du verre est très limitée : ça casse.
Alors d'accord, s'empressa-t-il d'ajouter, vous pourriez me rétorquer que notre soleil n'est en aucun cas fait de verre, qu'il est bien plus ''souple '', et donc, extensible de tous côtés. Je ne vous contredirais pas là-dessus, toutefois, le danger est bien réel... »
Au milieu de l'attention et du silence absolu que lui accordait son public, le chercheur apercevait clairement transparaitre un groupe, d'une dizaine de personnes tout au plus, tous regards rivés, convergents vers une seule et même entité. Cette dernière, tournée face à lui, le fixait dans les yeux, tandis que ses lèvres, éprises de mystérieux remous, semblaient s'acharner à renier ses dires...
Ainsi troublé par ce regard méprisant, l'homme marqua une imperceptible hésitation.
« ...C...comme je vous l'ai dit, nous ne parlons pas là de dizaines de degrés, ni même de centaines... Mais bien de plusieurs millions de degrés de différence entre la partie chaude, et la partie ''froide'' de notre astre ; des sommes que nous peinons ne serais-ce qu'à concevoir, tellement elles nous dépassent ! »
L'orateur se figea une nouvelle fois laissant son affirmation plonger, se répandre en serpentant entre chacune des brillantes personnes, qui faisaient de son public ce qu'il était aujourd'hui ; sans doute le rassemblement des plus grands savants que ce pays n'ait jamais porté. L'enjeu était de taille, Elvin Bled n'avait pas le droit à l'erreur. Ainsi, rattrapa-t-il au vol le fil de son discours, dans l'espoir de faire comprendre à cette masse de chercheurs l'importance du moment :
« Si notre soleil venait à mourir... Je dis si, mais ce n'est plus qu'une question de jours, ce ne sera guère qu'une simple explosion de ridicules petits bouts de verres... Oh non, cela sera bel et bien l'une des déflagrations les plus abominables que l'Univers nous aura données depuis sa naissance ; une démonstration de pure puissance, la dernière que notre système solaire aura à subir. Une Supernova... et... nous serons en première loge pour la contempler...
— Sotises ! »
Debout, au milieu de la salle, une femme lui tenait tête. Le chercheur recula d'un pas, ne sachant que dire sous le coup de la surprise, devant ce regard... Le même qui l'avait fait hésiter quelques secondes plus tôt. Incapable de riposter, il ne put que laisser cette inconnue s'exprimer. Celle-ci ne manqua pas de saisir sa chance, et, tout en balançant son bras en avant, appuya ses paroles d'une voix cassante :
« L'explosion du soleil... Tien donc.. Rien que ça ! Ce que vous nous rabâchez là, ça pourrait être vrai, je vous l'accorde. Cependant, rien n'est censé ; vos dires ne s'appuient pas sur des faits réels !
— .. vous n'av..
— ..Tout ce que nous avons vu jusqu'ici, trancha-t-elle sèchement, c'est une personne nous parler de notre fin à tous ! La seule différence que vous auriez avec l'un des fous qui se baladent dans la rue déguisée en pancarte, c'est votre position sociale ! Ça, et vos années d'études... qui ne vous rendent pas plus fiables à nos yeux !
Nous sommes tous là, suspendus à vos lèvres, mais nous n'obtenons en récompense que des exemples, de simples images, un scénario tout au plus, et vous nous demandez de vous suivre ?! N'est-ce pas un peu gros ? Écoutez, nous ne sommes plus des enfants, nous savons déjà tout ce que vous nous racontez, mais vous, avez-vous ne serais-ce qu'une seule preuve de ce que vous avancez ? »
Durant l'ensemble de son discours, la foule s'était ébranlée, tant et si bien que les quelques murmures approbateurs qui surgissaient ça et là, avaient brusquement gagnés la pièce pour se muter en un persistant bourdonnement, en levés de protestations envers ceux qui les avaient confinés de force en ce lieu.
C'est ainsi que cette femme avait rapidement du hausser le ton afin de se faire comprendre, pour terminer le poing serré, en apothéose, arborant presque un sourire triomphant, sourire qui, sans nul doute, semblait défier de haut le sous-directeur.
Ce dernier, débordé, ne savait où donner de la tête. Déjà, une partie du public s'était levée pour crier à l'imposture tandis que l'autre, perdue, l'injuriait de leur incompréhension. Et la foule, semblable à la surface de l'onde en pleine tempête, se mouvait en larges vagues successives tout en tonnant, hurlant son désarroi.
C'est alors que, tel un éclair laminant les cieux, une formidable détonation s'éleva. Un foudroyant coup de tonnerre pourfendit le vacarme de l'endroit, figeant sur place l'instable océan. Au milieu de la masse de personnes se tenait une militaire au visage de marbre, bras levé, tendant son arme au plus haut. Plus personne n'osait dire un mot, la balle avait emporté les sons, la balle avait emporté le temps, rendant désormais plus que réelle la terrible menace de leurs morts prochaines.
Vous devez être connecté pour poster un commentaire