Valentine’s Day – Linkin Park : http://www.deezer.com/listen-676854

               Une nouvelle nuit, en plein moi de mai. Les deux frères étaient réunis pour la première fois sous leurs apparences de gardien. Mais la particularité de leur habillement était tout autre, le jour-là. Des chaussures blanches, un pantalon ample bleu, un tee-shirt blanc à manches longues dont la manche gauche manquait, une cape blanche à capuche et un masque gris. Tel était l’accoutrement de Xavier. Même chose pour Robin, à part les couleurs. Les chaussures étaient noires, le pantalon rouge, le tee-shirt noir et la cape noire. Autre différence, ce n'était point la manche gauche qui manquait mais la droite. Comme annoncé par Xavier à Hélène, Robin portait des lentilles bleues. Deux gardiens par nuit noire avec une telle tenue pouvait être sujet d'interrogations. Comme réponses ceux-ci vous aurez répondu qu'ils allaient à l'inscription pour le tournoi régional des gardiens. Pour cela, ils avaient bien vaincus 10000 criminels, même plus. Et pour les dénombrer, les bracelets n'étaient plus d'aucune aide. En effet, ceux-ci comportaient un écran pouvant contenir que quatre chiffres. Et ils avaient dépassé les 9999 vaincus deux mois auparavant. En tout, leur chasse avait duré cinq mois sur les six donnés à tous les participants. Donc depuis un mois, ils continuaient leurs vadrouilles et assommaient sans jamais savoir le nombre exact de leurs « victimes », ajoutant ceux-ci au compteur interne du bracelet.

               Ils marchèrent dans une petite ruelle, ruelle comme les autres, du moins, en apparence. Car les deux garçons prirent des escaliers menant à une cave. Cave comme les autres aux yeux de tous,sauf à ceux des gardiens qui y connaissaient, un des nombreux locaux des gardiens, servant à cette période de bureau d'inscription au tournoi régional du grand tournoi des gardiens. A la porte, ils s'arrêtèrent. Xavier tourna le dos à la porte marmonnant à Robin :

Xavier : _ Ça m'énerve ce code. Pourquoi c'est aussi compliqué...
Robin : _ Le Binaire. Rien que le binaire. Tout ce que j'aime.

               Robin toqua, alternant tapes douces, tapes forte et silences, remplaçants provisoires des zéros, des uns et des espaces. Quand Robin arrêta, une petite fenêtre au niveau de la porte s'ouvrit, laissant apparaître deux noirs.

??? : _ The password?
Xavier : _ Guardians, superior beings.
Robin : _ Motherfuckers may also be appropriate.
Xavier : _ Ta g***le.
Robin : _ Quoi ?! Je dis que la vérité.

               La porte s'ouvrit sur une salle sombre où on ne distinguait qu'un bureau sur lequel était posé une lampe et un ordinateur, le reste de la salle étant dans l'obscurité. Une seule autre personne était présente dans la salle avec eux : une femme aux cheveux longs noirs lui arrivant au milieu du dos, aux yeux de la même couleur, le visage sévère et une posture droite à faire penser à l'armée. Elle s'assit sur la chaise face à l'ordinateur et fixa ses deux interlocuteurs du regard.

??? : _ Vous êtes bien là pour l'inscription ?

               Les deux jeunes hochèrent la tête pour confirmer. La femme commença alors à pianoter sur son clavier.

??? : _ Vos noms de gardiens ?
Xavier : _ White Dragon.
Robin : _ Black Dragon.
??? : _ Tiens donc, vous êtes les deux petits nouveaux qui font tant parler d'eux !? Le nom de l'équipe ?

               Les deux frères se regardèrent avant de dire à l'unisson :

Robin, Xavier : _ Dragons purifiers.

               Là était la grande spécificité des tournois de gardiens. Dans la vie courante, le choix du gardien de travailler seul était respecté et même dans certains cas, admiré. Mais au fil des décennies, ce choix parut obsolète aux yeux des organisateurs qui décidèrent d'une collaboration entre gardiens comme point fort des tournois. Ce détail important fut le point d'ancrage qui lança la création des clans de gardiens. En effet, où mieux trouver un partenaire que dans son propre clan ? Raison de plus pour les clans majeurs, qui décidèrent d'associer leurs gardiens par niveau pour s'assurer de la finalité des combats, au contraire des gardiens indépendant qui formaient des équipes atypiques et parfois surréalistes.

