L'infirmière fait une de ces têtes en me voyant. J'ai l'impression d'être un monstre qui vient troubler son monde.


- Bonjour M'dame
- Bonjour. Tu veux quoi ?
- Me désinfecter la tête.
- Aie ! Tu t'es fais ça quand.
- Hier. Je suis tombé dans l'escalier.


Qu'est ce que je l'aurais dit cette phrase là en quelques jours ! L'infirmière me dit de m'asseoir et part chercher de quoi désinfecter. Pendant quelques secondes, j'hésite à partir. Mais finalement je reste.

Au bout du compte, je me maudit d'être resté. Le désinfectant me brûle la face. Je douille sévère. Je pousse un juron, l'infirmière fait mine de ne pas entendre. Justine pouffe.

Je vois pas ce qu'il y a de drôle. Je comprends enfin lorsque je me regarde dans le miroir. Cette connasse d'infirmière m'a mis du mercurochrome sur mes blessures ! Je rage !


- Eh ! Je croyais que ce produit n'était plus commercialisé en France.
- C'est vrai. Mais il nous en reste encore.
- C'est n'importe quoi. Je ...


Je suis vert ! J'ai l'impression de m'être fais avoir une fois de plus. Je quitte l'infirmerie sans dire un mot de plus sous le regard amusé de l'infirmière et Justine. Celle-ci me rattrape.


- Je t'avais dit de pas aller à l'infirmerie.
- Tu me veux quoi Justine à la fin. Je t'ai jamais rien demandé ! Avant je vivais ma vie tranquille ! Et depuis que tu m'as embrassé, j'ai l'impression que tout déraille ! Qu'est ce je t'ai fais ? Tu me fais chier. C'est à cause de toi tout ça.
- Non, je ...
- Oui, et ben va te faire voir !
- Attends Jack !

Je n'attends pas. Je rejoins la classe. Ouvre la porte et vais m'asseoir sans un mot. Le prof de philo me regarde en souriant. Pas moi, je lui jette un regard noir. Il reprend son cours.

Depuis que cette fille s'est brutalement incrusté dans ma vie, tout est bouleversé. Mon quotidien part en fumée. Je ne sais plus quoi faire. Tout allait bien avant qu'elle débarque d'un seul coup. Je lui en veux.

Et en même temps, je me rends compte que je me suis comporté comme un salaud. Elle voulait simplement m'aider après tout. Non, c'est pas vrai. Elle ne fait que m'attirer des ennuis. Faut que j'arrête de penser à elle. Elle va me rendre folle !

- Alors tu vas mieux ?
- Ta gueule Pierre. Je suis pas d'humeur.
- C'est à cause du contrôle de maths cet après midi ? T'inquiète, ça va aller. T'assures en maths. Te prends pas la tête pour ça. T'es le meilleur.
- Ta gueule ! J'en ai rien à foutre de ton contrôle à la con. J'en ai rien à foutre de toi. J'en ai rien à foutre !
- Ah sacré Jack. Moi aussi des fois, je suis pas d'humeur. Mais faut pas se prendre la tête.

Je ne dis rien. Si je continue, je vais finir par le frapper. Je me mets à compter les secondes qui passent pour oublier mes problèmes. Au bout 782, je finis par abandonner. Ça me prend la tête de compter les secondes.

J'ai l'impression que le cours se fait interminable. Les minutes s'étirent comme de la guimauve. Je n'en peux plus.

Lorsque vient enfin la récrée, Paul arrive à ma hauteur.

- T'est mort ce soir. Tu vas regretter ce que tu m'as fait tout à l'heure.

Je ne réponds rien. J'avoue que j'ai la trouille. Je ne me sens pas capable d'encaisser comme je l'ai fait hier.
J'ai peur. Mon ventre se soulève. Il faut que je trouve une alternative. Je vois Paul quitter la classe. Comment je vais faire.

Soudain je vois Justine passer. J'hésite.

Je l'appelle.


- Justine !
- T'as pas peur que je t'apporte de nouveaux ennuis cette fois ci ?
- Désolé pour tout à l'heure. J'ai les nerfs à vif en ce moment.
- Viens en au fait.
- Je veux bien te parler.
- Tout de suite ?! Dit-elle avec un grand sourire.
- Non, je dois voir Édouard. Mais promis, ce soir on se parle !
- D'accord. A ce soir alors. A la fin des cours.


J'ai réglé le problème Paul. Si je suis avec Justine, il n'osera pas venir. Mais d'un autre côté, je ne suis pas sur que je me soit engagé dans un chemin plus simple.

Qu'est ce que je vais faire ?

Je rejoins Édouard. J'ai besoin de lui parler pour avoir des conseils.
Il est dans la cour. Sur un banc tout seul et lis un roman. « La nuit des temps » de Barjavel.

- Laisse tomber Édouard. C'est comme Roméo et Juliette. Dans cette histoire, le couple aussi finit tragiquement.
- Je sais, je l'ai déjà lu. Faut croire que j'aime ça.
- Si tu veux une histoire dans le même genre. J'en ai une.
- Ah oui ?
- Ma vie ! Paul veut de nouveau me frapper, et Justine veut me parler.
- C'est ta déléguée. Rien d'incroyable.
- Oui, mais elle m'a embrassée avant hier. Et depuis elle veut me parler.
- Tu déconnes ?
- Non. J'ai une tête à déconner.
- T'as surtout une tête rouge ! Non, elle doit vouloir te parler pour te dire que c'est une erreur. Qu'elle s'en veut de t'avoir embrasser. Qu'elle était désespérée...
- Enfoiré ! Je fais quoi ?
- T'assumes. T'as dit que tu voulais bien discuter avec elle, alors tu le fais.
- J'adore tes conseils !
- Oui, moi aussi...

On éclate de rire à deux. Ça fait du bien de se lâcher un peu. Je sens la pression diminuer. Je me sens mieux à présent.

- Bon, je te montre comment faire avec une fille.
- Quoi ? T'es aussi doué que moi !
- Tais-toi. Regarde la fille qui est là-bas. Je vais la draguer.
- Tu perds ton temps. Cette fille là aussi c'est une S;
- On va faire avec.


Je regarde Édouard s'éloigner. Me marrant déjà rien qu'à l'idée de le voir échouer.

Il aborde la fille. Discute avec elle pendant un petit moment. Sort son agenda, la fille écris quelque chose dedans puis Édouard revient vers moi.

- C'est bon !
- Qu'est ce qui est bon ?
- J'ai son numéro de téléphone !
- Hein ? Comment t'a fais ?
- Je lui ai demandé si elle connaissait Barjavel comme je l'avais déjà vu au CDI lire des livres. Elle me dit que oui. Je lui ai demandé si elle en avait à me prêter. Elle me dit que oui une fois de plus. Alors j'ai pris son numéro de téléphone pour en reparler plus tard et pour se voir à un moment plus sympa pour en discuter.
- Je rêve. Je saurais jamais faire ça moi.
- Ben, tu vas devoir le faire ce soir.
- C'est pas sur. J'ai aucune idée de ce qu'elle veut.
- Moi non plus Jack, moi non plus.

Je regarde Édouard, et je sens que la journée va passer très vite.