Sunrise
Par : Sheyne
Genre : Action , Polar
Status : C'est compliqué
Note :
Chapitre 18
Chapitre 10 - 1/2
Publié le 15/01/14 à 18:32:00 par Sheyne
Froid... Si je devais qualifier ce moment, cette abomination de sentiment qui me tient en vie en ce moment, ça serait par ce mot. Un froid persistant, mordant l'esprit plus que la chaire... Réveillant au tréfonds de nous même ce qui nous est le plus haïssable, ce qui nous fait le plus mal ; l'horreur de notre propre existence.
Contrairement à la chaleur, qui endort délicieusement les sens, cette abomination s'enfouit dans les gouffres de nos pensées les plus profondes pour nous empêcher de vivre, pour nous réveiller sous les coups de son insoutenable brûlure.
Mais quel intérêt d'être conscient, si c'est pour être conscient de la loque que l'on est, quel est l'intérêt de se sentir vivant si c'est pour vivre dans la douleur ?
Un long soupir s'échappe de mes lèvres sèches, craquelées tant par la fatigue que la soif. Je ne sais pas si j'aurais encore la force de me lever de ce semblant de fauteuil, pour me traîner jusqu'au robinet de ma salle de bain... Et quand bien même y arriverais-je, je m'étalerais lâchement par terre, fauché par un obstacle telle la pauvre loque que je suis... bien que mes yeux soient habitués à l'obscurité qui baigne la pièce, depuis... depuis quand ?
Une esquisse de sourire se dessine tristement sur mon visage... Moi qui voulais une mort douce, je ne pourrais bientôt même plus me l'offrir.
Je tourne péniblement la tête. Tout est sombre. La pluie bat, cogne sur les stores fermés. On était en pleine journée il me semble... Ou bien la nuit peut-être. Plus rien d'autre ne semble indiquer le temps qui passe. Plus rien sinon les meubles qui craquent, qui vieillissent... Et sur mon bureau une plante qui se meurt péniblement. Si je ne connaissais pas si bien cet endroit, j'aurais pensé qu'un miroir trônait sur ce royaume en déchéance... me dressant tristement mon horrible reflet.
J'ai du mal à respirer... La poussière danse son éternel ballet macabre. Je le sens.
Tout était pourtant si bien. Tout avait basculé si vite, si vite redevenu normal... M'arrachant ce semblant d'espoir, ce semblant de vie auquel je m'étais par mégarde accroché.
Quand l'on a goûté au bonheur, si futile soit-il, on ne peut plus s'en passer, et le simple fait de penser à redevenir ce qu'on était auparavant arrache une grimace de dégoût, ou bien un léger sourire moqueur ; ça parait si improbable, si lointain... Juste impossible. Ça n'arrive qu'aux autres, n'est-ce pas ?
Pourtant quand ce moment arrive, quand l'on se retrouve seul devant son propre miroir, on ne peut regarder son reflet en face sans détourner le regard. On ne peut repenser à ce que l'on a vécu, a ce bonheur qui ravivait nos cœurs sans que celui-ci se serre et ne veuille aussitôt cesser de battre.
Le monde perd de ses couleurs, tout devient morne et sombre. Alors seul reste beau le souvenir qui nous brise. Seul reste ce portail vers un univers parfait, mais intouchable... Tellement improbable.
Et alors nos yeux se perdent tandis que nos pensés se réfugient dans ce monde qui s'ouvre si étroitement, qui s'ouvre vers ce que l'on ne vivra plus que par une imagination dors et déjà perdue.
Et alors l'étreinte qui accolait la pipe d'opium sur la bouche se relâche, et alors les larmes coulent de ces yeux qui revoient, qui revoient cet océan de clarté par cette nuit profonde. Et la brise dans les arbres, et la musique dans leurs cimes. La lune étincelante sous l'éclat de la mélodie, sous la lueur de celle qu'il aime.
Cet instant me revint alors, brouillé par la longueur du temps passé.
