« Relax, j'te dis, vas-y, tire un coup, ça va t'calmer...
— Non ! Putain, non ! Tu fais vraiment chier ! Déjà t'étais censé me filer les thunes hier soir ! Je vais faire comment moi maintenant ? Hein ?! Tu peux me le dire ?! »

Loyd s'effondra piteusement. Assis au bord de la route, la tête entre les mains, il ne pouvait cesser de se demander pourquoi. C'est vrai, pourquoi avait-il accepté ce job ? Pourquoi avait-il arrêté ses études ? Et surtout, oui, surtout pourquoi ce putain de soi-disant meilleur ami semblait toujours se foutre des conséquences...

« Bien sûr que non... Tu ne peux pas, t'es toujours défoncé... »

Anéanti, il soupira. Trahie à nouveau, sa voix tremblante s'élevait en une plainte rauque et craintive.

« C'est la deuxième fois... Je leur avais promis, TU me l'avais promis... Pourquoi t'as fait ça ? Pourquoi... Shawn, tu n'as aucune idée de la merde dans laquelle tu viens de me fourrer. Bordel quoi, je te faisais confiance...
— Mais j'te l'ai dit, trancha celui-ci agacé, ils vont me payer cette aprèm. T'auras tout ce qu'il te faut dans la journée, c'est tranquille ! Fais-toi passer pâle ce matin et ça ira, tout roule. »

Debout, contre le mur, le jeune revendeur s'arrêta un instant pour tirer sur son join. Une main sur son menton, une révélation au bord des lèvres. L'implacable logique dansa au rythme de la fumée :

« Non, même tu sais quoi ? Enfaite-tu t'en fou de ces connards, pourquoi tu t'emmerdes avec eux ? T'as qu'à te tirer d'ici. T'as bien 5000 euros et encore 100 grammes d'herbe fraiche, non ?! Mec ! T'as qu'à te monter ton propre réseau, c'est pépère ! Mais ouais carrément ! On va se tailler tous les deux dans une autre ville et s'installer en Daron ! Tu marches ? J'te dis que c'est cal... »

Une voiture surgit au coin de la rue. Vrombissante, elle déchirait la route d'un puissant crissement de pneus. Le moteur rugissait bestialement, prêt à faucher. Il aurait été si simple de sauter sur la route. D'en finir aussi brutalement.
Mais sa chance passa. Bientôt elle aurait disparu... Aussi vite qu'elle était venue. C'était ça l'idée. Oui, il ne lui restait plus qu'à en finir rapidement. Laisser ce foutoir et partir d'ici le plus vite possible.

« ...t après il suffira de partager tout 50/50 tu vo... Euh ?! »

Loyd s'était levé prestement, la mâchoire crispée. D'un bond, son poing était parti. Filant à une vitesse folle vers son ami, il s'arrêta à quelques centimètres de son visage. Une bouche tremblante hoqueta de surprise. Une main détendue en arracha le bedo.

« Arrête de fumer, merde ! T'es complètement camé, tu t'entends même plus parler ! Je ne vois même pas pourquoi je t'écoute débiter tes conneries, j'me casse ! »

Rapidement, Shawn se reprit. Un sourire narquois naquit au coin de ses lèvres. Son ami commençait à lui tourner le dos, emportant son join avec lui. Il pouffa :

« En faite, t'avais juste envie de fumer. Fallait le dire, c'est cadeau !
— Considère que c'est un service que je te rends. Ce soir tu viens chez moi. Je veux mes thunes.
— Et là, tu vas faire quoi, maintenant ? »

Laissant son ami loin derrière lui, Loyd porta un regard froid vers l'horizon. La brume matinale commençait à peine à se lever. Le soleil dans son dos crevait à présent le toit des bâtiments, le poussant vers son futur, illuminant sa route.
Lentement, il inspira entre ses doigts, avalant la fumée, respirant le goudron. Dans un grésillement, comme pour lui-même, sa voix trancha, sure d'elle. Il se sentait à nouveau puissant. Une lueur malsaine embrasait ses yeux :

« Maintenant ? J'ai une affaire à régler. »