Le lendemain lorsque je me réveille, je vais mieux. Je n'ai plus autant mal au visage, juste quelques bleues sur la joue et le front.
Ça me fait une sale tête quand même. J'ai l'impression de ressembler à un tableau de Picasso. Je grimace, faudra faire avec.

Quand je rentre dans la classe, on me regarde de façon furtive. Personne n'ose me dévisager, comme je me suis jamais vraiment mêlé avec les gens de la classe : personne ne vient me parler. Ils ont l'air gêné en me voyant comme ça.

- C'est bon, j'ai rien. Je suis tombé dans l'escalier.

La tension retombe. Quelques filles viennent alors me voir pour demander si ça va. J'essaye de répondre en étant gentil. J'ai pas vraiment l'habitude. Mais je m'en sors plutôt bien. J'ai compris comment j'allais prendre ma revanche sur Paul : je vais faire en sorte de devenir populaire. A un point qu'il ne pourra plus me toucher sans risquer des représailles.

Mais ça va me prendre tu temps. Et je ne sais pas si j'y arriverais.

Paul entre dans la classe. Je cherche à capter son regard. Il me bouscule.

- Commence pas dès le matin l'autiste !
- Pas trop dur de te regarder ce matin dans le miroir ?
- Pas plus que toi à mon avis.
- J'ai pas de problème de conscience moi.
- Parce que tu penses que j'en ai ?
- Dans ce cas t'es encore pire que je pensais.
- Tu veux quoi ?
- T'as peur de moi Paul. Tu trembles ! De nous deux, qui est le plus faible ?


J'ai touché juste. Paul s'énerve et ne se contrôle plus. Je vois son poing foncer sur moi. Je m'écarte mais c'est déjà trop tard. Je reçoit le coup en plein ventre. Je fais exprès de tomber en arrière.

- T'es complètement malade Paul ! Tout parce que je t'ai demandé de me prêter un livre ?

Dans la classe, les gens s'agitent. Des garçons viennent empêcher Paul de me frapper de nouveau. Tandis que le groupe de fille de tout à l'heure arrivent pour m'aider à me relever.

- Tu vas bien ?
- Oui, c'est bon. Ce gars est malade.
- Tu veux aller à l'infirmerie.
- Non, je vais mieux.

Je m'assoit à ma place. Je viens de gagner un point contre Paul. Je suis content, il vient de perdre de l'estime de pas mal de personne en frappant un gars sans histoire. Et moi, je viens de gagner du soutien. Et peut-être même quelques amis.

- Tombé dans l'escalier ? Me souffle une voix.

Cette voix ! C'est Justine ! Je me retourne. Mince, je me rends compte qu'avec la gueule cassé, je dois pas être beau à voir. Je tente un timide sourire.

- Tu me feras pas croire ça.
- Ah bon ? J'ai pas d'autres versions.
- Viens à l'infirmerie. Faut voir si c'est pas grave.
- Ca va aller. Je suis pas mort.
- T'as désinfecter ?
- Oui, j'ai passé de l'eau sur le visage.
- J'appelle pas ça désinfecter.

Elle m'attrape par le bras. Décidément ça devient une habitude. J'ai l'impression de plus avoir mon mot à dire. J'enlève mon bras.

- Et si je veux pas y aller ?

A ce moment là Pierre entre dans la classe. Son sourire naïf plaqué sur sa tête d'abruti.

- Ok, on y va.
- Je suis contente que tu m'écoutes enfin.
- Pierre. Dis à la prof que je suis à l'infirmerie.
- D'accord. Pourquoi ? Oh, ta tête ! T'es tombé ? Tu vas bien ? Je peux venir avec toi ?
- C'est bon. Je sais y aller.

Pierre me regarde avec un air de chien battu qui peut pas accompagner son maître en balade. Justine me prend de nouveau le bras, et me tire en dehors de la classe.

Au moment de tourner à gauche pour aller à l'infirmerie, elle tourne à droite. Sceptique, j'arrête d'avancer.

- L'infirmerie c'est de l'autre côté.
- Je sais. On va pas à l'infirmerie.
- Mais pour désinfecter ?
- T'as passé de l'eau sur ton visage ?
- Oui.
- Bah alors c'est bon.
- Je comprends pas.
- Joue pas à l'enfant s'il te plaît. Je veux te parler.
- Et moi aller à l'infirmerie.

Je m'assoit pas terre et refuse d'avancer plus. Justine lève les yeux au ciel. Je ne bouge pas.

Cela dure peut-être un minute lorsque le CPE déboule dans le couloir.

- Que faîtes vous ?
- On va à l'infirmerie ! Dis-je alors.
- C'est de l'autre côté.
- Je sais, je me suis assis car j'avais mal aux jambes.
- Qu'est ce que tu as.
- Je suis tombé dans l'escalier.
- Dépêchez-vous.

Le CPE quitte le couloir. Je lance un grand sourire à Justine qui, elle, soupire.

- Un point pour moi.
- C'est pas un jeu Jack !
- Ah non ?

Elle ne répond rien et m'emmène à l'infirmerie.