Mais comme un îlot de calme qui se dresse au sein d'une tempête ; elle se dressait là, belle et fière, illuminant l'endroit de son sourire, éclairant l’âme des gens par sa chaleur. Claire, comme la lune qui la dévorait des yeux. Claire, comme les astres qui la couvrait de leurs regards pleins d'envies.
Elle chantait, dansait, engageant les cordes mélodieuses à vibrer pour elle, à jouer pour la garder heureuse. Tout semblait alors ne vivre que par sa présence. Tantôt souriante, l’air s'égayait de mille étincelles, pétillantes de joie et de fureur de vivre. Tantôt somnolente, et les violons se taisaient, laissant les flûtes lui murmurer, lui susurrer quelques douces berceuses dans le creux de l'oreille.
À ses côtés tout était beau, tout prenait un sens. Mais bientôt le jour s'est levé, et le temps a passé. Malgré nos discussions, nos rires, à travers la distance qui nous séparait j'ai su que plus rien ne serait pareil ; elle avait donné son cœur, avait confié ses ailes, et je me les étais arrachées du même coup. Lorsque d'un tenant les volutes de fumée atteignirent les poumons, elle s'en alla.
Je soupire à nouveau... Sans doute le dernier que je m'offre. Quand la seule chose à qui l'on tient vraiment se perd. Quand l'on sait que quoiqu'il se passe rien ne sera comme avant, les larmes ruissellent et se teintent d'écarlates dans l'obscurité de la solitude.
Alors, j'offre mon poignet pantelant à la morsure du métal froid, alors mes doigts se resserrent et soulèvent l'objet de ma mort prochaine, de la délivrance que j'espère tant.
Je serre les dents, un frisson me dresse l'échine tandis qu'Il se pose sur ma peau.
Je souffle lentement... Tout va bien se passer, j'ai déjà vécu ce moment tant de fois... Tant de fois rêvé de cet instant.
La lame glisse lentement tandis que je tire mon bras de côté, la peau s'écarte doucement... Lentement sous le tranchant. Une chaleur poisseuse ruisselle sur mes genoux. Je ferme les yeux en gémissant. Le tendon cède à son tour, déchargeant le bras du poids de ma main. Elle pend mollement, répandant sa vie sur le plancher poussiéreux de la pièce. Mais peu de douleur, l'opiacé fait effet.
Le temps coule de nouveau, rythmé par l'incessant clapotement de mon âme qui s'écoule, qui s'envole, qui s'enfuit, qui brûle d'insomnie.
Ma tête tourne, la pièce vibre... Et plus rien... Rien que cette vibration constante, perpétuelle. Et le souvenir de ce bonheur qui me revient a l'esprit, qui revient me torturer.
Je la vois, aussi clairement que cette nuit-là. Belle comme ce jour qui vit mon âme s'emplir, pour mon plus grand malheur, de mon plus grand bonheur.
Une légère secousse, et les vibrations se poursuivent. La lumière revient. C'est logique. Comment pourrait-il en aller autrement alors qu'Elle se tient devant moi ?
Moi qui pensais ne jamais la revoir. Je devrais être heureux...
Et je n'ai plus mal. À vrais dire je n'ai plus rien du tout, seulement ce couteau dans la main, et mon poignet intact.
Je suis mort... Je crois. Ce n’est pas vraiment comme ça que j'imaginais mourir. Mais finalement, ce n'est pas si mal...
« Que comptes-tu faire avec ça ? »
Je sursaute. Voilà si longtemps que je n'avais plus entendu sa voix. Ou peut-être est-ce par ce que le fait de l'entendre parler veut dire que je suis vivant, et qu'elle aussi. Tout parait maintenant si réel.
« Me tuer. »
Je réponds mécaniquement, sans émotions et ma voix me surprend, me rendant à moi-même. J'écarquille les yeux en plongeant mon regard dans le sien. Je me sens revivre...