??? : _ Vos bracelets, s'il vous plaît ?

               Les deux garçons avancèrent leurs bras droits, dévoilant leurs bracelets. La femme les observa minutieusement, inspectant ceux-ci à la recherche d'un détail. Elle trouva vite ce qu'elle cherchait. Un minuscule trou noir sur chacun des bracelets.

Robin : _ Bon, vous avez trouvé les prises. Maintenant, dénombrez vite fait nos actions. En espérant que votre ordinateur ne plante pas sous le poids des messages d'erreur.

               La femme arqua un sourcil. Ainsi, il avait connaissance des prises sur les bracelets, similaires aux prises Jack ? Étrange. Mais plus étrange encore, c'est qu'il savait à quoi servait cette prise et son fonctionnement. Elle brancha chacun des deux bracelets et attendit le décompte des péripéties quotidiennes des deux garçons. Elle s'attendit à quelques message d'erreur, une pour chaque ennemi vaincu en plus des neuf milles neuf cents quatre-vingt-dix neuf signalés par le cadran du bracelet. Cependant, ce fut des dizaines, des centaines.

Xavier : _ Trois cents quatre-vingt neuf. Qui dit mieux ?
Robin : _ Quatre cents vingt-sept. Gagné.

               La femme resta stupéfaite devant la nonchalance et la décontraction du ton avec lequel avait été dit ces phrases.

Xavier : _ Ce n'est pas vrai !! Quand est-ce que j'arriverai à te battre. Espèce d'enfoiré !
Robin : _ Vas-y continue. J'adore être adulé comme un gardien.

               La responsable des inscriptions fut désarçonnée, les yeux exorbités. Mais qui étaient ces deux gosses ? Ils arrivaient comme ça, comme des fleurs et ils démontraient qu'ils étaient des monstres de puissance. Impossible ! Inconcevable ! Elle remarqua que les deux « gosses », comme elle les appelait, la fixait sérieusement.

Robin : _ Alors, c'est bon pour l'inscription ?

               La seule femme dans la pièce secoua la tête frénétiquement pour se remettre du choc avant d'affirmer que l'inscription ne prendrait plus que cinq minutes. Ainsi, cinq minutes plus tard, ils entendirent effectivement :

??? : _ Vous êtes inscrits officiellement au tournoi de Lorraine des gardiens, permettant au vainqueur d'accéder au tournoi national.
Robin, Xavier : _ Merci.

               Elle les observa une dernière fois avant de se lever de son siège et d'ouvrir la porte d'entrée, leur permettant de partir, n'omettant pas de leur remettre un papier sur lequel était inscrit le lieu et la date du commencement du tournoi. Les deux gardiens marchèrent côte à côte jusqu'au bout de la rue avant de disparaître.

               « Vérifie par toi même ». Elle en avait de bonnes, Marie. Comment vérifier la théorie selon laquelle un gardien cache son mal-être dans sa passion ? Hélène se mit à réfléchir. Aux vues des dires de Robin sur es gardiens, celui-ci avait une dent contre eux. Et même une sacrée dent. Qu'est-ce qui pouvait retourner un gardien contre les siens ? Plein de réponses à cette question vinrent à l'esprit d'Hélène. Une prit une place considérable : il avait été trahi par un gardien. Selon elle, ce ne pouvait être que ça. Hélène voyagea dans sa chambre jusqu'à sa chaine Hi-fi, lançant un de ses innombrables CD de musique. Pour elle, Robin était si mystérieux, si hypnotisant, si craquant... Quoi ?! Craquant ?! Mais à quoi elle pensait ? Il était moche ! Avec son air hautain, ses phrases acides, son regard...envoûtant, sa mélancolie maladive, sa détresse attendrissante... Hélène ne savait plus où elle en était. Ce qu'elle savait, c'est qu'elle faisait une fixation sur Robin. Cette histoire de gardien la rendait folle. Il fallait maintenant qu'elle la règle au plus vite avant de voir certains sentiments se dévoiler.

               Robin se tenait sur le toit de sa maison, toujours en habits de gardien. Aujourd'hui encore, il souffrait. Depuis des années, cette douleur lancinant le relançait et lui faisait comme si de rien n'était. Mais bientôt, tout allait changer, cette douleur disparaîtrait avec elui qui l'avait causé.