« Et tu comptes te tuer maintenant ? Par ce que ça n'est pas que ça me dérange, mais ça serait bête de le faire alors que tu touche au but... »
Elle répond avec nonchalance. Je pensais que ça l'aurait plus atteint. Je la scrute, attendant le moindre tic qui viendrait trahir une émotion, mais non, elle reste figée comme de la glace.
« Alors que je touche au but ?
— Ne voulais-tu pas la revoir ?
— Je voulais TE revoir ! Affirmais-je d'un ton tranchant.
— C'est ce que j'ai dit... »
Encore une secousse et je sursaute. Nous sommes assis, face à face sur deux banquettes bleu opposé. Je ne connais pas cet endroit. J'ose demander :
« Où est-on ?
— Comment le saurais-je ? La question n'est pas où est-on, mais où vas-tu ?
— Où je... vais ?...
— Tu ne devines pas ? »
Je soupire, ça ne mène à rien. Ça ne lui ressemble pas.
« Je suis mort, pas vrai ?
— Je n’en sais rien...
— Si je te revois, c'est que ça doit être le cas...
— Pas forcément. »
Je m'arrête, quelque chose cloche. Même si je suis mort, ce n'est pas ainsi que je l'imaginais...
« Tu n'es pas Claire, tu n'es pas ma Raison.
— C'est clair, j'ai raison... Je suis toi. »
Tout prend sens. Je suis à peu près sûr de moi sur ce coup là.
« Dans ce cas, je suis en train de rêver. N'est-ce pas ?
— C’est possible. »
À ce stade-là, plus rien ne m'étonne. Mon regard se porte à nouveau sur le couteau et mon poignet, avant de se replonger dans les doux yeux de celle qui partageait les derniers instants de ma vie.
« Mais si je rêve, commençais-je, c'est que je viens de m'endormir, donc que je vais mourir...
— Sans doutes... À moins que..
— À moins que je ne vienne tout juste de me réveiller, mais alors si tout est réel... que fais-tu là ?
— Non. Elle secoue la tête pour me reprendre. Que fais-tu là, toi ? »
Je manque d’exploser. Je respire lentement pour me calmer avant de lâcher :
« Que faisons-nous ici ? Dans ce cas.
— Non, poursuit-elle, que fais-tu ici, toi. Je suis toi, donc je ne suis pas. »
Ça m'énerve, jamais je n'aurais pensé que mourir aurait été aussi chiant. Et que ce corps devant moi ne soit qu'une illusion de mon cerveau malade. Je ne peux m'y résoudre.
« Ta gueule ! Tu es Claire... Déclarais-je en me tenant la tête ! Du moins son souvenir.
— Je n'éclaire rien du tout. »
Enfin, un sourire se dessine sur ses lèvres, sur mes lèvres. Mais ça m'inquiète plus qu'autre chose. Il n'y a que moi pour sortir ce genre de conneries et en rire. Je me résous en baissant les yeux.
« Si tu veux. Donc tu es moi.
— Mais tu rêves d'elle. Poursuit-elle, imperturbable.
— Comme toujours... »
Un léger silence se fait. Elle semble réfléchir. Je semble réfléchir. Nous semblons réfléchir. Je ne sais plus.
Les vibrations faiblissent peu à peu. Et se terminent dans une énième secousse. Tout s'arrête.
Ma raison se lève et pointe quelque chose derrière moi du doigt.
Je me retourne pour regarder.
« Elle t'attend, va la rejoindre !
— Je... »
Je ne sais pas quoi dire. Mes paroles résonnent dans le vide de l’endroit. Je crois que je commence à comprendre où je me trouve.
Lentement, une porte se décolle de la paroi dans un chuintement sec, avant de glisser sur le mur extérieur. Je me retourne, mais elle est déjà partie. Je m'en doutais.
Depuis tout ce temps, elle était juste là, derrière, à m’attendre.
Les derniers mots qui me vinrent à l'esprit s'enfuirent à leurs tours. Me suis éveillé d'un rêve ? Où est-ce que je dors encore ?
Tant de questions, qui, si l'on y réfléchit, n'ont aucune importance. Une seule chose compte à mes yeux ; Elle est là.
Je vois la lumière filtrer par l'ouverture, au fond du couloir. Je souris en me ruant à l'extérieur.
Contrairement à la chaleur, qui endort délicieusement les sens, cette abomination s'enfouit dans les gouffres de nos pensées les plus profondes pour nous empêcher de vivre, pour nous réveiller sous les coups de son insoutenable brûlure.
Mais quel intérêt d'être conscient, si c'est pour être conscient de la loque que l'on est, quel est l'intérêt de se sentir vivant si c'est pour vivre dans la douleur ?
Un long soupir s'échappe de mes lèvres sèches, craquelées tant par la fatigue que la soif. Je ne sais pas si j'aurais encore la force de me lever de ce semblant de fauteuil, pour me traîner jusqu'au robinet de ma salle de bain... Et quand bien même y arriverais-je, je m'étalerais lâchement par terre, fauché par un obstacle telle la pauvre loque que je suis... bien que mes yeux soient habitués à l'obscurité qui baigne la pièce, depuis... depuis quand ?
Une esquisse de sourire se dessine tristement sur mon visage... Moi qui voulais une mort douce, je ne pourrais bientôt même plus me l'offrir.
Je tourne péniblement la tête. Tout est sombre. La pluie bat, cogne sur les stores fermés. On était en pleine journée il me semble... Ou bien la nuit peut-être. Plus rien d'autre ne semble indiquer le temps qui passe. Plus rien sinon les meubles qui craquent, qui vieillissent... Et sur mon bureau une plante qui se meurt péniblement. Si je ne connaissais pas si bien cet endroit, j'aurais pensé qu'un miroir trônait sur ce royaume en déchéance... me dressant tristement mon horrible reflet.
J'ai du mal à respirer... La poussière danse son éternel ballet macabre. Je le sens.
Tout était pourtant si bien. Tout avait basculé si vite, si vite redevenu normal... M'arrachant ce semblant d'espoir, ce semblant de vie auquel je m'étais par mégarde accroché.
Quand l'on a goûté au bonheur, si futile soit-il, on ne peut plus s'en passer, et le simple fait de penser à redevenir ce qu'on était auparavant arrache une grimace de dégoût, ou bien un léger sourire moqueur ; ça parait si improbable, si lointain... Juste impossible. Ça n'arrive qu'aux autres, n'est-ce pas ?
Pourtant quand ce moment arrive, quand l'on se retrouve seul devant son propre miroir, on ne peut regarder son reflet en face sans détourner le regard. On ne peut repenser à ce que l'on a vécu, a ce bonheur qui ravivait nos cœurs sans que celui-ci se serre et ne veuille aussitôt cesser de battre.
Le monde perd de ses couleurs, tout devient morne et sombre. Alors seul reste beau le souvenir qui nous brise. Seul reste ce portail vers un univers parfait, mais intouchable... Tellement improbable.
Et alors nos yeux se perdent tandis que nos pensés se réfugient dans ce monde qui s'ouvre si étroitement, qui s'ouvre vers ce que l'on ne vivra plus que par une imagination dors et déjà perdue.
Et alors l'étreinte qui accolait la pipe d'opium sur la bouche se relâche, et alors les larmes coulent de ces yeux qui revoient, qui revoient cet océan de clarté par cette nuit profonde. Et la brise dans les arbres, et la musique dans leurs cimes. La lune étincelante sous l'éclat de la mélodie, sous la lueur de celle qu'il aime.
Cet instant me revint alors, brouillé par la longueur du temps passé.
Mais comme un îlot de calme qui se dresse au sein d'une tempête ; elle se dressait là, belle et fière, illuminant l'endroit de son sourire, éclairant l’âme des gens par sa chaleur. Claire, comme la lune qui la dévorait des yeux. Claire, comme les astres qui la couvrait de leurs regards pleins d'envies.
Elle chantait, dansait, engageant les cordes mélodieuses à vibrer pour elle, à jouer pour la garder heureuse. Tout semblait alors ne vivre que par sa présence. Tantôt souriante, l’air s'égayait de mille étincelles, pétillantes de joie et de fureur de vivre. Tantôt somnolente, et les violons se taisaient, laissant les flûtes lui murmurer, lui susurrer quelques douces berceuses dans le creux de l'oreille.
À ses côtés tout était beau, tout prenait un sens. Mais bientôt le jour s'est levé, et le temps a passé. Malgré nos discussions, nos rires, à travers la distance qui nous séparait j'ai su que plus rien ne serait pareil ; elle avait donné son cœur, avait confié ses ailes, et je me les étais arrachées du même coup. Lorsque d'un tenant les volutes de fumée atteignirent les poumons, elle s'en alla.
Je soupire à nouveau... Sans doute le dernier que je m'offre. Quand la seule chose à qui l'on tient vraiment se perd. Quand l'on sait que quoiqu'il se passe rien ne sera comme avant, les larmes ruissellent et se teintent d'écarlates dans l'obscurité de la solitude.
Alors, j'offre mon poignet pantelant à la morsure du métal froid, alors mes doigts se resserrent et soulèvent l'objet de ma mort prochaine, de la délivrance que j'espère tant.
Je serre les dents, un frisson me dresse l'échine tandis qu'Il se pose sur ma peau.
Je souffle lentement... Tout va bien se passer, j'ai déjà vécu ce moment tant de fois... Tant de fois rêvé de cet instant.
La lame glisse lentement tandis que je tire mon bras de côté, la peau s'écarte doucement... Lentement sous le tranchant. Une chaleur poisseuse ruisselle sur mes genoux. Je ferme les yeux en gémissant. Le tendon cède à son tour, déchargeant le bras du poids de ma main. Elle pend mollement, répandant sa vie sur le plancher poussiéreux de la pièce. Mais peu de douleur, l'opiacé fait effet.
Le temps coule de nouveau, rythmé par l'incessant clapotement de mon âme qui s'écoule, qui s'envole, qui s'enfuit, qui brûle d'insomnie.
Ma tête tourne, la pièce vibre... Et plus rien... Rien que cette vibration constante, perpétuelle. Et le souvenir de ce bonheur qui me revient a l'esprit, qui revient me torturer.
Je la vois, aussi clairement que cette nuit-là. Belle comme ce jour qui vit mon âme s'emplir, pour mon plus grand malheur, de mon plus grand bonheur.
Une légère secousse, et les vibrations se poursuivent. La lumière revient. C'est logique. Comment pourrait-il en aller autrement alors qu'Elle se tient devant moi ?
Moi qui pensais ne jamais la revoir. Je devrais être heureux...
Et je n'ai plus mal. À vrais dire je n'ai plus rien du tout, seulement ce couteau dans la main, et mon poignet intact.
Je suis mort... Je crois. Ce n’est pas vraiment comme ça que j'imaginais mourir. Mais finalement, ce n'est pas si mal...
« Que comptes-tu faire avec ça ? »
Je sursaute. Voilà si longtemps que je n'avais plus entendu sa voix. Ou peut-être est-ce par ce que le fait de l'entendre parler veut dire que je suis vivant, et qu'elle aussi. Tout parait maintenant si réel.
« Me tuer. »
Je réponds mécaniquement, sans émotions et ma voix me surprend, me rendant à moi-même. J'écarquille les yeux en plongeant mon regard dans le sien. Je me sens revivre...
« Et tu comptes te tuer maintenant ? Par ce que ça n'est pas que ça me dérange, mais ça serait bête de le faire alors que tu touche au but... »
Elle répond avec nonchalance. Je pensais que ça l'aurait plus atteint. Je la scrute, attendant le moindre tic qui viendrait trahir une émotion, mais non, elle reste figée comme de la glace.
« Alors que je touche au but ?
— Ne voulais-tu pas la revoir ?
— Je voulais TE revoir ! Affirmais-je d'un ton tranchant.
— C'est ce que j'ai dit... »
Encore une secousse et je sursaute. Nous sommes assis, face à face sur deux banquettes bleu opposé. Je ne connais pas cet endroit. J'ose demander :
« Où est-on ?
— Comment le saurais-je ? La question n'est pas où est-on, mais où vas-tu ?
— Où je... vais ?...
— Tu ne devines pas ? »
Je soupire, ça ne mène à rien. Ça ne lui ressemble pas.
« Je suis mort, pas vrai ?
— Je n’en sais rien...
— Si je te revois, c'est que ça doit être le cas...
— Pas forcément. »
Je m'arrête, quelque chose cloche. Même si je suis mort, ce n'est pas ainsi que je l'imaginais...
« Tu n'es pas Claire, tu n'es pas ma Raison.
— C'est clair, j'ai raison... Je suis toi. »
Tout prend sens. Je suis à peu près sûr de moi sur ce coup là.
« Dans ce cas, je suis en train de rêver. N'est-ce pas ?
— C’est possible. »
À ce stade-là, plus rien ne m'étonne. Mon regard se porte à nouveau sur le couteau et mon poignet, avant de se replonger dans les doux yeux de celle qui partageait les derniers instants de ma vie.
« Mais si je rêve, commençais-je, c'est que je viens de m'endormir, donc que je vais mourir...
— Sans doutes... À moins que..
— À moins que je ne vienne tout juste de me réveiller, mais alors si tout est réel... que fais-tu là ?
— Non. Elle secoue la tête pour me reprendre. Que fais-tu là, toi ? »
Je manque d’exploser. Je respire lentement pour me calmer avant de lâcher :
« Que faisons-nous ici ? Dans ce cas.
— Non, poursuit-elle, que fais-tu ici, toi. Je suis toi, donc je ne suis pas. »
Ça m'énerve, jamais je n'aurais pensé que mourir aurait été aussi chiant. Et que ce corps devant moi ne soit qu'une illusion de mon cerveau malade. Je ne peux m'y résoudre.
« Ta gueule ! Tu es Claire... Déclarais-je en me tenant la tête ! Du moins son souvenir.
— Je n'éclaire rien du tout. »
Enfin, un sourire se dessine sur ses lèvres, sur mes lèvres. Mais ça m'inquiète plus qu'autre chose. Il n'y a que moi pour sortir ce genre de conneries et en rire. Je me résous en baissant les yeux.
« Si tu veux. Donc tu es moi.
— Mais tu rêves d'elle. Poursuit-elle, imperturbable.
— Comme toujours... »
Un léger silence se fait. Elle semble réfléchir. Je semble réfléchir. Nous semblons réfléchir. Je ne sais plus.
Les vibrations faiblissent peu à peu. Et se terminent dans une énième secousse. Tout s'arrête.
Ma raison se lève et pointe quelque chose derrière moi du doigt.
Je me retourne pour regarder.
« Elle t'attend, va la rejoindre !
— Je... »
Je ne sais pas quoi dire. Mes paroles résonnent dans le vide de l’endroit. Je crois que je commence à comprendre où je me trouve.
Lentement, une porte se décolle de la paroi dans un chuintement sec, avant de glisser sur le mur extérieur. Je me retourne, mais elle est déjà partie. Je m'en doutais.
Depuis tout ce temps, elle était juste là, derrière, à m’attendre.
Les derniers mots qui me vinrent à l'esprit s'enfuirent à leurs tours. Me suis éveillé d'un rêve ? Où est-ce que je dors encore ?
Tant de questions, qui, si l'on y réfléchit, n'ont aucune importance. Une seule chose compte à mes yeux ; Elle est là.
Je vois la lumière filtrer par l'ouverture, au fond du couloir. Je souris en me ruant à l'extérieur.
01/02/14 à 16:11:18
Le niveau d'ecriture de ce chapitre m'a mit une claque. Du travail d'orfèvre…
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